[PDF] la trahison des images hda
[PDF] la trahison des images les deux mystères
[PDF] La traite des noir
[PDF] La traite des noirs
[PDF] La traite des noirs Esclavage
[PDF] la traite négrière
[PDF] La traite négrière - Le commerce , l'utilisation des esclaves au XVIIIe siècle CONTROLE
[PDF] La traite négrière au 18éme siécle
[PDF] la traite négrière cours 4ème
[PDF] la traite négrière définition
[PDF] La traite negriere et l'esclavage a l'epoque moderne
[PDF] la traite négrière et l'esclavage 4eme
[PDF] la traite négrière et l'esclavage 4eme exercices
[PDF] la traite négrière et l'esclavage au 18ème siècle
[PDF] la traite négrière pdf
Tous droits r€serv€s Eric Bouchard, 2017 This document is protected by copyright law. Use of the services of 'rudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. This article is disseminated and preserved by 'rudit. 'rudit is a non-profit inter-university consortium of the Universit€ de Montr€al, promote and disseminate research.
https://www.erudit.org/en/Document generated on 10/23/2023 7:23 a.m.Libert€La trahison des imagesEric Bouchard
Number 318, Winter 2017URI: https://id.erudit.org/iderudit/87569acSee table of contentsPublisher(s)Collectif Libert€ISSN0024-2020 (print)1923-0915 (digital)Explore this journalCite this articleBouchard, E. (2017). La trahison des images. Libert€, (318), 68"70.
C ette chronique, o lÕon rŽin - ou oubliŽes pour en montrer la pertin ence contemporaine, sÕest jusquÕˆ maintenant attardŽe ˆ la lit - tŽrature (et ˆ la musique, au dernier numŽro). Cependant, dans un monde hypermŽdiatique bombardŽ dÕimages, il serait Ð sans vouloir faire de mau - vais jeux de mots Ð aveugle de nŽgliger le champ iconique. The Upside-Downs of Little Lady Lovekins and Old Man
Mu!aroo (1903-1905), de Gustave Ver-
beek, une bande dessinŽe dÕune rare audace formelle, nous permet, encore aujourdÕhui, de nous interroger sur la fait lire. unique dans lÕhistoire de la bande dessinŽe, il faut le dire Ð, sÕil est dÕune apparente simplicitŽ, constitue en fait un vŽritable tour de force. Pen- dant 64 semaines, lÕauteur rŽussit ˆ construire un strip hebdomadaire de six cases (soit deux bandes de trois cases) qui se trouve en fait ˆ en conte- nir douze ; pour lire la seconde partie, il faut tourner la bande dessinŽe Ç ˆ lÕenvers È. Bien sžr, comme ces courtes histoires sont appuyŽes de rŽcitatifs (cartouches de texte au haut des cases), ceux, inversŽs, au bas de celles-ci four- nissent dŽjˆ lÕindice dÕune lecture tte-bche. Mais la stupŽfaction de dŽcouvrir que les images, elles aussi, les retourne, quÕelles contiennent en fait une seconde image superposŽe, force lÕadmiration autant quÕelle plonge le lecteur dans une profonde perplexitŽ par rapport ˆ ce quÕil croit voir. Ainsi, les cieux deviennent des mers et les poissons, des oiseaux ; les mon tŽes deviennent des chutes et les entrŽes, des sorties ; le sourire de la joie devient le rictus de la tristesse ; et, surtout, petite
Þlle et vieil homme deviennent vieil
homme et petite Þlle Ð trahison des ‰ges comme des sexes. !tinŽraire culturel
Ë cet e!et, il ne sera pas surprenant de
dŽcouvrir que lÕidentitŽ de Verbeek est multiple. Si, sur le plan artistique, il est ˆ la fois auteur de bandes dessinŽes, illustrateur et peintre, cÕest Žgalement un homme cosmopolite. NŽ ˆ Naga - lescence ˆ San Francisco puis ˆ New
York, avant de partir ˆ Paris en 1889
pour entrer aux Beaux-Arts. Il publie
France, au dŽbut des annŽes 1890, puis,
Verbeck est amŽricanisŽ en Verbeek
par lÕŽtat civil. De 1903 ˆ 1905, son publiŽe dans les Ç Sunday Pages È (ces fameux supplŽments couleurs fami- liaux) du New York Herald, tout juste avant quÕun certain Winsor McCay y rŽalise les pages surrŽalistes de Little
Nemo in Slumberland, monument de la
bande dessinŽe amŽricaine que lÕhis - toire retient plus volontiers. est donc celui de la naissance du comic- strip, pŽriode dÕe !ervescence o les journaux amŽricains se disp utent les cartoonists en vogue, le pouvoir dÕattrac- tion de leurs vignettes colorŽes inßuant alors directement sur les ventes des
Žditions dominicales, et o ces auteurs
rivalisent dÕinventivitŽ pour explorer le territoire esthŽtique dÕun mŽdium o tout est encore ˆ faire.
