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La Bible le Coran et la science

Si l'on se tourne à présent vers ce que nous enseignent les Exégètes musulmans on physiologiques et embryologiques du Coran » ces données constituant



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ECOLE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALESFormation doctoraleBriser la mosaïqueLien social et identités collectiveschez les chrétiens de Madaba, Jordanie1870-1997

Thèse présentée en vue de l'obtention du Doctorat d'Histoireet Civilisation de l'Ecole des hautes études en sciences socialespar Géraldine CHATELARDJury :

M. François POUILLON, EHESS, président du juryMme Lucette VALENSI, EHESS, directrice de thèseM. Rémy LEVEAU, IEP, ParisM. Riccardo BOCCO, IUED, Genève14 janvier 20001

"La réalité a le caractère d'un continuum.La prose qui correspond à la réalité, peu importe

avec quelle détermination et quelle minutie, peu importe avec quelle efficacité et quelle fidélité, est toujours une série discontinue".Ossip Mandelstam, Carnets, 1931-19322

REMERCIEMENTSTâche délicate que celle de rendre hommage à tous ceux, individus et institutions, qui m'ont

accompagnée au long de ce travail. Elle s'apparente quelque peu à une recherche généalogique, tant la genèse

du projet paraît aujourd'hui lointaine, aussi bien dans l'espace que dans le temps. Je procéderai donc

chronologiquement et géographiquement. C'est d'abord, entre 1991 et 1994, un séjour de plusieurs années à Jérusalem qui a éveillé mon intérêt

pour les chrétiens du Moyen-Orient, objet, il faut bien l'avouer, qui n'était que fort périphérique par rapport à

mes intérêts académiques du moment. Je tiens donc, en premier lieu, à remercier Philippe MERRICHELLI, qui m'a

fait découvrir l'ouvrage du Père Jaussen sur les tribus de Moab et m'a ouvert une porte sur l'univers, nouveau

pour moi, des chrétiens arabes. Il y eut aussi le Père `Iyad TWAL, séminariste latin à l'époque, qui fut ma toute

première introduction pratique à Madaba et à ses ancêtres "bédouins", comme il aimait à le rappeler. L'Ecole biblique et archéologique française de Jérusalem, en la personne des Pères Jean-Michel de

TARRAGON, Jean-Baptiste HUMBERT et Marcel SIGRIST, a été un lieu plus qu'accueillant ; j'ai pu travailler à loisir

dans sa photothèque et sa bibliothèque, sans laquelle une grande partie des ouvrages des voyageurs du XIXe

siècle m'aurait été difficilement accessible depuis le Moyen-Orient. Passée sur la rive orientale, il est bien évident que ma gratitude première va au Centre d'études et de

recherches sur le Moyen-Orient contemporain (CERMOC), aux membres de son conseil scientifique et à ses

directeurs successifs : Jean HANNOYER et Elisabeth PICARD. De 1994 à 1998, c'est au sein de son antenne

d'Amman que j'ai bénéficié d'un soutien sous la forme d'une allocation de recherche, puis d'une bourse

Lavoisier qui m'ont permis de mener à bien ma recherche dans une grande proximité avec le terrain. Au-delà

de considérations financières, le CERMOC a fonctionné avant tout comme une équipe de recherche grâce à

laquelle j'ai vraiment reçu la formation pratique en sciences humaines et sociales qui me faisait défaut. Que

Riccardo BOCCO, secrétaire scientifique du CERMOC d'Amman, qui fut l'animateur de cette équipe, reçoive ici le

témoignage de ma très vive reconnaissance. Il serait fastidieux de mentionner tous ceux qui, chercheurs en résidence ou de passage, débutants ou

confirmés, ont fécondé ma réflexion, parfois de façon très indirecte. Certains méritent cependant une mention

particulière : Brigitte CURMI, Jean-François LEGRAIN, Bernard BOTIVEAU, Jean et Françoise MÉTRAL, Henry

