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Emile Zola, La Bête humaine, 1890, extrait du chapitre 5

Séquence 1 Lecture analytique Emile Zola, La Bête humaine, 1890, extrait du chapitre 5 Dans le vaste hangar fermé, noir de charbon, et que de hautes fenêtres poussiéreuses éclairaient, parmi les autres machines au repos, celle de Jacques se trouvait déjà en tête d’une voie, destinée à partir la première Un chauffeur du



Émile Zola, La Bête humaine, chapitre 1, 1890

«Bonne bête tout de même » grogna Pecqueux Jacques, aveuglé, ôta ses lunettes, les essuya Son coeur battait à grands coups, il ne sentait plus le froid Mais, brusquement, la pensée lui vint d'une tranchée profonde, qui se trouvait à trois cents mètres environ de la Croix-de-Maufras : elle s'ouvrait dans la direction du vent, la



Analyse grammaticale ponctuelle : approche de textes par la

Analyse grammaticale ponctuelle : approche de textes par la grammaire ex 1 : La Bête humaine d'Emile Zola extrait du chapitre 10 (p104-105 du manuel Magnard)



SEQUENCE 3 (JANVIER) : le roman et le récit du XVIIIe siècle

Puis demander de comparer la fin du roman et celle du film (vérification de la lecture du roman) Séance 14 (ultérieure) de vérification de la lecture cursive (1h) : récit du XVIIIe siècle de Diderot, Histoire de Mme de La Pommeraye (pb: elle a forcément lieu au cours de la séquence suivante vue la longueur de l'OI à faire lire)



descriptif 1eS SI-SVT - colibrilyrefileswordpresscom

-La Bête humaine, chapitre 5 Séquence 1 Lecture analytique Émile Zola, la curiosité de la maison était, au fond, de l'autre côté d'une barrière de



Séquence 4 – Gargantua, Rabelais

pratiques concernant la vie humaine, ce qui leur prenait parfois deux ou trois heures, mais, d’ordinaire on s’arrêtait quand il était complètement habillé Ensuite pendant trois bonnes heures, on lui faisait la lecture Alors, ils sortaient, en discutant toujours du sujet de la lecture et allaient se divertir au Grand Braque, ou



Cette séquence a été réalisée par Mme BRAS-CHARRAVIN, agrégée

Objectif de la séance : Lecture cursive de documents théoriques sur le Naturalisme 4ème séance : lecture analytique Objectif de la séance: Le récit de l’assaut vu depuis le moulin Extrait 2 « Et, dans cet air endormi une volée de feuilles tournoya » Hachette p 26-27, lignes 322 à 373 Questions préalables : A - Les personnages



Propositions stagiaires sur différents - académie de Caen

Objectif : que ce soit les élèves qui voient que le travail va porter sur l’image de la femme dans le roman Mise en commun par la lecture Restitution de la compréhension du texte Lectures Analytiques : 3 types de textes différents parmi le corpus Lectures complémentaires : L’image de la femme dans la mythologie



Lecture analytique – La Peste, excipit (5 partie, chapitre 5)

Lecture analytique – La Peste, excipit (5ème partie, chapitre 5) Question d'examinateur : Quel bilan pouvons-nous tirer de cet excipit ? Introduction Albert Camus est un écrivain français de la moitié du XXème siècle, qui est à la croisée des chemins littéraire et philosophique, ce qui met son œuvre à part dans le paysage intellectuel

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Nom : Prénom : Cla sse : 1e S SI-SVT (29 élèves) DESCRIPTIF DES LECTURES ET ACTIVITES FRANÇAIS 1e S SI-SVT Lycée François Rabelais 45 rue Rabelais 85200 Fontenay le ComteSéquence 1 : La plume dans le cambouisObjet d'étude : Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos joursProblématique(s) : -Quelles représentations de l'Homme nous sont données par Émile Zola dans le récit de ses relations avec les machines ? -La machine peut-elle devenir un personnage de roman ?Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques (extraits de romans d'Émile Zola) : -L'Assommoir, chapitre 2 -Germinal, première partie, chapitre 3 -La Bête humaine, chapitre 5 -Au Bonheur des Dames, chapitre 1Histoire des arts : Variations autour des rapports entre l'Homme et la machine au cinéma -extraits des Temps modernes (film), de C. Chaplin (sortie des ouvriers du métro, le héros " mangé » et recraché par la machine) -extraits de Metropolis (film), de Fritz Lang (dans les sous-sols de la cité : " Moloch », le monstre-machine anthropophage) Textes complémentaires : -Émile Zola, La Bête humaine, chapitre 10 (destruction ou " mort » de la Lison) -L. F Céline, Voyage au Bout de la Nuit (description des usines Ford)

Séquence 2 : Corniche Kennedy, Maylis de KerangalObjets d'étude : Le personnage de roman du XVIIème siècle à nos jours Problématique(s) : Ce que plonger veut dire... Les héros plongeurs de ce roman sont-ils seulement des représentations fictives des adolescents contemporains ? Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques : NB : Les pages renvoient à l'édition Gallimard, collection folioplus. -Extrait 1 : pages 27-29 du début du chapitre à "voleuse, voleuse, je t'ai vue » -Extrait 2 : pages 37-39 de "Il s'est placé dans le flux de sa lumière" à la fin. -Extrait 3 : pages 64-66 de "La fille se lève, rassemble ses affaires..." à la fin -Extrait 4 : pages 116-118 : de "La peur les saisit" à "vers l'hôpital le plus proche" Étude(s) d'ensemble : -Le motif du plongeon : un art de la fuite ? une transgression ritualisée ? une manière d'affirmer sa liberté ? -Le mélange des genres : roman d'apprentissage sur la jeunesse ou roman policier ? -La construction du roman -La mer dans le roman Texte complémentaire : Ovide, Les Métamorphoses, Livre VIII, " Dédale et Icare » (extrait) Histoire des arts Corniche Kennedy, ad apt ati on cinématographique de Dominique Cabrera (Film vu en classe par une partie de la classe seulement en raison du blocage du lycée) Travail d'écriture personnel : rédaction d'un entretien fictif avec Maylis de Kerangal

