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La Vie devant soi (1975) Émile AJAR / Romain GARY

CONTRÔLE DE LECTURE La Vie devant soi (1975) Émile AJAR / Romain GARY I - Questions de mémorisation ( 10 points ) vérification de lecture : à faire sans l'aide du livre



Cahier pédagogique - Théâtre de Liège

Émile Ajar : La Vie devant soi reçoit le prix Goncourt la même année, le deuxième de Gary qui se cache sous ce pseudonyme avec la complicité de son petit cousin, Paul Pavlowitch Gary, sous son vrai nom, publie encore en 77 Clair de femme Cette mrme année, l’adaptation cinématographique de La Vie devant soi vaut un César à Simone



Mémoire de licence - DiVA portal

La vie devant soi de Romain Gary fait partie de ces romans Le récit dans La vie devant soi nest pas situé dans la banlieue, mais dans un quartier populaire de Paris, Belleville, qui à lépoque, regroupait des 1 Agot codé caactéisé pa l’invesion des syllabes (par exemple zarbi, bizarre ; ripou, pourri)



Image des marginaux dans Gros-Câlin et La Vie devant soi, deux

La Vie devant soi, le deuxième roman signé Ajar, nous présente une autre vision des marginaux Ceux -ci véhiculent dans un lieu physique identifiable, à savoir les bas -fonds de Paris L’histoire se passe à Belleville, quartier dit “ populaire ”, quartier d’immigrants de toutes les origines



La Vie devant soi, Romain Gary SEQUENCE N° 4 PROBLEMATIQUE

Les textes sont extraits de La Vie devant soi, Romain GARY Texte N° 1 : l’incipit « La première chose que je peux vous dire [ ] c’était mon premier chagrin » Texte N°2 : Le portrait de Madame Rosa « Madame Rosa était déjà vieille et fatiguée [ ] elle avait de la délicatesse » Texte N°3 : La scène entre Madame Rosa et Momo



Comparaison roman/film

• La façon dont le récit est écrit, les descriptions et les commentaires du narrateur du roman • Etc 1 2 À partir du titre du film la Vie devan soi,t créer l'anticipation qui facilite la compréhension Amener les élèves à formuler des questions d'anticipatio : n À quoi fait penser l'expression «la vie devant soi» ?



UNIVERSITE DU QUEBEC MEMOIRE PRESENTE À LUNIVERSITE DU

L'année suivante, Ajar récidive avec La Vie devant soi Cette fois, Gary prend ses précautions Pour faire taire les spéculations sur la véritable identité du nouvel auteur, il demande à Paul Pavlowitch, son neveu, d'incarner le personnage d'Emile Ajar Parmi les romans de la rentrée 1975, La Vie



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fraternité des hommes dans la déchéance, une fraternité de damnés, de victimes Les hommes se sentent solidaires devant la misère, la sottise, la lâcheté, l'ennui et le mal Les Fleurs du mal sont alors une sorte de voyage qui comporte six étapes - Spleen et Idéal (85 poèmes) : déchirure du poète entre une aspiration



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The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 34
Image des marginaux dans Gros-Câlin et La Vie devant soi, deux romans de Gary signés Ajar

By Vina Tirvin

Athabasca University

En 1974 un mystérieux auteur du nom d'Émile Ajar apparaît sur la scène littéraire Paris

avec la publication de Gros-Câlin, et il est immédiatement adulé comme un maître du langage.