LAURENS, Jean-Christophe AUGÉ. Je n'oublie pas toute l'équipe administrative du CERMOC, qui n'a jamais été prise

en défaut pour me faciliter le quotidien d'un séjour jordanien de longue durée. Quant aux interlocuteurs du "terrain", ils furent si nombreux, si également chaleureux et le terrain si

vaste que je suis condamnée à ne citer que ceux qui furent les plus proches : les Pères `Imad TWAL, INOKENTIOS,

George AL-FAR, tous ecclésiastiques à Madaba, qui n'ont jamais compté le temps qu'ils m'accordaient, m'ont

ouvert aussi bien leur table que les archives de leurs paroisses respectives, m'ont servi de mentors auprès de

leurs paroissiens ; le Dr Suhayl TWAL, qui m'a, plus que tout autre, obligée à voir plus loin que Madaba pour

comprendre Madaba ; le Dr Sami NAHHAS, qui m'a faite dépositaire de ce qu'il ne pouvait écrire de l'histoire de

sa ville ; Lu'lu' SHWAYHAT et le cocon confortable de sa pension de famille. Il y eut aussi tous ceux qui, à Amman et ailleurs en Jordanie ou en Palestine, ont contribué a enrichir

une réflexion dont j'ai la conviction qu'elle n'aurait pu aboutir si le terrain avait été plus circonscrit et la

recherche plus limitée dans le temps. Je pense, en particulier, à `Asem AL-`OMARI, Samer HADDADIN, Rania

SABANEKH, Sami TWAL et, surtout, à Mme Flavia ROMERO.

Mentionnons un séjour à Rome, également, grâce à une bourse de l'Ecole française, qui m'a permis de

consulter, un mois durant, en novembre 1997, les archives de la Congrégation pour la propagation de la foi et

la riche bibliothèque du palais Farnese. A Paris, il est bien certain que j'ai mis la patience de Mme Lucette VALENSI, ma directrice de thèse, à

rude épreuve. Elle ne m'a pourtant jamais ménagé ses encouragements, a su orienter mes lectures et corriger

mes maladresses dans un domaine théorique où je manquais terriblement de repères. Enfin, si tant est que l'environnement quotidien influe sur l'écriture, je ne saurais oublier l'amitié de

Julien BOUSAC, grâce à qui l'enfermement nécessaire à la rédaction a été illuminé de bien des manières. Institutions, chercheurs, professeurs, interlocuteurs de terrain qui sont devenus des amis, amis qui ont

éclairé le terrain ou l'écriture, merci à tous. 1

TABLE DES MATIERESRemerciements 1

Note sur les abréviations et la translittération 5

INTRODUCTION 6

PROLOGUE : De Kérak à Madaba. Logiques lignagères et logiques missionnaires 28

I- Les Ottomans en Syrie méridionale 30

II- Préoccupations missionnaires 31

III- Le brouillage des frontières religieuses et sociales 34

IV- Un embryon d'organisation communautaire 36

V- Les chrétiens dans l'ordre politique tribal 40 VI- La prise de conscience d'une identité particulière 43 VII- Fragmentation confessionnelle et rupture politique 44

Conclusion du prologue 48

PREMIÈRE PARTIE : Fonder Madaba. L'Eglise et la construction des identités communautaires, 1870-1923 51

I- Missionnariat et recompositions identitaires 55

I.1- Le patriarcat latin de Jérusalem 55

I.1.a- Une Eglise de mission 55

I.1.b- L'école : instrument de la mission 57

I.1.c- L'arabisation du clergé 62

I.2- Marquer les frontières confessionnelles 66 I.2.a- Les signes d'une temporalité d'un espace chrétiens 68 I.2.b- Le contrôle des alliances matrimoniales 71 I.2.c- Un nouvel horizon d'expérience religieuse 75 II- Des appartenances religieuses aux identités politiques 79 II.1- Intégration économique et différenciation sociale 80

II.1.a- La terre : conflits et partenariat 81

II.1.b- Commerce et réseaux 83

II.1.c- Les signes du changement social. 85

II.2- Intégration politique et leadership 86

II.2.a- Le jeu des alliances tribales 86

II.2.b- Le missionnaire comme médiateur 88

II.2.c- Ordre tribal et ordre impérial 91

II.3- Les dimensions des identités politiques 95 II.3.a- Arabisme et identités communautaires 95 II.3.b- Les chrétiens dans la guerre protégés ou Arabes ? 97