Séquence 3 : Regarde les Lumières mon Amour, Annie ErnauxObjet d'étude : La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIème à nos joursProblématique(s) : quels regards les artistes, et en particulier la littérature, peuvent-ils porter sur la société de consommation ?Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques Quatre extraits ou regroupements d'extraits en lien avec des thématiques ont été sélectionnés et étudiés. Les pages renvoient à l'édition Fol io (F) et Flammarion, étonnants classiques (EC). -Extraits 1 : début (préface), pages 11-14 (F) et 25-27(EC), du début jusqu'à " l'inaccessible et fin " Mardi 22 octobre », pages 88-89 (F) et 94-95 (EC) -Extrait 2 : " Lundi 4 février », à partir de " Il faut que je sois descendue au niveau I » à la fin. Pages 58-59 (F) et 65-66 (EC), avec une extension proposée, page 77 (folio) et 83-84 (EC) de " À la fin de mes courses » jusqu'à la fin du passage. -Extrait 3 : " mercredi 13 février », pages 62-64 (F) et 69-71 (EC) -Extrait 4 : " Jeudi 7 février », pages 59-61 (F) et 66-69 (EC)Questions d'ensemble -Quelles écritures dans ce livre, fruit d'une commande faite à l'autri ce par l'historien Pierre Rosenvallon : autobiographie, journal, étude sociologique, oeuvre engagée ? -Le regard de l'autrice-consommatrice : entre empathie et critique sociale. -L'écriture d'Annie Ernaux : entre sécheresse et recherche de style. Textes complémentaires Regards d'auteurs sur la société marchande : -Voltaire, Candide, cha pitre 19 (arrivée de Candide à Surinam) -Georges Perec, Les Choses -Jacques Prévert, " La grasse matinée », in Paroles Histoire des arts Regards d'artistes et de plasticiens sur la société de consom mation à lier avec des thémati ques abordées dans l'ouvrage d'Annie Ernaux : -Andy Warhol, Campbell's soup -Andreas Gursky, 99 cents -Duane Hanson, Supermarket Lady, 1969 -Liu Jianhua, Yiwu Survey

Séquence 4 : Le Parti-pris des Choses, Francis PongeObjet d'étude : Écriture poétique et quête de sens du Moyen-âge à nos joursProblématique(s) : -Qui prend parti ? le poète pour les choses ou les objets pour la poésie ? -Qu'est-ce qu'un recueil, notamment lorsque celui-ci, à l'instar du Parti-pris des Choses n'a pas été élaboré par son auteur, mais par son éditeur ?Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques -" Pluie » -" Le cageot » -" Le pain » -" Les plaisirs de la porte »Questions d'ensemble -Quel sens donner à la préposition " des » dans le titre -Qu'est-ce qu'un poème ? Comment c arac tériser l'écriture poétique dans ce recueil ? -Quelle est la cohérence de ce recueil? Textes complémentaires Pour la cohérence du recueil : À partir d'un travail sur l a table du recueil, la réflexion a porté sur l' élaborati on de l'oeuvre pa r l'éditeur Jean Paulhan. Quell es intention s l'ont guidé? Quels sens F. Ponge a-t-il cherché à donner à sa poésie ? Pour la question portant sur l'écriture poétique de Ponge : -Rémy Belleau , Petites inventions (1 556), " L'huître » (vers 29-56) -Albert Mérat, "L'huître", Les Chimères (1866) -Francis Ponge, "L'huître" Histoire des arts Trois oeuvres de Marcel Duchamp : -Roue de bicyclette (1913) -Porte-bouteilles (1914) -Fontaine (1917) Une réflexion a porté sur les liens que le lecteur tisser entre la démarche poétique de Francis Ponge et le ready-made de Duchamp Lectures cursives approfondies en classe "Escargots", un des poèmes longs extrait du Parti-pris des Choses Travail d'écriture personnel : rédact ion d'une lettre de Jean Paulhan à Francis Ponge (Travail pas encore réalisé au moment du bac blanc)

Séquence 1 : La plume dans le cambouisObjet d'étude : Le personnage de roman, du XVIIe siècle à nos joursProblématique(s) : -Quelles représentations de l'Homme nous sont données par Émile Zola dans le récit de ses relations avec les machines ? -La machine peut-elle devenir un personnage de roman ?Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques (extraits de romans d'Émile Zola) : -L'Assommoir, chapitre 2 -Germinal, première partie, chapitre 3 -La Bête humaine, chapitre 5 -Au Bonheur des Dames, chapitre 1Histoire des arts : Variations autour des rapports entre l'Homme et la machine au cinéma -extraits des Temps modernes (film), de C. Chaplin (sortie des ouvriers du métro, le héros " mangé » et recraché par la machine) -extraits de Metropolis (film), de Fritz Lang (dans les sous-sols de la cité : " Moloch », le monstre-machine anthropophage) Textes complémentaires : -Émile Zola, La Bête humaine, chapitre 10 (destruction ou " mort » de la Lison) -L. F Céline, Voyage au Bout de la Nuit (description des usines Ford)

Séquence 1Lecture analytiqueÉmile Zola, L'Assommoir, 1877, extrait du chapitre 2 Troi s semaines plus tard, vers onze heures et demie, un jour de beau soleil, Gervaise et Coupeau, l'ouvrier zingueur, mangeaient ensemble une prune, à l'Assommoir du père Colombe. Coupeau, qui fumait une cigarette sur le trottoir, l'avait forcée à entrer, comme elle traversait la rue, revenant de porter du linge; et s on grand panier c arré de blanchisseuse était par terre, près d'elle, derrière la petite table de zinc. L' Assommoir du père Colombe se trouvait au coin de la rue des Poissonniers et du boulevard de Rochechouart. L'enseigne portait, en longues lettres bleues, le seul mot : Distillation, d'un bout à l'autre. Il y avait à la porte, dans deux moitiés de futaille, des lauriers-roses poussiéreux. Le comptoir énorme, avec ses files de verres, sa fontaine et ses mesures d'étain, s'allongeait à gauche en entrant; et la vaste salle, tout autour, était ornée de gros tonneaux peints en jaune clair, miroitants de vernis, dont les cercles et les cannelles de cuivre luisaient. Plus haut, sur des étagères, des bouteilles de liqueurs, des bocaux de fruits, toutes sortes de fioles en bon ordre, cachaient les murs, reflétaient dans la glace, derrière le comptoir, leurs taches vives, vert-pomme, or pâle laque tendre. Mais la curiosité de la maison était, au fond, de l'autre côté d'une barrière de chêne, dans une cour vitrée , l'appareil à dist iller que les consommateurs voyaie nt fonctionne r, des alambics aux longs cols, des serpe ntins des cendant sous terre, une cuisine du diable devant laquelle venaient rêver les ouvriers soûlards. [...] Et elle s e leva. Coupeau, qui approuvai t vivement s es souhaits, éta it déjà de bout, s'inquiétant de l'heure. Mais ils ne sortirent pas tout de suite ; elle eut la curiosité d'aller regarder, au fond, derrière la barrière de chêne, le grand alambic de cuivre rouge, qui fonctionnait sous le vitrage clair de la petite cour ; et le zingueur, qui l'avait suivie, lui expliqua comment ça marchait, indiquant du doigt les différentes pièces de l'appareil, montrant l'énorme cornue d'où tombait un filet lim pide d'alcool. L'alam bic, avec ses récipients de forme étrange, ses e nroulements sans fin de tuyaux, gardait une mine sombre ; pas une fumée ne s'échappait ; à peine entendait-on un souffle intérieur, un ronflement souterrain ; c'était comme une besogne de nuit faite en plein jour, par un travailleur morne, puissant et muet. Cependant, Mes-Bottes, accompagné de ses deux camarades, était venu s'accouder sur la barrière, en attendant qu'un coin du comptoir fût libre. Il avait un rire de poulie mal graissée, hochant la tête, les yeux attendris, fixés sur la machine à soûler. Tonnerre de Dieu ! elle était bien gentille ! Il y avait, dans ce gros bedon de cuivre, de quoi se tenir le gosier au frais pendant huit jours. Lui, aurait voulu qu'on lui soudât le bout du serpentin entre les dents, pour sentir le vitriol encore chaud l'emplir, lui descendre jusqu'aux ta lons, toujours, t oujours, comme un petit ruiss eau. Dame ! il ne se serait plus dérangé, ça aurait joliment remplacé les dés à coudre de ce roussin de père Colombe ! Et les camarades ricanaient, disaient que cet animal de Mes-Bottes avait un fichu grelot, tout de même. L'alambic, sourdement, sans une flamme, sans une gaie té dans les reflets ét eints de s es cuivres, continua it, laissait couler s a sueur d'alcool, pareil à une source lente et entêtée, qui à la longue devait envahir la salle, se répandre sur les boulevards extérieurs, inonder le trou immense de Paris. Alors, Gervaise, prise d'un frisson, recula ; et elle tâchait de sourire, en murmurant : C'est bête, ça me fait froid, cette machine... la boisson me fait froid... 1 5 10 15 20 25 30 35 40

