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suppléer dans son double sens, c'est-à-dire ('action de combler en ajoutant et l'action de combler en remplaçant En ce sens, le jeu ajoute, car il remplace quelque chose qui manque Alors que l'ethnologie, comme l'indique Derrida, naît au moment où la culture européenne cesse de se percevoir en tant que culture de référence, la



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c) « Et si le ciel n [est pas clément tant pis pour la météo » : expliquer le double sens de cette phrase : 1) même sil ne fait pas eau, ils déident de se voi 2) même si les eligions sopposent, ils déident de s aime d) nombreux jeux de sonorités ex dans la 1° strophe : seize ans – grandit ; pleut- peur ; fous-



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UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

LE JEU DANS LA SOCIOLOGIE :

DU PHÉNOMÈNE AU CONCEPT

THÈSE�

PRÉSENTÉE�

COMME EXIGENCE PARTIELLE�

DU DOCTORAT EN SOCIOLOGIE�

PAR�

JEAN-FRANÇOIS MORISSETTE�

AVRIL 2010

UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MOI\JTRÉAL�

Service des bibliothèques�

Avertissement

La diffusion de cette thèse se fait dans le respect des droits de son auteur, qui a signé le formulaire Autorisation de reproduire et de diffuser un travail de recherche de cycles supérieurs (SDU-522 -Rév.01-2006). Cette autorisation stipule que "conformément l'article 11 du Règlement no 8 des études de cycles supérieurs, [l'auteur] concède à l'Université du Québec à Montréal une licence non exclusive d'utilisation et de publication de la totalité ou d'une partie importante de [son] travail de recherche pour des fins pédagogiques et non commerciales. Plus précisément, [l'auteur] autorise l'Université du Québec à Montréal à reproduire, diffuser, prêter, distribuer ou vendre des copies de [son] travail de recherche à des fins non commerciales sur quelque support que ce soit, y compris l'Internet. Cette licence et cette autorisation n'entraînent pas une renonciation de [la] part [de l'auteur] à [ses] droits moraux ni à [ses] droits de propriété intellectuelle. Sauf entente contraire, [l'auteur] conserve la liberté de diffuser et de commercialiser ou non ce travail dont [il] possède un exemplaire.»

REMERCIEMENTS

Merci

à tous mes proches, parents et amis, qui m'ont supporté au cours de la réalisation de ce travail.

Merci également à Jean-François Côté pour l'esprit de liberté et de rigueur qu'il m'a transmis.

TABLE DES MATIÈRES

RÉsUMÉ ........................................................................�.....................................v

INTRODUCTION 1

PREMIÈRE PARTIE

SOCIOLOGIE(S)

