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Représentations du monde et symbolique élémentaire

Université de Bourgogne

Ecole doctorale Lisit

Centre Georges Chevrier 491

Département de Lettres et Philosophie

THESE

Pour obtenir le grade de

Docteur de l'Université de Bourgogne

Discipline : Philosophie

Soutenue publiquement le 21 Juin 2013

par

Béatrice Déglise-Coste

Représentations du monde

et symbolique élémentaire Thèse de doctorat sous la direction de M.Pierre Guenancia, Professeur de philosophie à l'Université de Bourgogne Jury Mme Maryvonne Perrot, Professeur émérite de philosophie à l'Université de Bourgogne M. Pierre Guenancia, Professeur de philosophie à l'Université de Bourgogne, directeur

M. Francis Claudon, professeur émérite de littérature comparée à l'Université de Paris

Est et à l'Université de Vienne

M. Jean-Jacques Wunenburger, professeur de philosophie à l'Université Jean Moulin de Lyon III 2

Remerciements

Pour les passions de l'âme, entre autres la correspondance entre Descartes et la princesse

Elizabeth, pour sa disponibilité et la clarté de ses remarques, je remercie Monsieur le professeur

Pierre Guenancia qui a accepté de diriger cette thèse. Pour sa confiance, son attention bienveillante, son énergie et ses conseils précieux, je remercie Madame le professeur Maryvonne Perrot qui avait grandement guidé mes pas dans la lecture de Gaston Bachelard. Pour sa relecture attentive, je remercie Monsieur le professeur Jean-Jacques Wunenburger à

qui je dois ma quête d'un accord bien difficile à trouver entre les exigences conceptuelles et l'amour

de l'imaginaire. Pour des voyages musicaux et la possibilité entrevue d'une alliance entre les arts afin

d'exprimer au plus juste la fragilité de la vie, je remercie monsieur le professeur Francis Claudon.

Je remercie également le Centre Georges Chevrier de m'avoir accueillie et Monsieur Gaël

Cloitre pour son soutien concret et régulier.

3

Table des matières

INTRODUCTION : Entre perception et interprétation.....................................................................5

CHAPITRE 1 : Sens et fonction du culturel....................................................................................20

1)Origines et sémantique élémentaire.........................................................................................20

2)Le recours au mythe en Ethnologie.........................................................................................34

3)D'une connaissance à une représentation de soi.......................................................................47

4)Des religions archaïques.........................................................................................................63

6)Une régulation de la violence..................................................................................................94

7)Un cadre pour l'affect............................................................................................................109

8)La manipulation des représentations.....................................................................................123

CHAPITRE 2 : L'expression littéraire...........................................................................................146

1)De l'image à l'oeuvre en passant par la représentation............................................................146

2)Le spectacle du monde..........................................................................................................158

3)Observer intimement.............................................................................................................171

4)Les dédoublements...............................................................................................................187

5)Les lignes de fuite.................................................................................................................204

6)Le Devenir............................................................................................................................221

7)L'oeuvre comme trans-figuration...........................................................................................236

8)Mouvements débordants.......................................................................................................254

CHAPITRE 3 : L'attention au monde..................................................................................286

1) L'enfance du monde.............................................................................................................286

2) Le questionnement cosmologique........................................................................................300

3) Des métamorphoses aux analogies.......................................................................................312

4) L'union de l'âme et du corps.................................................................................................327

5) Les contextes de représentation............................................................................................342

6) Le poème philosophique......................................................................................................356

7) L'étrangeté de la vie.............................................................................................................375

8) Le corps conscient...............................................................................................................385

CONCLUSION : La conscience et ses réseaux.............................................................................407

1)A propos des Mythologiques de Levi-Straus.........................................................................418

3)Index lexical et nominal........................................................................................................429

4 5 INTRODUCTION : Entre perception et interprétation Le rapport de l'homme au monde qui interroge toute philosophie renvoie à une dichotomie

entre le sujet et les objets. Les substances extérieures étant closes sur elles-mêmes, l'identité des

corps a été érigée en un principe logique. A partir de ce principe, Descartes a pu proposer à la

réflexion qui nous caractérise de se centrer sur elle-même et de mettre le monde entre parenthèses.

