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Jean Grosdidier de Matons
Les instruments juridiques internationaux de facilitation du transport et du commerce en AfriqueTrAITÉS
CONVEN
TION S PRO T O COLE S DÉ CISIONS
DIRE C T I VESDeuxième édition
Les instruments juridiques
internationaux de facilitation du transport et du commerce en Afrique I. Données juridiques fondamentales relatives au droit interna- tionalA. DÉFINITIONS
1 Accords internationaux. Les définitions de base qui sont présentées ci-après 1. valent pour tous les instruments juridiques mentionnés dans ce recueil. - Un accord international est un instrument écrit entre deux ou plusieurs entités juridiques souveraines ou indépendantes telles que des États ou des organisations internationales. Il a pour objet de créer des droits et des obligations entre les Parties etil est régi par le droit international. - Un instrument de ce type peut être appelé traité, convention, accord, ou
encore protocole, pacte, échange de note, lettre, protocole d'accord, pro- cès-verbal approuvé, et il peut être aussi être désigné par l'expression ac- cord en forme simplifiée. Dans la suite du présent document, sauf dans certains cas, le terme traité est utilisé de manière générique pour désignertout traité, accord, convention ou tout autre instrument international. - Un traité peut être bilatéral ou multilatéral. Un traité bilatéral est un
contrat par lequel deux parties parviennent à un accord concernant leurs droits et obligations dans un domaine précis. Un traité multilatéral, gé- néralement qualifié de convention, énonce les règles de droit devant être observées par toutes les parties au traité, dans l'intérêt individuel ou commun des parties concernées. Un traité est, de par sa forme, un con-trat, mais, de par sa teneur, pour l'essentiel, un texte de loi. - Même lorsqu'il est devenu partie intégrante du droit interne par suite de sa ratification, et même lorsque, en sa qualité de convention, sa nature est
similaire à celle d'une loi, un traité demeure un contrat et doit être inter- prété comme tel. L'application de ses clauses par une entité publique ne se limite donc pas à la simple application des dispositions du droit i n-1 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux terne ; elle contribue aux relations internationales. Un traité a, de ce fait, un impact sur la réputation de la nation et de l'État en tant que parte- naire dans le cadre desdites relations. Ratification. La ratification est la procédure, qui peut être établie par la 2. constitution nationale, par laquelle un traité est incorporé dans le droit in- terne d"une des Parties audit traité. Les accords en forme simplifiée sont gé- néralement ratifiés par le pouvoir exécutif, tandis que les traités et conven- tions d"importance majeure le sont par le pouvoir législatif. Au Royaume- Uni, en vertu de la constitution qui n"est pas écrite, les traités politiquement importants qui ont pour effet de modifier le droit interne ou qui engagent les finances publiques sont ratifiés par le Parlement. Les constitutions des États africains anglophones ne contiennent aucune règle en la matière, et les me- sures prises en pratique, sur la base de la constitution, diffèrent selon les États. La ratification relève, en règle générale de la compétence du pouvoir législatif, mais elle peut aussi être répartie entre ce dernier et le pouvoir exé- cutif, en fonction de l"importance du Traité. En France, la Constitution de 1958 stipule qu'un traité doit être ratifié par voie de loi ou de décret prési-
dentiel, et indique les catégories de traités devant être ratifiés par une loi. L'un des critères considérés est celui de l'impact sur les finances publiques. Si le traité engage les finances de l"État, une loi doit être promulguée puisque leParlement français tient "
les cordons de la bourse » (voir l'Article 53 de la Constitution de 1958). Ces dispositions sont reprises dans la constitution de nombreux États africains et francophones. D"autres constitutions disposent que les traités doivent être ratifiés par un décret présidentiel, après que le pouvoir législatif a donné son accord (c'est le cas notamment en République démocratique du Congo voir l'Article 179 de la Constitution). Enfin, dans certains États, comme la Guinée équatoriale et la République centrafricaine, le président à tous pouvoirs pour ratifier les traités, quels qu'ils soient. Aux États-Unis, les accords en forme simplifiée sont des quasi-traités qui n'ont pas besoin d'être ratifiés par le Sénat en vertu des dispositions de l"Article II de la Constitution fédérale. Enregistrement. Tout traité, convention ou autre accord international