Pourtant, Ajar est le pseudonyme de Romain Gary, auteur à succès en France. Ce pseudonyme constitue sa tentative de se renouveler afin d'être jugé sa juste valeur. Ajar reste pourtant

introuvable, ce qui ne fait que fructifier les rumeurs concernant sa véritable identité. Gary donne

alors un visage humain

à Ajar en invitant son neveu, Paul Pavlowich

incarner Ajar. Lorsque

quelques critiques découvrent les liens de parenté entre Gary et Pavlowich, Gary déclare qu'il

n'a collaboré en aucune manière au travail de cet auteur. La critique accepte facilement le démenti de Gary; d'ailleurs, elle ne croit pas que Gary soit capable d'écrire un tel roman. En 1975, paraît un autre roman signé Ajar, La Vie devant soi, qui obtient peu de temps

après le Prix Goncourt, le prix littéraire le plus convoité de France. Or, en 1956, l'Académie

Goncourt avait déj

discerné ce prix ce même Gary pour son roman Les Racines du ciel. Gary

devient ainsi le premier auteur en France (et sans doute le dernier) à avoir jamais été, par volonté

de mystification, récompensé deux fois par ce Prix, et, par cela, il transgresse un interdit de

l'Académie Goncourt. Par la suite, il continuera publier d'autres romans sous son propre nom, et deux autres romans sous le pseudonyme d'Ajar, savoir Pseudo (1976) et L'Angoisse du Roi

Salomon (1979).

The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 35
Ce n'est que six mois après le suicide de Romain Gary que la publication de son testament

littéraire, Vie et mort d'Émile Ajar, dévoile à une France incrédule que Gary était bien l'auteur des

romans signés Émile Ajar et établit en même temps l'ampleur de l'imposture Ajar. Dans ce petit

livre, Romain Gary s'en prend au "parisianisme" des critiques; il condamne leur "terreur des

lettres", leurs "cliques à claques" et leur "copinage" (25). Il explique aussi les raisons profondes qui

l'avaient poussé entreprendre sa mystification: "J'étais las de n'être que moi-même. J'étais las de l'image Romain Gary qu'on m'avait collé sur le dos" (28). Cette confession suscite un grand

remous dans le monde littéraire, d'autant plus que Gary se réjouit qu'avec son pseudonyme Ajar, il

a si bien réussi tromper et déjouer les critiques. Dans une étude entreprise par V. Tirven-Gadum en 1998, celle-ci a établi que l'une des

raisons pour laquelle les critiques n'ont pas reconnu la figure de Gary derrière le pseudonyme Ajar,

était sans doute attribuable au fait que l'auteur avait choisi un style complètement différent du sien

lorsqu'il a assumé l'identité Ajar. (Voir Linguistic Fingerprinting and Literary Fraud). Or, non

seulement Gary a-t-il changé d'écriture dans les romans signés Ajar, mais encore dans Gros-Câlin

et La Vie devant soi, il semble aborder des thèmes différents de ceux que l'on trouve dans les romans signés Gary. Par ailleurs, les personnages dépeints dans ces romans sont l'antithèse même des personnages garyens qui sont eux, pour la plupart, des héros fortement mis en valeur,

endossant les qualités du héros traditionnel. Les personnages garyens, que ce soit la mère du

narrateur de La Promesse de l'aube, Morel des Racines du Ciel, Janek d'Éducation européenne,

réunissent le plus grand nombre de vertus : bravoure, amour, intelligence, volonté; ils sont des

véritables modèles romanesques centrés sur un personnages idéalisé, maître de son destin. Les

personnages ajariens, par contre, sont des êtres plus réalistes, dénués des atours de perfection; au

contraire, ils sont pour la plupart des êtres inadaptés et marginaux qui vivent la frontière de ce The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 36
qu'on pourrait qualifier de normalité. Nous allons donc, dans cet article, explorer le thème de la marginalité tel qu'il se manifeste

dans deux romans de Gary romans signés Ajar; par la suite, nous offrirons, en guise de conclusion,

les raisons qui, notre sens, ont poussé Gary à et à se camoufler derrière le masque Ajar. Pour ce faire, nous commencerons notre analyse en offrant la définition suivante pour le mot marginal qui est la suivante : "une personne qui vit en marge de la société parce qu'elle en refuse les normes " (Le Nouveau Petit Robert 1537).