Document - Les dissidences de Salim Marar102

Conclusion de la première partie105

2

DEUXIÈME PARTIE : Conquérir Madaba. L'Etat hachémite et les espaces des identités chrétiennes, 1923-1970109

I- Espaces communautaires et espaces politiques vus d'en haut113 I.1-Entre autonomie et dépendance : l'Etat et les communautés113 I.1.a- Les frontières juridiques de l'espace communautaire114 I.1.b- L'Eglise orthodoxe, entre l'Etat et la communauté117 I.1.c- L'Eglise latine, entre l'Etat et le transnational.121 I.2-L'élaboration d'une société politique : discours et pratiques du régime127

I.2.a- Minorités et majorité en question128

I.2.b- Le clientélisme en action, la famille comme justification132 II- Espaces communautaires et espaces publics à Madaba136 II.1- Le clergé et le cadre communautaire de la reproduction sociale137 II.1.a- Résister à la pénétration de l'Etat 138

II.1.b- Relayer le discours de l'Etat142

II.2- Les femmes et les frontières des groupes147 II.2.a- Des outils des stratégies masculines148

II.2.b- Des agents de la contestation 153

Document - Lu'lu' Shwayhat au service de la communauté des femmes155 II.2.c- Harim, `ird et frontières confessionnelles156 II.3- Près du pouvoir, loin du pouvoir : loyalisme et contestation à Madaba159

II.3.a- Les chrétiens du roi.160

II.3.b- Madaba la rouge167

II.3.c- Anciennes alliances et nouveaux réseaux170

Document - "L'affaire de 1956"179

Conclusion de la deuxième partie181

TROISIÈME PARTIE : Défendre Madaba. L'identité tribale contre les logiques minoritaires, 1970-1997 185

I- Une minorité chrétienne dans une cité musulmane188

I.1- Les reconfigurations des espaces publics189

I.1.a- Musulmans et Palestiniens dans la politique locale189 I.1.b- Musulmans et chrétiens dans la géographie municipale192 I.2- La reconfiguration des espaces communautaires196

I.2.a- Faire front197

I.2.b- Dynamiser les communautés200

II- Regagner le centre : l'imaginaire historique208 II.1- Madaba, lieu d'une mémoire chrétienne208 II.1.a- Continuité religieuse et tradition urbaine208 II.1.b- Histoire sacrée et élection de la communauté211

II.2- Arabité et histoire lignagère215

II.2.a- De la Bible aux Arabes chrétiens215

II.2.b- Conflits de savoirs et de pouvoir : l'histoire du lignage217 II.3- Le langage du lignage : rassembler pour séparer222 II.3.a- Histoire et territoire : nous et les autres223 II.3.b- Histoire fragmentaire et grande histoire :nous et le roi 227 III- Regagner le centre : investir les espaces politiques 230 III.1- Redonner corps au lignage : la jama`iyeh231 III.2- La tribu comme nouvelle unité politique233 III.3- Au-delà des solidarités primaires : les élections législatives de 1997238 Document - Le Dr Suhayl Twal : de la tribu, regarder plus loin que la tribu241

Conclusion de la troisième partie246

3

CONCLUSION252

BIBLIOGRAPHIE263

ANNEXES284

Tableaux : 1- Mariages et excommunications, paroisse latine de Madaba, 1880-19212- Nomenclature et taille des tribus du Balqa' vers 19003- Effectifs des élèves des écoles de Madaba par confession, 1950-19974- Statistiques de la paroisse latine de Madaba, 1950-19975- Elections législatives de novembre 1997, circonscription de Madaba,répartition des électeurs chrétiens par tribusDocuments écrits :

1- Sentence d'excommunication émise par le patriarche latin de Jérusalem à l'encontre de Nada al-Qsar, 19312- Faire-part d'ordination du diacre Jawad al-`Alamat, 19963-Brochure publicitaire pour le complexe Haret Jdoudna, MadabaPhotographies :

