[PDF] Dun prof à lautre - numéro 39 - novembre 2011

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D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

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La lettreLa lettreLa lettreLa lettre mensuelle mensuelle mensuelle mensuelle

Numéro 39 - Novembre 2011

Photo de Julie MERCIER, lauréate du concours " L"âme d"Amsterdam »,

Au sommaire ce mois-ci :

p. 2 • Voyage à Amsterdam : le musée Anne Frank

p. 10 • PPPeeetttiiittteeesss llleeeçççooonnnsss dddeee ppphhhooonnnééétttiiiqqquuue

ee cccooorrrrrreeeccctttiiivvveee ::: la prosodie (suite) p. 11 • FFFLLLEEE ::: " Qu"avez-vous fait ce weekend ? » p. 14 • LLLuuu dddeeerrrnnniiièèèrrreeem mmeeennnttt p. 15 • OOOnnn vvvooouuusss iiinnnfff ooorrrmmmeee !!!

N.B. : Ce document est

conçu pour pouvoir être imprimé : n"hésitez pas à le

montrer à vos collègues. D"un prof ... à D"un prof ... à D"un prof ... à D"un prof ... à l"autrel"autrel"autrel"autre

La lettre du régendat en français de HELMo Sainte-Croix

61, Hors-Château - 4000 Liège

Comité de rédaction : Sylvie Bougelet, Pierre-Yves Duchâteau,

Jean Kattus

Abonnement/courrier : dunprofalautre@yahoo.fr

Numéros précédents disponibles sur www.yahoo.fr ? Connexion | nom d"utilisateur : dupala1 - mot de

passe : franrelfle ? Connexion ? Mail ? Boite de réception | Index des articles dans le n° 30

D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

2 Voyage à Amsterdam : le musée " Anne Frank »

Cette année, les étudiants de 2

e année ont décidé d"effectuer leur voyage-projet de deux jours à Amsterdam. Outre les objectifs pédagogiques (concevoir, préparer et vivre un projet), culturels et de cohésion du groupe, ce voyage poursuit aussi des objectifs en lien avec la didactique du français. Faut-il préparer des élèves/étudiants à la visite d"un musée ? OUI ! Pour les mettre en projet de visiter ce musée, pour que la visite réponde aux questions qu"ils se poseront lors de la préparation et donc qu"elle ait du sens à leurs yeux. Comment s"y prendre quand on n"a pas visité soi-même ce musée et qu"on n"a pas la possibilité de le faire avant d"y emmener ses élèves ?

En cherchant de l"information sur internet ou en bibliothèque, en glanant des idées, en

mettant les documents trouvés en relation les uns avec les autres... On peut constituer, au fil

de sa recherche et de ses découvertes, un " réseau » rassemblant les informations trouvées et

les idées d"apprentissages, qui aidera à effectuer les choix. Par exemple : Le journal d"Anne Frank : ? Apprendre à choisir un livre (Lire le paratexte) - ses thématiques - le genre textuel du journal intime Regarder / lire le film (extraits sur internet) ? Musée Anne Frank ? Commentaires vidéo (sur internet) sur le journal / le Ecrire un extrait de journal intime ? ? musée

Site du musée

Lire des livres de littérature jeunesse sur le même thème Dans le cadre d"un cours de français, quels objectifs peut-on poursuivre à travers cette activité ? Essentiellement développer des compétences de lecture. Or, lire, c"est construire le sens, on

le sait, notamment en enrichissant " l"encyclopédie personnelle » des élèves, leur bagage

culturel (le cours de français est, entre autres, un cours de culture). Dans ce cas-ci, il s"agit de construire le sens non pas d"un livre, mais d"un lieu culturel. Langage différent, mais démarches identiques : il s"agira pour chacun de construire :

1. le sens littéral : ce que dit explicitement le musée à ses visiteurs,

2. le sens inférentiel : ce qui est sous-entendu, implicite... Par exemple les objectifs

informatifs poursuivis par le musée, son contenu, sa scénographie,

3. le sens personnel : comment chacun réagit face au musée, ce que celui-ci déclenche comme

souvenirs, émotions, raisonnements...

