[PDF] Épistémologie et logique Depuis Kant jusqu'à nos jours - Numilog



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ÉPISTÉMOLOGIE ET LOGIQUE

depuis KANT JUSQU"À NOS JOURS Retrouver ce titre sur Numilog.com

DU MÊME AUTEUR

L"esthétique

de la grâce (Alcan, 1934). Léonard de Vinci (Alcan, 1934). Essais sur la méthode en esthétique (Flammarion, 1953). Retrouver ce titre sur Numilog.com

PHILOSOPHIE DE LA MATIÈRE

COLLECTION

DIRIGÉE PAR RAYMOND BAYER

PROFESSEUR

de Philosophie GÉNÉRALE À LA SORBONNE

ÉPISTÉMOLOGIE

ET

LOGIQUE DEPUIS KANT

JUSQU"A NOS

JOURS PAR

RAYMOND BAYER

PRESSES

UNIVERSITAIRES DE FRANCE

108,

BOOULEVARD Saint-Germain, PARIS

1954

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DÉPOT LÉGAL

1

édition 4e trimestre 1953

TOUS

DROITS

de traduction, de reproduction et d"adaptation réservés pour tous pays COPYRIGHT by Presses Universitaires de France, 1954 Retrouver ce titre sur Numilog.com

PREMIÈRE PARTIE

NÉCESSITÉ

ET CONTINGENCE Retrouver ce titre sur Numilog.com

contre l"indulgence épistémologique de l"encyclopédie thomiste, remontant sans cesse des effets aux causes. Une sorte de rigueur, instaurant une ascèse de démonstration, refusait à la raison, sans autre procès de conscience, de partir d"une existence contingente et non du concept d"une certaine nature et de sa possibilité. Entre les évidences immédiates, toutes contrôlées, et les déductions nécessaires, seules rationnelles, l"Esprit pour demeurer Raison n"avait d"autres ressources ni d"autres titres que de vivre l"aventure d"une accommodation incessante et plastique, en se tenant à la rigueur méthodique et interne de ses constructions autrement retrouvées, à l"ascèse assimilatrice de ses schèmes réussis, permis et identiques. Le plan critique établi sur lé réel n"en présentait jamais la réduction en connaissance que par le tranchant et pour ainsi dire par le fil. Toute démonstration digne de ce nom se faisait à partir d"une cause nécessaire et évidente appliquée à la conclu- sion, le nécessaire n"allait plus que du même au même, et restait le seul critère de la rationalité; inversement, il fallait à la des- cription neuve du réel une évidence immédiate non plus sim- plement abstraite, mais intuitive, la connaissance intuitive devenait de nouveau la seule qui portât sur des existences et qui nous permît d"atteindre les faits, surtout les faits construits. L"expérimentalisme nouveau, à ce seul prix, devenait le seul refuge assuré contre le scepticisme, le bastion contre tous les doutes non méthodiques. En un sens, comme au temps de Duns Scot, d"Occam, d"Autrecourt, c"était bien la même aven- ture tourmentée. Mais ici c"était la science même, non point la réflexion, qui imposait de l"extérieur, à chaque état de son progrès, la nécessité épistémologique que posait à la théorie de la connaissance la résolution correcte de ses problèmes. L"esprit, mené par eux, docile aux vertus de la réussite et de l"échec, obéissait, inconsciemment sans doute, aux incitations successives, et sans convergence préméditée, d"un vaste réa- lisme opératoire. Retrouver ce titre sur Numilog.com