DU JEU

CHAPITRE 1

DU JEU COMME MÉTAPHORE DE LA SOCIALITÉ 18

1.1 Rôle du jeu et jeu des rôles dans la pensée de George Herbert Mead 19

1.2 Le jeu de la socialité et son retournement tragique dans l'oeuvre de Georg Simmel 29

1.3 Le legs de Mead et de Simmel : le théâtre et le jeu des interactions sociales .41

lA L'écho théâtral du drame d'être (une) personne .52

CHAPITRE

II

DU JEU COMME PRISME DE LA CIVILISATION 62

2.1 Le jeu de la civilisation selon Roger Caillois 63

2.2 La fonction sociale du jeu selon Johan Huizinga 72

2.3 Le drame social et sa mise en suspens par le jeu 82

204 Réfraction et traduction du drame d'être quelqu'un : compétition sportive et fiction théâtrale 85

CHAPITRE III

DU JEU COMME INSTRUMENT

D'ANALYSE DE L'ACTION RATIONNELLE 100

3.1 Jeu, mathématiques et économie 101

3.2 Théorie mathématique des jeux et sociologie 118

3.3 Une pensée qui joue avec elle-même 136

304 Partie (presque) finie 142

iv

DEUXIÈME PARTIE�

HERMÉNEUTIQUE ET DIALECTIQUE DU JEU�

CHAPITRE IV

LE JEU

DANS SON MOMENT SUBJECTIF 155

4.1 Plaisir et émotions 157

4.2 Imagination et représentation , 164

4.3 Style et pratique 174

4.4 L'épreuve du soi dans la compétition échiquéenne

et dans le théâtre de Beckett 179

CHAPITRE V

LE JEU DANS SON

MOMENT OBJECTIF 206

5.1 Liberté et volonté 208

5.2 Règle(s) et conditions 216

5.3 Mesure et valeur 235

5.4 La règle,

la mesure, la liberté et leur négation dans le théâtre de Beckett 244

CHAPITRE VI

LE JEU DANS SON

MOMENT ESTHÉTIQUE 275

6.1 Le Beau et

le symbole 277

6.2 Rythme et harmonie 288

6.3 Plasticité, affiguration et interprétation 297

6.4 Action, opposition et dialogue 303

6.5 Jouer en

attendant: le cas Godot 317�

CONCLUSION

329

BIBLIOGRAPHIE 336

RÉsUMÉ

Cette thèse présente une étude théorique et épistémologique du concept de jeu -étude qui, tout en prenant ancrage dans la tradition sociologique, se fonde sur l'herméneutique de H.G. Gadamer ainsi que sur

la dialectique hégélienne. Divisée en deux parties -respectivement intitulées Sociologie(s) du

jeu et Herméneutique et dialectique du jeu -la thèse examine, dans un premier temps, les principaux

textes fondateurs de la pensée sociologique sur le jeu, en suivant l'exigence formulée par

l'herméneutique de Gadamer d'un dialogue avec autrui et d'une appropriation et d'une reconnaissance

de la légitimité de son propos. Au travers de ce dialogue; les concepts et les représentations qui ont tissé

la pensée sociologique du jeu sont identifiés et ressaisis. La première partie de la thèse compte

trois chapitres correspondant chacun aux trois principales bases épistémologiques de la sociologie -le

situationnisme ou interactionnisme, le monisme ou holisme et l'individualisme méthodologique -qui, elles-mêmes, renvoient à trois manières différentes de concevoir le jeu, c'est-à-dire, respectivement: le

jeu comme métaphore de la socialité (Ch. 1), le jeu comme prisme de la civilisation (Ch. 2) et enfm, le

jeu comme instrument d'analyse de l'action rationnelle (Ch. 3). Dans un deuxième temps, la thèse relit et relie les différentes études sociologiques sur le jeu en retournant au phénomène du jeu principalement le théâtre, mais aussi les échecs et le hockey -en compagnie de la dialectique hégélienne et du processus de suppression-conservation qui la structure. Se divisant également en trois chapitres,

la deuxième partie de la thèse se présente comme un exposé des différentes médiations au

travers desquelles le jeu se réalise progressivement. Dans son moment subjectif (Ch. 4), le jeu est

travaillé par la médiation des émotions, de l'imagination et du style. L'intermédiation de

la liberté, de

la règle et de la mesure constitue, par ailleurs, le jeu dans son moment objectif(Ch. 5). Et enfm, dans

son

moment esthétique (Ch. 6), le jeu accède à la qualité de représentation, voire d'une belle

représentation, et il se configure et se montre au travers de l'articulation dialectique de ses qualités musicales, plastiques et dramatiques. En somme, l'examen du devenir du jeu qui est ici mené " fait voir» et

" voit-faire» le jeu en le voilant et en le dévoilant à la fois, et ce dans la mesure où la mise à

jour des différentes médiations par lesquelles le jeu se constitue, se forme et se déploie sur le plan

phénoménal dévoile et fait voir le jeu en tant que concept, mais au travers de son dévoilement, le

concept jette en quelque sorte un voile sur le phénomène du jeu et le " fait-voir» et le " voit-faire» en

sa qualité de symbole du symbolique, ainsi qu'en son activité deformation de soi, du social et du beau.

Mots clés: Jeu; Sociologie; Théâtre; Hockey; Jeu d'échecs; Gadamer ; Hegel; Samuel Beckett.