Et concrètement ?

Ci-dessous, les choix effectués.

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3

Lire le paratexte du Journal d"Anne Frank

1. La couverture

Que nous apprennent ces différentes couvertures/photos sur Anne Frank et son journal ?

1 2 3 4

5 6 7

Eléments de réponse

1. son âge approximatif / l"époque (photo en noir et blanc / robe) / sourire / fatigue (cernes)...

2. publication du journal dans une collection jeunesse

3. canaux / on en a fait aussi un dessin animé / elle écrit (un journal intime ?)

4. on en a aussi tiré un film / jeune fille plus âgée, plus romantique / dans les bras (d"un

adulte ?) / contraste de couleurs : bonheur-peur ?

5. c"est bien un journal intime

6. des soldats / pendant la guerre / menace

7. une petite fille devient une adolescente

En te basant sur tous ces éléments, formule en quelques phrases des hypothèses sur le

contenu de ce livre.

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4

2. La 4e de couverture

Quelles informations nouvelles nous apporte cette 4 e de couverture ? Quelles hypothèses, émises précédemment, sont confirmées par cette 4 e de couverture ?

3. L"exergue

Lis l"exergue du livre : que t"apprend-il ?

J"espère pouvoir tout te confier comme je n"ai encore pu le faire à personne; j"espère aussi que

tu seras pour moi un grand soutien.

4. L"incipit (étendu ici au début du livre)

Les premières pages du journal (jusqu"au plan de l"annexe, soit une vingtaine de pages) sont

lues à voix haute devant le groupe. Il s"agit de " donner » à entendre aux élèves le texte écrit

par Anne Frank, pour leur permettre d"entrer progressivement en relation avec elle, de

découvrir sa personnalité joyeuse, espiègle et les raisons qui l"ont poussée à écrire un journal

intime.

On suit en cela les recommandations de Daniel P

ENNAC qui, dans son essai Comme un roman,

propose de " partager avec ses élèves son propre bonheur de lire », de leur donner à lire

" avec profusion », de leur lire en classe de larges passages des livres qu"on souhaite leur faire

découvrir et de les " accompagner » dans la lecture.

Une lecture à voix haute, expressive et de qualité, des mots écrits par Anne Frank elle-même

nous semble en effet particulièrement adaptée pour aider les élèves à appréhender, sur une

juste tonalité respectueuse, ce qui fut le quotidien d"une personne bien réelle (ce n"est pas de

la fiction) sous l"occupation nazie. Cela peut les préparer à ressentir, avec émotion et retenue,

lors de leur visite de la maison-musée d"Anne Frank, ce que put représenter pour elle

l"enfermement pendant deux années dans la cachette de sa famille.

La lecture à voix haute se clôture par l"examen du plan de l"Annexe donné dans le livre et qui

prépare spécifiquement à la visite de la maison.

On peut aussi attirer l"attention des élèves qui écoutent la lecture sur certains éléments de

l"incipit en leur posant les questions suivantes :

D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

5 - Quelles sont pour Anne les fonctions d"un journal intime ? (extrait du samedi 20 juin 1942)

Quelle est la personnalité d"Anne ?

(notamment dans l"extrait du dimanche 21 juin 1942)

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6 Quel est le vécu des Juifs en 1942 aux Pays-Bas ? (dans l"extrait du samedi 20 juin 1942) Plan de l"Annexe, tel que décrit dans le Journal.