Séquence 1Lecture analytiqueEmile Zola, Germinal, 1885, première partie, chapitre 3 Lentement, Étienne revint à la recette. Ce vol géant sur sa tête l'ahurissait. Et, grelottant dans les courants d'air, il regarda la ma noeuvre des cages, les oreilles cassées par le roulement des berlines. Près du puits, le signal fonctionnait, un lourd marteau à levier, qu'une corde tirée du fond, laissait tomber sur un billot. Un coup pour arrêter, deux pour descendre, trois pour monter : c'était sa ns relâche comme des coups de massue dominant le tumulte, accompagnés d'une claire sonnerie de timbre ; pendant que le mouli neur, diri geant la manoeuvre, augmentait encore le tapage, en criant des ordres au machineur, dans un porte-voix. Les cages, au milieu de ce branle-bas, apparaissaient et s'enfonçaient, se vidaient et se remplis saient, sans qu'Étienne c omprît rien à ces besognes compliquées. Il ne comprena it bie n qu'une chose : le puits avalai t des homme s par bouchées de vingt et de trente, et d'un coup de gosier si facile, qu'il semblait ne pas les sentir passer. Dès quatre heures, la descente des ouvriers commençait. Ils arrivaient de la baraque, pieds nus, la l ampe à la main, attendant par petits groupes d'être en nombre suffisant. Sans un bruit, d'un jaillissement doux de bête nocturne, la cage de fer montait du noir, se calait sur les verrous, avec ses quatre étages contenant chacun deux berlines pleines de charbon. Des moulineurs, aux différents paliers, sortaient les berlines, les remplaçaient par d'autres, vides ou chargées à l'avance des bois de tai lle. Et c'était dans l es berlines vides que s'empilaient les ouvriers, cinq par cinq, jusqu'à quarante d'un coup, lorsqu'ils tenaient toutes les cases. Un ordre partait du porte-voix, un beuglement sourd et indistinct, pendant qu'on tirait quatre fois la corde du signal d'en bas, " sonnant à la viande », pour prévenir de ce chargement de chair humaine. Puis, après un léger sursaut, la cage plongeait silencieuse, tombait comme une pierre, ne laissait derrière elle que la fuite vibrante du câble. - C'est profond ? demanda Étienne à un mineur, qui attendait près de lui, l'air somnolent. - Cinq cent ci nquante-quatre mètre s, répondit l'homme. Mais il y a quatre accrochages au-dessus, le premier à trois cent vingt. Tous deux se turent, les yeux sur le câble qui remontait. Étienne reprit : - Et quand ça casse ?

- Ah ! quand ça casse... Le mineur acheva d'un geste. Son tour était arrivé, la cage avait reparu, de son mouvement aisé et sans fatigue. Il s'y accroupit avec des camarades, elle replongea, puis jailli t de nouveau au bout de quatre minutes à peine, pour engloutir une autre charge d'hommes. Pendant une demi-heure, le puits en dévora de la s orte, d'une gueule plus ou moins gloutonne , selon l a profondeur de l'accrochage où ils descendaient, mais sans un arrêt, toujours affamé, de boyaux géants capables de digérer un peuple. Cela s'emplissait, s'emplissait encore, et les ténèbres restaient mortes, la cage montait du vide dans le même silence vorace. 1 5 10 15 20 25 30 35 40

Séquence 1Lecture analytiqueEmile Zola, La Bête humaine, 1890, extrait du chapitre 5 Dans le vaste hangar fermé, noir de charbon, et que de hautes fenêtres poussiéreuses éclairaient, parmi les autres machines au repos, celle de Jacques se trouvait déjà en tête d'une voie, destinée à partir la première. Un chauffeur du dépôt venait de charger le foyer, des escarbilles rouges tombaient dessous, dans la fosse à piquer le feu. C'éta it une de ce s machines d'express, à deux essieux couplés, d'une élégance fine et géante, avec ses grandes roues légères réunies par des bras d'acier, son poitrail large, ses reins allongés et puissants, toute cette logique et toute cette certitude qui font la beauté souveraine des êtres de métal, la précision dans la force. Ains i que les autres machi nes de la Compagnie de l'Ouest, en dehors du numéro qui la désignait, elle portait le nom d'une gare, celui de Lison, une station du Cotentin. Mais Jacques, par tendresse, en avait fait un nom de femme, la Lison, comme il disait, avec une douceur caressante. Et , c'était vrai, il l'aimait d'amour, sa machine, depuis quatre ans qu'il la conduisait. Il en avait mené d'autres, des dociles et des rétives, des courageuses et des fainéantes ; il n'ignorait point que chacune avait son caractère, que beaucoup ne valaient pas grand-chose, comme on dit des femmes de chair et d'os ; de sorte que, s'il l'aimait celle-là, c'était en vérité qu'elle avait des qualités rares de brave femme. Elle était douce, obéissante, facile au démarrage, d'une marche régulière et continue, grâ ce à sa bonne vaporisa tion. On prétendait bien que, si elle démarrait avec tant d'aisance, cela provenait de l'excellent bandage des roues et surtout du réglage parfait des tiroirs ; de même que, si elle vaporisait beaucoup avec peu de combustible, on mettait cela sur le compte de la qualité du cuivre des tubes et de la disposition heureuse de la chaudière. Mais lui savait qu'il y avait autre chose, car d'autres machines, identiquement construites, montées avec le même soin, ne montraient aucune de ses qualités. Il y avait l'âme, le mystère de la fabrication, ce quelque chose que le hasard du martelage ajoute au métal, que le tour de ma in de l'ouvri er monteur donne aux pi èces : la personnalité de la machine, la vie. Il l'aimait donc en mâle reconnaissant, la Lison, qui partait et s'arrêtait vite, ainsi qu'une cavale vigoureuse et docile ; il l'aimait parce que, en dehors des appointements fixes, elle lui gagnait des sous, grâce aux primes de chauffage. Elle vaporisait si bien, qu'elle faisait en effet de grosses économies de charbon. Et il n'avait qu'un reproche à lui adresser, un trop grand besoin de graissage : les cylindres surtout dévoraient des quantités de gra isse déraisonnables, une fai m continue, une vraie débauche. Vainement, il avait tâché de la modérer. Mais elle s'essoufflait aussitôt, il fallait ça à son tempérament. Il s'était résigné à lui tolérer cette passion gloutonne, de même qu'on ferme les yeux sur un vice, chez les personnes qui sont, d'autre part, pétries de qualités ; et il se contentait de dire, avec son chauffeur, en manière de plaisanterie, qu'elle avait, à l'exemple des belles femmes, le besoin d'être graissée trop souvent. 1 5 10 15 20 25 30 35 40

