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Table des matières

TROISIÈME PARTIE (SUITE) ................................................. 3 LIVRE V ...................................................................................... 3 LIVRE VI ................................................................................... 64 LIVRE VII. .............................................................................. 127 LIVRE VIII .............................................................................. 179 LIVRE IX ................................................................................. 233 LIVRE X .................................................................................. 313 LIVRE XI ................................................................................. 373 APPENDICE ......................................................................... 478 I LA SAISIE DE LA MONARCHIE SELON LA CHARTE. ..... 478

II CHATEAUBRIAND, VICTOR HUGO ET JOSEPH DE

MAISTRE. ............................................................................... 484 III LE CONSERVATEUR ....................................................... 493 IV LA MORT DE FONTANES. ............................................. 499 V LE PRÉTENDU TRAITÉ SECRET DE VÉRONE. .............. 502

VI LE CONGRÈS DE VÉRONE ET LA GUERRE

........................................................................... 506 VII LE RENVOI DE CHATEAUBRIAND. .............................. 514

VIII LA MORT DU DUC MATHIEU DE MONTMORENCY . 518

IX CHATEAUBRIAND ET LE MINISTÈRE MARTIGNAC ... 521 Ce livre numérique .............................................................. 528 3

TROISIÈME PARTIE (SUITE)

LIVRE V

Les Cent-Jours à Paris. Effet du passage de la légitimité en France. Étonnement de Bonaparte. Il est obligé de capituler avec les idées quil avait crues étouffées. Son nouveau système. Trois énormes joueurs restés. Chimères des libéraux. Clubs et fédérés. Escamotage de la République : lActe additionnel. Chambre des représentants convoquée. Inutile Champ de Mai. Soucis et amertumes de Bonaparte. Résolution à Vienne. Mouvement à Paris. Ce que nous faisions à Gand. M. de Blacas. Bataille de Waterloo. Confusion à Gand. Quelle fut la bataille de Waterloo. Retour de lEmpereur. Réapparition de La Fayette. Nouvelle abdication de Bona- parte. Scènes orageuses à la Chambre des Pairs. Présages menaçants pour la seconde Restauration. Départ de Gand. Arrivée à Mons. Je manque ma première occasion de fortune dans ma carrière politique. M. de Talleyrand à Mons. Scène avec le roi. Je mintéresse bêtement à M. de Talleyrand. De Mons à Gonesse. Je moppose avec M. le comte Beugnot à la nomination de Fouché comme ministre : mes raisons. Le duc de Wellington lemporte. Arnouville. Saint-Denis. Dernière conversation avec le roi. Je vous fais voir lenvers des événements que lHistoire ne montre pas ; lhistoire nétale que lendroit. Les Mémoires ont lavantage de présenter lun et lautre côté du tissu : sous ce rapport, ils peignent mieux lhumanité complète en expo- sant, comme les tragédies de Shakespeare, les scènes basses 4 et hautes. Il y a partout une chaumière auprès dun palais, un homme qui pleure auprès dun homme qui rit, un chiffonnier qui porte sa hotte auprès dun roi qui perd son trône : que faisait à lesclave présent à la bataille dArbelles la chute de

Darius ?

Gand nétait donc quun vestiaire derrière les coulisses du spectacle ouvert à Paris. Des personnages renommés res- taient encore en Europe. Javais en 1800 commencé ma car- rière avec Alexandre et Napoléon ; pourquoi navais-je pas suivi ces premiers acteurs, mes contemporains, sur le grand théâtre ? Pourquoi seul à Gand ? Parce que le ciel vous jette où il veut. Des petits Cent-Jours à Gand, passons aux grands

Cent-Jours à Paris.

