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Collection

LÕAFRIQUE AU CÎUR DES LETTRES

dirigée par Jean-Pierre Orban

0.Début.fm Page 1 Vendredi, 21. juillet 2006 12:00 12

LÕAFRIQUE AU CÎUR DES LETTRES

L'Afrique a été l'objet de multiples éclairages politiques, historiques, sociologi- ques. Mais la littérature a-t-elle un regard spécifique sur le continent africain ? Quel est ce regard ? Comment les écrivains, africains ou non, ont-ils appréhendé et saisis- sent-ils la réalité africaine d'hier et d'aujourd'hui ? Comment la recréent-ils ? Quelle

parole, littéraire, politique, polémique, journalistique, portent-ils sur elle ?C'est à ces questions que la collection

veut répon- dre. En recherchant et en rééditant ce que les écrivains, célèbres ou moins connus, ont dit de l'Afrique, de son histoire et de son esprit. En publiant ce que les auteurs littéraires écrivent d'elle aujourd'hui sous diverses formes : du journal de voyage à l'essai, en passant par les articles de presse ou les interventions politiques.Enfin, la collection entend présenter, sous un regard critique, des analyses de la parole des écrivains : comment celle-ci s'intègre dans leur oeuvre, comment et pourquoi ont-ils écrit sur l'Afrique ?

Titres parus :

Mark T

WAIN

Le soliloque du roi LŽopold

, satire, traduit (de l'américain) et introduit par Jean-Pierre OrbanJules V ERNE

LÕŽtonnante aventure de la mission Barsac

, suivi de

Voyage dÕŽtudes,

2 vol., lecture d'Antoine Tshitungu Kongolo

Thomas K

ANZA

Sans rancune

, roman, nouvelle version inédite, préface de Her- bert Weiss, lecture de Mukala Kadima-Nzuji et de Jean-Pierre Orban

Titres à paraître :

Paul L

OMAMI T

CHIBAMBA

Ah ! Mbongo

, roman inédit

Noël X. E

BONY

Les masques

, roman inédit

Si vous voulez tre tenu(e) au courant des publications de la collection, Žcrivez ˆ LÕHar-

75005 Paris (France), ou envoyez un message ˆ

afrique.lettres.harmattan@wanadoo.fr

0.Début.fm Page 2 Vendredi, 21. juillet 2006 12:00 12

Silvia Riva

Nouvelle histoire de la littŽrature

du Congo-Kinshasa

Version française actualisée

basée sur la traduction de

Collin Fort

revue par l'auteur

Préfaces de V.Y. Mudimbe

et de Marc Quaghebeur

LÕHarmattan

5-7, rue de l'École Polytechnique

75005 Paris

LÕHarmattan Hongrie Espace LÕHarmattazn Kinshasa LÕHarmattan Italia LÕHarmattan Burkina Faso

Kossuth L. u. 14-16 BP243, KIN XI 10124 12B2260

1053 Budapest Université de Kinshasa - RDC Torino Ouagadougou 12

0.Début.fm Page 3 Vendredi, 21. juillet 2006 12:00 12

Titre original de

Nouvelle histoire de la littŽrature du Congo-Kinshasa en italien :

Rulli di tam-tam dalla torre di Babele.

Storia della letteratura del Congo-Kinshasa

Éditeur original :

LED Edizioni Universitarie di Lettere Economia Diritto, Milan www.lededizioni.com

Illustration de couverture :

L'extrait reproduit sur le feuillet de la machine à écrire est le début de

La rŽcompense

de la cruautŽ de Paul Lomami Tchibamba (Kinshasa, Mont Noir, Coll. " Objectif

80 », 1972, p. 7)

Mise en pages intŽrieure :

Compo Sud (La Magdelaine sur Tarn - 05 61 35 37 00) www.librairieharmattan.com harmattan1@wanadoo.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr

© LED, 2000 (Copyright et responsabilité

uniquement pour l'édition originale) © L'Harmattan, 2006, pour la traduction française