Le problème de l"objectivité avait été, de tout temps, l"un des problèmes centraux de la théorie de la connaissance de la science. La notion avait pris, certes, bien des éclairages, grandi dans une sémantique historique bien précise. Un pro- blème épistémologique en était né, le problème épistémologique même où se trouvait impliquée l"incertitude d"un vocabulaire. Pourtant l"histoire de la notion était assez claire. Le vocable objectif avait, nous le savons, son sens scolastique et cartésien, que Duns Scot avait rendu classique. Objectif avait un sens logique : il ne signifiait qu" " une représentation de l"esprit », sans impliquer une réalité subsistant en elle-même et indépen- dante. C"était donc, au fond, le moindre degré du réel et Des- cartes avait eu raison de dire, dans sa Réponse aux secondes objections, " ce qui se rencontre seulement objectivement ou par représentation (1) ». Ce sens, qu"après les grands classiques a tenté de reprendre Renouvier, répond si peu à la définition contemporaine d"une réalité objective que c"est, dans le voca- bulaire cartésien, la notion contraire de réalité formelle qui en serait évidemment la plus proche. Car la réalité formelle, à l"opposé de la réalité objective, est celle de l"ordre des existences actuelles et effectives, que l"objectivité précisément semble se proposer comme son but. L"objectivité, dont il s"agissait pour les scolastiques, c"était, au fond, l"objectivité des Idées, celle de Malebranche ou de Berkeley, bref la réalité des idées que Dieu nous présente, nous jette à la vue; de sorte que, de cette objec- tivité, Dieu seul est le seul objet véritable fondement des autres, mais dans cette objectivité métaphysique et transcendante, par-delà les erreurs et les illusions subjectives du psychisme humain, paraissait du moins le noyau ou le nœud de toute objectivité authentique : la découverte du rapport adéquat de l"idée même à un objet et, en somme, sa liaison au problème de la vérité.

(1) DESCARTES : A. T., VII, 161; IX, 205. Retrouver ce titre sur Numilog.com

Le sens commun, parallèlement, développait les implications d"une notion d"objet selon la science qui pouvait convenir au phénoménisme même. Positiviste sans le savoir, un peu. à la manière de la volonté générale qui légifère et qui prononce " dans le silence des passions », il construisait le schème d"une observation, impartiale et sans préférence, des phénomènes exté- rieurs et des lois. Ainsi se fortifiait une théorie du jugement sans prévention ni précipitation, sorte d"illustration cartésienne de la direction de pensée, tandis que des objets nouveaux nais- saient avec la psychologie de comportement et de réaction, dans les traitements historiques du document, ou la sociologie des faits sociaux comme choses. La contrainte d"un donné paraissait conduire à une élimination plus sûre du facteur sub- jectif, et, dans quelque chose qui s"imposât à l"esprit, un cer- tain nombre d"esprits voyaient, peut-être à tort, réduits défini- tivement du moins, la fantaisie, l"irréel, la pure Erscheinung, bref les multiples formes imaginatives des erreurs du sujet. Un phénomène, étranger au moi, qui se passe, paradoxalement, en nous et sans nous : telle pourrait être la définition métho- dique de l"objectivité stricto sensu. C"est pourquoi, l"objectivité ontologique des anciens systèmes (objicere, objectum, placé par Dieu devant l"esprit), devenue la chose extérieure qui est pensée, réclame du moins un critère d"extériorité; et, dans une référence à un pôle qui ne soit plus moi, se pose sans cesse, limitant le caprice du calcul ou du langage, le problème de la nature de ceci, qui peut être en dehors de l"esprit. Cette nature change à chaque tentative et à chaque constatation. Mais, est rejointe, du moins autrement prise, une certaine perspective réaliste sur un certain monde extérieur autrement posé. L"objet, transfiguré et en métamorphose, j"al- lais dire en métamorphisme, représente inlassablement la ques-

tion,

pour le philosophe de la science, encore capitale, mais lorsqu"il redevient savant en son laboratoire, sans doute vaine et méthodo- logiquement inintelligible, d"une certaine conformité à l"objet. Retrouver ce titre sur Numilog.com

