Communion et communication

" Tout ce que j'ai appris de mon Père, je vous l'ai fait connaître. » (Jn 15,15) On ne peut vivre en accord et en communion les uns avec les autres sans communiquer nos impressions, nos désirs, nos informations, ce qui nous fait vivre, nos préoccupations, nos soucis, etc. Moins on communique, plus on cause pour ne rien dire. Bien que les moyens de communication se multiplient à l'infini, force est de constater que l'homme ne s'est jamais senti aussi seul. Il est en lien avec le monde entier et ne trouve souvent personne à qui parler. Pour communiquer, il faut deux choses : une oreille pour écouter et être entendu, une langue pour s'exprimer. La communication n'est pas toujours aisée, car ces deux conditions sont rarement réalisées ensemble. Soit on écoute sans entendre, soit on parle sans être écouté, soit on ne s'écoute pas et l'on parle tous en même temps. Le résultat est garanti : on ne se comprend plus. La communion se distend. Il ne faut pas confondre " communiquer » avec " se dire ». Notre monde ne sait plus communiquer alors qu'il croule sous l'abondance des informations.

Un expert en communication

Jésus est expert en communication. Il sait comment parler et faire passer son message à celui qui veut bien l'écouter. Il a recours pour cela à tous les moyens disponibles à son époque pour se dire et se faire comprendre de chacun. Ce n'est pas par des moyens techniques, tels que nous les connaissons aujourd'hui, mais par son humanité et ses qualités humaines qu'il communique la volonté de son Père avec qui il ne fait qu'un. Tout en lui est communication de l'invisible : son regard, ses gestes, ses attitudes, ses actes, ses paroles. La clé de cette extraordinaire possibilité de communication, source de communion entre lui et les croyants, est dans le fait qu'il y a une cohérence absolue entre ce qu'il dit et ce qu'il fait, cohérence qui s'enracine dans sa communion totale avec le Père. Ce qui est vrai de Jésus l'est également pour nous. Dans la mesure où nous lui sommes unis et communiquons en vérité ce que nous sommes et ce que nous avons reçu de lui, nous contribuons à établir une communion de plus en plus

étroite et forte entre nous.

Ce qui compte dans la communication, plus que les moyens techniques ou leur efficacité - bien que ceux-ci ne soient pas à négliger, au contraire - c'est la qualité du communicant ou du témoin. Rien ne vaut le témoignage et l'engagement personnels. Les moyens sont au service du message à communiquer et non l'inverse. Après la Pentecôte, l'annonce de la Résurrection du Christ et la proclamation de l'Evangile ont fait le tour de l'empire romain en 1

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moins d'une génération. Ceci, non par la puissance des moyens mis en oeuvre

puisqu'il n'y avait ni télévision, ni radio, ni journaux, ni internet, ni téléphone etc.,

mais par la force de l'Esprit, le témoignage et l'engagement des croyants. Aujourd'hui, nous constatons que l'Eglise peine à faire passer le message et les valeurs évangéliques alors que les moyens techniques n'ont jamais été aussi nombreux et importants. La communication n'est pas d'abord une affaire de technique. Elle dépend en priorité de la valeur du message à transmettre et de la qualité humaine de celui qui le transmet. Grand communicateur du Père auprès des hommes : " Je suis venu en ce monde pour rendre témoignage à la vérité » (Jn 18,37), Jésus nous apprend par son comportement à communiquer en vérité, seul moyen efficace pour établir la confiance qui est à la base de la communion. Il ne peut y avoir de communion entre nous si nous ne communiquons pas comme lui ce que nous sommes et ce que nous pensons. Communiquer c'est partager et faire connaître ce que nous savons ou ce que nous faisons en vue d'une plus grande compréhension, collaboration et communion entre nous.