Fermer les yeux, ne pas suivre le message des sensations si varié et subtil puisse-t-il être, enfin

s'appliquer à un doute méthodique total et intransigeant de manière à trouver, ne serait-ce qu'une

certitude non mensongère car rationnelle, permettrait de saisir des lois de la Nature utiles à l'homme. " Je pense », il ne reste plus que cette base, sous-entendu, quelles que soient mes

conditions d'être-au-monde, ce " je pense » est irréductible. La conscience est première et les mises

en relations du moi avec les objets doivent être établies selon une hiérarchie ontologique définie qui

place le sujet humain en position d'acteur responsable par rapport à son environnement. Dans l'ordre

de l'introspection, nous pouvions d'abord suivre le " connais-toi toi-même » de Socrate comme

mesure humble des limites et possibilités de la raison mais Descartes lui donne une consistance telle

qu'elle en dépasse l'usage théorique. " Je pense donc je suis ». " Je pense » cette fermeté

" délimitée, précise » dit Descartes

1 permet de concevoir l'homme en tant que sujet mais aussi

d'asseoir son statut : s'il "est un animal cosmique"

2, il peut aussi prendre en charge la Nature et

utiliser ses observations. Tout rapport au monde qui ne dépend que des sens est d'abord voué à une certaine confusion. Les sensations, même prolongées en émotions marquent une emprise du corporel que l'homme

subit. Dès lors, le but de la philosophie moderne serait d'envisager, dans une mise à distance de ce

qui est souffert, une aire d'action nouvelle sur les choses par laquelle la pensée lirait la Nature à son

profit. Dans la quête de savoir, il est légitime d'expérimenter, de disséquer, parfois d'anticiper par

hypothèses sur une réalité inobservable et l'intelligence doit rester aux commandes. Cette si grande

responsabilité de l'homme dans son environnement a ouvert deux voies philosophiques :

- D'une part si l'univers est écrit en langage mathématique, on peut s'intéresser aux systèmes

logiques pour eux-mêmes en les complexifiant de manière à utiliser les relations décrites pour

combler les trous, les sauts ou les incohérences apparentes entre les choses visibles. Dans cet ordre

d'idée, l'écart entre l'intelligence humaine et l'intelligence artificielle n'a fait que diminuer dans nos

sociétés où la maîtrise technique prime. Sciences et méthodes s'affinent sans cesse ; la

1 R. Descartes, Méditations cartésiennes, Paris, Librairie générale de France, 1990, p. 59

2 E. Faure, oeuvres complètes, Paris, Pléiade, 1964, p.624

6

" réfutabilité » des théories et le contrôle opéré par les protocoles d'expériences permettent de

réajuster les hypothèses aux observations. La précision informatique gomme les erreurs et la

vulnérabilité propre à l'homme. Ainsi les limites entre humanité et machine se troublent au point

que certains se demandent si la notion de conscience n'est pas réductible à la mécanisation de

l'esprit.

- D'autre part si l'intellect peut maîtriser la matière et le corps, la question éthique prend une

nouvelle importance dans l'analyse des rapports Nature-Culture. Les " maux » qui ont accompagné

comme nécessairement les progrès techniques ne sont pas dus aux sciences et aux arts en eux-

mêmes mais à la montée en puissance de l'ordre du " paraître »3. Là où l'esprit cherche le triomphe

ou tend vers le prestige pour lui seul, on trouve la rhétorique à la place de la logique et les artifices

comme des voiles illusoires de la nature des choses. Les analyses de Jean-Jacques Rousseau se

présentaient déjà comme une critique d'un type de société bien défini. L'état de nature qu'il posait

pour réintroduire " l'homme essentiel » était lui-même une hypothèse théorique, mais elle

permettait de relativiser les pouvoirs de la raison humaine. Dans cette perspective, il s'agit de

rétablir l'homme dans un cadre éthique délimité qui constate les dérives des surenchères techniques

et insiste sur la pluralité des langues et des cultures afin d'asseoir une relativité de toute théorisation

de la Nature. Placer ainsi la conscience au coeur de la relation Sujet-Objet fait de l'homme un être singulier

à la fois acteur et récepteur. Leibnitz déjà critiquait la possible réduction de la vérité aux seules

notions de clarté et distinction. Selon lui, le mécanisme n'expliquait pas la puissance d'adaptation

opérant dans la Nature et la Logique devait dépendre d'une métaphysique. Croire en la science

comme lecture des lois de la Nature par des raisonnements humains, c'est oublier que toute lecture

est un code parmi d'autres et ne peut faire abstraction d'une interprétation relative. Oui, l'homme est

aux commandes, mais il est ancré dans une Histoire où se croisent et s'affrontent de multiples points

de vue. Ses visions des choses renvoient à une intimité singulière plus ou moins consciente ainsi

qu'à un cadre social et culturel précis.

