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e

ANNÉE - Nº 17468 -7,50 F - 1,14 EURO FRANCE MÉTROPOLITAINE FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY - DIRECTEUR : JEAN-MARIE COLOMBANIVENDREDI 23 MARS 2001

AFP

Quelqu"un recevra-t-il Mir sur la tête ?

CHANSON

Thiéfaine,célèbre inconnu

EPIC CORSE

Armata :la menace

PROCÈS

L"honneurde M. Dumas

AFP

VA-T-ELLEenfin tomber ? Quand ? Vendredi

matin, peu après 7 heures (heure française). Où ? En principe dans le Pacifique sud. Au petit jeu des pronostics, perturbé ces derniers mois par des officiels russes qui changeaient constam- ment la date de la destruction de la station Mir et par un soleil capricieux qui la modifiait à son tour, les Terriens ont perdu leur latin. Aujour- d"hui, il y a ceux - la grande majorité - qui se ras- surent parce que la station spatiale ne les survo- lera pas dans son ultime orbite, et puis il y a les autres : les " mirolâtres », les inquiets et les inté- gristes du calcul de trajectoire.

Pour les adeptes de la technique toute-puis-

sante, l"affaire est ficelée. La station Mir, après trois " injections mortelles » données par le moteur du vaisseau cargo Progress, qui s"y est arrimé à la fin du mois de janvier, plongera dans l"océan entre les côtes orientales de l"Australie et de la Nouvelle-Zélande, et la pointe sud du Chili. Aucun risque. Cette zone, véritable cimetière d"engins spatiaux en raison des nombreux satelli- tes qui y ont déjà été immergés, est vide de tou- te population.

Enfin, presque. Car à y bien regarder, il existedans cette région un nombre considérable d"îles

aux frontières de la zone d"impact - 5 000 km de long sur 200 km de large - dont les habitants, peu confiants dans la magie des calculs, ont rete- nu deux points des déclarations des experts de l"Agence spatiale russe (RKA). L"opération pré- sente 2 % à 3 % de risques d"erreur, et 27 tonnes de débris, sur les 140 tonnes que pèse cette sta- tion grande comme l"Arc de triomphe à Paris, arriveront jusqu"à la mer. Alors, tous aux abris !

Prudente, la Russie a quand même souscrit

une assurance de 200 millions de dollars auprès de trois compagnies russes, qui se sont aussitôt réassurées à Londres. Même si les Américains confirment la capacité de leurs confrères à gérer la chute d"engins spatiaux, jamais encore un ensemble aussi important que Mir n"a été préci- pité dans l"océan.

Chacun se souvient aujourd"hui de la station

soviétique Saliout-7, qui, il y a quelques années, a achevé sa course dans les Andes, à la frontière de l"Argentine et du Chili, du satellite Cos- mos-954, qui a éparpillé les débris de son réac- teur nucléaire dans une zone désertique du Canada, et du laboratoire spatial américain Sky-lab, dont des morceaux ont arrosé l"Australie. Des événements que les Polynésiens et le gou- verneur du" nombril du monde », l"île de Pâques, Alfredo Tuky Pate, n"ont pas oubliés. " Une fois que l"appareil sera rentré dans l"at- mosphère, quasiment désintégré, nous ne savons pas, a déclaré celui-ci,si nous allons recevoir plus d"un morceau de ce que fut la station Mir. La Rus- sie devrait rapatrier ses immondices scientifiques chez elle et non les jeter n"importe où. » La protection des géants de l"île de Pâques suf- fira-t-elle à repousser les débris et à protéger une flottille de pêche de vingt bateaux qui se trouveraient, dit-on, dans la zone d"impact ? Il faut l"espérer et prier avec l"ancien cosmonaute russe Guennadi Stekalov, qui" invite à deman- der pardon à la station Mir pour n"avoir pas su la sauver », et avec ces nostalgiques du grand empi- re qui, prêtre orthodoxe en tête, ont dénoncé cette destruction qui participe au" génocide du peuple russe ». Jean-François AugereauInternational................ 2