Plus encore, la Þn du "#"
e respond Žgalement ˆ la naissance du cinŽma et de la psychanalyse, et plus LÕinterprŽtation des rves (1899), soit un prend son incursion dans lÕunivers des rŽcits en images. Pour dŽco der les dont les reprŽsentants, cÕest-ˆ-dire les images surgissant des dŽsirs incons- cients, sont articulŽs les uns aux autres lors du rŽcit du rve que fait le rveur.
Hasard ou inßuence inconsciente,
les rves dÕun enfant, littŽrales paren- blement lÕendormissement et lÕŽveil du dormeur en pyjama, et ˆ lÕintŽrieur desquelles le rŽcit se livrera ˆ toutes les dŽformations et mŽtamorphoses, sur le plan du fond comme celui de la forme, dÕo la fortune populaire comme celle,
De mme, les images des Upside-
Downs de Verbeek semblent issues
dÕun rve ou dÕun cauchemar. Comme chaque image Ð et mme, chaque
ŽlŽment graphique de celle-ci Ð doit
pouvoir pivoter, la Þgu ration nÕest pas ÞgŽe dans une forme exacte, mais ouverte ˆ la diversitŽ des interprŽta - tions : elle est incertaine, vacillante, voire fuyante ; le territoire des cases est pour ainsi dire un sable mouvant o le reprŽsentŽ semble se dŽrober au sein dÕune inquiŽtante monstruositŽ...
Lovekins devient Mu!aroo, et lÕimage
sage devient brouillon.
Par ailleurs, il peut tre Žclairant de
remarquer que lÕauteur a partagŽ sa jeunesse au sein des trois grands foyers culturels de la bande dessinŽe mon - lÕEurope francophone. Ë lÕ Žpoque, bien avant que ces di!Žrentes cultures ne soient mises en contact et alors quÕelles ignorent pratiquement tout lÕune de lÕautre, Verbeek a sans doute joui dÕun statut dÕobservateur privi - lŽgiŽ, et dÕabord pour une raison bien simple, soit la di!Žrence de sens de lec- ture entre lÕOrient et lÕOccident : de
La trahison des images
droite ˆ gauche pour les uns, lÕinverse pour les autre s. Il est de s Žvidences sur lesquelles on ne juge pas utile de sÕinterroger, mais la question du le monde est conventionnŽe : nous le lisons dÕun c™tŽ. Les dessinateurs savent par exemple quÕil nÕy a rien comme regarder un dessin dans un miroir pour en rŽvŽler les Ç dŽfauts È de conception. En fait, cette di!Žrence de sens nous apprend que la lecture des images est vectorisŽe, construite de cours. Et cÕest certainement parce que lÕitinŽraire ˆ rebours y est un voyage narratif totalement di !Žrent que les comprŽhension fondamentale du phŽ-
Du palindrome
ŽtŽ considŽrŽe au mieux comme une
idiosyncrasie du 9 e art, au pire comme un aimable divertissement familial ˆ ranger du c™tŽ des illusions dÕoptique. publication originelle, il faut attendre les annŽes 1960 avant quÕon rec om- mence timidement ˆ sÕy intŽresser ou ˆ en rŽŽditer des bandes Žparses. Puis, en 1997, lÕOuvroir de bande dessinŽe potentielle Ð lÕOuBaPo, une dŽclinai- son de lÕOuLiPo de Raymond Queneau et de Franois Le Lionnais Ð dŽcide de lÕintŽgrer ˆ son manifeste fondat eur en tant que Ç plagiat par anticipa- tion È, selon lÕexpression consacrŽe de
Le Lionnais.