ISBN : 2-296-00981-6

EAN : 9782296009813

0.Début.fm Page 4 Vendredi, 21. juillet 2006 12:00 12

Silvia R

IVA est docteur en littératures francophones de l'Università degli Studi à Milan, où elle enseigne la culture des pays de langue française. Comparatiste, elle étudie, notamment, le rapport entre la littérature et les arts. Elle est également spé-

cialiste de la littérature africaine subsaharienne. À ce titre, elle a participé à divers

colloques internationaux (ainsi, en 2003, le premier colloque du Centre culturel international de Cerisy-la-Salle consacré à la francophonie) et signé de nombreux articles dans des ouvrages collectifs (dont , sous la direction de Robert Jouanny, Paris, L'Harmattan, 1992) et diverses publications ita- liennes, françaises, belges et africaines, telles que (Paris),

Congo-Meuse

(Paris-Bruxelles-Kinshasa) ou

Ponts/Ponti, langues littŽratures

civilisations des pays francophones (Milan). En tant que membre, en Italie, du groupe de recherche du CNR (Consiglio Nazionale delle Ricerche) pour l'étude des cultu- res et des littératures des pays émergents, elle a participé au projet " Letterature fran- cofone sub-sahariane. Per una istituzione delle letterature nazionali » et a publié, en collaboration avec Liana Nissim et Marco Modenesi, une histoire du roman malien sous le titre LÕincanto del Þume, il tormento della savana. Storia del romanzo maliano

Milan, Bulzoni, 1993.

V.Y. M

UDIMBE

est professeur de langues romanes et de littérature comparée à la Duke University (USA). Romancier et poète, il est aussi l'auteur d'une ample oeuvre philosophique et de critique littéraire, notamment tes de la science et de la vie en Afrique Noire

Paris, Présence Africaine, 1982 et

Para- bles and Fables : Exegesis Textuality and Politics in Central Africa

Madison, University

of Wisconsin Press, 1991.

Marc Q

UAGHEBEUR

est docteur en philosophie et lettres pour sa thèse

LÕÎuvre

nommŽe Arthur Rimbaud . Écrivain, directeur des Archives et Musée de la Littérature (Bruxelles) et professeur associé au Centre international d'études francophones de l'Université Paris IV Sorbonne, il a voué sa vie scientifique aux francophonies et à l'articulation entre Histoire et esthétique. Dans ce cadre, il a consacré une part de ses recherches aux oeuvres issues d'Afrique Centrale, dirige la revue

Congo-Meuse

et la collection " Papier blanc, encre noire ». Il est président de l'Association euro- péenne des Études francophones (AEEF).

0.Début.fm Page 5 Vendredi, 21. juillet 2006 12:00 12

AVERTISSEMENT

Je dois dès à présent clarifier la question des noms des auteurs congolais. Étant donné

que le Congo-Kinshasa est un pays à dominante catholique, nombre d'écrivains ont été baptisés avec des noms d'origine européenne. Lorsque le président Mobutu a

lancé, en 1971, sa campagne de " retour à l'authenticité » qui prévoyait le rétablisse-

ment des anciens patronymes africains, les auteurs ont dû se plier à l'obligation de modifier leur nom (Clémentine Nzuji deviendra Nzuji Madiya, Georges Ngal choi- sira Mbwil a Mpang Ngal). Certains cependant, comme Mudimbe, ont préféré contourner la prescription en signant de leurs seules initiales, qui correspondent aussi bien au nom de baptême qu'au nouveau patronyme (Valentin-Yves/Vumbi-Yoka). Ces cas, plutôt fréquents, seront signalés au fur et à mesure au cours de cet ouvrage, afin d'éviter de possibles attributions équivoques.

0.Début.fm Page 6 Vendredi, 21. juillet 2006 12:00 12

REMERCIEMENTS

Nouvelle histoire de la littŽrature du Congo-Kinshasa est le fruit d'un projet de recher- che qui a vu le jour au tout début des années 1990, basé sur l'étude des littératures nationales de l'Afrique au sud du Sahara. Je tiens avant tout à adresser mes remercie- ments à Liana Nissim, directrice de ce programme. Grâce à son amour de l'Afrique, elle a su m'entraîner dans une aventure fascinante, parfois difficile, en tout cas fruc- tueuse. Si je suis, bien entendu, extrêmement reconnaissante à toutes les institutions qui m'ont permis de mener mon travail à bien - je pense en premier lieu à l'Univer- sité d'État de Milan et notamment au Doyen de la Faculté de Lettres et à Mme Fernanda Caizzi, directeur d'édition des Publications de cette même Faculté, qui a permis la première publication de ce travail en Italie et a autorisé sa parution également en français, mais aussi à l'Association pour l'Étude des Littératures Afri- caines (APELA) et ses membres, Pierre Halen in primis , sans qui ce livre n'aurait pas vu le jour en France, aux Archives et Musée de la Littérature (AML) de Bruxelles et