Je ne cherche pas ma gloire

Dans la lettre précédente (p.3), j'affirmais que le plus grand ennemi de la communion était le mensonge, car il fausse la communication, induit en erreur et détruit la confiance. L'autre obstacle majeur à la communion consiste à garder pour soi les informations que nous détenons pour conserver le pouvoir. Regardons comment Jésus se comporte et apprenons de lui la communication qui unit et favorise la communion entre nous. Une première chose à noter est que Jésus communique avec ce qu'il est. Il n'a pas d'autres moyens que son humanité et ses qualités humaines. La deuxième chose à remarquer est le fait que Jésus est crédible parce qu'il ne cherche pas à avoir raison, ni à imposer son point de vue. Il se contente de dire ce qu'il a vu et entendu auprès du Père. Il est un témoin. Il fait part de ce qu'il sait. Il s'efface devant le message et la volonté du Père. Il n'exprime pas sa vérité, mais celle du Père. Il n'est pas un manipulateur qui se servirait de son pouvoir pour contraindre ou convaincre l'autre d'adhérer à ses idées. Il ne défend pas ses propres intérêts et ne court pas après le succès. Il n'agit pas pour sa gloriole, mais il est entièrement au service du projet de son Père. Jésus est un homme libre qui fait appel à notre liberté. On peut lui faire confiance, car ce qu'il nous partage est vraiment dans notre intérêt. Il ne cherche que notre bonheur. Ce qui n'empêche pas ses adversaires de le rejeter, bien au contraire. Parce qu'il communique en vérité, sa parole nous oblige à choisir entre l'adhésion et la communion avec lui ou le rejet et la rupture de la relation. (Jn 8, 1-11 : la femme adultère. Les pharisiens partent, la femme demeure en sa présence.)

Un art difficile

Le manque ou l'absence de communication entraîne inévitablement un affaiblissement de la communion. Que de blocages apparaissent lorsqu'il s'agit 2

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de communiquer : peur d'être mal accueilli, lassitude devant des tentatives qui ont échoué, peur des disputes, des colères etc. ! Bien des couples en souffrent. À cause de cela, leur amour s'effrite et se fatigue. L'incompréhension et la rancoeur s'installent, la suspicion et la jalousie prolifèrent, les liens se distendent jusqu'à se rompre. Les raisons de cette défaillance sont multiples : on n'a pas appris à communiquer, on a peur de blesser, de perdre une affection, de s'affronter, d'avoir des ennuis ou de perdre la face, on est faible, découragé, etc. La communication est l'art de faire passer un message, de partager un projet, de témoigner de sa foi ou d'exprimer le fond de son coeur. Si les moyens techniques de le faire ne manquent pas, Dieu leur a préféré la rencontre personnelle. Rien ne vaut cette rencontre pour communiquer entre nous. Le regard, la parole et le geste qui l'accompagnent disent plus et mieux que ne peuvent le faire les meilleurs moyens techniques. L'art de communiquer s'apprend et se cultive. Il

consiste à se dire et à s'accueillir dans la vérité, dans la simplicité et la charité,

dans l'écoute attentive de l'autre et dans un dialogue basé sur la confiance et le renoncement à s'imposer à lui. C'est ouvrir à l'autre son espace intérieur et lui laisser la liberté d'y pénétrer sans chercher à mettre la main sur lui.

LA VERITE

La vérité est le fondement de la communication. Sans elle, il est impossible de se rejoindre et d'être unis. Il arrive que par manque de courage, soit pour préserver un avantage ou assurer sa tranquillité, soit pour se faire bien voir, l'on triche avec la vérité. On reste ambigu. On ne dit pas tout. Résultat, on entretient une communion fausse et superficielle. " La vérité vous rendra libres » (Jn 8,32), dit Jésus aux pharisiens. Puisque l'objet premier de la communication source de communion est l'amour, celui-ci ne peut être communiqué sans respecter la liberté de celui à qui l'on s'adresse et sans chercher à être dans la vérité soi- même. Attention à ceci : communiquer en vérité, ne veut pas dire imposer sa

vérité, ni se contenter d'être sincère ! Il s'agit de faire la vérité, c'est-à-dire être

assez libre intérieurement pour accepter d'être confronté à la vérité de l'autre et

accepter d'être remis en question à propos de ce que l'on croit être la vérité. La vérité est plus importante que ce que l'on pense d'elle. La communication dans

la vérité exige d'être sincère dans la vérité et pas seulement d'être sincère, car