En fait, les bandes de Ver beek
viennent naturellement sÕinscrire au sein du programme de crŽation sous contraintes de lÕOuBaPo, dont cer- taines rŽcupŽrŽes de lÕOuLiPo, telles que le fameux palindrome, un exercice de virtuositŽ quÕa notamment explorŽ
Georges Perec, o un texte doit pou-
voir se lire dans un sens comme dans lÕautre. Ici, cependant, ˆ la contrainte visuelle sÕen ajoute une autre, struc - turale. CÕest ce que souligne Pierre
Couperie, pionnier de lÕhistoire de la
bande dessinŽe, dans lÕintroduction de
Dessus-dessous, la traduction en franais
publiŽe chez Pierre Horay en 1977 :
Ç [...] si une simple image rŽversible
nÕest pas facile ˆ rŽaliser, ici il y en a, chaque fois, six formant sŽquence È.
Cela dit, comm e lÕintention d e
lÕOuLiPo Žtait avant tout dÕexplorer, par la contrainte, de nouvelles voies narratives, lÕOuBaPo sÕest surtout attardŽ ˆ dŽcrire les Upside-Downs dÕun point de vue technique (rŽversibilitŽ iconique et structure anac yclique), passant sous silence lÕinterprŽtation de quÕun Žpatant exercice de style ?
DŽtournement dÕimages
C™tŽ photographie, les heures sombres
du totalitarisme stalinien nous auront notamment permis dÕapprendre quÕil fallait parfois se mŽÞer de celles-ci. Ë lÕŽpoque, on Ç vaporisait È carrŽment des photos o$cielles les anciens colla- borateurs devenus ennemis du rŽgime, des employŽs spŽcialisŽs ayant alors les clichŽs pour en faire dispara"tre les ŽlŽments gnants. Pour grossier quÕil paraisse, ce type de dŽtournement existe encore aujourdÕhui. On se sou- vient quÕen janvier 2015, le journal hassidique israŽlien HaMevasser, qui publiait, ˆ la suite de lÕattentat contre la rŽdaction de Charlie Hebdo, une photo de la marche rŽpubli caine ras semblant une cinquantaine de diri geants autour de lÕex-prŽsident
Franois Hollande, avait fait Žliminer
ainsi que la mairesse de Paris, Anne
Hidalgo, sous prŽtexte que la reprŽsen-
tation des femmes dans lÕespace public type de dŽtournement dÕimage pour le moins radical para"t facile ˆ dŽmas- quer ; mais il nÕen reste pas moins que, si autrefois le patient travail dÕun as du pinceau Žtait nŽcessaire pour parve- nir ˆ truquer de la sorte une image, ˆ
Photoshop, le tout peut dorŽnavant
sÕaccomplir avec une dŽrisoire facilitŽ.
Ainsi, cÕest ce mme outil informa-
tique quÕon emploie aujourdÕhui pour beautŽ inaccessibles, o lÕapparence de mannequins est corsetŽe, lissŽe et gla- cŽe ˆ coups de correcteur numŽrique.
Autrement dit, au-delˆ du simple tru-
cage, ce logiciel nous permet mme de plier une image au discours quÕon cherche ˆ servir si certains des ŽlŽ- enfermer une lecture. Dans ce cas-ci, le sens de lÕimage se verrouille donc par son enjolivement, en quelque sorte. Il est troublant de constater que, chez Verbeek, au contraire, la richesse polysŽmique des signes graphiques est permise par lÕouverture ˆ une certaine laideur. On peut cependant douter que du culte contemporain de lÕapparence physique...
Par ailleurs, il ne faudra pas nŽgli-
ger que la comprŽhension des images des Upside-Downs ne sÕe!ectue pas tou- aussi quelque chose aux rŽcitatifs qui les accompagnent. Si ceux-ci appuient dÕabord le parcours de lecture, en invi- tant le lecteur ˆ retourner la page, ils viennent souvent en complŽter ou en indiquer le sens, en raison de cette nature souvent ambigu' des ŽlŽments graphiques signalŽe plus haut. CÕest donc aussi en raison de la prŽsence de deux rŽcitatifs quÕune mme image des Upside-Downs peut tre relue de quÕune ligne de texte peut modiÞer en profondeur la comprŽhension dÕune tique de dŽtournement mŽdiatique des images est malheureusement di$cile ˆ
Žviter. Le dessinateur argentin Quino
ironisait dÕailleurs sur cette idŽe dans une planche fameuse de son recueilquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46