INTRODUCTION

Le jeu est d'une importance centrale pour la sociologie. D'une part, il s'y présente comme un

phénomène social que les sociologues étudient et analysent, et d'autre part, il y apparaît comme un

concept avec lequel les sociologues illustrent, interprètent et expliquent d'autres phénomènes sociaux.

En tant que phénomène social, le jeu est abordé en fonction de différentes questions: la question de

l'éthique, la question de la pédagogie, la question du loisir et des sports, la question du risque social, la

question des rites et des cultes et bien d'autres encore. En sa qualité de concept, le jeu est mobilisé afin

d'éclairer divers phénomènes sociaux, comme par exemple: la démocratie, les échanges économiques,

le droit, la culture, l'art, la mode, la séduction et les rapports amoureux, les interactions sociales, les

rapports de coopération ou d'opposition qu'entretiennent les individus et les groupes d'individus, etc.

L'intérêt que prête la sociologie aujeu n'est, par ailleurs, pas nouveau, il remonte même à la fondation

académique de la discipline. Ainsi, au tournant des XIXe et XXe siècles, période qui correspond à la mise en place institutionnelle de la sociologiel, divers auteurs dont Georg Simmee en Allemagne,

Marcel Mauss

3 en France et George Herbert Mead 4 aux États-Unis se sont intéressés, chacun à leur manière

et selon des perspectives différentes, à la question du jeu et de sa signification sociologique.

Le

jeu, et ce dans ses significations à la fois phénoménales et conceptuelles, apparaît donc

précocement dans le discours sociologique: la théorisation du phénomène du jeu par la sociologie

s'effectue au moment même où s'institutionnalise la discipline

5•

Cette coïncidence n'est pas un hasard.

La naissance de la sociologie correspond à la fin des grands récits philosophiques comme la métaphysique, une thématique dont discute Lyotard 6, et qu'il lie à la question des "jeux de langage )}

1 C'est en 1892, dans le contexte d'un accroissement massif de la diversité sociale liée à l'industrialisation et à

l'urbanisation, que l'École de Chicago de sociologie voit le jour. De même, bien que ce soit seulement en 1913

que la chaire détenue par Durkheim (<< Chaire de l'éducation de la Sorbonne») devient " Chaire de sociologie de

la Sorbonne », il importe cependant de rappeler que c'est au cours de la dernière décennie du XIXe siècle qu'est

fondée

la revue L'Année sociologique (1896) et que sont publiés les ouvrages fondateurs de la sociologie de

Durkheim -Les règles de la méthode sociologique (1895) et Le Suicide (1897), et ce dans le contexte

d'émergence de problèmes sociaux nouveaux liés à l'urbanisation massive de la société.

2 Georg Simmel, Sociologie et épistémologie, Paris: PUF, 1981.

3 Marcel Mauss, OEuvres. T. 2 Représentations collectives et diversité des civilisations, Paris: Minuit, 1969.

4 G.H. Mead, L'esprit, le soi et la société, Paris: PUF, 2006.

5 Ceci dit, les sociologues ne sont ni les premiers ni les seuls penseurs à s'être intéressés au jeu. Au Ve siècle

avant notre ère, Héraclite dit du temps (de la durée) qu'il est un enfant jouant au trictrac. À la fin du XVIIIe siècle,

Schiller,

dans· ses Lettres pour l'éducation esthétique de l'homme (paris, Aubier, 1992), considère le jeu comme

l'espace véritable

de la liberté de l'homme. Dans la première moitié du XXe siècle, Freud, dans ses études sur le

rêve, traite du jeu en opposant le principe de réalité (le travail) au principe de plaisir. Durant la même période,

Wittgenstein conçoit discours et énoncés comme jeux de langage.