Cette référence à quelque chose, ce critère d"extériorité que réclame tout le XIX siècle (il suffit de redescendre jusqu"à la méthode d"un Claude Bernard), ce quelque chose, en un sens, d"extérieur à la conscience, sinon à la limite de toute conscience, et indépendant de cette connaissance actuelle qu"en a le sujet pensant, bref, paradoxalement, cet objet conçu par l"objecti- vité hors de sa référence à des sujets, restait le postulat et le tréfonds de la pensée rationaliste. L"essence des choses et l"ordre du monde postulaient leur coïncidence, à la limite, avec les lois de la pensée, coïncidence classique qui n"était pas deve- nue, depuis Leibniz, conception tout à fait morte. Une définition critique était même restée possible à la notion de l"objec- tivité : celle-là qui avait fait résorber toute l"épistémologie kan- tienne dans le sujet, pourvu qu"il soit universel. C"était là l"autre définition possible de l"objectivité : qui l"oppose à la cogitation de l"individu. L"objectivité, devenant phénomène de pensée, sauvée, - à quel prix - de l"aporia classique des théories de la connaissance, semblait trouver son critère, le critère même de l"objectivité critique : à savoir l"accord - sans doute, succé- dané sociologique de l"objectivité, humaniste tout au plus et, à la limite, transcendantale. L"accord des esprits, Kant l"avait posé en toute clarté. Le système est valable pour nous, par rapport à nous, hommes. Il ne s"agit plus d"une position ontolo- gique, mais bien gnoséologique. Nous tombons d"accord sur des règles, le dédoublement de l"ordre des choses et des lois de l"esprit est accompli. Cette organisation de la notion à l"intérieur d"un esprit d"homme se confirme ainsi de plus en plus dans l"es- prit du savant contemporain. C"est l"admonition de Poincaré, dans la Valeur de la Science : " Une réalité complètement indé- pendante de l"esprit qui la conçoit, la voit ou la sent, c"est une impossibilité. Un monde si extérieur que cela serait à jamais inaccessible (1). » Ainsi va-t-on au synnomique de Baldwin, à

(1)

POINCARÉ : La Valeur de la Science (Paris, 1938), Introd., p. 9. Retrouver ce titre sur Numilog.com

l"objectivité selon Lachelier et considérée comme " le fonde- ment de l"accord des esprits », dans les sciences sociales et les éthiques, à la convention (convenire) des esprits entre eux, selon Dupréel. L"objectivité était l"accord de la pensée avec la chose : elle est bien près d"avoir désormais pour idéal l"accord interne des esprits entre eux. C"est alors que paraît la qualité propre d"une telle objectivité πρగς ை˩్ς, de l"objectivité gnoséologique et critique : c"est d"être une valeur. Un jugement de valeur sous-tend notre objectivité : et, pour tout dire, une Gültigkeit. Mais qui ne voit que c"est déplacer le problème? On admettra difficilement que, dans une perspective d"authentique heuris- tique,

le principe d"un jugement devenant dans son évolution à tout jamais réfléchissant, laisse dans sa régulation échapper dans l"indifférence toute parcelle constitutive, celle qui fonde justement la validité du jugement de valeur. Ainsi, la notion de règle n"est point, pour autant, l"opposé de la notion de loi. Ce sont espèces d"un même genre où, de toute manière, s"élimine, dès que l"heuristique se résout, l"arbitraire. Et c"est même pré- cisément, dans l"ordre humaniste, l"élément d"échelle de sa Gül- ligkeit. Le choix entre nos axiomatiques nous reconduit sans cesse vers un donné reconstitué, du moins autrement consti- tué. La règle ne crée pas un ordre sans préférence qui laisse- rait immotivés nos choix. Cette polarité de certaines conver- gences dégage comme des lignes de réalité qu"il convient de suivre. Le pragmatiste même, une fois la vérité construite a posteriori, admet bien dans les faits que ces réussites avaient leur motif. Le constitutif se reconstitue malgré nous. Délaissons définitivement l"étroitesse de toutes les positions rationalistes : il n"en demeurerait pas moins qu"il doit exister un quelconque fondement à nos assertions. Il y a, comme le disait Lachelier, une raison d"énoncer le fait (1). Nous avons raison de. Et nous avons raison, de prétendre en certains cas