Déj

dans le premier roman Gros-Câlin, nous avons affaire à un personnage qui vit à la frontière de ce qu'on pourrait qualifier de normalité; il y a le personnage principal, Michel

Cousin qui a perdu ses parents dans un accident de circulation à un très jeune âge, et qui a été

placé dans plusieurs foyers d'accueil. N'ayant jamais pu former des liens avec son entourage, il

s'est intéressé aux nombres pour alléger son sentiment d'isolement et à passé "des nuits blanches à

compter jusqu' des millions " (59). Travaillant maintenant comme statisticien au Jardin des Plantes, il passe ses journées dans la solitude à "compter par milliards" (21), mais n'arrive toujours pas se situer dans le monde. Ce jeune homme tombe amoureux de Mlle Dreyfus, une belle Noire de la Guyane française qu'il aimerait épouser. Malheureusement pour lui, la jeune femme refuse toute liaison amoureuse avec les hommes, et préfère se prostituer afin d'affirmer son indépendance de femme libre.

Déçu,

Cousin se réfugie dans son univers intérieur, et suit des cours chez un ventriloque pour tenter de rompre sa solitude. Lorsque cette aventure se termine en échec, il se console avec

Gros-Câlin, un python abidjanais sans venin, qu'il a ramené clandestinement de la Côte d'Ivoire.

Or, étant donné qu'il est un serpent, Gros-Câlin est chargé de symbolisme négatif : il est assimilé

l'image du diable, de Lucifer même, aussi bien qu'à l'idée du Mal et de la Mort. Nul n'est The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 37

besoin de dire que Gros-Câlin est lui aussi marginal et tombe dans la catégorie des mal-aimés.

D'ailleurs, non seulement Cousin cohabite-t-il avec son serpent, mais encore, il éprouve une fierté de vivre la périphérie de ce qu'on pourrait qualifier de normal. Il se promène sur les Champs-Élysées, son python enroulé autour du cou. Par cet acte il cherche à affirmer sa

différence : "Je marche fièrement la tête haute, [...] je m'affirme [...] je me manifeste, je

m'exprime, je m'extériorise" dit-il (83). Il est même convaincu que son refus de s'adapter

démontre l'échec du système adopté par la majorité des gens, car à plusieurs reprises dans le

roman, il revendique son originalité. Il s'exclame: "J'espère bien que je ne serai jamais normal" (123 ), "Je ferai tout pour ne pas être normal" (115) ou encore "Non, je refuse de verser dans la banalité. Ça fait peuple" (85). En fait, dès la première page du roman, Cousin se présente comme un être bizarre,

marginal, voire un peu fou. Il s'excuse du mauvais français qui caractérisera son récit: "Je dois

donc m'excuser de certaines mutilations, mal-emplois, [...] crabismes, strabismes et immigrations sauvages du langage" (9). Plus loin, en expliquant au commissaire de police

comment un employé du musée au Jardin des Plantes l'a insulté, Cousin dit ceci: "Le garçon de

bureau [...] m'a dit que [...] je devais ramper hors de mon trou et de me dérouler librement au

soleil sur toute ma longueur" (43). Mais, la police, dont la fonction est de faire respecter la loi et

de sanctionner toute infraction la loi, défend le respect des normes imposées par le groupe majoritaire (auquel appartient le garçon de bureau) et tente de ramener Cousin dans le droit chemin. Cousin qui considère la marginalisation comme un élément de valorisation a alors

recours à des lapsus langagiers et lui répond: "Mon grand problème, monsieur l'angoisse, c'est

le commissaire" (46). Il choisit ainsi de s'exprimer dans un style différent, nouveau, familier, que

Bayard qualifie de "désarticulation Ajar" (53). Ces dérapages linguistiques servent alors à