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7 A travers l"ensemble de cette démarche de lecture du paratexte et des premières pages du

livre, on initie ainsi les élèves à ce qu"il convient de faire lorsqu"on veut choisir un ouvrage en

librairie ou en bibliothèque : prendre des informations sur la couverture, la 4 e de couverture

et au début du livre, pour formuler des hypothèses de lecture (que celle-ci elle-même viendra

confirmer ou infirmer) et se mettre ainsi en projet de lecture. Dans le cadre d"un enseignement explicite de ce qu"est la lecture et pour favoriser le transfert

de l"apprentissage à d"autres situations, il convient bien sûr d"amener les élèves à prendre

conscience de la démarche qu"ils viennent de réaliser sur le paratexte et les premières pages

du Journal d"Anne Frank, par exemple en composant avec eux une fiche théorique intitulée " Pour arriver à bien choisir un livre, je peux / je dois ... »

Ecrire un extrait du Journal d"Anne Frank

1. Se rappeler ensemble les caractéristiques constitutives du genre " journal intime » :

- Texte en je - Destinataire : un " tu » imaginaire (par exemple, Kitty est une amie imaginaire d"Anne), à qui le " je » se confie - Contenu : ce qui vient de se passer dans la vie du " je », ses réflexions, ses émotions.

2. Regarder un extrait du film Anne Frank :

Regardez cet extrait du film. Il se situe tout à la fin, au moment où la cachette est découverte.

Youtube - Anne Frank extrait 4

3. Ecrire

Voici les dernières phrases qu"Anne Frank a écrites dans son journal intime avant l"arrivée des nazis. Mets-toi dans la peau de la jeune juive et écris la suite en fonction des images que tu viens de voir. Quels sentiments la jeune fille a-t-elle ressentis à ce moment-là ?

Qu"aurait-elle écrit dans son journal si elle avait continué à rédiger tout en étant découverte

par les nazis ? J"entends le tonnerre qui se rapproche. Je sens la souffrance de la multitude. Pourtant, j"ai le sentiment que tout finira par s"arranger, qu"en dépit de tout, l"Homme est profondément bon... Mes réflexions sont perturbées par des cris de l"autre coté de la porte. D"habitude, je n"y prends pas garde, mais là, c"est différent. Parmi tous les cris des Allemands, je distingue nettement le mot "cachette". La peur m"envahit, pourtant je ne cesse d"écrire, je vais même plus vite. Peut-

D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

8 être est-ce un hasard, mais j"y crois peu ces temps-ci. Comme pour confirmer mes craintes, j"entends la porte secrète s"ouvrir et des cris autoritaires retentissent dans la pièce.

C"est fini.

Ils nous ont découverts. Tout espoir est vain maintenant. Je perçois les bruits de pas des autres, se regroupant dans le salon. Je suppose qu"il s"agit d"une patrouille de soldats, je n"entends pas des injures sur les Juifs comme les SS ne cessent d"en faire. Je pourrais me lever et les rejoindre, mais ce serait alors l"heure de notre séparation, Kitty, et je n"y tiens pas. Je veux continuer à te parler jusqu"à la fin. Toi, mon amie de tous les jours, mon soutien dans la tourmente, ma bouée dans la tempête. Merci Kitty.

Merci pour t...

Jean DARIMONT

4. Lecture commentée

Regroupez-vous par paires et lisez le texte écrit par votre camarade. Notez 3 qualités de son texte sous celui-ci, puis échangez vos impressions.

5. Socialisation

Ceux d"entre vous qui le désirent peuvent lire devant le groupe le texte qu"ils ont écrit.

Prolongements possibles

1. Lire le Journal d"Anne Frank dans son entièreté.

2. Mettre en place une lecture-réseau sur le thème de la guerre 39-45 et la Shoah.

A la suite de la lecture du Journal d"Anne Frank, le professeur propose à chacun de lire un 2 e ouvrage sur le thème de la Shoah. Les livres proposés sont exposés en classe et au terme

d"une activité de découverte (lecture du paratexte, réinvestissant ainsi la démarche menée sur

le Journal d"Anne Frank), chaque élève en choisit un qu"il devra présenter après l"avoir lu en

quelques mots à ses camarades : ce que le livre raconte, ce qu"il lui a appris sur la guerre et la

Shoah, ses réactions personnelles et ce qu"il en retire. Chaque livre ainsi présenté pourra bien

sûr être lu par d"autres élèves, séduits ou intéressés par la présentation. On peut créer ainsi une dynamique de lecture au sein du groupe-classe, qui contribuera à

construire une représentation positive de la lecture : oui, lire est un acte de liberté ; oui, lire

m"apprend et me fait grandir. A la page suivante, une liste (non exhaustive) d"ouvrages pour adolescents sur le thème de la Shoah, aimablement fournie par la librairie La

Parenthèse.