6 Jean-François Lyotard, La condition postmoderne, Paris: Minuit, 1979.

L 2

développée par Wittgenstein. Ainsi, dans le contexte d'un abandon des métadiscours, la pensée

sociologique, qui se présente d'abord comme une science positive, cherche à penser la société en

dehors de toute référence à un principe transcendant. Ce refus de penser la totalisation du devenir

socio-historique fait intervenir le concept de jeu en tant que substitut d'un centre manquant, entendu

qu'en refusant toute référence à un principe transcendant, ce qui, auparavant, se situait au centre de la

vie sociale et de la pensée sur la vérité du monde, comme par exemple, les mythes chez les Grecs,

Dieu chez les chrétiens du Moyen Âge, la Raison pour les modernes, tombe en discrédit et laisse

ce

centre inoccupé. Le jeu est, à ce titre et selon une expression de Jacques Derrida, mouvement de la

substitution et de la supplémentariti. En l'absence d'un référent transcendant, ce qui se supplée au centre manquant est un supplément, un excédent. Et il faut, précise Derrida, prendre l'action de

suppléer dans son double sens, c'est-à-dire ('action de combler en ajoutant et l'action de combler en

remplaçant. En ce sens, le jeu ajoute, car il remplace quelque chose qui manque.

Alors que l'ethnologie,

comme l'indique Derrida, naît au moment où la culture européenne

cesse de se percevoir en tant que culture de référence, la sociologie, quant à elle, émerge dans le

contexte des démocraties de masse naissantes. Ainsi, la sociologie naît avec l'industrialisation,

l'urbanisation, l'immigration massive, l'accroissement de la différenciation fonctionnelle de la société

et aussi avec l'instauration du suffrage universel et la reconnaissance universelle de la qualité de

personne à tous les membres de la société. Dans ce contexte, la vie sociale ne trouve plus son centre

dans la figure d'un héros, ni dans celle d'un monarque, ni au sein d'aucune classe particulière comme

la bourgeoisie ou l'aristocratie. C'est plutôt la figure abstraite de la personne -qui comprend toutes les

personnes, n'importe quelle personne et personne en particulier -qui apparaît centrale à la vie sociale

démocratique. Mais ce centre - la personne -est à vrai dire décentré (puisque tout le monde est

personne) et vide (puisque personne n'est personne). De plus, le pouvoir se rapportant à la vie sociale

démocratique de masse est également un centre vide que la spéculation idéologique prend en charge de remplir. Cette double vacuité ouvre l'espace de ce que J'on peut, à Ja suite de Thierry Hentsch, nommer le jeu de la démocratie

8•

Ce jeu de la démocratie de masse est fondamentalement un jeu de représentation. Dans de

telles démocraties, la règle de la majorité constitutive de la représentation et de la légitimité du pouvoir

apparaît comme supplément et comme suppléant: la règle de Ja majorité, qui est garante de la

7 Jacques Derrida, " La structure, le signe et le jeu dans le discours des sciences humaines », In L'écriture et/a

différeru:e, Paris: Seuil, 1967, p. 423.

8 Thierry Hentsch, " Lejeu démocratique », In D. Jeffrey et R. Bélanger (dir.), Lejeu et ses enjeux éthiques,

Montréal: Fides,

1996, p. 43-62.

3

souveraineté du peuple ou de la nation, s'est suppléée à l'ordre de Dieu. L'arbitraire du plus grand

nombre remplace l'arbitraire de Dieu ou de la monarchie, mais dans ce jeu de substitution, ce à quoi la majorité se substitue, c'est-à-dire l'unité de la totalité et du devenir de la société, ne lui préexiste pas, car ce que concède le peuple à ses représentants, c'est-à-dire la totalité de la chose publique et son devenir, le peuple n'en dispose pas lui-même. Alors que la personne apparaît comme la figure centrale de

la vie sociale des démocraties de masse, la masse des individus concrets n'occupe cependant pas le

centre du pouvoir: l'individu ordinaire -l'homme de la masse -vote pour qu'un autre individu le représente. De plus, le jeu de la représentation démocratique implique également le " faire semblant» du jeu de la représentation théâtrale avec tout ce que cela implique comme ritualisation, simulation, illusion et mise en scène: "Le spectacle de la politique [... ] offre un divertissement [... ] qui pourra scandaliser, étonner ou faire rire. La valeur d'un scandale se mesure à sa puissance dramatique [... ] Derrière la comédie, comme souvent, se dissimule une nécessité tragique

»9. En somme, sociologie,

démocratie de masse et jeu sont intimement liés. D'ailleurs, Simmel, un des premiers sociologues à s'être penché sur le jeu, avance qu'en démocratie, on fait comme si tous les individus étaient égaux et en ce sens,

la participation démocratique se présente comme un jeu, celui de l'égalité. Ce jeu exige tact

et artifice et il est dépourvu d'autres fmalités que de faire comme si tous les individus étaient égaux, et

en ce sens, la démocratie se veut ici jeu de la socialité et de l'égalité.