Je vous ai dit les raisons qui auraient dû arrêter Bona- parte à lîle dElbe, et les raisons primantes ou plutôt la né- cessité tirée de sa nature qui le contraignirent de sortir de lexil. Mais la marche de Cannes à Paris épuisa ce qui lui res- tait du vieil homme. À Paris le talisman fut brisé. Le peu dinstants que la légalité avait reparu avait suffi pour rendre impossible le rétablissement de larbitraire. Le despotisme muselle les masses, et affranchit les individus dans une certaine limite ; lanarchie déchaîne les masses, et asservit les indépendances individuelles. De là, le despo- tisme ressemble à la liberté, quand il succède à lanarchie ; il reste ce quil est véritablement quand il remplace la liberté : libérateur après la Constitution directoriale, Bonaparte était oppresseur après la Charte. Il le sentait si bien quil se crut obligé daller plus loin que Louis XVIII et de retourner aux sources de la souveraineté nationale. Lui, qui avait foulé le peuple en maître, fut réduit à se refaire tribun du peuple, à courtiser la faveur des faubourgs, à parodier lenfance révo- 5 lutionnaire, à bégayer un vieux langage de liberté qui faisait grimacer ses lèvres, et dont chaque syllabe mettait en colère son épée. Sa destinée, comme puissance, était en effet si bien ac- complie, quon ne reconnut plus le génie de Napoléon pen- dant les Cent-Jours. Ce génie était celui du succès et de lordre, non celui de la défaite et de la liberté : or, il ne pou- vait rien par la victoire qui lavait trahi, rien pour lordre, puisquil existait sans lui. Dans son étonnement il disait : " Comme les Bourbons mont arrangé la France en quelques mois ! il me faudra des années pour la refaire. » Ce nétait pas llégitimité que le conquérant voyait, cétait lCharte ; il avait laissé la France muette et pros- ternée, il la trouvait debout et parlante : dans la naïveté de son esprit absolu, il prenait la liberté pour le désordre. Et pourtant Bonaparte est obligé de capituler avec les idées quil ne peut vaincre de prime abord. À défaut de popu- larité réelle, des ouvriers, payés à quarante sous par tête, viennent, à la fin de leur journée, brailler au Carrousel Vive lEmpereur ! cela sappelait aller à la criée. Des proclamations annoncent dabord une merveille doubli et de pardon ; les individus sont déclarés libres, la nation libre, la presse libre ; on ne veut que la paix, lindépendance et le bonheur du peuple ; tout le système impérial est changé ; lâge dor va renaître. Afin de rendre la pratique conforme à la théorie, on partage la France en sept grandes divisions de police ; les sept lieutenants sont investis des mêmes pouvoirs quavaient, sous le Consulat et lEmpire, les directeurs géné- raux : on sait ce que furent à Lyon, à Bordeaux, à Milan, à Florence, à Lisbonne, à Hambourg, à Amsterdam, ces protec- teurs de la liberté individuelle. Au-dessus de ces lieutenants, Bonaparte élève, dans une hiérarchie de plus en plus favo- 6 rable à la liberté, des commissaires extraordinaires, à la ma- nière des représentants du peuple sous la Convention. La police que dirige Fouché apprend au monde, par des proclamations solennelles, quelle ne va plus servir quà ré- pandre la philosophie, quelle nagira plus que daprès des principes de vertu. Bonaparte rétablit, par un décret, la garde nationale du royaume, dont le nom seul lui donnait jadis des vertiges. Il se voit forcé dannuler le divorce prononcé sous lEmpire entre le despotisme et la démagogie, et de favoriser leur nouvelle alliance : de cet hymen doit naître, au Champ de Mai, une li- berté, le bonnet rouge et le turban sur la tête, le sabre du mameluck à la ceinture et la hache révolutionnaire à la main, liberté entourée des ombres de ces milliers de victimes sacri- fiées sur les échafauds ou dans les campagnes brûlantes de lEspagne et les déserts glacés de la Russie. Avant le succès, les mamelucks sont jacobins ; après le succès, les jacobins deviendront mamelucks : Sparte est pour linstant du danger,

Constantinople pour celui du triomphe.