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9 - La vague noire, Michèle Kahn (Actes Sud junior) - Un sac de billes, J. Joffo - La maison vide, Claude Gutman (Folio junior) - La promesse, Yaël Hassan (Flammarion) - Un grand-père tombé du ciel, Yaël Hassan - Anya, Morpurgo (Folio junior) - Voyage à Pitchipoï, Jean-Claude Moscovici (Médium) - Taille 42: l"histoire de Charles Pollak, Malika Ferdjoukh - Sobibor, Molla (Scripto) - Mon ami Frédéric, Richter - Le ring de la mort, Greif (Médium) - Mon enfance en Allemagne nazie, Koehn (Médium) - Quand Hitler s"empare du lapin rose, Kerr (Médium) - Mes enfants, c"est la guerre, Greif (Médium) - Le pianiste, Szpilman (Press Pockett.) - Une île trop loin (+3 tomes à la suite), Thor (Th. Magnier) - La balle est dans ton camp, Cormier (Médium) - Oubliée, Erben (Neuf) - J"ai fui l"Allemagne nazie, Hassan (Gallimard) - J"étais enfant dans le ghetto de Varsovie, Cain (L"Harmattan) - Une île, rue des oiseaux, Orlev (Pockett. Jeun.) - Mon amie Sophie Scholl, Paule de Bouchet (Scripto) - Grand-père, Rappaport (Circonflexe, Album) - La valise d"Hana, K. Levine (Flammarion) - A la guerre comme à la guerre, T. Ungerer (Médium) - Je suis une étoile, I. Auerbacher (Point Virgule) - J"ai pas pleuré, I. Grimpan (Robert Laffont) - " La loi du retour » : La maison vide ; L"hôtel du retour ; Rue de Paris, C. Gutman (Folio J.) - Les enfants d"Izieu, R. Causse - L"enfant caché, B. Burko-Falcman (Seuil) - Maus, Art Spiegelmans (Flammarion ; B.D.) - Auschwitz, P. Croci (B.D.)

Les étudiants de 2

e année et Jean KATTUS

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PPPeeetttiiittteeesss llleeeçççooonnnsss dddeee ppphhhooonnnééétttiiiqqquuueee cccooorrrrrreeeccctttiiivvveee

Comment aider les élèves non francophones à prononcer correctement

1. La prosodie (suite)

Après la théorie, la pratique ! Il importe que l"apprenant perçoive bien les caractéristiques de la prosodie française et puisse les reproduire.

1. Placer l"accent tonique sur la dernière syllabe

1. Marquer fortement l"accent tonique en allongeant

la dernière syllabe du groupe de mots et en accentuant son volume. Demander à l"apprenant de répéter.

2. Frapper un coup sur le banc à chaque accent tonique (ou sur l"épaule de l"apprenant,

doucement... ☺), ou claquer des doigts et demander à l"apprenant de faire de même.

3. Opérer un découpage régressif, qui permet à l"apprenant de prendre conscience de la

permanence de l"accent tonique sur la dernière syllabe du groupe de mots : - ssible ???? Répète : ... - possible ???? Répète : ... - très possible ???? Répète : ... - c"est très possible ???? Répète : ...

4. Une excellente chanson pour percevoir l"accent tonique : Z

AZIE, Tout le monde il est beau.

2. Adopter une intonation montante ou descendante

Par exemple, dans la question intonative Tu viens ? [ tuvJC] ? ? ? ??