The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 38
caractériser un narrateur qui perd prise sur la réalité. L'on pourrait postuler qu'en choisissant une langue différente de celle de la norme ou

plutôt, qu'en déformant la langue, Cousin se caractérise comme marginal. Reprenons les propos

de Bernard Lalande qui affirme que : L'emploi d'une langue qui est la déformation du français officiel est le signe sur le plan textuel d'un univers qui est une contre-société: la langue bourgeoise virtuelle renvoie à

une autre virtualité, celle d'une société française dont les coutumes sont organisées en

système. (57) À la fin du roman, Michel Cousin, se sentant de plus en plus victime de la vie moderne, commence

se reconnaître en son python. Selon Jørn Boisen, voilà ce qui rend Gros-Câlin l'un des romans

les plus pessimistes de l'oeuvre de Gary car il montre "la défaite de l'homme dans un âge d'écrasement démographique et bureaucratique où chacun se sent pulvérisé jusqu' perdre le sens de son identité" (286). La Vie devant soi, le deuxième roman signé Ajar, nous présente une autre vision des

marginaux. Ceux-ci véhiculent dans un lieu physique identifiable, à savoir les bas-fonds de Paris.

L'histoire se passe

à Belleville, quartier dit " populaire", quartier d'immigrants de toutes les origines. Selon Daniel Gordon, l'identité de Belleville repose sur deux bases : "tout d'abord, comme fief ouvrier, [...] et ensuite comme terre d'accueil des immigrés, pendant tout le 20 e

siècle" (1). Depuis longtemps Belleville a eu une forte présence de Maghrébins, de Juifs, de

Musulmans africains et de Vietnamiens. Aussi, durant les années soixante-dix - à l'époque où se

déroule l'histoire - était-ce le lieu de prédilection de beaucoup d'ouvriers immigrants venus de

l'Afrique noire et de l'Afrique du Nord pour répondre aux besoins de la main d'oeuvre. Ceux-ci sont représentés dans La Vie devant soi comme des immigrants marginalisés. The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 39
Il y a tout d'abord le petit Mohammed dit Momo, le narrateur intradiégétique du roman qui,

travers un français désarticulé et fragmenté, fait le récit de sa vie et de la vie de ceux qui

l'entourent. Au début du roman, il explique qu'il a été élevé dans un foyer tenu par une vieille

dame juive, Madame Rosa, la seule personne qui lui tienne lieu de mère. Il a appris à l'école

qu'il est arabe et que les Arabes sont faits pour être insultés; mais pendant longtemps cela ne

cadrait pas avec sa réalité lui car personne ne l'insultait (12), jusqu'au jour où Madame Rosa

l'a traité de "cul d'Arabe" (14). Se sentant souvent seul et isolé, il cherche des substituts pour

remplacer ses vrais parents. Aussi, pour se réfugier contre la solitude, se promène-t-il dans les

rues de Belleville en portant son parapluie 'Arthur' en l'habillant comme unijambiste "avec un soulier de basket bleu et blanc, un pantalon, un veston carreaux sur un cintre » (76) ou en

compagnie d'un petit caniche gris nommé Super: "parce que j'étais tout ce qu'il avait au monde"

(25). Momo habite chez Madame Rosa, une ancienne prostituée juive polonaise âgée de

soixante-six ans qui elle aussi est une immigrée. Or, elle représente une immigration en France

bien plus ancienne que celle venue du Maghreb ou de l'Afrique noire, c'est-à-dire, celle des Juifs

ashkénazes. Ceux-ci ont émigré d'Europe centrale au dix-neuvième siècle et se sont

principalement installés en France pour fuir les persécutions qu'ils subissaient. Dans sa jeunesse,

Madame Rosa a été déportée

à Auschwitz par une France collaboratrice, suite la rafle du Vel' d'Hiv.1 Madame Rosa a survécu aux chambres à gaz et maintenant elle souffre d'une sclérose

cérébrale qui est en train de la tuer lentement. Dans ses moments de détresse elle se réfugie dans

sa cave secrète, son "trou juif", qu'elle a aménagé au sous-sol pour fuir un persécuteur qui

n'existe plus. Elle voit toute manifestation du monde extérieur comme une agression et fait un parallèle entre le système nazi et les institutions françaises. The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 40
Madame Rosa tient un foyer clandestin, pour enfants démunis, au sixième étage d'un immeuble insalubre la Rue Bisson; il y a surtout les enfants de pauvres immigrants africains et