à l'équipe réunie autour de la Cellule " Fin de siècle », au Centre d'Étude des Litté-

ratures Belge et Congolaise de langue française (CELIBECO) de Mbujimayi, au Centre International d'Études Francophones (CIEF) de la Sorbonne et à ses direc- teurs que j'ai connus dans le temps, à la Chaire de littérature romane et comparée de l'Université de Bayreuth -, je voudrais surtout exprimer ma gratitude à quelques amis et collègues congolais qui m'ont aidée, par leur disponibilité d'écoute et leur facilité d'échange, à me rapprocher de la culture de leur pays. Je remercie donc V.Y. Mudimbe, qui m'a offert la préface italienne de ce livre et son amitié si enrichissante, constante et discrète ; Mukala Kadima-Nzuji, qui a montré le droit chemin à suivre ; Georges Ngal, qui a été un précurseur ; Kama Sywor Kamanda, toujours enthou- siaste dans l'exercice généreux de la promotion de la littérature congolaise ; Mme Clémentine Nzuji qui m'a exhortée à la méticulosité ; Charles Djungu-Simba K. pour ses livres, son ironie et la passion qu'il met à faire connaître son pays de l'intérieur ; Achille Ngoye, pour ses confidences qui remontent au temps de Léopoldville ; et tant d'autres écrivains qui vivent au Congo et dans le monde entier et qui m'ont généreusement offert en lecture leurs manuscrits, témoignant ainsi d'une grande confiance. Un merci aussi à Jean-Pierre Orban, qui a suivi avec maî- trise, énergie et patience le travail de ce volume, et à Monica Barsi, qui a conduit avec succès les négociations entre les maisons d'éditions LED et L'Harmattan. Enfin, je voudrais renouveler mes remerciements à Max Pierre, libraire, mais également spé- cialiste de littérature africaine, sans qui je n'aurais jamais été en mesure de me procu- rer tous les livres, introuvables en Europe, qui ont été indispensables à la rédaction de cet ouvrage.

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PRÉFACE À L'ÉDITION ITALIENNE (2000)

1

UNE " AUTRE » HISTOIRE DU CONGO

L'histoire de la littérature congolaise de langue française que nous présente Silvia Riva est le fruit d'une recherche exhaustive de grande valeur. Au départ d'une date ou, plus exactement, d'un temps a quo , l'auteure opère un double mouvement. Le premier, rétrospectif, inscrit cette littérature dans le cadre historique de ses conditions de possibilité : la période antérieure à 1960, avec, d'une part, sa genèse et, d'autre part, son développement après la deuxième guerre mon- diale. Dans le second, plus chronologique, l'auteure suit, pas à pas, les textes qu'elle

décrypte et interprète en les resituant dans l'esprit de leur époque, de ses tragédies et

de ses fantasmes. À ce titre, il convient de mettre en exergue l'originalité de l'entreprise. À ma connaissance, il s'agit du premier ouvrage qui couvre de manière aussi systématique une telle période de l'histoire du Congo, et ce avec trois qualités essentielles que nous ne soulignerons jamais assez. Tout d'abord, l'extrême richesse d'information : l'auteure a lu, à l'évidence, tout ce qui, dans cette période, ressortit, directement ou

indirectement, à la littérature congolaise ; ensuite, le sens du détail et l'honnêteté

scrupuleuse des analyses concourent à une approche qui dépasse l'acrimonie sinon la violence de nombre d'études littéraires comme sociales, qui cherchent à diviser plutôt qu'à unir, à opposer plutôt qu'à intégrer. Ce dernier aspect montre, enfin, l'extraordinaire ambition de l'oeuvre : rejetant les critères discriminatoires tels ceux de l'élitisme ou du non-élitisme, Silvia Riva choisit d'inclure comme littéraire tout texte qui se définit comme tel, y compris le roman policier. Comme le lecteur pourra s'en rendre compte, l'auteure relève ici un vérita-

ble défi en évitant, grâce à une volonté de rassemblement, les sélections qui, jusqu'à

présent, ont représenté les options divergentes d'une part " populiste », d'autre part " formaliste et intellectualiste ».