(1) LACHELIER : sub V° Objectif, in Voc. Phil. Lalande (4 éd.). Retrouver ce titre sur Numilog.com

que nous avons une raison de. Délaissons les lois causales pour les lois statistiques, la statistique même a ses causes. Les erreurs systématiques sont partie intégrante d"une discipline de la vérité. L"objectivité critique relève de l"ordre du légitime, c"est un droit. Si l"objectivité reste ainsi valeur, la légitimité se plaide. Nous tombons d"accord sur des règles. C"est pourquoi, esprit universel ou univers des choses, à la suite de tous les écarts volontaires et méthodiques de la position des problèmes, une réalité sans cesse reposée élimine, chez les contemporains, la notion d"arbitraire, son antithèse, qui serait précisément l"éli- mination du concept de méthode même. Et comme l"objectivité ne demeure telle précisément, que de la coïncidence du point de vue πρగς ை˩్ς et du point de vue χατ"஫λఔθεiαν, on assiste, en physique par exemple, dans la détermination de structures plus fines, qui, en son recours, éliminant tout idéalisme, repose de façon aiguë les structurations, comme la référence suprême contre la barbarie de tous les procès d"amorphisme, à la rédin- tégration du sujet dans la totalité de l"univers de l"objet, de l"angle de vue dans l"objectivité d"un monde sans angle de vue, de l"observateur dans le système même de ses expériences. Ainsi, du moins selon la visée épistémologique contemporaine, la sub- jectivité même des mesures apporte son concours à l"objectivité d"un objet toujours en constitution. Si l"on voulait l"interpréter ainsi, on pourrait, à cinquante ans de distance, parler d"une raison constituante au sens où l"entendait, par exemple, André Lalande. Mais il n"en est nullement besoin. C"est toujours dans la mesure, et dans la mesure seulement, où il reste possible de faire coïncider les deux points de vue, le point de vue du sujet et le point de vue de la vérité, que l"idée d"objectivité ne s"éva- nouit pas. Et cette quête d"objectivité ainsi comprise, devient à chaque effort de libération méthodique, plus rigoureuse que jamais. Par-delà l"expérience et dans l"heuristique et l"essai des problèmes, elle constitue vraiment la récente et contemporaine chasse de Pan. C"est pourquoi, qu"il y ait, dans la notion d"ob- Retrouver ce titre sur Numilog.com

le premier écrit de Kant, c"est la complète obscurité encore de la notion de force. Tantôt il distingue, tantôt il confond, tantôt il déduit l"une de l"autre la force essentielle et la force vive. La manière même dont il conçoit la force montre combien il est loin des corps réels de la nature; la force agit de l"extérieur et change l"état du corps sur lequel elle agit : nous restons en pleine abstraction. Le concept de force vive est parfois encore plus étrange : lorsque la force qui agit sur un corps atteint un degré suffisant d"intensité et de vitesse, le corps la fixe dans sa propre nature, elle n"est plus une force morte ni reçue par le corps extérieurement. Mais comment se fait le passage? Kant ne le dit pas ni ne saurait le dire. La réalité naturelle s"évanouit pour lui dans la métaphysique de ses contemporains. Quant à l"espace, ce leibnizien restera leibnizien comme il le demeurera plus tard dans la Monadologie physique : aucune idée naissante de la subjectivité de l"espace. Pourtant perce déjà son inquiétude critique. Il montre, en maints endroits, la fragilité de l"hypothèse métaphysique; son attachement à la philosophie naturelle l"achemine déjà vers l"Histoire générale de la Nature qui va suivre; le mérite du Traité sur les Forces vives, c"est incontestablement une réflexion de Kant sur sa méthode. La métaphysique, nous apprend-il dès cette œuvre de jeunesse, doit s"allier à la mathématique et tou- tefois sans que chacune outrepasse ses limites : ajoutez cette considération maîtresse à la considération d"une nature, vous avez déjà toute la solidité de ce que sera plus tard la Monado- logia Physica : car il déclare que la méthode est pour lui la grande inspiratrice de ce premier ouvrage (die Hauptquelle dieser ganzen Abhandlung) ; entre les opinions antinomiques, il cherche déjà un moyen terme (ein Mittelsatz) ; c"est à cette méthode, - et il l"écrit expressément - qu"il dédie ce livre. C"est là son Traité de la Méthode, vraiment. Dans l" Untersuchung de 1764, il sera ainsi à même de répondre à la question de l"Académie de Berlin : " Si les vérités métaphysiques sont capables d"autant Retrouver ce titre sur Numilog.com