maghrébins, sans pères reconnus et oubliés de leurs mères. Ils sont presque tous "des enfants

de putes" (13), qui ont trouvé le jour par hasard, leur mère n'ayant pas pu se faire avorter à

temps. Il y a Banania qui est "un Malien ou un Sénégalais ou un Guinéen ou autre chose" (21),

le petit Mo se, un "blond avec des yeux bleus" (22) qui fait honte à sa mère juive, Michel un

petit orphelin vietnamien, et Salima, que sa mère a réussi à sauver de l'Assistance sociale en la

cachant dans une poubelle lorsque " les voisins l'ont dénoncée comme pute sur trottoir" (27). Parmi d'autres habitants de l'immeuble, se trouvent des familles noires dont plusieurs

sont des Sans-Papiers. Il y Madame Lola, l'androgyne aux bras tatoués qui est "complètement à

l'envers et [...] pas méchante du tout" (141). Ancien champion de boxe au Sénégal, elle vit maintenant clandestinement en France; elle circule en voiture toute la nuit au Bois de Boulogne dans sa perruque blonde, ses hauts talons et ses boucles d'oreilles pour exercer son métier clandestin. Elle y rencontre parfois des clients violents et maniaques, comme cette fois où elle avait assommé un client au Bois "qui était mal tombé comme sadique" (16). Or, Madame Lola n'est pas une femme du tout, mais un "modèle de circulation des identités" (A. Simon 131),

c'est-à-dire que c'est un homme qui se fait traiter à coups d'hormones pour obtenir des seins de

femmes. Aussi, comme nous l'indique Momo, peut-elle exhiber à la fois "des belles niches et un zob" (140). Un autre personnage qui fréquente le foyer de Madame Rosa et qui refuse les valeurs culturelles et sociales de la vie des gens dits normaux est monsieur N'Da Amédée. Dans un français approximatif, Momo renseigne son lecteur que ce monsieur vient du Niger, qu'il est toujours bien costumé, qu'il porte plusieurs bagues diamantaires aux doigts et qu'il est "le plus The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 41
grand proxynète et maquereau de tous les Noirs de Paris" (45). D'après Momo c'est aussi un

assassin car: "il paraît qu'il avait déjà tué des hommes mais que c'était des Noirs entre eux et qui

n'avaient pas d'identité, parce qu'ils ne sont pas français comme les Noirs américains et que la

police ne s'occupe que de ceux qui ont une existence" (49). Nous osons croire que ces propos du jeune Momo constituent une critique indirecte du racisme parce que Momo considère cet état de choses comme étant normal. Il ne sait pas qu'il pourrait en être tout autrement. Il y a aussi, dans cet immeuble, Monsieur Waloumba que Momo décrit selon les codes

stéréotypés des Africains noirs. D'après lui, ce monsieur "était venu en France pour la balayer

[...] et avait laissé toutes ses femmes et ses enfants dans son pays pour des raisons économiques" (170). Plus loin il apprend au lecteur que Monsieur Waloumba "a beaucoup ri, car il a les dents très blanches" (176). À travers cette description de l'Africain aux dents blanches, Momo évoque la publicité pour Banania, une marque française de chocolat en poudre qui avait pour slogan "Y'a bon Banania". Ce slogan qui est prononcé par un Sénégalais aux dents blanches avec des yeux qui roulent comme des billes, et un sourire "large comme une

banane" et qui parle dans un français de "petit-nègre" est maintenant reconnu comme étant une

caricature du Noir et un symbole raciste qui existait l'époque où se passe l'histoire, mais qui est proscrire de nos jours. Or, les propos du jeune Momo présentés comme des faits banals et sous un ton impersonnel, loin d'être racistes, traduisent plutôt une perception juste du réel et constituent une critique implicite du racisme. Comme le constate Foultier-Smith : Pour l'enfant qui parle et qui n'a jamais rien connu d'autre, ces préjugés font partie d'une

réalité qu'il accepte sans la questionner- car il a vite appris que la vie n'est pas tendre. Le

contraste créé par le décalage entre le tragique de la situation évoquée par Momo et le ton