A partir de là, il ne s'agit pas de renier le " je pense donc je suis », mais bien de creuser du

côté du second terme dans toute sa profondeur. L'homme est un " habitant du monde », il participe

des actions fluctuantes de la vie. Ce sera le rôle des sciences dites humaines : psychologie , sociologie et ethnologie... d'ouvrir la communication inter-culturelle. La politique elle-même

s'enrichit dans le regard sur l'autre. Aujourd'hui, l'herméneutique redéploie un langage des signes.

Le renouveau de la critique littéraire fait la part belle aux notions de réception4 et de contexte

3 Voir J. Starobinski, Jean-Jacques Rousseau : la Transparence et l'obstacle, Paris, Gallimard, 1991, p.14

4 Voir, H. R. Jauss, Pour une esthétique de la réception, Paris, Gallimard, 1968

7 historico-social. Suite au traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, Hannah Arendt a insisté sur

la nécessité dévaluer nos libertés à leurs justes valeurs dans l'espace public. Enfin le raisonnement

scientifique tient lui-même compte des notions de réfutabilité5 et d'obstacle épistémologique6 qui

reconnaissent la part subjective de tout développement théorique. Il nous semble ainsi essentiel de placer le rapport entre le sujet et les objets sur le plan des multiples représentations possibles de la Nature et sur leur ascendant culturel. Il n'est plus

nécessaire d'asseoir une opposition radicale entre la Nature et la Culture mais plutôt d'envisager

leurs relations pour une conscience humaine qui baigne dans ces deux milieux. La vérité n'est pas à

chercher dans une cohérence logique ou dans une vérification empirique mais dans l'interaction

entre le possible et le réel, la logique et l'expérience, l'intelligible et le sensible. Moscovici a

proposé en ce sens une "histoire humaine de la nature"

7 qui considère bien l'homme comme créateur

et sujet de cette nature. Nous nous proposons donc de travailler à partir des faits de conscience mais en les analysant

dans leurs tenants et aboutissants sensoriels. Aujourd'hui, le saut métaphysique en Dieu ne fait plus

l'objet de preuves mais il replace, en tant que concept-limite, l'idée de l'Infini, de l'Indicible, de

l'Invisible et d'une possible unité du monde au coeur du désir de l'homme. De même, la matérialité

du corps humain a pris une autre dimension. De par les influences culturelles auxquelles elle est

attachée d'emblée et sa capacité expressive, elle semble échapper et déborder sans cesse le seul

monde de la technique. De fait, le corps humain est affecté en conscience. Sa vérité est dans la

chair, autrement dit, dans un corps qui passe de la douleur à la souffrance à travers les mille nuances

affectives qu'il tire de son tempérament, de sa mémoire et des processus d'adaptation socio- culturelle auxquels il a été soumis. Non seulement l'opposition Nature-Culture ne rend absolument pas compte de l'Histoire humaine mais la notion de Sujet ne peut plus se rattacher à la seule mesure de la raison. Le " je

pense » est immédiatement un " je suis ». Descartes déjà pensait l'union de l'âme et du corps dans

un " vivre » qui correspondait aux émotions ressenties dans l'action, en société ou en voyage...

Spinoza s'interrogeait sur le statut de cette union primordiale entre l'âme et le corps par le biais du

désir et de la notion d'individuation. Selon lui, le dualisme corps-esprit était un faux problème en ce

que les deux instances sont les deux faces d'une même réalité. Aujourd'hui, on admet qu'un

phénomène neurologique correspond à un phénomène psychique mais que la réciproque n'est pas

vraie. Il n'y a pas de réalité psychique autonome mais il n'y a pas non plus d'adéquation absolue

entre les états mentaux et les états du système nerveux. Chalmers en distinguant les problèmes

5 Voir, K. Popper, la Quête inachevée, Paris, Plon, 1989

6 Voir, G. Bachelard, le Nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, 1963

7 S. Moscovici, Essai sur l'histoire humaine de la nature, Paris, Flammarion, 1977, p.23

8

faciles résolvables par l'intelligence et le problème difficile concernant une essence de la conscience

a donné un impact moderne au statut de la notion de représentation. L'âme, le sujet ou la conscience

sont-ils des leurres ou les bases subjectives qui définissent l'humanité ? Le langage émotionnel,

inconscient et intentionnel se tient dans un flux incessant, lieu de l'intermédiaire et de la rencontre

entre un événement et son appréhension. D'où l'importance de préciser la problématique quant au

rapport du sujet à ses objets : A travers quels filtres la réalité passe-t-elle avant de faire l'objet d'un

jugement ? Nous essaierons de dynamiser le rapport de l'imagination comme créatrice d'irréel à

celui de la raison comme garente de cohérence afin de comprendre comment et jusqu'où nos cadres

de référence peuvent évoluer en ajustant nos affects et nos perceptions premières à une exigence de

connaissance objective, ce qui revient à comprendre l'efficace du concept de représentation dans le

décodage relationnel.