Séquence 1Lecture analytiqueEmile Zola, Au Bonheur des Dames, 1883, chapitre 1 Madame Baudu, l'autre commis et la demoiselle, vinrent s'attabler à leur tour. Denise, de nouveau, resta seule, assise près de la porte, en attendant que son oncle pût la conduire chez Vinçard. Pépé jouait à ses pieds, Jean avait repris son poste d'observation, sur le seuil. Et, pendant près d'une heure, elle s'intéressa aux choses qui se passaient autour d'elle. De loin en loin, entraient des clientes : une dame parut, puis deux autres. La boutique gardait son odeur de vieux, son demi-jour, où tout l'ancien commerce, bonhomme et simple, semblait pleurer d'abandon. Mais, de l 'autre côté de la rue, ce qui la passionnait, c'était le Bonheur des Dames, dont elle apercevait les vitrines, par la porte ouverte. Le ciel demeurait voilé, une douceur de pluie attiédissait l'air, malgré la sa ison ; et, dans ce jour blanc, où il y avait comme une poussière diffuse de soleil, le grand magasin s'animait, en pleine vente. Al ors, Denise eut la sensation d'une machine, fonctionnant à haute pression, et dont le branle aurait gagné jusqu'aux étalages. Ce n'étaient plus les vitrines froide s de la matinée ; m aintenant, elle s parais saient comm e chauffées et vibrantes de la trépidation intérieure. Du monde les regardait, des femmes arrêtées s'écras aient devant les glaces, t oute une foule brutale de convoitise. Et les étoffes vivaient, dans cette passion du trottoir : les dentelles avaient un frisson, retombaient et cachaient les profondeurs du magasin, d'un air troublant de mystère ; les pièces de drap elles-mêmes, épaisses et carrées, respiraient, soufflaient une haleine tentatrice ; tandis que les paletots se cambraient davantage sur les mannequins qui prenaient une âme, et que le grand manteau de velours se gonflait, souple et tiède, comme sur des épaules de chair, avec les battements de la gorge et le frémissement des reins. Mais la chaleur d'usine dont la m aison flambait, venait s urtout de la vente, de la bousculade des comptoirs, qu'on sentait derrière les murs. Il y avait là le ronflement continu de la machine à l'oeuvre, un enfournement de clientes, entassées devant les rayons, étourdies sous les marchandises, puis jetées à la caisse. Et cela réglé, organisé avec une rigueur mécanique, tout un peuple de femmes passant dans la force et la logique des engrenages. De nise, depuis le matin, subissait la tentation. Ce magasin, si vaste pour elle, où elle voyait entrer en une heure plus de monde qu'il n'en venait chez Cornaille en six mois, l'étourdissait et l'attirait ; et il y avait, dans son désir d'y pénétrer, une peur vague qui achevait de la séduire. En même temps, la boutique de son oncle lui causait un sentiment de malaise. C'était un dédain irraisonné, une répugnance instinc tive pour ce trou glacial de l 'ancien commerce. Toutes ses sensations, son entrée inquiète, l'accueil aigri de ses parents, le déjeuner triste sous un jour de cachot, son attente au milieu de la solitude ensommeillée de cette vieille maison agonisante, se résumaient en une sourde protestation, en une passion de la vie et de la lumière. Et, malgré son bon coeur, ses yeux retournaient toujours au Bonheur des Dames, comme si la vendeuse en elle avait eu le besoin de se réchauffer au flamboiement de cette grande vente. - En voilà qui ont du monde, au moins ! laissa-t-elle échapper. 1 5 10 15 20 25 30 35 40

Séquence 1Texte complémentaireEmile Zola, La Bête humaine, 1890, extrait du chapitre 10 Enfin, Jacques ouvrit les paupières. Ses regards troubles se portèrent sur elles, tour à tour, sans qu'il parût les reconnaître. Elles ne lui importaient pas. Mais ses yeux ayant rencontré, à quelques mètres, la machine qui expirait, s'effarèrent d'a bord, puis s e fixèrent, vacillants d'une émotion croissante. Elle, la Lison, il la reconnaissait bien, et elle lui rappelait tout, les deux pierres en travers de la voie, l'abominable secousse, ce broiement qu'il avait senti à la fois en elle et en lui, dont lui re ssuscitait , tandis qu'elle, sûrem ent, allait en mourir. Elle n'éta it point coupable de s 'être montrée rétive ; c ar, depuis sa maladie contractée dans la neige, il n'y avait pas de sa faute, si elle était moins alerte ; sans compter que l'âge arrive, qui alourdit les membres et durcit les jointures. Aussi lui pardonnait-il volontiers, débordé d'un gros chagrin, à la voir blessée à mort, en agonie. La pauvre Lison n'e n avait plus que pour quelques minutes. Elle se refroidissait, les braises de son foyer tombaient en cendre, le souffle qui s'était échappé si violemment de ses flancs ouverts, s'achevait en une petite plainte d'enfant qui pleure. Soui llée de terre et de bave, elle toujours si luisante, vautrée sur le dos, dans une mare noire de charbon, elle avait la fin tragique d'une bête de luxe qu'un accident foudroie en pleine rue. Un instant, on avait pu voir, par ses entrailles crevées, fonctionner ses organes, les pistons battre comme deux coeurs jumeaux, la vapeur circuler dans les tiroirs comme le sa ng de ses veines ; mais, pareil les à des bras convulsifs, les bielles n'avaient plus que des tressaillements, les révoltes dernières de la vie ; et son âme s'en allait avec la force qui la faisait vivante, cette haleine immense dont elle ne parvenait pas à se vider toute. La géante éventrée s'apaisa encore, s'endormit peu à peu d'un sommeil très doux, finit par se taire. Elle était morte. Et le tas de fer, d'acier et de cuivre, qu'elle laissait là, ce colosse broyé, avec son tronc fendu, ses membres épars, ses organes meurtris, mis au plein jour, prenait l'affreuse tristesse d'un cadavre humain, énorme, de tout un monde qui avait vécu et d'où la vie venait d'être arrachée, dans la douleur.