France............................ 6

Société........................... 9

Régions......................... 11

Carnet............................ 12

Horizons ....................... 14

Entreprises................... 18

Communication........... 20Tableau de bord .......... 21

Aujourd"hui.................. 25

Météorologie-Jeux...... 28

Culture .......................... 29

Guide culturel.............. 31

Kiosque ......................... 32

Abonnements .............. 32

Radio-Télévision......... 33

Rejeté, à ses débuts, par les maisons de

disques, banni des radios FM, absent des télévisions, Hubert-Félix Thiéfaine (photo), cinquante-deux ans, a vendu quatre millions de disques à ce jour. Il peut se vanter d"avoir écrit un tube -La Fille du coupeur de joints êqui n"a pratiquement jamais été diffusé à la radio. Histoire mystérieuse d"un Juras- sien surréaliste. p. 29 fwww.lemonde.fr/elf

Une voiture contenant des explosifs,

dont le système de mise à feu avait été retiré, a été découverte par la police, jeudi 22 mars, porte Brancion, à Paris. Le véhicule a été localisé grâce aux informations transmises à plusieurs organes de presse par un interlocuteur anonyme s"exprimant au nom du grou- pe clandestin corse Armata corsa.

L"auteur de ces appels a expliqué qu"il

s"agissait de marquer, curieusement, une forme de " trêve » décrétée par l"organisation après les progrès récents réalisés dans l"enquête sur l"assassinat de Jean-Michel Rossi. La bombe était composée de bouteilles de gaz, sans détonateur. p. 34 a

IL FAUTattendre trop long-

temps au guichet, le télépho- ne ne répond pas souvent, les for- mulaires sont incompréhensibles et les horaires inadaptés : les Fran-

çais continuent de se plaindre des

administrations auxquelles ils ont affaire. Entre eux et ceux qu"ils considèrent comme des mania- ques du contrôle, les relations sont rarement harmonieuses.Le Monde raconte ces conflits et les consé- quences parfois désastreuses qu"ils ont sur des usagers débous- solés. En attendant la simplifica- tion des procédures, nous pu- blions également un petit guide des numéros de téléphone et des sites Web qui peuvent faciliter les démarches.

Lire page 26

L"industriedes OGM

LE MONDE DES LIVRES

aRaphaël Confiant,

Nancy Huston...

aLe " Printemps des poètes »

EN FRANCE,la pauvreté ne régres-

se pas, mais elle ne progresse pas non plus. Au lendemain d"élections municipales qui ont vu une partie de l"électorat populaire bouder la majo- rité de gauche plurielle, les dernières statistiques sur l"évolution des reve- nus ne manqueront pas d"intéresser

Lionel Jospin. D"autant que les chif-

fres publiés jeudi 22 mars - l"édition

2000-2001 de la traditionnelle étude

de l"Insee sur les " revenus et patri- moines des ménages » - prennent notamment en compte la période à partir de laquelle il a assuré la fonc- tion de premier ministre." De janvier

1996 à mai 2000, le taux de pauvreté

s"est stabilisé »,dit l"Insee. Après avoir fortement baissé de 1970 à

1984, être resté sensiblement le

même à la fin des années 1980, il est remonté légèrement entre 1990 et

1996. Depuis trois ans, cela voudrait

dire que la proportion des plus pau- vres dans la population est restée à peu près égale en dépit des bons résultats de l"économie. Pas tout à fait, explique l"Insee : dans un contex- te où le niveau de vie moyen desménages a progressé avec le retour de la croissance, la stabilité observée du taux de pauvreté signifie que le niveau de vie des plus défavorisés a progressé autant que celui du ména- ge dit médian. Il y a donc eu" tout de même une amélioration de la situation des plus démunis »sur cette période, conclut l"Insee. Elle estime que plus de 1,6 million de ménages - 4,2 mil- lions d"individus -, en 1996 comme en 2000, étaient pauvres. Après avoir naguère touché les retraités, le taux de pauvreté est aujourd"hui maximal entre quinze et vingt-cinq ans, et chez les étrangers. La pauvreté a un facteur premier : l"absence de diplô- me. La seule possession du brevet des collèges en éloigne le risque et celle du baccalauréat + 2 assure quasi- ment d"y échapper. Ces données sont publiées à un moment de révi- sion à la baisse de la croissance en

Europe. A Matignon, on affirme que

les résultats des municipales sont lar- gement indépendants de ces chiffres.