The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 42
très simple qu'il prend pour en parler est la technique préférée d'Ajar pour secouer la bonne conscience et les préjugés de son lecteur. (689) Dans les immeubles avoisinants habitent d'autres familles africaines qui vivent "par

tribus, comme ils font ça en Afrique" (12). Momo exprime le mieux la difficulté qu'éprouve la

société à envisager et à assimiler ces pauvres africains qui sont en quelque sorte des exclus de la

société. Nous apprenons à travers le récit de Momo qu'ils ont "plusieurs foyers qu'on appelle

taudis où ils n'ont pas les produits de première nécessité, comme l'hygiène et le chauffage [...]

ils sont cent vingt, avec huit par chambre et un seul W.C. en bas" (33). Momo raconte aussi qu' à

Aubervilliers il y avait un foyer où on "asphyxiait les Sénégalais avec des poêles à charbon en

les mettant dans une chambre avec les fenêtres fermées" (33). Ces gens y sont morts parce qu'ils

ont respiré dans leur sommeil des émanations de gaz. Par ce regard, nous voyons que la société

élimine les marginaux, les exclus pour faire la preuve de sa réussite. En fait, cet incident est

calqué sur un fait réel, car le premier janvier 1970 cinq travailleurs africains avaient trouvé la

mort par asphyxie à Aubervilliers, ce qui a soulevé l'indignation des journalistes, des militants et

des écrivains comme Romain Gary. Le milieu dans lequel vit Momo est un lieu où presque tout se passe dans la

clandestinité ; Momo est entouré de gens qui sont souvent privés de droits juridiques et qui en

l'absence de la protection de la police développent des moyens pour se protéger. Par exemple, Madame Rosa a un complice, un Juif, rescapé des camps d'extermination des Nazis qui lui fournit

de faux documents qui prouveraient qu'elle est quelqu'un d'autre : "Elle disait qu'avec ça, même

les Israéliens auraient rien pu prouver contre elle" (29). Elle a même des faux papiers pour tous les

enfants qu'elle héberge afin de les protéger contre les mesures draconiennes que pourrait prendre

The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 43

l'Assistance publique contre eux. Momo ne connaît pas son âge exact : "Je n'ai pas été daté" (11),

et Madame Rosa a de faux papiers d'identité pour prouver qu'il a soit dix ans soit quatorze ans. Ces documents fabriqués de toute pièce, aident Madame Rosa et Momo dissimuler et leur offrent un moyen de se soustraire aux lois et l'autorité; ils marquent aussi leur refus de la norme.

Contrairement

à Michel Cousin qui ne parvient pas

créer des liens avec son entourage,

les habitants de la Rue Bisson, se serrent les coudes pour protéger ceux qui sont menacés par les

normes imposées par le groupe majoritaire. Madame Rosa s'occupe des enfants des prostituées

pour qu'ils ne soient pas récupérés par l'Assistance publique. Elle fournit un faux-alibi à

Madame Lola qui a assommé un client sadique au Bois de Boulogne afin de lui éviter des ennuis auprès de la police. Lorsque la santé de Madame Rosa s'aggrave, une chaîne de solidarité

s'organise autour d'elle : les déménageurs la promènent dans leur camion le dimanche; Monsieur

Waloumba vient "cracher le feu" (171) devant elle afin de lui remonter le moral; Madame Lola

aussi bien que l'aîné des frères Zaoum apportent de la nourriture aux enfants tandis qu'un groupe

de musiciens africains tâchent de chasser les mauvais esprits en dansant autour de Madame Rosa. C'est un monde où tous ces marginaux se soutiennent pour ne pas être intégrés ou

récupérés par la société. C'est ce que le sociologue Patrick Simon appelle le "Mythe de

Belleville" (167) car c'est un endroit où les habitants perçoivent leur quartier comme

exceptionnellement tolérant, cosmopolite et solidaire. La Vie devant soi présente, donc, un tableau