Séquence 1Texte complémentaireLouis-Ferdinand Céline, Voyage au Bout de la Nuit, 1932 Tout tremblait dans l'immense édifice et soi-même des pieds aux oreilles possédé par le tremble ment, i l en venait des vitres et du plancher et de la ferraille, des secousses, vibré de haut en bas. On en devenait machine aussi soi-même à force et de toute sa viande encore tremblotante dans ce bruit de rage énorme qui vous prenait le dedans et le tour de la tête et plus bas vous agitant les tripes et remontait aux yeux par petits coups précipités, infinis, inlassables. À mesure qu'on avançait on les perdait les compagnons. On leur faisait un petit sourire à ceux-là en les quittant comme si tout ce qui se passait était bien gentil. On ne pouvait plus ni se parler ni s'entendre. A mesure qu'on avançait on les perdait les compagnons. On leur faisait un petit sourire à ceux-là en les quittant comme si tout ce qui se passait était bien gentil. On ne pouvait plus ni se parler ni s'entendre. Il en restait à chaque fois trois ou quatre autour d'une machine. On rési ste tout de même, on a du mal à se dégout ter de s a substance, on voudrait bien arrêter tout ça pour qu'on y réfléchisse, et entendre en soi son coeur battre facilement, mais ça ne se peut plus. Ça ne peut plus finir. Elle est en catastrophe cette infinie boîte aux aciers et nous on tourne dedans et avec les machines et avec la terre. Tous ensembles ! Et les mille roulettes et les pilons qui ne tombent jamais en même temps avec des bruits qui s'écrasent les uns contre les autres et certains si violents qu'ils déclenchent autour d'eux comme des espèces de silences qui vous font un peu de bien. Le petit wagon tortillard garni de quincaille se tracasse pour passer entre les outils. Qu'on se range! Qu'on bondisse pour qu'il puisse démarrer encore un coup le petit hystérique ! Et hop ! il va frétiller plus loin ce fou clinquant parmi les courroies et volants, porter aux hommes leur ration de contraintes. Le s ouvriers penchés s oucieux de faire t out le plaisir possibl e au machines vous écoeurent, à leur passer les boulons au calibre, et des boulons encore, au lieu d'en finir une fois pour toutes, avec cette odeur d'huile, cette buée qui brûle les tympans et le dedans des oreilles par la gorge. C'est pas la honte qui leur fait baisser la tête. On cède au bruit comme on cède à la guerre. On se laisse aller aux machines avec les trois idées qui restent à vaciller tout en haut derrière le front de la tête. C'est fini. Partout ce qu'on regarde, tout ce que la main touche, c'est dur à présent. Et tout ce dont on arrive à se souvenir encore un peu est raidi aussi comme du fer et n'a plus de goût dans la pensée. On e st devenu salement vieux d'un seul coup. Il faut abolir la vie du dehors, en faire aussi d'elle de l'acier, quelque chose d'utile. On l'aimait pas assez telle qu'elle était, c'est pour ça. Fa ut en faire un objet donc, du solide, c'est la Règle.

Quatre images extraites du film Les Temps modernes de Charlie Chaplin (1936)Documents complémentaires

Quatre images extraites du film Metropolis de Fritz Lang (1927)

Séquence 2 : Corniche Kennedy, Maylis de KerangalObjets d'étude : Le personnage de roman du XVIIème siècle à nos jours Problématique(s) : Ce que plonger veut dire... Les héros plongeurs de ce roman sont-ils seulement des représentations fictives des adolescents contemporains ? Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques : NB : Les pages renvoient à l'édition Gallimard, collection folioplus. -Extrait 1 : pages 27-29 du début du chapitre à "voleuse, voleuse, je t'ai vue » -Extrait 2 : pages 37-39 de "Il s'est placé dans le flux de sa lumière" à la fin. -Extrait 3 : pages 64-66 de "La fille se lève, rassemble ses affaires..." à la fin -Extrait 4 : pages 116-118 : de "La peur les saisit" à "vers l'hôpital le plus proche" Étude(s) d'ensemble : -Le motif du plongeon : un art de la fuite ? une transgression ritualisée ? une manière d'affirmer sa liberté ? -Le mélange des genres : roman d'apprentissage sur la jeunesse ou roman policier ? -La construction du roman -La mer dans le roman Texte complémentaire : Ovide, Les Métamorphoses, Livre VIII, " Dédale et Icare » (extrait) Histoire des arts Corniche Kennedy, ad ap tat ion cinématographique de Dominique Cabrera (Film vu en classe par une partie de la classe seulement en raison du blocage du lycée) Travail d'écriture personnel : rédaction d'un entretien fictif avec Maylis de Kerangal

Lecture analytique n°1 : pages 27-29 du début du chapitre à "voleuse, voleuse, je t'ai vue »

Il y en a une qui regarde, j ustement , qui n'en perd pas une miette, ramasse tout ce qui se passe sur la Plate, accroupie dans l'ombre bleutée d'un rocher à profil animal - crête de stégosaure -, et retient son souffle quand ses yeux grands ouverts scrutent, repèrent et enregistrent visages et déplace ments, fixent voix et rires - puisque là-devant, à quelques mètres, ça discute sec, ça rigole, ça s'esclaffe et ça chantonne, ça mange des frites mayonnaise, des beignets, ça boit du Coca, ça commente les magazines, ça se crème le dos, ça se paluche, ça fume, ça prend ses aises, ça se croit chez soi. Sept, huit minutes qu'elle est là et elle n'en revient pas elle-même, la voilà comme une Apache en planque, tendue à mort, prête à saisir l'instant ou jamais qui couronne le bon geste, prête à bondir. Elle a reconnu Eddy quand il s'est élancé le premier au-dessus de la mer. Elle le reconnaît toujours, même de loin, sait par coeur sa silhouette de flèche, ses plongeons et ses sauts, la manie qu'il a de se dresser sur la pointe des pieds deux fois de suite avant de se précipiter dans le vide, l'extension de son corps quand il le déploie, ses maladresses feintes, ses figures préférées, son plongeon de la mort - qui enchaîne saut de l'ange, saut carpé et pl ongeon missile -, depui s le temps qu' elle soulève le rideau de sa chambre vanille et espionne la Plate, depuis tout ce temps. Elle se mord l'inté rieur de la bouc he, dans l'ombre a chaussé des lunettes noires et ajusté son sac de plage sur son épaule nue. Elle attend, attend le moment propice, immobile, pliée sur les talons, la paume de sa main posée sur le frais granuleux de la roche, a passé les taillis de fer et marché dans les éboulis qui déséquilibrent, se tient le regard happé dans l'échancrure de rochers, repère le lieu, les fissures et les bosses du relief, épie, compte et recompte, et devant, à quatre ou cinq mètres, trois filles se lèvent m aintenant, les servie ttes se plissent, un cabas se déverse doucement, dégorge trousse, foulard, petite bouteille d'eau, photos et cigarettes, téléphone portable, lequel sonne - un tube, Beyoncé -, les filles ne l'entendent pas, aucune des trois ne se retourne, elles traversent lentement la plate-forme vers la mer, elles sont grandes en contre-jour, toutes noires découpées dans les flots du soleil, leur corps ensuqué peine à se sta bilise r, leur silhoue tte ondule, évasive, leur peau est onctueuse, gorgée de soleil et de paroles, elle sent la mer : peut-être qu'elles rigolent, qu'elles se tordent de rire, mais on ne les entend pas, on n'entend que la voix de la star mondiale, déhanchée de plus belle, boucles irisées tournoyantes, cuisses lustrées, lèvres glossy, peau dorée de la fille qui bouge, peau de la voix onctueuse qui irrigue l'espace, le tend et le repulpe, et celle qui jusque-là retenait son souffle bondit hors de l'ombre - saut de détente d'un jagua r -, at territ en plein soleil, à découvert, les jambes fléchies au m ilieu des serviettes, é blouie, elle plonge en avant pour saisir le téléphone portable - un geste si rapide qu'on le dirait flouté avec effet de sillage dans l'atmosphère -, une fois redressée elle s'immobilise soudain, ne sait quoi fa ire, l'appareil à hauteur du visage, pa nique, fourre le téléphone au fond de son sac, chancelle, fait un écart, un pas de côté hors des serviettes, mais alors tombe, littéralement se cogne sur un visage tendu en travers du sien, c'est un garçon, Nissim, sa bouche ouverte déjà alerte le groupe, sa main droite lui menotte le poignet , qu'est-ce que tu fais, salope, hé venez, y a une meuf qui fait les sacs, qu'est-ce que t'as fait, tu sais ce que t'as fait, là, merdeuse, espèce de pute, rends le portable ou je t'éclate ta sale petite gueule, ou je t'explose le fion, salope, voleuse, voleuse, je t'ai vue, rends-le. 5 10 15 20 25
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Lecture anlytique n°2 : pages 37-39 de "Il s'est placé dans le flux de sa lumière" à la fin.