1. imiter le bruit d"une sirène d"alerte qui monte très lentement dans les aigus : ou ou ou ou ou

2. allonger fortement la syllabe et la dérouler en la faisant monter vers l"aigu [

JC C C C C]

3. faire reproduire l"ensemble, en continuant à allonger et monter fortement [

tuvJC C C C]

4. Terminer en faisant reproduire la question sans allongement : [

tuvJC] Même procédé pour l"intonation descendante, bien sûr. Jouer sur la posture peut aussi aider : pour l"intonation montante, se lever, tendre le coup vers l"arrière et tirer tout le corps vers le haut (comme si on était une marionnette) ou mimer l"intonation montante par un geste de la main, comme un avion qui décolle. L"inverse pour l"intonation descendante.

3. Adopter un volume moyen

Pour celui qui parle trop fort, lui demander de parler " à la muette » (sans faire vibrer les cordes vocales). Mais c"est souvent l"inverse qui se produit, l"apprenant manquant de

confiance en lui pour parler assez fort. Dans ce cas, une fois l"apprenant rassuré sur la qualité

phonétique de ce qu"il doit dire, lui demander de le produire avec une voix de plus en plus

forte, comme s"il s"adressait à une personne à 5, puis à 10, enfin à 20 mètres de lui. Au début,

le soutenir " moralement » en prononçant l"énoncé à répéter avec lui !

Tout cela peut être très amusant... N"hésitez pas à " vous mouiller » et à donner l"exemple :

un excellent exercice d"autodérision. Il parait que nous, les Belges, sommes très forts !

Jean KATTUS

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FFFLLLEEE

" Qu"avez-vous fait ce weekend ? »

S"il est une pierre d"achoppement particulièrement résistante en français langue étrangère

(FLE) - de nombreux apprenants le confirmeront -, c"est bien la nécessité de recourir à deux

temps verbaux au minimum, le passé composé et l"imparfait, pour relater des faits passés.

Cette difficulté est d"autant plus prégnante que l"occasion de raconter des évènements révolus,

personnels ou non, se présente quasi quotidiennement. Dès la première rencontre avec autrui,

nous éprouvons naturellement le besoin de faire référence à notre passé, si constitutif,

pensons-nous à raison, de notre identité : " Je suis né à Tegucigalpa... J"ai grandi sur les

hauteurs de la ville... Mes parents avaient une petite épicerie... Nous avions des poules, qui nous donnaient des oeufs frais tous les matins !... » Il est souvent délicat de s"appuyer sur la langue de l"apprenant pour lui faire comprendre les ressorts de ce choix subtil : il arrive en effet que la langue source ignore une telle alternance, ou qu"elle l"exprime par des moyens langagiers d"une autre nature (des affixes, par exemple), ou encore que les formes verbales de la langue maternelle qui semblent correspondre à ces deux temps du français n"en reflètent pas exactement les valeurs sémantiques. Dès lors, au lieu de " garder pour plus tard » cette règle complexe et, le moment venu, de l"enseigner à grands renforts d"explications et d"exercices, nous pourrions la décomposer en

principes plus abordables et présenter petit à petit ces principes dès les premiers moments de

l"apprentissage. En agissant ainsi, nous atténuerions sensiblement l"ampleur du problème,

puisque l"apprenant y serait progressivement et régulièrement confronté, et du même coup, nous donnerions au désir (et au plaisir) de parler de soi les moyens de s"accomplir pleinement.

Comment s"y prendre ?

C"est simple... Dès la troisième ou quatrième semaine de cours, chaque lundi, j"adresse

1 systématiquement cette question à mes apprenants

2 : " Qu"avez-vous fait ce weekend ? »

Si la réponse tarde, j"y réponds moi-même : " Moi, j" ai regardé la télé / je me suis promené / je suis allé au supermarché / j"ai mangé de la glace... ». Je recours au mime pour me faire

comprendre et j"insiste légèrement, en haussant la voix, sur l"auxiliaire et la finale du

participe passé. Je n"écris rien au tableau noir et ne donne aucune explication grammaticale !