Lire page 6

et notre éditorial page 15Allemagne, 3 DM ; Antilles-Guyane, 10 F ; Autriche,25 ATS ; Belgique, 48 FB ; Canada, 2,50 $ CAN ;Côte d"Ivoire, 900 F CFA ; Danemark, 15 KRD ;Espagne, 225 PTA ; Gabon, 900 F CFA ; Grande-Breta-gne, 1 £ ; Grèce, 500 DR ; Irlande, 1,40 £ ; Italie, 3000 L ;Luxembourg, 46 FL ; Maroc, 10 DH ; Norvège, 14 KRN ;Pays-Bas, 3 FL ; Portugal CON., 270 PTE ; Réunion, 10 F ;Sénégal, 900 F CFA ; Suède, 16 KRS ; Suisse, 2,20 FS ;Tunisie, 1,4 Din ; USA (NY), 2 $ ; USA (others), 2,50 $.

HEINZ IMHOF

Le procès de Roland Dumas s"est ache-

vé, mercredi 21 mars, avec les plaidoi- ries des défenseurs de l"ancien ministre des affaires étrangères et de Christine

Deviers-Joncour." Vous nâêtes pas le

tribunal de la morale », a lancé l"avocat de M. Dumas, plaidant pour" lâhon- neur dâun homme ». p. 9

Les Quinze etla Macédoine

LA QUESTIONn"est plus de

savoir s"il faut réformer la politi- que agricole commune (PAC), mais de décider comment et à quel rythme. En laissant entendre le contraire, Jacques Chirac se pose en gardien d"une ligne Maginot irrémédiablement minée par les angoisses de l"opinion européen- ne. Celle-ci voit dans les bûchers d"animaux domestiques allumés à travers la campagne la sanction d"une agriculture obsédée par les profits, qui s"est lancée à corps per- du dans le productivisme, quitte à jouer les apprentis sorciers. La co- lère populaire pratique l"amalga- me entre la crise de la vache folle, l"épizootie de fièvre aphteuse et la "malbouffe», et condamne pêle- mêle l"agriculture, les agriculteurs, la PAC, et ceux qui l"ont impulsée.

Les consommateurs ont le senti-

ment d"avoir été floués, peut-être même empoisonnés. La baisse continue des prix de l"alimentation depuis une génération, qui a per- mis aux familles de consacrer une part plus importante de leur bud- get aux loisirs, est un résultat posi- tif de la politique agricole com- mune. Mais ce progrès n"était pas censé s"accompagner d"une prise de risques pour la santé humaine et animale. La PAC a été victime deson propre succès à faire cesser la dépendance agroalimentaire de l"Europe. A partir d"un tel acquis, la machine s"est emballée, encoura- gée par des gouvernements qui ont vu dans la surproduction une réponse aux déficits budgétaires.

En ne fixant aucune limite aux

productions, en accordant des prix garantis aux agriculteurs, on en- courageait ceux-ci à s"endetter pour investir et rechercher une pro- ductivité maximum. Course aux rendements, surproduction," fleu- ves de lait et montagnes de beurre » des années 1970, les méfaits de la " spirale intensiviste »sont dans toutes les mémoires. Avatars des engrais et pesticides, les farines ani- males données aux herbivores sont au service d"une cause identique : la compétition pour augmenter la production et réduire les coûts.

La crise de l"encéphalopathie

spongiforme bovine (ESB) est une monstrueuse création du producti- visme aggravée par une déliques- cence du contrôle vétérinaire en

Grande-Bretagne, et par une frau-

de dans la fabrication des farines animales.

Laurent Zecchini

Lire la suite page 15

Du bon usage

des administrations

LEPRÉSIDENTde Syngenta, pre-

mier groupe mondial uniquement voué à l"agrochimie, est convaincu que les plantes transgéniques sont indispensables à la population. Syn- genta, Aventis, CropScience et Mon- santo découvrent l"indépendance face aux conglomérats chimiques.