1. Version française et actualisée pour ce qui est du titre de l'ouvrage :

Nouvelle histoire de la littŽrature

du Congo-Kinshasa

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10 P

RÉFACE

L

ÉDITION

ITALIENNE

(2000) Cette démarche, importante, permet à l'auteure de présenter une fresque histori- que complexe et nuancée, où l'ethnographie communique avec la poésie, l'histoire

s'allie au récit et au roman, la théologie au théâtre et à la pratique de la vie quoti-

dienne. L'autre aspect de ce choix, où communient les diverses facettes de la créativité, réside dans sa capacité à induire lui-même les questionnements. En se mesurant à l'histoire récente et en se proposant comme autorité interprétative, une recherche de cette ampleur s'impose comme modèle. Nous vient aussitôt à l'esprit l'impact qu'a eu l'ouvrage de Lilyan Kesteloot qui, à la veille des déclarations d'indépendance afri-

caines, a thématisé la littérature de la Négritude et s'est imposée jusqu'à aujourd'hui

comme paradigme de lecture et d'interprétation de cette production littéraire. Dans le même sens, on peut penser qu'à son tour, l'ouvrage de Silvia Riva qui, en français, s'intitule à juste titre Nouvelle histoire de la littŽrature du Congo-Kinshasa , s'érige à la fois en monument et en interrogation sur le futur de la littérature congolaise. Notre gratitude va à Silvia Riva pour ce travail magnifique. Il met en lumière une " autre » histoire du Congo, accentue l'ordre des lettres - ses éblouissements, ses aventures, ses impulsions - et, en réalité, nous invite à une réflexion fondamentale sur le bon usage de la littérature et sur son rôle dans la construction d'une nation.

V.Y. Mudimbe

2.Préface.fm Page 10 Lundi, 17. juillet 2006 1:24 13

PRÉFACE À L'ÉDITION FRANÇAISE (2006)

UN CONTINENT LITTÉRAIRE SINGULIER

L'histoire des littératures de langue française est aussi celle de leurs commentaires.

Significative à cet égard, la place que l'étude de ce que l'on appelle désormais les lit-

tératures francophones a prise très tôt dans les pays allophones alors qu'elle se heur- tait en France à des résistances assez profondes et se concentrait souvent, dans chaque pays francophone, au travail sur la production propre. Il est, d'autre part, évident qu'au sein de l'ensemble de ces territoires francopho- nes, et pour des raisons historiques tout aussi logiques et structurantes que pour le constat qui précède, la forme ou l'ampleur de l'accueil critique réservé aux oeuvres de telle ou telle aire sont loin d'être équivalentes - à Paris bien sûr mais aussi dans les divers campus universitaires, lesquels ne relaient pas forcément les choix du système éditorial le plus centralisé du monde. Il en alla longtemps de la sorte pour les textes, pourtant riches et nombreux, issus des francophonies originaires. Il en va toujours largement ainsi des oeuvres écrites par des ressortissants des pays qui constituèrent l'empire colonial de la Belgique. Or la production issue du Congo-Kinshasa est tout sauf une production mineure. Elle constitue en revanche un champ doté de caractéristiques singulières, et dont les paramètres échappent largement - l'Histoire aidant à nouveau - à certaines grilles interprétatives dominantes. La première initiative post-coloniale importante, destinée à saisir et à structurer les spécificités de cette histoire, est venue du Congo-Zaïre en la personne de Mukala

Kadima-Nzuji

1 , qui, dans son livre La littŽrature za•roise de langue franaise (1984), donna la première synthèse cohérente de cette dynamique, en privilégiant toutefois la dimension distinctive de La Littérature au sens fort. La seconde, que j'ai impulsée à partir de la Belgique mais en interaction avec le Congo-Zaïre, s'est concrétisée à partir de 1992 avec les manifestations " Papier blanc, encre noire ». Elle a, entre autres, balisé l'amont de ce continent littéraire. L'Allemagne, grâce à János Riesz 1.

N.d.E.

: La présentation et l'orthographe des noms et des titres, dans cette préface, ont été harmo-

nisées selon les règles utilisées dans le corps de l'ouvrage lui-même.