Ceci dit, l'intérêt sociologique pour

le jeu ne se limite pas aux fondateurs de la discipline. Vers

le milieu du XXe siècle, l'historien néerlandais Joban Huizinga signe un ouvrage intitulé Homo

Ludens dans lequel il soutient la thèse selon laquelle la culture se joue et même qu'elle naît et qu'elle

se déploie dans le jeu lO • Cet ouvrage, qui est aujourd'hui considéré comme un classique de la

littérature sur le jeu en sciences sociales, est d'ailleurs cité dans à peu près toutes les études

sociologiques portant sur le jeu. À ce titre, le jeu continue, à l'heure actuelle, de susciter l'attention de

la sociologie. Depuis une trentaine d'années, nombre d'études ont témoigné de l'intérêt pour le jeu

ll

Prenant le jeu parfois comme phénomène social, parfois comme concept, les études récentes rendent

compte d'une grande diversité de considérations sur le sujet. Le jeu renvoie, de manière pêle-mêle, aux loisirs et aux sports, à la pédagogie, à l'art, à l'économie, au risque social, au droit, à la démocratie,

9 Ibid., p. 54.�

10 J. Huizinga, Homo ludens. Essai sur la/onction sociale dujeu, Paris: Gallimard, 1951.�

Il Voir notamment J. Duvignaud, Lejeu du jeu, Paris: Balland, 1980. F. Ost et M. van de Kerchove (dir.), Lejeu :�

un paradigme pour

le droit, Paris: Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1992 ; E. Hamilton-Smith (dir),�

Loisir et société. Lejeu : miroir de la société, Vol. 17, no l, 1994 ; D. Jeffrey et R. Bélanger (dir.), Lejeu et ses�

enjeux éthiques,

Montréal: Fides, 1996; N. Heinicb, Le triple jeu de l'art contemporain, Paris :. Minuit, 1998 ; P.�

Bouvier (dir.),

Socio-Anthropologie., Jeux! sports, no 13, 2003 ; P. St-Germain et G. Ménard (dir.), Des jeux et�

des rites,

Montréal: Liber, 2008.�

4

etc. Bref, depuis une centaine d'années, la sociologie s'interroge fréquemment et de diverses manières

sur le jeu. Or, bien que les différentes études sociologiques sur le jeu contribuent, chacune à sa manière,

à enrichir le sens et la portée du phénomène et du concept de jeu, la diversité des considérations

sociologiques qui en résulte est telle qu'elle donne lieu à un certain éclectisme qui finit par voiler ce qu'est le jeu, à la fois comme concept et comme phénomène. Ce voilement ou ce recouvrement du jeu par les discours que les sociologues et autres penseurs tiennent sur lui témoigne d'un certain formalisme

du rapport de connaissance qui est à l'oeuvre, à divers degrés, dans ces discours. Ce rapport

de connaissance, que je nommerai, à la suite de Hegel, entendement, souffre de se rapporter à ses objets

"en séparant et en abstrayant» 12. Ainsi, les catégories qui sont mobilisées par les théories

sociologiques sur le jeu ne sont pas les mêmes d'une étude à l'autre. Alors que chez certains sociologues, que l'on peut associer à un courant situationniste ou interactionniste, les catégories de

rôle, d'acteur, de scène, de coulisses, de mise en scène, de règle, d'équipe sont constitutives du

jeu;

pour d'autres, qui se rapportent plutôt à une approche moniste ou ho liste, le jeu, compris comme un

phénomène total, apparaît comme une activité libre, séparée, incertaine, improductive, réglée et/ou

fictive ; enfin, pour les sociologues s'inspirant des mathématiques et campant la posture de l'individualisme méthodologique, les catégories fondamentales du jeu sont la rationalité, les stratégies, la maximisation des gains, les règles, l'incertitude, le risque et l'information. Bref, à observer les catégories que les différentes études sociologiques tiennent pour fondamentales, il semble qu'elles renvoient à différents jeux et à différents concepts de jeu. Il importe donc de dépasser ces positions tout

en conservant leurs contributions respectives, c'est-à-dire qu'il s'agit de les faire tenir ensemble au

sein

d'un même discours et donner ainsi une unité à la pensée sur le jeu. Cet effort de synthèse -le