on peut être sincèrement dans l'erreur. Ce qui suppose un dialogue dont le but n'est pas d'avoir raison contre l'autre, mais d'avoir raison avec l'autre. Cela veut

dire donner priorité à la vérité plus qu'à notre perception de la vérité. Être vrai est

un choix qui peut s'avérer difficile lorsque les personnes avec lesquelles on communique ne sont pas prêtes à entendre la vérité ou ne sont pas capables de la porter. Cela dit, on ne peut pas tout communiquer. Il y a des informations qui ne sont pas à divulguer. Il faut avoir le courage de se taire ou de ne pas répondre aux questions indiscrètes quand cela est nécessaire, mais s'abstenir de tout mensonge. Ce choix peut conduire à des oppositions violentes et au rejet comme ce fut le cas pour Jésus. Mais c'est la seule manière de susciter une relation authentique. Jésus a pris ce risque. Il nous appartient de le prendre. 3

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LA SIMPLICITE

La simplicité est une qualité essentielle de la communication. On est trop souvent compliqué, emprunté ou complexé. Il faut au contraire être naturel et spontané. Regardons les enfants ou les handicapés mentaux. Ils communiquent leur joie, leur peine, leurs désirs, leurs sentiments ou leurs besoins avec beaucoup de spontanéité. Ils ne s'embarrassent pas de nos réactions. Ils communiquent ce qu'ils sont ou ce qui les préoccupe sans artifice de langage et sans gêne. Le regard des autres, leur jugement, la peur de paraître ridicule ou de ne pas savoir s'exprimer, la crainte d'être mal reçu ou mal compris, l'éducation ou les convenances etc., tout cela nous empêche de communiquer simplement et en vérité. On biaise. Cette simplicité dans la communication fait partie de la vérité dans la relation. Il faut avoir ce courage d'être soi-même et d'oser manifester ses besoins et ses désirs en toute confiance non pas pour se plaindre ou attirer l'attention sur soi, mais pour que l'autre puisse nous accueillir et nous respecter tels que nous sommes, en tenir compte et réciproquement. Que de fois nous ignorons les besoins de l'autre ou nous souffrons inutilement de notre côté parce que nous avons manqué de simplicité dans la communication ! " Ah ! s'il nous en avait parlé ! Ah ! si nous l'avions su ! »

LA CHARITE

Elle est le complément indispensable à une vraie et bonne communication. St François

Sales écrivait :

" Toute vérité qui n'est pas charitable est une charité qui n'est pas véritable. »

L'amour nous pousse à communiquer en vérité et dans la simplicité. Mais la vérité seule

ou la simplicité sans charité, peut blesser et même détruire la communion. La charité,

l'amour nous invite à être délicat, à choisir le bon moment, à employer les mots et le ton

justes pour dire ce que nous avons à dire et pour transmettre ce que nous avons à communiquer. La première préoccupation d'un bon communicant est de prendre en

compte la capacité de l'autre à recevoir le message ou les informations qui le

concernent. Il ne s'agit pas seulement de dire les choses, mais de s'assurer qu'elles sont comprises. " Ce qui compte me disait le P. Joseph, ce n'est pas ce que tu dis, mais ce que l'autre comprend. » Cela suppose que nous soyons attentifs à l'autre et pas seulement à nos besoins. Quelquefois nous communiquons mal, soit parce que nous sommes trop pressés de le faire, soit parce que nous nous contentons d'affirmer nos quatre vérités pour nous défouler, calmer notre colère et nos impatiences, soit enfin parce que nous ne prenons pas le temps de prier et d'invoquer l'Esprit Saint avant de parler.(Jn 6 : Jésus passe la nuit à prier avant d'annoncer l'Eucharistie)

Enfin, il y a le dialogue. C'est le moyen privilégié à mettre en oeuvre pour réaliser les

conditions les meilleures pour communiquer et renforcer notre communion. Ce sera le thème de la prochaine Lettre : Communion par le dialogue.

P. Henri Caldelari msc

N.B. Voir dans l'Evangile comment Jésus communique avec ses auditeurs.

Pour recevoir ces Lettres : Ecrire à : Famille du Coeur de Dieu - La Pomarède 15230 Paulhenc (France)

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