2.Préface 2.fm Page 11 Lundi, 17. juillet 2006 1:24 13

12 P

RÉFACE

L

ÉDITION

FRANÇAISE

(2006) notamment, s'ouvre alors à cet espace culturel, mais c'est en Italie que s'opère ensuite une reprise en charge synthétique du corpus, qui constitue une nouvelle étape sym- bolique, avec la publication du livre de Silvia Riva

Rulli di tam-tam dalla torre di

Babele Ð Storia della letteratura del Congo-Kinshasa (2000) dont nous pouvons saluer aujourd'hui la parution en français, dans une version sensiblement remaniée. Elle amène jusqu'à l'extrême aujourd'hui l'aval de cette littérature. C'est un des grands mérites de ce livre dont l'index des noms, comme la bibliogra- phie, fourniront par ailleurs au lecteur et au chercheur un instrument de référence inexistant à ce jour. Ce considérable travail, dans le maquis de l'extrême contempo- rain, mériterait d'être mené, avec un même souci d'exhaustivité en ce qui concerne l'amont. Car comme l'affirme Silvia Riva, et je partage son point de vue, il est à coup sûr plus riche que ce que nous en connaissons actuellement. Reste à voir, et l'angoisse m'étreint en l'écrivant, au vu d'expériences que j'ai pu faire au Congo, si les archives qui nous permettraient d'en prendre mesure n'ont pas disparu corps et bien. Et cela, à travers l'inintérêt volontaire et coupable que la Deuxième République vouait aux traces de ce qui la précédait, mais aussi aux désastres qu'engendrent la décomposition du pays, puis les guerres et la misère qui déchirèrent et mutilent toujours le Congo. Reste qu'un pan capital de ce passé parviendra bien, finalement, à voir le jour, celui du " Continent Kaoze » dont je persiste à dire que l'article original paru en 1910 dans la

Revue Congolaise

- écrit 25 ans seulement après le début de l'implantation belge au Congo,

Psychologie des Bantu Ð

constitue bien le terminus a quo de l'histoire de la production écrite du peuple congolais dans la langue française. Un terminus a quo culturel nourri - et donc confirmé par toute une vie - et, en un sens, littéraire- ment plus décisif que le Serment de Strasbourg donné comme point de départ du français. Silvia Riva me permettra aussi de penser et de dire que, pour les décennies de la tutelle coloniale, la comparaison avec ce qu'écrivirent les Belges au Congo à la même époque que leurs " pupilles » africains ne manquerait pas d'aider à comprendre ce qui se joue dans le pays du grand fleuve et des grands lacs. Que

Le crŽpuscule des anctres

de René Tonnoir, le directeur du Musée de la Vie indigène à Léopoldville (Kinshasa), soit contemporain du

Ngando

de Paul Lomami Tchibamba dans lequel Mukala Kadima-Nzuji voit avec raison un roman fondateur, n'est évidemment pas le fruit du hasard mais de l'Histoire et ses complexités. Qu'il y ait eu réponse, ou influence, ou simplement concomitance de fait est une autre question. On saluera par ailleurs, dans cette partie consacrée aux décennies qui précèdent l'indépendance, les pages subtiles consacrées par la critique à Antoine Roger Bolamba et à son rôle de termite sous la tutelle coloniale. Fruit d'une passion et d'une exigence, le livre qu'on va lire constitue donc une véritable introduction à une littérature, à ce jour, toujours beaucoup trop peu connue. Un de ces mondes qui devraient logiquement irriguer nos lectures et faire partie du commentaire médiatique, en tout cas de la presse écrite, si le temps des Francophonies avait réellement pris cours et corps. Cela suppose que l'ouverture aux univers francophones, en France et dans tous les pays francophones, soit devenue pain quotidien ; et que les règles qui prévalent tou- jours dans le fonctionnement du système littéraire de langue française, comme dans ses modes de production et de distribution, aient connu une sensible mutation, pour le bonheur et l'intérêt de tous. Silvia Riva, qui vient d'un autre espace linguistique