Bonaparte aurait bien voulu ressaisir à lui seul lautorité, mais cela ne lui était pas possible ; il trouvait des hommes disposés à la lui disputer : dabord les républicains de bonne foi, délivrés des chaînes du despotisme et des lois de la mo- narchie, désiraient garder une indépendance qui nest peut- être quune noble erreur ; ensuite les furieux de lancienne faction de la montagne : ces derniers, humiliés de navoir été sous lEmpire que les espions de police dun despote, sem- blaient résolus à reprendre, pour leur propre compte, cette liberté de tout faire dont ils avaient cédé pendant quinze an- nées le privilège à un maître. 7 Mais ni les républicains, ni les révolutionnaires, ni les sa- tellites de Bonaparte, nétaient assez forts pour établir leur puissance séparée, ou pour se subjuguer mutuellement. Me- nacés au dehors dune invasion, poursuivis au dedans par lopinion publique, ils comprirent que sils se divisaient, ils étaient perdus : afin déchapper au danger, ils ajournèrent leur querelle ; les uns apportaient à la défense commune leurs systèmes et leurs chimères, les autres leur terreur et leur perversité. Nul nétait de bonne foi dans ce pacte ; cha- cun, la crise passée, se promettait de le tourner à son profit ; tous cherchaient davance à sassurer les résultats de la vic- toire. Dans cet effrayant trente et un, trois énormes joueurs tenaient la banque tour à tour : la liberté, lanarchie, le des- potisme, tous trois trichant et sefforçant de gagner une par- tie perdue pour tous. Pleins de cette pensée, ils ne sévissaient point contre quelques enfants perdus qui pressaient les mesures révolu- tionnaires : des fédérés sétaient formés dans les faubourgs et des fédérations sorganisaient sous de rigoureux serments dans la Bretagne, lAnjou, le Lyonnais et la Bourgogne ; on entendait chanter la Marseillaise et la Carmagnole ; un club, établi à Paris, correspondait avec dautres clubs dans les provinces ; on annonçait la résurrection du Journal des Pa- triotes1. Mais, de ce côté-là, quelle confiance pouvaient inspi-

1 Le Journal des Patriotes de 1789, fondé par Réal et Méhée de

Latouche, avait paru du 18 août 1795 au 16 août 1796. Il ressuscita pendant les Cent-Jours, du 1er mai au 3 juillet 1815, sous ce titre : Le Patriote de 1789, journal du soir, politique et littéraire. Réal, alors préfet de police, en était linspirateur, et Méhée de La Touche le ré- dacteur principal. Ce Méhée, une des plus rares figures de coquins 8 rer les ressuscités de 1793 ? Ne savait-on pas comment ils expliquaient la liberté, légalité, les droits de lhomme ? Étaient-ils plus moraux, plus sages, plus sincères après quavant leurs énormités ? Est-ce parce quils sétaient souil- lés de tous les vices quils étaient devenus capables de toutes les vertus ? On nabdique pas le crime aussi facilement quune couronne ; le front que ceignit laffreux bandeau en conserve des marques ineffaçables. de la période révolutionnaire et impériale, avait été, en 1792, secré- taire greffier adjoint de la Commune dite du 10 août, et il avait, en cette qualité, joué un rôle dans la préparation des massacres de sep- tembre. Le 17 septembre, la section du Panthéon délibérait sur le genre de gouvernement que lon devait demander à la Convention ; : " Si jamais ce que lon appelait un roi, ou quelque chose qui ressemble à un roi, ose se pré- senter en France, et quil vous faille quelquun pour le poignarder, inscrivez-moi au nombre des candidats. Voilà mon nom : Méhée. » Après le 18 brumaire, il rédigea le Journal des Hommes libres, qui lui valut bientôt dêtre arrêté en vertu dun ordre des Consuls qui le qualifiait de septembriseur. Exilé dabord à Dijon, puis à lîle dOléron, il sévada sans trop de peine, ne fut pas recherché par la police, qui avait ses raisons pour fermer les yeux, et passa en Angleterre. Il se présenta au gouvernement anglais et au comte dArtois comme lagent dun parti puissant qui voulait renverser Bonaparte. De re- tour en France, il publia un Mémoire qui dévoilait ses nouvelles in- famies. Cette affaire lui valut beaucoup dargent anglais et français, et il se fixa à Paris, où il étala une sorte de faste, jusquau jour où il retomba dans sa détresse ordinaire. Au mois de juillet 1815, il lui fal- lut quitter la France et se réfugier en Suisse. Après avoir habité suc- cessivement lAllemagne et la Belgique, il put rentrer en 1819, publia quelques brochures discréditées davance par son nom et mourut dans la misère en 1826, à lâge de soixante-six ans. 9 Lidée de faire descendre un ambitieux de génie du rang dempereur à la condition de généralissime ou de président de la République était une chimère : le bonnet rouge, dont on chargeait la tête de ses bustes pendant les Cent-Jours, naurait annoncé à Bonaparte que la reprise du diadème, sil était donné à ces athlètes qui parcourent le monde de fournir deux fois la même carrière. Toutefois, des libéraux de choix se promettaient la vic- toire : des hommes fourvoyés, comme Benjamin Constant, des niais, comme M. Simonde-Sismondi2, parlaient de placer le prince de Canino3 au ministère de lintérieur, le lieutenant général comte Carnot au ministère de la guerre, le comte Merlin4 à celui de la justice. En apparence abattu, Bonaparte