Il s'est placé dans le flux de sa lumière, et l'acc ompagne, intel ligent, puisque c'est l'heure, après tout, heure pyromane, nuit/jour, nuit/ jour, tic tac, tic tac, cliquètement du monde terrestre, dominos, tout cela est affaire de course orbitale, rien de plus régulier. Par ailleurs il n'est pas certain qu'elle soit si moche. T'as peur, t'as peur, mais tu l'as jamais fait, comment tu peux savoir ? Comment tu peux savoir ce que ça fait le vertige si tu as si peur ? Il a parlé dans un souffle, depuis quelques secondes, la fille resplendit sous le soleil horizontal, ciblée en pleine tête comme le naos au fond du temple, et sa peau s'est dorée d'un coup, peau d'héritière, lisse et douce, irisée d'ambre solaire, pieds bronzé s, ongles nacrés, un paréo tahitien, trois glaçons dans un verre à orangeade, tchin-tchin, va faire ton piano chérie, E ddy trouve qu'il n'y a rie n de plus passionnant à cette minute que cette peau de fille, là, toute concrète, membrane qui palpite, absorbe et transm et, tissu qui capte et décongestionne, rien de plus troublant que cette peau. Il réagit, n'est pas dupe, se demande pourquoi cette fille chourave dans les sacs, il y a quelque chose qui cloche, il n'aime pas trop ces histoires-là, se méfie des tordues, vaguement inquiet donc, ça ne correspond pas, mais précisément - on s'en doute -, cette torsion le mobilise. Aussi, l'écoute-t-il comme s'il nageait à contre-courant, et prend la mesure de chacune de ces paroles quand elle lui répond je peux le savoir parce que justement, le vide, ça m'attire, c'est pour ça. Eddy hausse les épaules. Cette réponse lui déplaît. Dix minutes qu'ils sont seuls sur le Just Do It, l'air fermente la lumière du soir décolore peu à peu le Cap, faut faire quel que chose, faut y a ller maintenant. À contre-jour les peaux s 'assombri ssent quand les dents rutilent d'un blanc de céruse. Eddy coupe court à la conversation, se racle la gorge et annonce d'une voix ferme ouais, ouais, alors on est pareils, t'as qu'à me suivre, t'as qu'à faire comme moi - il hésite à se rétracter soudain, sait qu'il joue gros : s'il saute le premier, il prend le risque que la fille s'échappe par l'arrière du Cap et atteigne la quatre voies avant que les autres soient remontés à temps pour la retenir, il sait aussi que ceux qui l'observent comme on s'obsède du chef ne seront pas dupes, et qu'il met en jeu son autorité. La fille l'interroge, t'as peur alors ? Eddy je tte un oe il en bas, lui aussi mordoré maintena nt, la peau brune piquetée de minuscul es auréoles blanches et poudreuses que le sel séché aura déposées, et qui sent le Big Mac, la Marlboro et la mer à cargos, lui aussi les boucles épaisses, mais la dent de requin sur le ras du cou coquillages, et souple, nerveux, mobile, les yeux vifs sous les paupières gonflées, il lui plaît tout autant, vu de près, que lorsqu'elle l'épiait à s'en brûler les prunelles derrière sa fenêtre. Il opte pour précipiter le mouvement, elle fait tout pour prolonger leur face-à-face, il le sent et elle l'entend qui approuve. Ils savent tout et, forts de cet axiome sensible - une autre attraction, lat érale celle-là -, il s mélangent leurs présences physiques et aléatoires, entremêlent leur force, s'agencent et se combinent sans même se toucher ; sont comme les fauves qui se cherchent dans le bruissement des clairières tropicales : leurs corps sont leur messager, leurs mouvements leur porte-parole. C'est le grand rodéo qui se met en branle, qui prend corps entre eux et dilate leur coeur. Ouais j'ai le vertige, c'est sûr, Eddy rigole, quand je saute, j'hallucine, je me disloque, je deviens gigantesque, puis il regarde au loin et ajoute, s 'enfoncer là-dedans, j'a ime ça. Elle l'écoute , ajuste son maillot - les index liss ent l'ourlet de la culotte, à même la peau des fesses -, puis il déclare ok, on va y aller en même temps. Elle hoche la tête, et un frisson la parcourt tout entière, passe sous sa peau, des picots chair de poule apparaissent, les minipoils se dressent au garde-à-vous. Une fois en position de départ, d'un coup la voilà pâle, les cernes creusés, elle est exsangue. Eddy ne dit rien. Il voudrait tout arrêter mais sur le Just Do It, le scénario s'est emballé. Il vient à son tour se mettre en place à côté d'elle, ils font la même taille, trente centimètres les séparent. Ils prennent leur respirati on, décomptent les secondes, troi s, deux, un... go !, se précipitent alors dans le ciel, dans la mer, dans toutes les profondeurs possibles, et quand ils sont dans l'air, hurlent ensemble, un même cri, accueillis soudain plus vivants et plus vastes dans un plus vaste monde. 5 10 15 20 25
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Lecture analytique n°3 : Pages 64-66 de "La fille se lève, rassemble ses affaires..." à la fin