se

devraient d"expliquer. Dans le premier des deux opuscules sur la terre, Kant pose la question de savoir si une rotation autour de son axe a pu en diminuer la vitesse : en deux mille ans, elle est en retard de huit heures et demie. La cause doit en être attribuée à la force d"attraction du soleil et de la lune; et de même, attirant la lune, la terre en a atténué la vitesse de rotation. La terre, de fluide, devait devenir solide avant d"exercer action sur la lune, et vice versa : elles furent donc fluides, selon toute vrai- semblance, et sont solides. Nous voici en présence de l"idée

d"un devenir cosmique, d"une histoire de la réalité de la nature, mutation vraiment et formation dans le temps : c"est une his- Retrouver ce titre sur Numilog.com

toire de l"univers (Allgemeine Naturgeschichte...) dans la double irréversibilité des mondes et du temps. Toute chose, d"ailleurs, pour peu qu"elle naisse, périra. La terre, devenue solide et par- venue à un état de fertilité, fut habitable : redeviendra-t-elle stérile et inhabitée? Vieillira-t-elle? Ces deux opuscules sur la terre sont la préparation et l"illus- tration de la grandiose cosmogonie kantienne et l"éloquente vision d"une naissance et d"un anéantissement des mondes (Allge- meine Naturg., II, ch. 4). Du chaos, semence du monde, de nouveaux mondes se développent tandis que s"abîment les anciens mondes : cette théorie du ciel est la plus significative de toutes les premières œuvres du maître. Impétueuse, ardente, heureuse, solide : Kant a trente ans et ne retrouvera plus cette flamme. L"œuvre, qui passa inaperçue, était cependant en accord avec la science du temps et elle y puisait ses racines. Lorsqu"en 1761, Lambert écrit ses Kosmologische Briefe, il semble ignorer tout de la tentative de Kant. Lorsqu"en 1796, trente-cinq ans plus tard, Laplace crée son Exposition d"un Système du Monde, c"est dans la même ignorance de son devancier. Il faudra attendre Helmholtz pour que, non sans quelque exagération, prenne place en Allemagne la consécration traditionnelle d"hypothèse de Kant-Laplace. Dans cette œuvre, la pensée de Kant s"approfondit. Il fut un temps où les preuves en faveur des forces vives lui sem- blaient comme autant de démonstrations géométriques : il avoue se réveiller de cette confiance ingénue. Il comprend que la réalilé du mouvement est la condition de toute mesure : les corps de la nature ne sont plus, pour lui, des corps géométriques. D"autre part, il pénètre " la difficulté qui empêcha Newton d"adopter la théorie mécanique (1) », et il apporte sa solution de la difficulté (partie II, ch. 8 et dernier). Chercher une cause naturelle à la rotation des corps célestes, c"est ne la trouver

(1) Kant., Bd I, 342. Retrouver ce titre sur Numilog.com

point dans les espaces, ou vides, ou pleins d"une matière sub- tile. Ainsi donc le vide le décourageait, comme aussi l"incom- préhensibilité d"une force à distance. Une harmonie première du mouvement des astres, la coïncidence des plans de leurs orbites, voilà la solution : elle postule une cause naturelle et