émouvant des problèmes que rencontrent les marginaux et les déshérités dans une grande ville telle

que Paris; mais il décrit en même temps un monde de solidarité où brillent des hommes et des

femmes au coeur d'or. Dans le monde de la marginalisation tel que le perçoit Gary/Ajar, chacun refuse les désirs The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 44

collectifs. Cousin ressent une espèce de mutualité avec la bête mal-aimée qu'est Gros-Câlin et

tombe lui aussi dans la catégorie des "mal-aimés " (10). Momo fait une plaidoirie en faveur des

prostituées : "Je peux vous dire que les femmes qui se défendent sont parfois les meilleures mères au monde "»(51). Chaque personnage marginalisé recherche aussi un objet de

prédilection qui s'écarte de la norme mais qui le valorise. Pensons aux "bagues diamantaires" de

Monsieur D'Na Amédée ; au "trou juif" de Madame Rosa au "parapluie Arthur" de Momo, au python Gros-Câlin de Michel Cousin. Cousin explique le besoin qu'il a pour cet animal en ces

termes: "Écoutez, mon père, ne me parlez pas de Dieu. Je veux quelqu'un à moi, pas quelqu'un

qui est à tout le monde" (78). Il va même plus loin que Madame Lola, qui elle (un homme) veut simplement devenir femme, tandis que lui, Cousin, veut devenir un animal. Chacun de ces

personnages marginalisés recherche à se revaloriser à travers son individualisme et son rejet de

l'idéologie dominante. On pourrait dire que dans le monde des marginaux tel que nous le présente Gary il n'y a pas de norme. Chaque personnage cherche le moyen d'exprimer sa singularité tout en restant intégré un groupe qu'il recherche. Chacun a quelque chose cacher. Pour Cousin c'est son refus des conventions; pour Momo et Madame Rosa c'est leur clandestinité; pour les divers

groupes sociaux (immigrants maghrébins et africains, proxénètes, travesties, prostituées,

employés de bureau) c'est leur conflit avec la société; mais chacun refuse de se soumettre une situation de domination et refuse de s'y conformer. Le refus de la norme leur permet de s'affirmer comme une communauté, même si celle-ci est stigmatisée par les autres. Comme le

note Cousin: "C'est l'adaptation qui crée le milieu" (78). Les personnages se reconnaissent par la

difficulté qu'ils affichent trouver une norme qui n'est pas celle du plus grand nombre, mais qui est celle des marginaux. The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 45
L'on peut alors se demander pourquoi Gary a ressenti ce poignant besoin de se détacher si complètement de son écriture Gary et se camoufler derrière ce masque Ajar qu'il a inventé de toutes pièces. Nous aimerions offrir l'explication suivante en guise de conclusion. Gary avait le net sentiment que la presse et les médias français l'avaient enfermé dans un carcan.

Rappelons qu'

la parution des Racines du ciel, Stephen Hecquet du Bulletin de Paris l' avait

reproché de "pencher du côté de M. Pierre Boulle plutôt que du côté de M. Camus ou de M.

Malraux" (Bona 179). Carmen Tessier avait affirmé que Les Racines du ciel était tellement criblé

d'erreurs au niveau de la syntaxe et des conjugaisons que l'auteur était sans aucun doute un

analphabète (Bona 180). Mais l'ennemi le plus redoutable avait été Kléber Haedens qui avait

présenté Gary comme un écrivain de deuxième zone et avait même avancé qu'il était nécessaire

"de fonder un comité de défense de la langue française contre Romain Gary."2 (Paris-Presses-

L'intransigeant, 1er décembre 1956). La tendance générale des critiques était nettement de

reprocher à Gary de ne pas posséder admirablement la langue française.