La fille se lève, rassemble ses affaires à grands gestes, les fourre dans son cabas , se met en route, re traverse la Plate. Arrivée au niveau du rocher à échine de dinosaure, au lieu de tourner à gauche en direction de la quatre voies, elle continue droit vers le Cap. On la voit qui marche vite, butée, la bandoulière de son cabas lui griffe l'épaule, ses lunettes tressautent sur son nez qui transpire, ses tempes battent un rythme d'enfer sous son visage de pierre. Une fois atteint la base de la péninsule, elle commence à grimper suivant le tracé de la fois dernière, en chemin ôte ses lunettes noires et niche ses affaires dans une anfractuosité de roche, tapote dessus à plus ieurs reprises pour bien les c aler, puis poursuit l'ascension, de prise en prise gagne enfi n le Fa ce To Face, s' y poste debout, les pieds parfaitement parallèles sur le pas de tir exigu, espacés de vingt c entimètres, et ainsi dressée, regarde droit devant elle : la corniche roule vers les montagnes et se méta morphose, file à ple ine vitesse, disjonctant de la mer qui est mate ici, et lente, et lourd le ressac en contrebas des rochers. Combien de temps rest e-t-elle postée de la sorte à douze mètres au- dessus de la mer ? Au moins cinq minutes, peut-être davantage, le temps, en tout cas, pour Eddy et Mario - qui, l'ayant observée depuis le poteau repère, ont fait demi-tour criant aux autres, allez-y, on vous rejoint - de descendre, bondissants, aériens, d'ôter à nouveau leurs vêtements, et de monter la retrouver sur le Face To Face afin de la surprendre en douceur comme on apprivoise un animal farouche, un voyou pris en flagrant délit de braquage à main armée, un éploré suicidaire. Quand ils arrivent, elle est en mauvaise posture, bloquée, grise, une statue, prête à vomir ses poumons. Écoute-moi - c'est Eddy qui parle, la fille est de dos, figée, la configuration du promontoire est tell e qu'il est impossible de la faire reculer -, t'arrêtes de faire la conne et tu m'écoutes : Mario va passer devant toi pour te montrer comment faire pour éviter le ressac, tu te décales de vingt centimètres sur la gauche, vas-y tu as la place, ensuite je viens et ce sera ton tour. Les garçons ne surent jamais quel fut le sourire de la fille - sa durée et son style, sa forme de flammèche - qui, calme, posa les yeux sur la cosse terrestre, puis s'écarta pour laisser passer Mario dont elle put voir de près les bras cali brés allumet tes - dont le droi t, tatoué d'un bracelet de barbelés à hauteur du biscoteau. Au moment de s'élancer, il se tourne vers elle et lui demande, hé, c'est quoi ton prénom au fait ? La fille, exsangue comme la dernière fois et le visage crispé, articule Suzanne, et, entendant cela, Mario contracte son corps avant de le déployer soudain d'un coup et de se projeter en avant, hurlant moi Mario, toi Suzanne, la fille de ma... Il saute comme un ange malingre - comme si la gravitation terrestre était un frayage, comme si le ciel dissimulait des lignes de fuite qu'il fallait saisir tels les pompons du manège - et quand il réapparaît à la surface de la mer, poisson pilote tout sourire, il renverse la tête vers elle, et clame tu m'as bien regardé ?, trop pur, tu vas voir, tu m'as vu ? Eddy l'a rejointe et la prenant par les épaules - dures comme du bois -, il la redécale vers la droite, comment t'a s dit que tu t'appelais déjà ? Suzanne, elle réartic ule, la langue cime ntée par le vertige. Il répète, feignant d'être songeur, Suzanne... ah ouais, genre ma grand-mère, quoi ! Il la regarde de haut, ludique, elle est franchement moche tellement elle est blafarde, décolorée, les traits grossiers, la peau sèche et les lèvres fripées. Genre, ouais, ell e réplique à voix ba sse, les sourcil s soudain dessinés en accent circonflexe inversé. Moi, c'est Eddy, il reprend, une main sur la hanche, vedette décontractée. Elle étrangle un rire, trop stylé ! Silence. Bon on y va ? il demande. Yes, let's go. Ils ne décomptent pas les secondes m ais respirent ensemble, une grosse lampée d'ai r, et décochent du Face To Face l'un après l'autre, Suzanne puis Eddy, et une fois dans l'air ce qu'ils éprouvent est un soulèvement général, celui du monde qui palpite en eux, l'écho de leur présence sous le ciel en coupole, et quand leurs deux têtes émergent à la surface de la mer, elles viennent s'agencer à celle de Mario, se disposent comme les pointes d'un triangle isocèle, et ils nagent sur place, ont les yeux grands ouverts, des sourires mouvants, soleil coulé entre le feuillage ou banc s de sardines iri sées argent, sont cernés de mille dés irs qui claquent, bruitent comme la canopée, et la nuit qui monte au-dessus de leurs trois têtes décore de ses lumières la corniche tout entière. 5 10 15 20 25
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Lecture analytique n°4 : pages 116-118 : de "La peur les saisit" à "vers l'hôpital le plus proche"