2 Jean-Charles-Léonard Simonde de Sismondi, né à Genève le

9 mai 1773, mort dans la même ville le 25 juin 1842. Ses principaux

ouvrages sont : , seize volumes in-

8o (1807-1818), et lHistoire des Français, vingt-neuf volumes in-8o

(1821-1842). Cest en 1813 quil vint pour la première fois à Paris. Pendant les Cent-Jours, il donna au Moniteur une série darticles en faveur de lActe additionnel, et les réunit en un volume sous le titre dExamen de la Constitution française. Ils attirèrent lattention de lEmpereur, qui manda Sismondi et sentretint longuement avec lui.

3 Lucien Bonaparte.

4 Philippe-Antoine, comte Merlin, dit Merlin de Douai (1754-

1838), député à la Constituante, à la Convention, au Conseil des An-

ciens, et à la Chambre des représentants en 1815 ; ministre de la Justice en 1795, puis ministre de la police générale ; membre du Di- rectoire après le 18 fructidor ; sous lEmpire, procureur général à la Cour de cassation, conseiller dÉtat, comte, grand-officier de la Lé- gion dhonneur. Destitué de ses fonctions en 1814, bien quil eût des premiers adhéré à Louis XVIII, il fut, après le 20 mars, rappelé par 10 ne sopposait point à des mouvements démocratiques qui, en dernier résultat, fournissaient des conscrits à son armée. Il se laissait attaquer dans des pamphlets ; des caricatures lui ré- pétaient : Île dElbe, comme les perroquets criaient à Louis XI : Péronne. On prêchait à léchappé de prison, en le tutoyant, la liberté et légalité ; il écoutait ces remontrances dun air de componction. Tout à coup, rompant les liens dont on avait prétendu lenvelopper, il proclame de sa propre autorité, non une constitution plébéienne, mais une constitu- tion aristocratique, un Acte additionnel aux constitutions de lEmpire5. La République rêvée se change par cet adroit escamo- tage dans le vieux gouvernement impérial, rajeuni de féodali- té. LActe additionnel enlève à Bonaparte le parti républicain et fait des mécontents dans presque tous les autres partis6. lEmpereur à la Cour de cassation, avec le titre de ministre dÉtat. Le

24 juillet 1815, il fut exilé comme régicide ayant rempli des fonctions

pendant les Cent-Jours. Il se retira en Hollande et y vécut jusquà la révolution de 1830, qui lui permit de rentrer en France. Il mourut à Paris, âgé de quatre-vingt-quatre ans. Jurisconsulte de premier ordre, il eut linfamie de rédiger la loi des suspects. Si très peu dhommes, pendant la Révolution, ont eu plus de talent que Merlin de Douai, sa lâcheté fut plus grande encore que son talent.

5 Acte additionnel fut publié dans le Moniteur du 23 avril 1815.

Le même jour paraissait un décret portant que les Français étaient appelés à consigner leur vote sur des registres ouverts dans toutes les communes, et que le dépouillement aurait lieu à lassemblée du Champ de Mai convoquée à Paris pour le 26 mai.