unique

de leur source. Une unique matière remplissait autre- fois un espace unique; en se condensant, la matière crée les distances et laisse vides, ultérieurement, les espaces. Quel mode donc de groupement à ces parcelles éparses? La gravitation; il y a une histoire du monde et une pérennité des lois. Voici le chaos, introduisez l"attraction et vous expliquerez le groupe- ment; le monde ainsi conçu se stabiliserait, deviendrait immo- bile; introduisez la répulsion : c"est aussitôt la rotation, et les sphères font cercle. Tout converge vers l"hypothèse et tout concerte. La voie lactée n"est pas un phénomène isolé, ni isolé le . système solaire. D"autres systèmes analogues d"étoiles présentent également des figures elliptiques. Saturne et son excentricité n"est dans notre système que le modèle plus saisissable d"autres astres jugés fugaces : et voilà les comètes ramenées sous la loi. L"anneau de Saturne lui-même est témoin des anciennes indis- sociations. Telle est la conclusion métaphysique qui se dégage de l"œuvre même : elle est presque malebranchienne; la nature est simple, ses lois premières sont les plus simples, sa consti-

tution

générale, qui la fait regarder comme un tout, ne peut pas ne pas être simple. C"est là une vérité première, authen- tique, élémentaire. Or, la théologie de Newton suppose une certaine excentri- cité, une déviation certaine du système, de sorte qu"un coup de pouce divin est nécessaire pour remonter la montre et pour retendre un ressort qui fléchit. Plus n"est besoin de cette hypo- thèse supplémentaire si je transporte dans le devenir les lois mêmes de l"instant présent. C"est la réponse de Laplace à Napo- léon sur la nécessité de Dieu dans le système : " Que faites- vous donc de Dieu ? disait l"empereur. - Sire, je n"ai pas eu Retrouver ce titre sur Numilog.com

(1)

Meditanisnum quarundam de Igne succincta delineatio (1755). Id., I, 371-388. Retrouver ce titre sur Numilog.com

le newtonianisme scientifique de Kant, En tout cas, sa est newtonienne. II. -

LA VISION " IN CONCRETO ».

Quel est

donc cet apport newtonien à la philosophie critique? Considérons-le à l"œuvre dans la constitution d"un idéalisme transcendantal. Son apport considérable au système général de Kant, c"est d"abord la vision in concreto. Gaston Milhaud en a bien mis en lumière l"influence dans son article de la Revue de Métaphysique et Morale de 1904 sur : la " Connaissance mathématique et l"idéalisme transcendantal ». Le dynamisme nouveau de Newton, physique et positif, mar- quait pour Kant, dès son point de départ, une opposition nette au dynamisme métaphysique de Leibniz et au mécanisme mathématique de Descartes. C"est cette nouvelle dynamique qui hante, le jeune Kant mathématicien du Traité sur la véri- table estimation des Forces vives aux principes métaphysiques de la science de la nature. L"Untersuchung de 1764 précise avec netteté sa position mathématique : la synthèse dont partent les postulats mathématiques, c"est la construction des concepts in concreto ; non plus l"idéation mais bien l"ostentation. Il y a, dans la démonstration de l"existence mathématique, non plus simple façon de démontrer mais de montrer. L"intuition concrète n"est nullement absente de la vision kantienne du mathéma- ticien. On reviendra plus tard à des formes plus contemporaines de l"analyse ou d"un nominalisme ingénieux, où Leibniz ou Descartes trouveraient certes leur compte. Kant s"écarte, au contraire, dans sa vision critique, du logique, de l"analytique, de l"abstrait. Il rattache au concret le réel et le clair. Et c"est dans le même esprit newtonien, cherchant l"a priori de ses synthèses, qu"il détachera violemment plus tard de la logique classique, formelle et pure, toute sa logique transcendantale. C"est ainsi que, s"opposant à l"esprit wolffien, le Realgrund s"op- Retrouver ce titre sur Numilog.com