Lire page 18

3:HJKLOH=UU\ZUV:?k@n@c@d@a;

M 0147

- 323 - 7,50 F aLe Conseil européende Stockholm faceà la crise des Balkans aLe président russe,Vladimir Poutine,invité au sommet

aL"Europe veutpoursuivrela libéralisationdes marchésfinanciers, du gaz,de l"électricitéet de la poste

aLe premier ministresuédois s"expliquedans " Le Monde »

Lire pages 2 et 3

Négresse-matador,

Indienne danseuse de mazurka,

ragoteuse mangeant son âme en salade, péripatéticienne s"offrant contre un bout de popeline, bon- dieuseuse au corps bardé de cruci- fix, tenancière de boxon, travailleu- se de bananeraie aux hardes carna- valesques, aguicheuse en jupons- cancan, bougresse pétant sa colère, mulâtresse torride : oscillant de la maman à la " putaine », de la fem-me fatale à la plantureuse dondon à tétés, l"univers de Raphaël Confiant regorge de femmes, toutes homéri- ques, trimbalant leur" cargaison de fesses »sur le théâtre de joutes pica- resques.

Ces dames jouent un rôle déter-

minant dans le projet littéraire d"un

écrivain chez qui l"invention d"un

langage créole doit s"effectuer dans la jubilation des télescopages sen- suels. Dès le premier roman qu"il

écrivit en français,Le Nègre et l"Ami-

ral(Livre de poche 1643), Raphaël

Confiant a dépeint l"apprentissage

de l"écriture poétique caraïbe, à laquelle il tient tant, sous un mode

érotique : c"est en s"unissant à une

" négresse féerique »que le mulâtreAmédée Mauville, prof de latin, s"initiait aux secrets du" bien-écri- re », apprenant à aimer dans un même élan le corps de la prostituée et sa culture," car elle fait l"amour dans cette langue, déployant des paroles d"une doucine inouïe, incom- parable, qui ébranle mon être tout entier. Aussi, dans nos babils post-coï- taux, je ressens un bien-être physique

à habiter chaque mot, même le plus

banal, et à être habité par lui. »Si les personnages de Confiant bambo- chent, braquemardent et" fretinfre- taillent dans toutes les positions possi- bles »,c"est autant pour attiser leur ivresse verbale que leurs pulsions gaillardes. L"ensorceleuse aux " bouffées délirantes »est gardiennedu" cri-nègre », muse, génitrice d"une parole héritée des griots et ensemencée par des phrasés poly- phoniques.

Brin d"amourfait apparaître un

nouveau type de femme : la liseuse.

Murée" dans les boutiques obscures

de ses pensées », fille d"un cultiva- teur de canne à sucre hypocondria- que et d"une tapageuse épicière, cet- te" vierge noire »passe ses saintes journées accoudée à la fenêtre à observer les vagues de l"Atlantique, ou cloîtrée avec ses livres. Enjôleurs et baliverneurs peuvent bien déver- ser à la jouvencelle des concerts de louanges sur sa"belleté»,Chrysler et Plymouth décapotables peuvent bien débarquer de l"En-Ville avec des sexagénaires portant beau, panama sur le crâne et foulard à pois autour du cou, Mamzelle Lysia- ne leur oppose indifférence ou jurons. Vouée à ses chimères, dédai- gnant même de descendre prendre ses repas, elle lit,La Dame aux camé- lias, Madame Bovaryet" autres ouvrages tout aussi sulfureux que per- sonne céans n"avait lus, mais dont les instituteurs s"étaient chargés d"établir la réputation auprès duvulgum pecus».

Restée muette, un temps, après

que la curaille, flanquée d"un désen- voûteur, a envahi sa maison pour saisir ses romans diaboliques et les mettre au bûcher, surveillée par une mère qu"exaltent les litanies en grec d"église ou les romances d"Edith Piaf, Mamzelle Lysiane prend sa revanche le jour où elle brandit sous le nez de monsieur l"abbé un titre particulièrement dan- gereux, et tempête sur un air de défi l"avoir appris par coeur : il s"agit de

Bonjour tristesse," d"une certaine

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