6 La surprise et le mécontentement furent universels. Un témoin

peu suspect, Thibaudeau, a dit : " Leffet fut prompt comme la foudre ; à lenthousiasme des patriotes succéda incontinent un froid 11 La licence règne à Paris, lanarchie dans les provinces ; les autorités civiles et militaires se combattent ; ici on menace de brûler les châteaux et dégorger les prêtres ; là on arbore le drapeau blanc et on crie Vive le roi ! Attaqué, Bonaparte recule ; il retire à ses commissaires extraordinaires la nomi- nation des maires des communes et rend cette nomination au peuple. Effrayé de la multiplicité des votes négatifs contre lActe additionnel, il abandonne sa dictature de fait et con- voque la Chambre des représentants en vertu de cet acte qui nest point encore accepté. Errant décueil en écueil, à peine délivré dun danger, il heurte contre un autre : souverain dun jour, comment instituer une pairie héréditaire que lesprit dégalité repousse ? Comment gouverner les deux Chambres ? Montreront-elles une obéissance passive ? Quels seront les rapports de ces Chambres avec lassemblée proje- tée du Champ de Mai, laquelle na plus de véritable but, glacial ; ils tombèrent dans le découragement, ne prévirent que mal- heurs et sy résignèrent. » (, t. X, p. 325-326). Un Anglais, présent alors à Paris, et qui, en sa qualité détranger, était un spectateur impartial du mouvement des idées et des faits, M. Hobbouse, dailleurs favorable à Napoléon, rend le même témoi- gnage : " Je ne me rappelle pas, dit-il, avoir vu dans lopinion un changement pareil à celui qui eut lieu à Paris, lorsque parut lActe additionnel. » (Lettres sur les Cent-Jours.) Les bonapartistes eux- mêmes étaient loin dêtre satisfaits. " Les napoléonistes autoritaires, dit M. Henry Houssaye (1815, tome 1, p. 546), déplorèrent ces con- cessions libérales. Ils dirent que lempereur en transigeant avec lanarchie faiblissait et saffaiblissait, ils le regardèrent comme per- du. » Voir Alfred Nettement, Histoire de la Restauration, tome II, p. 282 ; Benjamin Constant, Mémoires sur les Cent-Jours, tome II, 70-

71 ; Mémoires de La Fayette, tome V, 420 ; Villemain, Souvenirs con-

temporains, tome II, 182-183. 12 puisque lActe additionnel est mis à exécution avant que les suffrages eussent été comptés ? Cette assemblée, composée de trente mille électeurs, ne se croira-t-elle pas la représenta- tion nationale ? Ce Champ de Mai, si pompeusement annoncé et célébré le 1er juin7, se résout en un simple défilé de troupes et une distribution de drapeaux devant un autel méprisé. Napoléon, entouré de ses frères, des dignitaires de lÉtat, des maré- chaux, des corps civils et judiciaires, proclame la souveraine- té du peuple à laquelle il ne croyait pas8. Les citoyens sétaient imaginé quils fabriqueraient eux-mêmes une cons- titution dans ce jour solennel, les paisibles bourgeois sat- tendaient quon y déclarerait labdication de Napoléon en fa- veur de son fils, abdication manigancée à Bâle entre les

7 Aux termes du décret du 22 avril, la cérémonie du Champ de

Mai avait été fixée au 26 mai, mais il fallut la remettre au 1er juin, des retards sétant produits dans lenvoi des registres électoraux et les délégués tardant à arriver.

8 La fête fut magnifique, mais ce fut une fête de théâtre. On

avait dressé à la hâte, au Champ de Mars, une estrade, un trône, un autel. Les acteurs ne manquaient pas, et le plus grand de tous était là, revêtu dun costume, qui était aussi un costume de théâtre : une tunique et un manteau nacarat, des culottes de satin blanc, des sou- liers à bouffettes, une toque de velours noir orné de plumes blanches. Ses frères étaient entièrement vêtus de velours blanc, avec petits manteaux à lespagnole, brodés dabeilles dor, et toque tailla- dée. Ses hérauts darmes, ses chambellans, ses pages, étaient habil- lés comme des personnages dopéra-comique. Ce Champ de Mai qui, dans la pensée de Napoléon, devait évoquer les souvenirs de Char- lemagne, réveillait dans lesprit des spectateurs les souvenirs de Jean de Paris, le héros dun opéra de Boiëldieu alors très en vogue. 13 agents de Fouché et du prince de Metternich : il ny eut rien quune ridicule attrape politique. LActe additionnel se pré- sentait, au reste, comme un hommage à la légitimité ; à quelques différences près, et surtout moins labolition de la confiscation, cétait la Charte. Ces changements subits, cette confusion de toutes choses, annonçaient lagonie du despotisme. Toutefois lem- pereur ne peut recevoir du dedans latteinte mortelle, car le pouvoir qui le combat est aussi exténué que lui ; le Titan ré- volutionnaire, que Napoléon avait jadis terrassé, na point recouvré son énergie native ; les deux géants se portent maintenant dinutiles coups ; ce nest plus que la lutte de deux ombres. À ces impossibilités générales se joignent pour Bona- parte des tribulations domestiques et des soucis de palais ; il annonçait à la France le retour de limpératrice et du roi de Rome, et lune et lautre ne revenaient point. Il disait à pro- pos de la reine de Hollande, devenue par Louis XVIII du- chesse de Saint-Leu : " Quand on a accepté les prospérités dune famille, il faut en embrasser les adversités. » Joseph, accouru de la Suisse, ne lui demandait que de largent ; Lu- cien linquiétait par ses liaisons libérales ; Murat, dabord conjuré contre son beau-frère, sétait trop hâté, en revenant à lui, dattaquer les Autrichiens : dépouillé du royaume de Naples et fugitif de mauvais augure, il attendait aux arrêts, près de Marseille, la catastrophe que je vous raconterai plus tard9.