2.Préface 2.fm Page 12 Lundi, 17. juillet 2006 1:24 13

UN

CONTINENT

LITTÉRAIRE

SINGULIER

13 que le nôtre, nous y invite, comme nous y poussent, à leur façon, les mondes luso- phones, hispanophones et anglophones. Le choix qu'a fait Silvia Riva consiste à suivre le fil discursif du temps, avec un maximum d'exhaustivité pour la prose, en consacrant à certaines oeuvres ou à certains auteurs significatifs un commentaire plus fouillé et plus incisif. Je ne puis que me réjouir ainsi des nombreuses pages consacrées à V.Y. Mudimbe, figure majeure que l'Afrique centrale du dernier demi-siècle a donnée au monde, ou à Pius Ngandu Nkashama dont, à bien des égards, plus d'un texte est comme l'avers baroque de ceux de Mudimbe. Je me réjouis tout autant de voir sérieusement pris en compte le sur- gissement, à travers Nzau, de la forme réhabitée du roman policier, ce genre roma- nesque qui est sans doute un de ceux qui s'est révélé le plus apte, depuis plus d'un siècle, à restituer hors discours superflu les avanies d'un monde, pour ne pas dire du monde.

Voir mis en exergue

Cannibale

de Bolya ou

La reproduction

de Thomas Mpoyi- Buatu est tout aussi essentiel. Ce sont des oeuvres et des noms qui ont figuré l'impen- sable avec une originalité réelle, celle d'une littérature digne de ce nom. Silvia Riva ne s'y trompe pas. Comme elle pointe avec acuité la question du sujet chez Mudimbe ou la reprise, dans certaines oeuvres de Ngandu, de la structure du thème du kasalˆ Tout aussi importantes, la prise en compte à part entière de la production popu- laire d'un Zamenga ou d'un Tshibanda, et l'explicitation de leurs conditions de pro- duction et de réception. Examen d'autant plus important qu'il correspond à la restitution des spécificités d'une Histoire, sur laquelle nous avions également mis l'accent dans notre exposition " Papier blanc, encre noire » de 1992. Il contraint en outre à repenser les cadres généraux de lecture de la production littéraire d'une part, et les codes singuliers des littératures francophones de l'autre. Celles-ci ne peuvent se lire uniquement à la seule aune de la fama qui définit les valeurs de nos champs lit- téraires depuis plusieurs siècles.

La matière brassée par l'exégète est répartie en quatre séquences temporelles. Deux

d'entre elles correspondent à ces décennies qui me paraissent en fait scander, tant l'évolution est rapide en ce pays, l'histoire de la production littéraire en français du Congo-Kinshasa depuis 1910 : celles qui concernent les années 1960 et 1970. Ce faisant, l'on se trouve face, pour les 25 années qui suivent, à un bloc plus vaste, pédagogiquement efficace, comportant de nombreux allers-retours temporels struc-

turés par des choix thématiques mis à l'enseigne globale de " l'écriture de la liberté ».

On peut certes imaginer une autre approche qui appréhenderait cette même matière en la découpant en catégories structurantes davantage articulées à l'Histoire et à l'emprise qui est la sienne sur les formes. En revanche, par ce fait, le lecteur est confronté au foisonnement d'une produc- tion littéraire dont la conclusion du présent ouvrage entame le dégagement des spé- cificités structurelles. Silvia Riva évoque ainsi les dimensions " philosophiques » de cette littérature congolaise qui n'eut de cesse de rebrasser dans la fiction, pour les faire évoluer, des discours tenus à propos de ses habitants, par exemple. Ainsi encore, pointe-t-elle l'indifférence foncière de cette littérature au lutétiotropisme, comme sa réelle indépendance en matière de système générique. Il y aurait, et il y a bien sûr, encore beaucoup à creuser et à articuler dans cette histoire des formes qui sont le fruit d'une Histoire singulière. Il est clair que ce che- min, c'est celui que Silvia Riva s'est tracé et qu'elle nous propose.

2.Préface 2.fm Page 13 Lundi, 17. juillet 2006 1:24 13

14 P

RÉFACE

L

ÉDITION

FRANÇAISE

(2006) Aussi, prolongeant la formule emblématique par laquelle Paul Nougé ouvrit le ras- semblement de son oeuvre poétique réalisée par Marcel Marien, je ne puis que me réjouir de constater que " l'Expérience continue » ; et qu'elle continuera. Je me félicite du fait que cette aube et cette invitation nous viennent de cette Italie qui ne se réduit décidément pas aux pitreries scandaleuses, et intéressées, qui ont émaillé dans ce pays les premières années du XX e siècle. Celles-là ont peut-être rendu plus aiguë la perception par Silvia Riva de l'histoire d'un peuple floué, mais pas entiè- rement dupé...quotesdbs_dbs6.pdfusesText_11