originaire de répulsion qui les affirme et nie les autres; puis il montre que cette relation négative en implique une positive : l"attraction. L"une et l"autre force sont ainsi nécessaires à l"oc- cupation réelle de l"espace. C"est la relativité, positive et néga- tive, d"une Monadologie, devenue, par Newton, physique. La même idée directrice se retrouve dans la Dilucidatio Nova (1), qui est du même temps. En conformité avec les prin- cipes leibniziens, une certaine priorité idéale y est donnée à l"individualité des substances sur leur relativité; la relation négative des substances est traitée comme antérieure à leur relation positive, et la répulsion antérieure à l"attraction. Cette vue se prolongera jusque dans les Rudiments métaphysiques de la Physique, beaucoup plus tard. Toutefois, l"individualité simple " sans portes ni fenêtres » de Leibniz ne saurait se sou- tenir : les états de changement de chaque monade physique demeurent, pour Kant, incompréhensibles sans l"interaction. Dieu doit prendre la place d"un principe synthétique pour lier ensemble les substances qui ne sont point nécessairement jointes. A cette construction d"un universum, la vision in concreto héritée de Newton fortifie l"apparition d"une nouvelle physique. Qu"on se remémore l"introduction de l"idée de quantité néga- tive en philosophie, qu"on évoque la scission déjà mentionnée du Realgrund et de l"Idealgrund, de la négation réelle et de la négation logique. C"est l"idée directrice de Newton et l"équilibre réel des forces inverses qui en avaient donné la solution. La force qui meut un corps dans une direction et une égale tendance à le mouvoir dans l"autre direction ne sont pas en contradiction: loin d"être inconsistantes comme prédicat d"un même sujet, elles existent dans le même corps et au même inslant. Mais, comme sur le navire ballotté entre le Portugal et l"Amérique, l"une annihile réellement l"effet réel de l"autre; tandis que cha-

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Principiorum primorum cognitionis metaphysicae, nova dilucidalio (1755), Bd I, 389-426. Retrouver ce titre sur Numilog.com

(1)

cartes : on n"exclut pas de l"explication de l"univers les causes finales. De l"Essai de Concours, la voie est ouverte à la seconde partie de la Critique du Jugement. L"idée d"une science certaine suppose une unité ultime, présuppose un univers comme totalité, univers antérieur à toute différence, fût-ce la différence de l"in- tellect d"avec le monde intelligible. Le principe d"unité se révèle sous toutes les formes de ce monde multiple. Sans doute, il n"implique pas en soi dessein, puisqu"il est la conséquence néces- saire de la nature de l"espace; toutefois, il est conforme à l"idée qu"il y a unité de propos dans le principe originel dont le monde, dans l"espace, est dérivé. Ainsi les lois newtoniennes du méca- nisme, par quoi Kant croit avoir retrouvé lui-même l"origine du monde, rendent compte de la formation du système. Bien plus, chaque pas vers l"extension de l"explication mécanique des choses consolide les lois de leur action et de leur réaction, réduit les limites de l"accidentel, met dans cette réciprocité des forces (dont Kant doit faire bientôt une catégorie) l"accent sur l"unité comme source dont toutes choses découlent. Ceux qui oublient qu"une connexion finaliste procède de leurs relations mécaniques mêmes, ne trouvent plus alors dans le mécanisme " la manifestation d"un principe rationnel ». Or, il ne saurait y avoir de système du Tout qu"apodictiquement. Privé de liberté et d"initiative, le monde a son origine, l"ori- gine commune de toutes ses parties, en Dieu. De cette origine, dérive la connexion des choses en système, et cette connexion est à son tour témoin de l"existence divine. Kant ainsi s"oppose à la preuve anselmienne et cartésienne : pour lui, la vraie preuve est donnée par la connexion harmonique des choses. La pensée en est présente dès le précoce Opuscule sur l"Optimisme (1) aussi bien que dans sa Cosmogonie, de même que les planètes, écrit Kuno Fischer (2) avec profondeur en commentant le système