"faire-tenir-ensemble» -correspond à l'exigence formulée par la philosophie herméneutique de

Hans-Georg Gadamer d'une " fusion des horizons» : opération qui consiste

à s'approprier la question

à laquelle

un texte répond et à laquelle il nous convie, afm de reconquérir les concepts et représentations qui l'ont tissé et les inclure dans notre propre compréhension 13 . En ce sens, cette thèse se veut une étude théorique et épistémologique visant la formulation du concept de jeu; étude qui prend ancrage dans la tradition sociologique, prise ici comme horizon d'interrogation et de signification à l'intérieur duquel l'examen du jeu sera ici conduit.

12 Hegel, Encyclopédie des sciences philosophiques. La science de la logique, Paris: 1. Vrin, 1979, p. 510.�

13 H.-G. Gadamer, Vérité et méthode, Paris: Seuil: 1996.�

5

Dans la mesure où

il s'agit ici de dépasser le formalisme à l'oeuvre dans la pensée et les

études sociologiques sur le jeu, il importe de s'attarder à ce qui se joue dans le jeu, c'est-à-dire dans le

jeu pris dans sa manifestation phénoménale, et de dégager l'essence dialectique de sa structure pour

ainsi (re)formuler un concept sociologique de jeu. Cette formulation doit bien sûr tenir compte des

catégories

du jeu déjà identifiées par la sociologie, puisque, comme l'indique Hegel, l'entendement est

un passage nécessaire à la compréhension de l'objet visé car l'entendement, puisqu'il sépare, abstrait,

classifie et

" légifère », est garant de l'intelligibilité. Et pour arriver à dépasser les limites du rapport de

connaissance de l'entendement, je propose ici d'en appeler à une sociologie réflexive issue de la

rencontre de l'herméneutique gadamérienne et de la dialectique hégélienne.

Dans l'herméneutique de Gadamer,

le jeu apparaît comme le mode d'être de l'oeuvre d'art. De

façon générale, l'herméneutique se défmit comme l'art de la compréhension et de l'interprétation.

Chez Gadamer, cet art de la compréhension se présente comme un dialogue, comme un jeu d'échange,

comme un mouvement réciproque de va-et-vient qui exige une ouverture à l'autre et dans lequel la

légitimité du propos de l'autre et la possibilité d'une entente, d'un partage sont présumées par les

participants de l'échange. Le dialogue implique donc l'idée d'une réciprocité de la question et de la

réponse. Pour Gadamer, il importe d'interroger l'autre (le texte, l'oeuvre d'art, un épisode historique,

un fait social, etc.) en s'appropriant son interrogation et en présumant de la vérité à laquelle

il nous convie 14 • Le langage s'accomplit donc dans le dialogue; il est le coeur, le milieu, le médium de l'entreprise herméneutique. Le langage, dit Gadamer, est l'être qui peut être compris l5 • De plus, il n'y

a pas, pour Gadamer, de point-zéro de la signification ou de la vérité: nous sommes toujours déjà en

route. En d'autres termes, tout acte discursif tout comme chaque mot que nous employons impliquent du

" déjà dit », du " déjà là» qu'on ne peut ni nier ni choisir: la vérité se situe dans le jeu d'échange

entre deux consciences à la recherche d'un point commun, d'un sens partagé. Ceci dit, si le langage est centre, milieu, coeur, cela implique qu'il connaît des limites ou encore que quelque chose se situe en

ses marges, et c'est ici que le jeu et l'art interviennent. Dans son analyse du statut de l'oeuvre d'art,

Gadamer fait

jouer au jeu le rôle qu'il assigne au dialogue dans son commentaire sur les sciences de l'esprit. Encesens,le jeuestunesortededialogue prélangagier l6.