con-3. clu doit, en vertu des dispositions de l"Article 102 de la Charte de Nations Un ies (ONU), être enregistré au Secrétariat des Nations Unies et publié par ce dernier. Les traités non publiés demeurent valides entre les signataires, mais ils ne peuvent pas être invoqués devant un organe de l'ONU, quel qu'il 2 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux soit. Les traités sont numérotés dans l'ordre de leur enregistrement dans les volumes du Recueil des Traités des Nations Unies (http://treaties.un.org/). Identification et localisation des instruments. Lorsque cette étude a été 4. entreprise, il semblait que les instruments juridiques internationaux et inter- régionaux existants étaient bien connus. En fait, le nombre d"instruments, conventions, protocoles d'accord, etc. est nettement plus important qu"on ne l"avait d"abord supposé. Beaucoup de ces instruments ont été enregistrés, non pas dans le Recueil des Traités de l'ONU, mais auprès de l'Union africaine (UA) qui a succédé à l"Organisation de l"Unité africaine (OUA) de sorte qu'il est plus difficile de les localiser. L'enregistrement des instruments dans l'un quelconque des systèmes est parfois effectué avec un certain retard. De nombreux instruments peuvent rester lettre morte, tandis que d'autres de- viennent obsolètes ou font double emploi. Il est important de noter que, au moment de l'établissement du présent recueil : - Il est possible que certains instruments bilatéraux signés en vue de la mise en application d'instruments internationaux ou interrégionaux ou signés indépendamment desdits instruments n'aient pas été recensés et analysés. - Il soit nécessaire de recenser des lois, règlements et circulaires relevant du droit interne et de les comparer aux instruments multilatéraux et bilatéraux auxquels ils peuvent, ou non, être conformes. Problématique. Quatre questions fondamentales se posent, qui concernent : 5.- les conditions d'applicabilité d'un traité ou de tout autre instrument international sur le territoire et dans le régime juridique d'un État partie à
un tel instrument - l'ordre de précédence des normes juridiques (traités et droit interne) - la mesure dans laquelle les traités, accords ou autres instruments internationaux sont, ou non, effectivement appliqués - le fait que les traités et autres accords traitent de matières de droit public (facilitation des procédures douanières, police de la circulation, sécurité, etc.) ou ont pour objet de moderniser et de rationaliser le droit privé, les pratiques commerciales et les procédures (contrats de transport, assurances, etc.) et, par voie de conséquence - le fait ou non que lesdits instruments et accords sont conçus pour des agents de la fonction publique à des fins d'administration publique ou des 3 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux associations de la communauté des industries et des transporteurs en vue d'un développement viable et durable du système de transports. Ces points sont examinés en détail dans les sections qui suivent.B. APPLICABILITÉ
2 a. Applicabilité internationale Signataires. Les accords n'ont d'effet qu'entre les Parties. Lorsqu'un État, 6. qui n"est pas partie à un traité, en accepte les dispositions et désire y adhérer, il le fait par voie d"a dhésion, soit avant, soit après l'entrée en vigueur dudit traité 3 b. Applicabilité territoriale Généralités. Une fois ratifié, un traité est applicable par les parties signa-7. taires. Des débats considérables ont été consacrés à la question suivante : les États créés par suite du démembrement d"États antérieurs (comme la Yougo- slavie et l'Union soviétique) ou de l"accession à l"indépendance de territoires coloniaux sont-ils liés par les traités signés avant leur création 4 ? Différentes solu tions ont été proposées ou adoptées pour différentes catégories de traités. Les traités sources d'obligations financières sont par ticulièrement sujets à controverse. Principes fondamentaux et doctrine de la table rase. Conformément au 8. principe général et à la pratique actuellement suivie, les traités demeurent en vigueur à moins d"être officiellement dénoncés. La succession est dans ce cas automatique (une déclaration officielle doit être effectuée pour indiquer que le traité n"est plus en vigueur), mais parfois une déclaration d"adhésion officielle doit être effectuée pour donner effet au traité (c"est le cas dans de nombreux États africains). À titre d'exemple, les cinq États d"Afrique de l"Est (Burundi, Kenya, Malawi, Ouganda et Tanzanie) ont invoqué le principe de Nyerere dit de la table rase 5 . En vertu de ce principe, ces États ont déclaré n"être liés par aucun traité signé ou ratifié avant leur accession à l'indépendance, même si le ou les traités en question avaient été ratifiés en leur nom par la puissance co- loniale pertinente, que l"instrument soit bilatéral ou multilatéral. Ces États ne pouvaient adhérer aux traités ou conventions de leur choix, en toute sou- 4 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux veraineté qu'après leur accession à l'indépendance. Lorsque, le 16 novembre1962, la Tanzanie a adhéré par une Déclaration de Succession