Représenter, c'est faire observer. La racine latine repraesentare indique l'idée de reproduire de

façon concrète une chose abstraite. C'est dire qu'on est dans un ordre pratique qui, sans prétendre

poser un regard scientifique sur les choses, sous-tend quand même des valeurs d'ordre

psychologique ou éthique. Nous sommes dans " un acte de l'esprit qui produit, sans pourtant le créer, un objet intellectuel là où se trouve une chose »

8. Cet objet intellectuel peut être exploité dans

toutes les mises en scène humaines possibles (idées, cérémonies, oeuvres d'art...) et c'est le seul

auquel nos facultés puissent se référer. Il est la façon subjective de voir le monde, il est notre

conscience du monde. Le concept de représentation semble ainsi parvenir à éviter l'écueil du

" réalisme qui pose l'objet comme la cause dont le sujet devient l'effet » ainsi que celui de " l'idéalisme qui fait au contraire de l'objet un pur effet du sujet »9.

La représentation nous paraît donc correspondre au concept le plus légitime pour exprimer le

rapport du sujet-pensant à l'objet-monde. Il s'agit de la distinguer à la fois d'une simple présence

utilitaire à l'objet et de la notion de symbole qui fige la dimension affective dans un sens

idéologique. Elle ne transforme pas une chose en une autre mais la considère dans une

approximation ouverte. Ainsi la représentation est-elle une notion opérante pour rendre compte de

l'expérience attentive que nous acquérons dans la vie. Elle est ce regard intérieur, toujours présent

comme arrière-fond et qui nous permet de prendre conscience de la mobilité nécessaire des points

de vue. On retrouve, dans cet ordre d'idées, l'approche anthropologique de Lévi-Strauss qui refuse

de figer la notion de vérité en tant que but à atteindre tout en lui conservant une valeur méthodique,

notamment par le biais de la notion de " structure ».

8Ibid., p.16

9 A. Schopenhauer, Le Monde comme volonté et comme représentation, Paris, PUF, 1966, p.19.

9 En me représentant une chose, je prolonge donc ma simple perception par le regard intérieur

qui m'est consubstantiel tout en me refusant de façon critique à un quelconque élan vers une

intelligibilité essentielle ou absolue des choses. A l'origine, on peut se référer au schématisme

fonctionnel de la Critique de la raison pure dans lequel l'imagination et l'entendement ne sont que

des moyens au service de la conscience humaine dans son pouvoir privilégié : la prise en conscience

et la création de sens.

Le rapport du sujet à l'objet passe ainsi par des images dans lesquelles la mémoire et l'affect

jouent autant que l'intellect. Nous proposons en particulier de décrire ce ressenti de l'homme à son

monde à travers la référence aux quatre éléments en tant que phénomènes emblématiques. Ils

désignent en effet la matière, non pas " prima » c'est-à-dire diffuse et informelle, mais la matière

directement sensible. Ils sont comme des signes originaires dans le monde de la substance. Ils

s'offrent à la fois dans une immédiateté sensitive et dans une complexité structurelle qui interroge

encore la science. Ils sont pour nous les meilleurs représentants d'une matière transitionnelle en ce

qu'ils sont constitutifs des corps et en ce qu'ils sont d'emblée investis affectivement par l'homme.

C'est bien dans cet ordre d'idées que Gaston Bachelard en a fait son objet d'étude privilégié et qu''il

les nomme " hormones de l'imagination ». L'utilisation des éléments dans la littérature renvoie

d'emblée à un homme composé d'âme et de corps. Les éléments conduiraient ainsi l'essor de

l'imagination dans l'ordre de l'intimité psychologique ou de la découverte scientifique. Ils

traduiraient cette capacité créatrice qui n'échappe pas à la Nature mais dépasse très largement la

notion de matière. Cette notion d'imagination par laquelle ils seront véritablement explorés renvoie

à l'imaginaire dynamique bachelardien qui désigne la fonction poétique humaine. Ainsi,

parallèlement au fait que la représentation relie la perception à l'idée, les éléments connectent les

sensations aux symboles. Comment rendre compte de ce " tissu de spiritualité »

10 qui nous constitue ? Autrement dit,

comment la re-présentation comme mise à distance du réel peut-elle pourtant porter avec autant de

cohérence la notion de cosmos ? Et pourquoi les éléments donnés à voir et à sentir sont-ils investis

avec autant d'intensité pulsionnelle que symbolique pour représenter le monde ? On se posera dabord la question du statut de la représentation.