(1) Versuch einiger Betrachtungen über den Optimismus (1759), Bd II, 29-38. (2) Histoire de la Philosophie allemande. Retrouver ce titre sur Numilog.com

kantien, ne pourraient avoir leur course liée à celle des autres planètes si elles ne dérivaient d"une commune nébuleuse primi- tive qui fait qu"elles se conservent sœurs, ainsi le fait, pour chaque chose créée, de se conserver dans la volonté du Tout (um des Ganzen Willen) prouve l"existence d"un être unique. De cet Être proviennent tous les corps, et II les maintient en relation mutuelle. Lorsqu"il soutient sa thèse sur la Monadologie physique le 10 avril 1756, Kant a trente-deux ans et laisse percer ses vues épistémologiques sur l"univers. A suivre la chaîne linéaire des monades leibniziennes, on parvient, par des confusions progres- sives, à la monade de Kant; la première partie de l"ouvrage est d"un métaphysicien, la seconde révèle Kant homme de science : elle contient une esquisse de construction de la matière. Or, les points de départ sont sans conteste leibniziens : on les trouve dans les paragraphes 2 et 3 du Système nouveau de la Nature. Aux yeux de Leibniz, il convient, en un certain sens, de réha- biliter les formes substantielles qui avaient été injustement dis- créditées. De l"usage de ces formes, il faut radicalement déta- cher l"abus qu"on en a fait. Et à mieux pratiquer cette sépara- tion nécessaire, on aurait trouvé que leur nature consiste dans la force d"où procède quelque chose d"analogue au sentiment et à la tendance. La collection de nos états ne saurait être une collection; il est certain que sans vraie unité substantielle il n"y aurait, dans la collection même, rien de réel : et c"est ce qui a contraint Cordemoy à abandonner Descartes pour embrasser la doctrine des atomes de Démocrite. Il n"y a donc que les seuls atomes de substance, c"est-à-dire les unités réelles et sans parties qui soient sources d"action et, pour tout dire, les derniers éléments de l"analyse. Les points mathématiques ne sont que le " point de vue » de ces points métaphysiques. D"un côté, les points physiques ne sont indi- visibles qu"en apparence; de l"autre, les points mathématiques sont exacts mais ne constituent qu"une modalité : les points Retrouver ce titre sur Numilog.com

métaphysiques seuls, ou points de substance, sont exacts et réels. Ces sources ou fontaines d"action sont les forces primi- tives : de vraies unités génératrices. Mais l"évidente analogie qui a fait concevoir précisément la monade sur le modèle de l"atome physique, et la constante contraposition de l"une à l"autre atteste la naissance atomistique de l"idée de monade et prépare les confusions futures : une monadologie qui serait physique : " Omnia aggregata ex substantiis simplicibus resultare, tanquam ex veris elementis. » On l"a remarqué : supprimez de la défini- tion leibzienne tanquam et veris, la monadologie métaphysique devient physique. On revient au " corpuscule », comme dit Wolff, à l" " élément de matière »; ce n"est plus l"unité métempirique, vivante et génératrice de vie, mais l"unité-point, l"unité numé- rique, au sens où l"on parle dans une flotte de guerre d"unité navale. Et pourtant " sunt atomi naturae, non vero atomi materiales ». Ce que sont pour Kant les Monades, il prend soin de nous en avertir lui-même clairement par son titre. Elles sont physiques. De là, la note de la première page de l"opuscule : " Le propos de mon travail n"étant autre que de traiter de cette classe de substances simples qui sont les parties primitives des corps, j"avertis d"abord que, dans le cours du traité, j"userai des termes : substances simples, monades, éléments de la matière, parties primitives d"un corps comme synonymes. » Les monades, sans doute, Kant nous en avertit, ne doivent pas se confondre avec les particules infiniment petites, et il les conçoit actives comme les monades leibniziennes. Une fois réduite à un élément de matière, la monade s"identifie avec l"atome, avec le nombre, en général avec toute unité nombrée. Voyez les figures de l"ou- vrage, les atomes sont de petits disques disposés les uns à côté des autres, non plus, comme dans la Monadologie, " des fulgu- rations de la Divinité ». D"où les difficultés de la monade phy- sique kantienne. Étant physique, elle doit remplir un espace (Wolff l"avait déjà vu) : cela est inévitable par sa nature. Étant monade, elle est indivisible. Or, comme espace, l"espace que, Retrouver ce titre sur Numilog.com

IMPRIMERIE FLOCH, MAYENNE. - 14-11-1953

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