à la Conven-
tion de Bruxelles de 1924 à certaines règles applicables aux transports mari- times de marchandises assortis de connaissements, les Autorités tanza- niennes ont fait clairement savoir au Royaume de Belgique, en sa qualité de dépositaire de la Convention, que l'expression "Déclaration de succession »
avait un caractère purement formel et ne signifiait pas que la Tanzanie re- connaissait avoir hérité de laConvention du Gouvernement de sa Majesté
(britannique) bien qu'elles aient, elles-mêmes, étendu le champ d'application de la ratification de cette Convention au territoire du Tanganyika. (Cette as- sertion a été par la suite qualifiée de Doctrine de Nyerere). L'adhésion à la Convention de Bruxelles a été un acte souverain, sans précédent, de la Répu- blique de Tanzanie. Principe de la succession. En vertu de ce principe, un État accepte de don-9. ner suite à un traité conclu en son nom par une autre puissance. Toutefois, pour être applicable dans le nouvel État indépendant, le Traité doit avoir été expressément applicable lorsque ce dernier était placé sous le contrôle d'une puissance étrangère. La situation des colonies est complexe. Dans certains systèmes, ces dernières n'avaient pas de personnalité juridique autre que ce- lui de l'État colonial. Dans d'autres, elles étaient des entités constituées à part entière, mais peuvent ne pas avoir été des entités juridiques en droit interna- tional . Les territoires sous mandat de la Société des Nations ou sous tutelle des Nations Unies auraient certes dû être considérés comme des entités de droit international. Les protectorats, dont les autorités ont conclu des traités de protectorat, l'étaient manifestement. L'applicabilité passée, et par consé- quent, présente par voie de succession a nécessité une proclamation expresse de prolongation, du Traité à ladite colonie ou audit territoire, qui s'est pro- duit dans u n grand nombre de possessions britanniques. La France, en re- vanche, a généralement publié des refus exprès d'applicabilité pour ses col o- nies. Mais elle n'a pas associé ses protectorats (Maroc, Tunisie) 6 et les États sous mandat (L iban) à la ratification de certaines conventions multilatérales (comme la 1 Convention et Statut de Genève de 1923 sur le Régime interna- tional des ports maritimes). L"Espagne et le Portugal semblent avoir agi de manières diverses. Dénonciation et obsolescence. Un traité, à l'instar de tout accord ou con-10. trat, peut être dénoncé. La dénonciation peut avoir lieu quand un nouveau 5 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux traité sur le même sujet, dont les dispositions ne peuvent être réconciliées avec elles du traité antérieur, est conclu. Par exemple, la Convention de Ber- lin de 1885 sur le régime du fleuve Niger est devenue, de fait, caduque quand la Convention de Niamey de 1964 entre le Mali, le Niger, le Nigéria et le Tchad est entrée en vigueur (voir l'Annexe VII-35 du présent Recueil). c. Applicabilité des traités dans les régimes de droit communDroit anglais
7 . En vertu des principes et de la pratique du droit anglais, les 11. traités ne sont pas d'application directe. 8Ils ne peuvent s'appliquer d'eux-
mêmes au sein de l'État et nécessitent le passage d'une loi habilitante. Les Autorités publiques ou les Chefs d'État peuvent conserver le droit de signer, voire de ratifier les traités. La ratification d'un tra ité relève toutefois de la compétence du pouvoir législatif dans de nombreux États. La juridiction est répartie entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, selon l'importance de l'instrument considéré. Le pouvoir exécutif peut créer une obligation en signant et en ratifiant un Traité, mais seul le pouvoir législatif peut décider de la manière dont l'obligation engendrée par le Traité doit être assumée. Au Royaume-Uni, le Parlement doit voter une loi pour qu'un traité puisse deve- nir partie intégrante du droit du pays. Trois étapes successives doivent être franchies pour qu'un traité puisse entrée en vigueur : signature, ratification, promulgation d'une loi. La jurisprudence indique que le processus est le même en Australie et au Canada. Il est probable qu"il en est également ainsi dans les pays africains anglophones.Droit des États-Unis d'Amérique