1-Le sheikh Ya`qub Shwayhat, vers 1908, photo EBAF2-Femmes de la tribu des `Azayzat à leur campement, vers 1908, photo EBAF3-Fillettes de l'école latine de Madaba et soeurs du Rosaire, vers 1908, photo EBAF4- Le missionnaire latin de Madaba et les hommes des `Azayzat, vers 1908, photo EBAF5- Don J. Panfil en bédouin avec les anciens des `Azayzat, vers 1910, photo EBAF6- L'icône de la Vierge dans l'église orthodoxe de Madaba7- La carte mosaïque dans l'église orthodoxe de MadabaCartes :

1-Divisions administratives, Syrie du Sud, fin de l'époque ottomane2-Localités des districts de Salt et Kérak, fin de l'époque ottomane3- Localisation des tribus transjordaniennes vers 19084- Le village de Madaba en 18915- Madaba et ses environs vers 1930Dans la jaquette : Carte touristique de Madaba dans les années 19904

Liste des abréviations des références aux archivesAMM:Archives de la municipalité de MadabaAMV,SS:Archives de la Marine française, Vincennes, services secretsAPLM:Archives de la paroisse latine de MadabaAPLJ:Archives du patriarcat latin de JérusalemAPMM:Archives de la paroisse melkite de MadabaAPOM:Archives de la paroisse orthodoxe de MadabaASCPF,SC:Archives de la Sacrée Congrégation pour la propagation de la foi, Rome, Série ''Scritture riferite nei Congressi''Note sur la translittération des termes et noms propres arabesA l'exception des noms propres de personnalités d'usage commun dans la langue française

(le roi Hussein, par ex.), et des termes arabes adoptés par le dictionnaire Robert, nous avons utilisé

le système de translittération simplifiée qui n'utilise pas de points diacritiques, ne marque pas les

voyelles longues et ne rend pas les emphatiques : - L'attaque vocalique du hamzah est marquée par une apostrophe droite ( ' ), la contraction

vocalique du `ayn est marquée par une apostrophe transversale ( ` ).- L'article défini al- a été translittéré en respectant la morpho-phonologie : at- (devant t), az-

(devant z), ash- (devant sh), etc. A noter qu'en plus des lettres dites " solaires » de l'arabe classique

(qui assimilent le lâm de l'article) le jîm s'assimile aussi dans tous les dialectes du Bilad ash-Sham.Le dialecte jordanien présente quelques particularités phonétiques par rapport à la

prononciation de l'arabe classique :

- Le tâ' marbutah, en finale, est la plupart du temps réalisé dans un phonème qui se rapproche

du /é/ français. Il a été translittéré par eh ou et en liaison.- Certains locuteurs réalisent le qâf dans un phonème similaire au /gue/ français ; lorsque

c'était le cas, il a été translittéré par g. Dans les milieux palestiniens citadins, il est élidé et remplacé

par une attaque vocalique ( ' ).- Le zâ' emphatique est toujours réalisé en zây sourd.5 Introduction" Tout ce qui est pluralité est inquiétude ».

Paracelse, XVe-XVIe sciècle6

"L'instant d'avant, il n'y avait rien, sauf une grosse chose plate qu'on voyait à peine, tant elle allait de soi, et qui s'appelait "le" Pouvoir ou "l'" Etat ; nous autres, nous étions en train d'essayer de faire tenir debout un morceau d'histoire où ce gros noyau translucide jouait les utilités, à côté des noms communs et des conjonctions ; mais ça ne marchait pas, quelque chose ne tournait pas rond et les faux problèmes verbaux, du genre "idéologie" ou "rapports de production", tournaient en rond, eux. Brusquement nous "réalisons" que tout venait du gros noyau, avec son faux naturel ; qu'il fallait cesser de croire qu'il allait de soi, mais le réduire à la

commune condition, l'historiciser. Et alors, à la place qu'occupait le gros ce-qui-va-de-soi, apparaît un étrange petit objet d' " époque », rare, biscornu,

jamais encore vu". Paul Veyne, "Foucault révolutionne l'histoire", in Comment on

écrit l'histoire, 1971, p. 361.RRare et biscornu, c'est ainsi que l'objet que je me propose de suivre se donne à voir aux deux