J"aide les quelques apprenants qui répondent en achevant leur phrase si nécessaire et j"apporte

aux énoncés les corrections nécessaires avant de les faire répéter individuellement, puis

collectivement. Je profite de l"activité pour travailler sur la prononciation, notamment sur les

" é » des participes passés. Au bout d"une petite dizaine de minutes, j"interromps l"activité et

passe à autre chose. La semaine suivante, je pose de nouveau cette question : " Qu"avez-vous fait ce weekend ? » Les réponses tardent encore... C"est normal : je ne m"inquiète pas ; comme la

semaine précédente, je réponds moi-même à la question afin de susciter des réponses de la

part des élèves. Réponses que je corrige et fais répéter. Après chaque réponse, j"ajoute

simplement cette sous-question : " C"était bien ? », en fermant le poing et tendant le pouce

vers le haut. Si la réponse se limite à un oui ou à un non, je tâche de faire répéter : " Oui,

1 Ce je est l"enseignant que je suis, qui pratique cette activité depuis plusieurs années dans l"enseignement de

promotion sociale avec des apprenants relativement avancés et la pratiquais également avec des débutants.

2 Ces apprenants seront capables de se présenter brièvement et comprendront les consignes les plus courantes.

D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

12

c"était bien ! » ou " Non, ce n"était pas bien. » L"activité se clôture après une dizaine de

minutes.

La semaine d"après, même procédure. En plus de " C"était bien ? », j"ajoute pour les réponses

qui s"y prêtent la sous-question " Il faisait beau ? », en montrant par la fenêtre le ciel bleu ou

au mur une image de ciel bleu. Comme toujours, je fais en sorte que l"élève utilise la structure

" Il faisait... » dans sa réponse et ne se contente pas d"un simple " oui » ou " non ». Par

ailleurs, si ce n"est déjà fait, j"introduis dans la conversation d"autres participes passés que

ceux terminés en " -é » : " j"ai fait [f ɛ], j"ai lu, j"ai dormi... » J"insiste par la voix sur l"auxiliaire et sur la voyelle finale du participe passé.

Le lundi suivant, j"ajoute, si j"estime que ce n"est pas trop tôt, le présentatif " il y avait » par

le biais d"énoncés courants comme " Il y avait beaucoup de monde ? », " Il y avait des amis

à toi ? », " Il y avait du soleil ? »...

Au bout de quelques semaines, je fournis à l"élève cette synthèse, dont le contenu sera

idéalement déterminé par ce qui aura été dit :

Qu"avez-vous fait ce weekend ?

Réponses au passé composé Précisions à l"imparfait

C"était

nul ennuyeux assez ennuyeux pas mal bien intéressant amusant drôle excellent délicieux magnifique super génial merveilleux

Il y avait

beaucoup de monde trop de monde mon oncle et ma tante mes cousins / mes cousines tous mes amis / toutes mes amies

Il n"y avait pas beaucoup de monde

Il n"y avait personne

Je suis allé(e)

à la piscine

au cinéma au supermarché chez des copains / chez des copines au foot J"ai rendu visite à ma tante = Je suis allé(e) voir ma tante

Je me suis promené(e) dans le parc

J"ai joué

au foot au tennis

à l"ordinateur

de la guitare du violon

Je suis resté(e) à la maison

J"ai préparé le repas

J"ai fait

mes devoirs du sport du foot du tennis de la guitare du violon la cuisine le ménage

J"ai lu un beau livre

Je n"ai rien fait de spécial Il faisait

laid nuageux froid glacial bon chaud très chaud trop chaud

D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

13 De semaine en semaine, j"augmente progressivement l"amplitude du regard porté sur le passé

composé : je demande par exemple à un élève de répéter ce qu"un autre vient de dire, afin

d"amener un changement de pronom. - Yacine, qu"as-tu fait ce weekend ? - J"ai joué au foot avec mon frère. - Peter, qu"a fait Yacine ce weekend ? - Il a joué au foot avec son frère.