9 En débarquant à Cannes, Murat sétait mis à la disposition de

lEmpereur. Celui-ci, craignant la contagion du malheur, ne répondit pas au roi détrôné et lui fit interdire par Fouché laccès de Paris. 14 Et puis lempereur pouvait-il se fier à ses anciens parti- sans et ses prétendus amis ? ne lavaient-ils pas indignement abandonné au moment de sa chute ? Ce Sénat qui rampait à ses pieds, maintenant blotti dans la pairie, navait-il pas dé- crété la déchéance de son bienfaiteur ? Pouvait-il les croire, ces hommes, lorsquils venaient lui dire : " Lintérêt de la France est inséparable du vôtre. Si la fortune trompait vos ef- forts, des revers, sire, naffaibliraient pas notre persévérance et redoubleraient notre attachement pour vous10. » Votre persévérance ! votre attachement redoublé par linfortune ! Vous disiez ceci le 11 juin 1815 : quaviez-vous dit le 2 avril

1814 ? que direz-vous quelques semaines après, le 19 juillet

1815 ?

Le ministre de la police impériale, ainsi que vous lavez vu, correspondait avec Gand, Vienne et Bâle ; les maréchaux auxquels Bonaparte était contraint de donner le comman- dement de ses soldats avaient naguère prêté serment à Louis XVIII ; ils avaient fait contre lui, Bonaparte, les procla- mations les plus violentes11 : depuis ce moment, il est vrai, ils avaient réépousé leur sultan ; mais sil eût été arrêté à Grenoble, quen auraient-ils fait ? Suffit-il de rompre un ser- ment pour rendre à un autre serment violé toute sa force ? Deux parjures équivalent-ils à la fidélité ? Encore quelques jours, et ces jureurs du Champ de Mai rapporteront leur dévouement à Louis XVIII dans les salons des Tuileries ; ils sapprocheront de la sainte table du Dieu

10 Adresse de la Chambre des Pairs du dimanche 11 juin. Mo-

niteur du 12 juin.

11 Voyez plus haut celle du maréchal Soult. Ch.

15 de paix, pour se faire nommer ministres aux banquets de la guerre12 ; hérauts darmes et brandisseurs des insignes royaux au sacre de Bonaparte, ils rempliront les mêmes fonctions au sacre de Charles X13 ; puis, commissaires dun autre pouvoir, ils mèneront ce roi prisonnier à Cherbourg, trouvant à peine un petit coin libre dans leur conscience pour y accrocher la plaque de leur nouveau serment. Il est dur de naître aux époques dimprobité, dans ces jours où deux hommes causant ensemble sétudient à retrancher des mots de la langue, de peur de soffenser et de se faire rougir mutuellement. Ceux qui navaient pu sattacher à Napoléon par sa gloire, qui navaient pu tenir par la reconnaissance au bien- faiteur duquel ils avaient reçu leurs richesses, leurs honneurs et jusquà leurs noms, simmoleraient-ils maintenant à ses indigentes espérances ? Senchaîneraient-ils à une fortune précaire et recommençante, les ingrats que ne fixa point une fortune consolidée par des succès inouïs et par une posses-quotesdbs_dbs5.pdfusesText_9