extrémités d'une séquence historique qui commence dans la Syrie du Sud des années 1870 et se

termine dans la Jordanie hachémite des années 1990. Car cet objet ne se situe par rapport à aucune

théorie sur "l'éternel musulman" ou sur l'éternelle "dhimmitude", chère à Mme Bat Ye'or. S'il s'agit

bien de parler de chrétiens dans un environnement musulman, les paradigmes classiques de l'analyse

des chrétiens d'Orient en termes de millet ou de minorité n'en sont pas moins insuffisants à rendre

compte de cet objet. Tout comme, d'ailleurs, les périodisations le plus souvent adoptées par les

sciences sociales, qui posent une rupture entre l'Empire ottoman et les Etats contemporains du Moyen-Orient arabe. J'y reviendrai plus loin. Cet objet m'a d'abord intriguée, car il semblait

justement demander révision des théories prévalentes, mais, pour les mêmes raisons, il me faisait

douter de sa légitimité scientifique. A cette époque, je n'étais pas historienne. Ma formation

d'arabisante comprenait bien des enseignements qui couvraient l'histoire musulmane "des origines à

nos jours" et qui se présentaient sous l'intitulé général de "cours de civilisation". Ces derniers,

marqués par la tradition islamologique, n'étaient pas exempts d'un certain néo-orientalisme traversé

par des notions telles "le politique en islam" (comprenez "son essence") ou "l'ordre social musulman"

(comprenez "ses structures constantes à travers les âges"). Bref, je n'étais pas préparée pour aborder

sereinement un objet aussi "biscornu", dont il est temps de dire quelques mots, ou plutôt de relater

comment il s'est présenté à mes yeux, étant bien clair qu'à ce moment-là il ne constituait pas encore

pour moi un "objet d'étude". La description qui va suivre pourra paraître naïve ; je la revendique

comme telle. Ma démarche n'a pas consisté en une approche théorique qui cherchait sa vérification

sur le terrain, mais au contraire en l'appréhension conjoncturelle d'une réalité sociale que j'ai ensuite

construite comme objet historique avec les outils théoriques qui m'ont paru les mieux adaptés. 7

I. Des bédouins chrétiens Durant l'été 1993, je fis un séjour touristique en Jordanie depuis Jérusalem, où je résidais

depuis quelques années. Un de mes contacts dans le royaume était un jeune Jordanien, séminariste

latin (romain catholique) en Cisjordanie. Il était alors en congé dans sa famille à Madaba, ville de

quelque 70 000 habitants située à une trentaine de kilomètres au sud d'Amman et l'une des principales attractions touristiques de la Jordanie du fait de sa riche collection de mosaïques byzantines. Je passai deux jours chez mon ami, durant lesquels nous nous rendîmes au mariage de

son cousin. Le déroulement des réjouissances me surprit. Après la cérémonie d'usage dans l'église

latine, tout le monde se dirigea vers la maison des parents du marié. Une vaste tente bédouine avait

été dressée dans le jardin ; elle était réservée aux hommes, chrétiens et musulmans, qui y buvaient le

café amer et qui ne manquèrent pas de faire usage d'un véritable arsenal pour tirer en l'air à plusieurs

reprises. En fin d'après-midi, de grands plats de mansaf (riz au mouton des grandes occasions) furent

servis, où l'on piocha directement avec les mains. Les femmes, toutes chrétiennes, étaient dans la

maison, atmosphère plus festive de musique et de danse. Une ségrégation entre sexes était respectée.

Elle était toutefois moins stricte que lors de mariages musulmans dits "traditionnels" : des hommes

entraient dans la maison, mais l'on me précisa qu'ils étaient tous chrétiens ; quelques femmes (des

"personnalités", me dit-on) allèrent même brièvement saluer les hommes sous la tente, ce que je fus

moi-même invitée à faire. Je n'étais pas novice en matière de mariages "chrétiens" ou "musulmans",

ayant eu l'occasion d'être invitée fréquemment par des familles palestiniennes de Jérusalem ou des

villages de Cisjordanie. Chez les musulmans pieux, la séparation entre les sexes était absolument

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