Les premières cosmologies

répondant à une exigence de sens à donner au monde, elles travaillent les images de la Nature afin

d'associer le discours au vécu. En respectant les différents cadres de référence quant aux divers

" textes » du monde : de la culture orale aux " métaphores vives » en passant par les paraboles

religieuses, on peut dire que la conscience humaine a tracé divers réseaux pour rendre compte de

10 G. Bachelard, L'Air et les songes, Paris, José Corti, Le Livre de poche, 1943, p.8

10

son rapport affectif avec les éléments. Ainsi, l'homme est l'être qui se représente la vie : la Culture

plante ses racines dans une appropriation signifiante des choses et, en cela, la Nature lui procure une

matière changeante et renouvelée de façon inépuisable. Est-il vraiment possible d'échapper à

l'anthropomorphisme qui habille nos pensées ? Dans ce premier temps de notre réflexion, on se demandera comment, d'une conception de

l'homme à l'autre, les représentations sont ainsi manipulables en fonction de la place accordée à la

matière. Les progrès dans nos sociétés post-modernes ont-ils pour autant changé les " forces de

vivre, de parler, et de travailler »

11 en l'homme ? En ce sens il s'agira de comprendre comment nos

représentations du monde, loin de correspondre à la simple expression de sensations premières,

peuvent rendre compte d'une tension subjective fantasmatique imagée par les valeurs ambivalentes des éléments. Nous nous tournerons vers les sciences humaines et en particulier l'ethnologie pour voir

comment les sociétés ont pu intégrer une vision de la nature à leur culture singulière. Philippe

Descolla a dégagé quatre formes dominantes de représentation de la nature : l'animisme

(Amazonie), le naturalisme (Europe), le totémisme (Australie) et l'analogisme (Chine, Mexique).

On peut ainsi voir qu'en fonction des besoins, la spiritualisation et les valeurs sacrées attribuées à la

nature sont plus ou moins accentuées mais que des symboles archétypaux ont pu apparaître sous la

forme des quatre éléments dans toutes les cultures. Bachelard écrit ainsi que " dans le règne de

l'imagination, à toute immanence s'adjoint une transcendance »12. Et nous pouvons citer dans ce

sens la problématique posée par Claudel et reformulée par Merleau-Ponty : " D'où la matière prend

elle l'essor pour se transporter dans la catégorie du divin ? »13. Les mythologies et les contes

évoquent notamment les premières cosmogonies et eschatologies comme un besoin d'organiser le

réel et de guider la vie humaine face à tout moment de crise. Ici, l'ambiguïté des éléments est

focalisatrice d'une angoisse ou d'une sérénité archaïques. - La terre est symbole du ventre primaire. Elle renvoie aux mystères féminins. Elle est aussi

l'argile qui façonne une première apparence et la remodèle difficilement. Elle est l'asile, la matrice

ou la maison-racine mais tremble aussi et pousse au déplacement. Si elle repose, elle peut étouffer.

Si elle est consistante un temps, elle peut aussi se faire mouvante.

- L'air remplit l'espace entre la terre et le ciel : il garantit une séparation radicale entre eux.

Mais il permet une communication avec le divin en faisant monter l'inspiration ou descendre la

lumière. Ainsi, un environnement trop fermé pousse à prendre l'air mais la tempête peut être

porteuse de pertes de repères et d'absence de fondements.

11 H. Marcuse, L'Homme unidimensionnel, op.cit., p.139

12 G. Bachelard, L'air et les songes, op. cit., p.11

13 P. Claudel, L'oeil et l'Esprit, Paris, Gallimard, 1964, p.16

11

- L'eau renvoie à une mémoire océanique. Mère de toutes les mères, elle est originelle et

amniotique. Ses courants font écho à une rythmique d'attraction entre la lune et le soleil. Se laisser

bercer, c'est abandonner son ego à une union universelle qui nous rappelle aussi que nous ne

sommes que gouttelettes. Les mouvements d'eaux peuvent aller dans le sens d'une régénération ou

au contraired'un naufrage et d'une aspiration vers des fosses abyssales.

- Le feu est la chaleur du soleil, la brillance des étoiles, l'énergie des orages, l'hypocentre

souterrain. Tous les êtres vivants sont fertilisés, tempérés, mûris ou détruits par le feu. S'il est

manipulable, c'est un allié dangereux mais sa maîtrise nous définit en tant qu'humains. Il est ainsi

don des dieux, découverte fortuite ou vol titanesque en fonction de la confiance que l'homme s'attribue.

Il ressort de ces premières analyses qu'un état d'équilibre n'a pu être trouvé que dans la tension

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