Or, il est de fait que Gary n'était pas un Français de souche mais qu'il est né à Moscou de

parents russes et juifs. Il a été élevé d'abord en russe, et puis après, un peu en yiddish, la langue

des "pauvres ouvriers" (Bona 36), mais jamais en français. Venu s'installer en France en 1927 à

l'age de treize ans, il a vite appris la langue française et, d'après Catonné, a bien réussi ses

études (211). Cela ne l'empêchait pas, pour autant, de vivre un problème de l'identité dans sa vie

aussi bien que dans son apparence. Souvenons-nous comment la hiérarchie militaire lui avait

refusé la promotion à laquelle il avait droit.3 Toute sa vie, il a été convaincu que cette sanction

prononcée contre lui n'était imputable qu'au sentiment antisémite qui régnait dans l'armée

française

cette époque-là. Même si durant la Deuxième Guerre mondiale il a été intégré dans la

famille des Compagnons de la Libération, il était convaincu qu'un naturalisé ne serait jamais un

The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 46

vrai Français mais plutôt un objet de suspicion. Il était conscient que son allure de "métèque"

(une insulte qu'il entendait souvent) et son fort accent russo-polonais le reléguaient aux rangs des

indésirables (Nuit 55). Aussi a-t-il été contraint de reconstruire son existence et de revendiquer sa

différence raciale et culturelle en se présentant comme un "bâtard asiatique [...] un Tartare,

mâtiné de Juif " (Sganarelle 33).

On pourrait ainsi postuler que c'est doute l'une des raisons qui ont incité la presse et les médias

français le présenter comme un écrivain de deuxième zone, voire marginal, et que, lui, Gary a

voulu se venger d'eux en se dissimulant derrière son écriture Ajar. Sans doute a-t-il a été

contraint de reconstruire son existence et de repartir de zéro, afin de mieux assumer son autre " persona » Ajar. Ceci lui a permis de peupler ses romans signés Ajar d'un défilé de personnages marginaux et hors du commun, avec lesquels il s'identifiait et par moyen desquels il a réussi faire un pied de nez aux critiques parisiens en leur lançant ceci " Je me suis bien amusé. Au revoir et merci » (Vie et Mort 43).

Bibliographie

Anissimov, Myriam. Romain Gary, le caméléon. Paris : Éditions Denoël, 2006. Bayard, Pierre. Il était deux fois Romain Gary. Paris: Presses Universitaires de France, 1990. Bellos, David. "Petite histoire de l'incorrection l'usage des Ajaristes," Étude sur Romain Gary 1 - Signé Ajar. Paris : La Chasse au Snark, 2004, 29-47. Boisen, Jørn. Un Picaro métaphysique : Romain Gary et l'art du roman, Odense : Université d'Odense, 1996. Bona, Dominique. Romain Gary. Paris/Saint Laurent: Mercure de France/Lacombe, 1987. Catonné, Jean-Marie. Romain Gary/Émile Ajar. Paris: Les Dossiers Belfond, 1990. The South Carolina Modern Language Review Volume 7, Number 1 47

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1 Les 16 et 17 juillet 1942 plus de 8. 000 Juifs parisiens dont plus de 4. 000 enfants ont été

arrêtés par la police française et conduits au Vélodrome d'hiver

Paris dans des conditions

insupportables. La plupart d'entre eux ont ensuite été déportés dans des camps de concentration à

Auschwitz où ils ont trouvé la mort. Cette rafle des Juifs - la plus grande réalisée en France -

connue sous le nom de rafle du Vel' d'Hiv (Vélodrome d'Hiver de Paris) a été organisée par le

Régime de Vichy et le régime nazi.

2 Paris-Presses- L'intransigeant, 1er décembre 1956. 3

En 1938, Gary avait fait sa Préparation Militaire Supérieure, étape nécessaire à franchir pour

ceux qui voulaient entrer dans l'armée française. Lorsqu'il s'est présenté à l'examen final avec

environ trois cents autres candidats, il en est sorti quatrième dans sa classe, mais il est demeuré le

seul à être nommé simple soldat. La raison officielle que l'administration a invoqué pour

expliquer cette sanction à Romain Gary était qu'il n'était naturalisé français que depuis très peu

de temps, et que seuls les Français de souche et les Français qui étaient naturalisés depuis dix ans

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