Au moyen, toujours, d"un tel questionnement, j"invite les élèves à utiliser le pronom " nous »,

puis " ils ». - Yacine et Ralf, qu"avez-vous fait ce weekend ? - Nous avons regardé la télé. - Peter, peux-tu me dire ce que Yacine et Ralf ont fait ce weekend ? - Ils ont regardé la télé. Au fil du temps, à force de pratiquer cette activité chaque semaine , l"élève s"habitue à la

morphologie du passé composé et, de manière certes partielle, à ce qui distingue

sémantiquement le passé composé de l"imparfait. Il perçoit intuitivement la valeur

pragmatique du verbe au passé composé, qui est ici de saturer la question " Qu"as-tu

fait... ? » et de satisfaire ainsi l"interrogateur, et celle du verbe à l"imparfait, grâce auquel on

ajoute des précisions sur les faits, précisions susceptibles d"intéresser ce même interrogateur.

J"ai souligné " chaque semaine ». C"est en effet au prix d"une telle régularité

3 que cette

activité s"avèrera fructueuse : l"apprenant réagira sans hésitation à une question relativement

courante et pour lui l"alternance passé composé pour dire ce que j"ai fait / imparfait pour apporter des précisions sera pour ainsi dire automatisée, non consciente, comme elle l"est pour nous.

Bien sûr, à ce stade, la maitrise de ces deux temps est encore incomplète. Mais un socle aura

été constitué, socle solide sur lequel d"autres apprentissages relatifs à l"imparfait et au passé

composé s"ajouteront sans trop de mal. Nous vous proposerons pour cela d"autres activités. (A suivre : une activité pour explorer davantage l"imparfait.)

Pierre-Yves DUCHÂTEAU

3 En plus du lundi, il m"arrive souvent de mener cette activité dans le courant de la semaine au moyen de la

question : " Qu"avez-vous fait hier ? ».

D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à l"autre D"un prof ... à

14 LLLuuu dddeeerrrnnniiièèèrrreeemmmeeennnttt Il n"est pas toujours facile d"entamer la lecture d"un roman. Dans les premières pages, on découvre les personnages, l"atmosphère, l"écriture de l"auteur, et, personnellement, cela me demande souvent

un certain effort : Vais-je " accrocher » ? Cela va-t-il me plaire ? C"est différent de ce qu"on

m"en avait dit... Je ne suis pas sûr que le moment soit bien choisi pour lire ça... Il me faut

souvent 30, 40 ou 50 pages pour laisser tomber mes défenses et être vraiment " pris » par le

livre4. Mais à partir de ce moment-là, c"est avec impatience que je le retrouve chaque soir sur

ma table de chevet et c"est avec la tristesse des adieux que je le range dans ma bibliothèque, une fois terminé... Comme ces trois romans, qui sont d"ailleurs des best-sellers... Le feu rouge est passé au vert : pourquoi la première voiture ne démarre-t-elle pas ? Le conducteur s"agite derrière les vitres fermées.

Que dit-il ? Il crie : Je suis aveugle !

Au fil des jours, une épidémie foudroyante de cécité frappe indistinctement un nombre croissant de personnes... Comment vont réagir les autorités ? Une écriture puissante qui pose des questions essentielles : à quoi serions-nous prêts pour survivre ? Qu"est-ce qui fait notre humanité ? José SARAMAGO, L"aveuglement. Points, Seuil, 1997. A la fin d"un voyage en avion, le narrateur entend une chanson des Beatles, " Norwegian Wood », qui lui rappelle brusquement le souvenir d"un amour de jeunesse. Quand il était lycéen, Kizuki, son meilleur ami, s"est suicidé un soir, après avoir joué au billard avec lui. Kizuki avait une amie, Naoko, et tous deux étaient amoureux. Le narrateur la rencontre par hasard, un an plus tard, et ils commencent à se voir, de temps en temps. Naoko est insaisissable, incertaine et angoissée, mais il l"aime ainsi... Haruki MURAKAMI, La ballade de l"impossible. 10/18, 2007.quotesdbs_dbs33.pdfusesText_39

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