9 . Le droit des États-Unis distingue entre 12. les traités qui s'appliquent directement et les traités qui ne s'appliq uent pas directement. Contrairement aux premiers, les seconds nécessitent l'adoption de dispositions législatives avant de pouvoir être appliqués dans le pays et être acceptés par les tribunaux. Il appartient à ces derniers de décider, en fonction de la teneur politique du traité, à quelle catégorie celui-ci appartient. Par exemple, la Charte des Nations Unies, en raison de sa teneur politique, n"a pas été considérée comme un traité d"application directe. d. Applicabilité en régime de droit civil 10 Droit français. En droit français, les instruments internationaux sont va-13. lides et applicables dès qu"ils sont ratifiés et publiés. La ratification et la pu- 6 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux blication sont donc des étapes successives et nécessaires à l'achèvement de la procédure d'habilitation. De fait, les tribunaux sont stricts sur la nécessité de la publication, notamment en ce qui concerne les accords en forme simplifiée comme les échanges de lettres. D'après la Constitution française de 1958, un traité en vertu d'une loi ou d'un décret. Le fait que le traité engage ou non les finances de l'État est l'un des critères de ratification par le pouvoir législatif puisque le Parlement détient les cordons d e la bourse. Le texte du traité est joint dans sa version intégrale au texte de la loi ou du décret de ratification (le traité s'applique alors directement dans les faits). Les deux textes sont pu- bliés dans le Journal officiel. L'application du traité est toutefois subordonnée au respect de la règle de réciprocité en vertu de laquelle le traité n'est appli- cable que s'il a été ratifié et est appliqué par l'autre Partie contractante. États africains francophones. Les États d'Afrique francophone suivent le 14. modèle du droit civil. Les traités sont annexés à la loi ou au décret de ratifi- cation. Les deux textes sont publiés dans le Journal officiel. Les constitutions de quelques États, comme le Rwanda et le Burundi (1998,Article 168) ou
Madagascar (1992, Article
82-VIII) disposent que, si les clauses d"un traité sont contraires à la Constitution, le traité ne peut pas être ratifié avant que la
Constitution n'ait été modifiée.
e. Conclusion Applicabilité et application. La signature d'un traité ou d'un accord n'est 15. donc que la première étape de la démarche engagée en vue de l"exécution des obligations créées par ledit traité ou ledit accord. L'instrument doit être pu- blié localement, diffusé auprès des organismes pertinents et son application doit faire l"objet d"un suivi. Nombre de traités solennellement conclus ne sont jamais entrés en vigueur parce que les autorités publiques se sont ravisées et ont eu recours à diverses méthodes ou procédures pour retarder leur applica- tion et échapper à leurs obligations. Un État peut donc signer un traité pour faire un geste politique, puis retarder indéfiniment sa ratification. C"est ce qui sest passé pour certains des traités et accords examinés ici. Parfois, aussi, lorsqu"un traité est formulé en termes généraux et que, par conséquent, des lois intérieures détaillées sont nécessaires pour assurer sa bonne application, notamment des réglementations promulguées par voie de décret aux fins d'instruction des membres de la fonction publique, tout manquement à pro- mulguer lesdits textes a pour effet d'empêcher le traité d"entrer en vigueur 7 Aspects juridiques fondamentaux des instruments internationaux même s'il a été dûment ratifié, proclamé ou publié. Il est important de noter que les points juridiques ci-après se sont révélés être d'importants obstacles juridiques à l'intégration économique en Afrique 11 - Ratification et application des instruments - Dérogation à la souveraineté nationale des États membres - Diversité et variantes du droit constitutionnel, notamment en ce qui con- cerne ses interactions avec le droit public international - Différences et divergences entre le droit interne et le droit international, le premier ignorant délibérément les conventions et traités dûment ratifiés- Absence de principes juridiques pleinement développés et acceptés pour l'essentiel régissant, par exemple, la responsabilité contractuelle et la
responsabilité délictuelle - Absence de règles portant sur les conflits entre les lois - Tribunaux mal équipés Il faudrait procéder à un examen plus approfondi pour déterminer si ces questions ont un effet préjudiciable sur l'application des accords de transit et autres accords de transport en Afrique.