Ainsi,cequiconstitue lecoeurde la

pensée herméneutique de Gadamer, c'est-à-dire le dialogue, tire son origine dans une activité, le jeu,

qui se rapporte d'abord au corps: "Pensons par exemple au jeu du nourrisson avec ses propres doigts,

14 " La philosophie herméneutique ne se comprend pas comme une position absolue, mais comme un chemin voué�

à l'expérience. Elle insiste pour dire qu'il n'y a pas de plus haut principe que celui qui consiste à rester ouvert au�

dialogue. Et cela veut toujours dire qu'il faut reconnaître au préalable la légitimité possible, voire la supériorité de�

son interlocuteur ». H.G. Gadamer, La philosophie herméneutique, Paris: PUF, 1996, p. 57.�

15 H.G. Gadamer, Vérité et méthode, op. cil., p. 500.�

16 H.G. Gadamer La philosophie herméneutique, op. cil., p.178.�

6

à ses mouvements, a fortiori au jeu qui implique l'autre »17. En établissant ainsi la position du jeu par

rapport au langage, Gadamer rejoint la thèse du psychanalyste Donald W. Winnicott pour qui le jeu,

compris comme un agir transitionnel ou encore comme une activité impliquant au moins un objet transitionnel, mène au "je» 18. Or, en tant que l'agir transitionnel ou le dialogue prélangagier se situe précisément à l'endroit où le langage et les autres formes du symbolique sont appelés à s'investir, il

appert que le jeu se donne comme une capacité ou une disposition naturelle de l'homme; capacité qui

distingue et unit la subjectivité et l'objectivité.

Le jeu, précise Gadamer, tient à

un mouvement de va-et-vient qui s'engendre comme par lui même.

En ce sens, le véritable sujet du jeu est le jeu lui-même, mais il n'est réellement que lorsqu'il

est joué, c'est-à-dire actualisé, par ceux qui y prennent part. Dans cette actualisation, le jeu rend visible ou manifeste le mouvement de va-et-vient qui constitue son essence, et puisqu'il est ici question d'une

manifestation, le jeu suppose, et même exige, un regardant, un spectateur. L'être achevé du jeu est

donc

la représentation, et en ce sens, celui qui " assiste au jeu» participe pleinement de ce jeu. Le jeu

implique donc toujours la participation d'autrui: le partenaire, l'adversaire et surtout le spectateur du

jeu.

Ces considérations de Gadamer sur

le jeu témoignent d'un parti pris pour le jeu de la

représentation théâtrale. C'est d'ailleurs au travers du concept de catharsis qu'il identifie

le plaisir qu'éprouve

le spectateur qui assiste au jeu du théâtre. On assiste à une pièce de théâtre (tout comme on

contemple un tableau ou on lit un roman) et on se plie à son jeu -on se laisse saisir par la crainte, la

pitié ou le rire qu'il suscite -pour le plaisir que cela procure. Et le plaisir lié à cette expérience

participe d'un mode de connaissance, celui de connaître à nouveau, d'une nouvelle manière et sous un

autre angle ce qui est déjà connu. En d'autres termes, le théâtre est un "faire-voir-autrement-Ie

monde» etun " voirfaire-autrement-Ie-monde». Et l'expérience que l'on fait de ce " faire-voir» et

de ce " voir-faire» relève d'un processus de re-connaissance. La participation du spectateur tient à sa

capacité d'identifier l'être de l'oeuvre, de saisir l'identité propre de l'oeuvre ou encore, de s'approprier

la question à laquelle elle répond et à laquelle elle nous convie. En ce sens, le rôle du spectateur est

d'appréhender l'oeuvre en sa vérité, de faire advenir la signification qui s'y présente et d'actualiser ce qu'elle dit. Pour Gadamer, l'oeuvre est dépositaire d'un quelque chose

à comprendre. L'art apparaît

donc comme une co-activité ou commequotesdbs_dbs12.pdfusesText_18