La peur les saisit quand ils penchent la tête en bas, cherchant les repères habituels, ne voient rien, l'eau est noire et lourde, festonnée de mousse claire au pourtour des rochers, bave lac tescent e, agitée, dégradée, renouvelée sans cesse car la mer est grosse, et forte, si bien qu'on s'y perd. Aussi les gosses vont-ils devoir tout se rappeler : les plongeons et les sauts, les élans, les angles, les impulsions et les détentes, tout se rappeler, au millimètre près, au newton et au kilojoule, au bar près, tout se rappeler pour pouvoir tout refaire, à l'aveugle. Ils vont devoir libérer la mémoire de tous les bonds contenus dans leur corps. Une poignée de secondes plus tard, on entend la voix d'Eddy hurler dans la nuit depuis le Face To Face que taillade un mistral rugueux : ok, mise à feu ! alors aussitôt chaque voltigeur enflamme ses torches avant de les maintenir dressées à la verticale, à bout de bras, genoux joints, christs en croix photophores. Fumées rouges, fumées blanches, fumées rapides. Elles écument le ciel humide, aspergent les plongeurs d'une lumière crue, très blanche, qui troue l'atmosphère de lueurs blafardes, s'amplifient et auréolent le Cap d'un halo neige tramé au magenta, lequel mousse et se propage à toute vitesse si bien que les premières silhouettes apparaissent aux balcons des hôtels, aux terrasses que parfument l'eucalyptus et le gardénia, aux hublots des voiliers qui croisent dans la baie, si bien que les voitures intriguées ralentissent sur la corniche, les dîneurs penchent la tête au- devant du caboulot, les girafes dodelinent du cou derrière les grilles du zoo, les goélands halètent, gonflent et vident le torse, si bien que les chiens aboient et que Sylvestre Opéra tressaille derrière ses jumelles, putain qu'est-ce qui se passe en bas ? Les corps des voltigeurs se découpent maintenant, bas-reliefs en avant de la pénombre, en avant de la pierre, yeux graves et joues creusées sous le noir charbon qui les masque, prêts à s'élancer sous le dôme pâle issu des torches ficelées à leurs poignets, ils attendent le dernier cri, ils l'attendent mobilisés, nerveux, explosifs - je sais c ependant qu'Eddy pivote à cet instant vers Suzanne, et lui prodigue un regard lourd, trop pudique ou trop bête encore pour lui balancer direct ce regard amoureux qui pousse dans la nuit du monde, limpide et univoque ; et peut-être aussi qu'il pose ensuite deux doigts sur ses lèvres et qu'il les embrasse comme on embrasse la crosse d'un Colt avant de donner de la voix une dernière fois : let's gooooo ! Wouah, c'est la grande figure, la cascade pétillante des Muchachos de la Plate, la fontaine kalach' ! Les derniers trompe-la-mort de la corniche Kennedy s'envoi ent en l'a ir et tourbillonnent comme des feux follets. C'est l'heure où le Jockey et les siens se lèchent les doigts après les petits-fours, pincent les lèvres sur la dernière gorgée de champagne, déglutissent avec application, tous pompettes et parlant fort, et soudain ébahis par ce qu'ils voient sur les écrans de contrôle qui diffusent les images du Cap, lesquels sont les seuls où quelque chose se passe, lesquels s'animent, des corps, des mouvements, des lumières, des traînées pâles, des fumerolles, les invités sont tellement ébahis qu'ils se croient ivres, et honteux de l'être ils finissent par se taire et continuent à grenouiller autour du Jockey qui se décompose, bouche ouverte langue pendante et yeux cloués sur les téléviseurs comme sous l'emprise d'une substance hallucinogène, et tombe à la renverse, les quatre fers en l'air sur le parquet du salon d'honneur, on crie, on s'agite, on éteint tous les écrans puis on s'attroupe autour de lui qui passe maintenant du blême au rouge, congestionné par la colère, fortement congestionné même, mais voilà, c'est une colère beaucoup trop grosse pour un abdomen aussi court et étroit que le sien, de sorte que le voilà muet, paralysé, la cage horacique soulevée de hoquets convulsifs, le cerveau asphyxié, il est urgent de l'évacuer en ambulance vers l'hôpital le plus proche. 5 10 15 20 25
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Étude d'ensembleEntretienLa mer dans Corniche Kennedy : ce qu'elle dit des personnages... Eddy est apparu le premier dans un fracas liquide, oreilles bouchées paupières dégoulinantes, l'a cherchée aussitôt, ne l'a pas vue, rien, pas de tête claire, pas une épaule, pas un morceau de tissu rouge, il a balayé du regard la surface de la mer, et tourné sur lui-même, deux ou trois pirouettes, qu'est-ce qu'elle fout, où est-elle passée, enfin a pivoté vers le Cap d'un coup gigantesque vu ainsi en contre-plongée, montagne haute sur l'eau - une coque de transatlantique, dure, noire, menaçante - et s'est couché en arrière pour faire la planche : le Just Do It a jailli au-dessus de lui comme une lame de couteau, vide, putain la meuf n'a pas sauté, c'est ça, elle est restée sur le promontoire et s'est cassée par la corniche, [...]. Eddy crawle à présent, crawle comme un malade pour faire le tour du Cap par l'avant, se dit qu'elle a tenté peut-être de remonter par le côté est et qu'il ne l'a pas vue, un espoir, mais rien, c'est désert, et maintenant tout est de plus en plus sombre, le soir descend, la mer bruite son clapot trompeur, les lumières brodent la ville, des paillettes, des arabesques, des pointillés, il crawle à nouveau, fonce, fonce à mort, contourne à nouveau le Cap, les autres l'attendent c'est sûr, il faut dire à Mario de ne pas toucher au sac de la fille, ça pue les emmerdes une nana pareille, il voulait pas, c'est un accident, il crawle à toute vitesse, n'a jamais fendu l'eau de la sorte, n'a jamais activé au bout de ses pieds une telle force motrice, [...]. Une fois atteint la base de la péninsule, elle commence à grimper suivant le tracé de la fois dernière, en chemin ôte ses lunettes noires et niche ses affaires dans une anfractuosité de roche, tapote dessus à plusieurs reprises pour bien les caler, puis poursuit l'ascension, de prise en prise gagne enfin le Face To Face, s'y poste debout, les pieds parfaitement parallèles sur le pas de tir exigu, espacés de vingt centimètres, et ainsi dressée, regarde droit devant elle : la corniche roule vers les montagnes et se métamorphose, file à pleine vitesse, disjonctant de la mer qui est mate ici, et lente, et lourd le ressac en contrebas des rochers. Certes, il y a bien aujourd'hui des trios de mémères énormes et matinales qui y dépli ent péniblement des sièges de toile, devisent en rang et se baignent à voix haute - la mer est leur lieu de prédilection, porte à leur place leur corps trop lourd, elles y frétillent comme des sirènes -[...]. Ce n'est pas la peur qui le freine, mais l'éblouissement. L'espace est profus autour de lui, très échancré, saturé de mi lliards de parti cules microscopiques qui planent et vibrent, pollinisent, diffractant doucement la lumière. Opéra sent son corps qui se débride, visage élargi, front et narines mêmement dilatés, thorax bombé, tendu soudain, peinant à contenir l'élan qui le soulève, son coeur prend de la vitesse, il oscille, le voilà transfuge, pris dans un emballement, celui d'une vie bigger than life, innervé de la tête aux pieds par une émotion très matérielle, il se découvre puissant, frontal, aimant, et la mer tout autour de lui est surfacé e de plis s ereins, étoffe soyeuse que le tailleur amoureux présente à la sultane, ça dure une poignée de secondes puis, comme percuté - la sensation d'un enivrement adolescent dans son corps qui n'est plus fait pour ça ? -, Sylvestre chancelle, haletant, le coeur vrillé et recule sur le Just Do It, prenant à rebours la paroi qu'il frotte tout du long de son derrière imposant. À nouveau, il regarde le vide : c'est sombre en bas, ça remue, un ourlet hostile à traverser avant d'atteindre la mer plus lisse et bleue que tout, un périmètre farci de raies noires , de tanches et de coel acanthes à peau buboneuse, peuplé de gueul es préhistoriques du temps de la Pangée. Abysses, ténèbres. Hop, plouf, et la mort au fond qui leur gobe les orteils, leur suce le rebondi des joues. C'est ça qu'ils cherchent, ces p'tits cons ? C'est à ça qu'ils jouent ? Il ne comprend plus rien.

Étude d'ensembleEntretien À deux cents mètres, ceux de la Plate se gondolent sur leur serviette, la plage est noire de monde à cette heure, ils y sont à l'abri, y ont rejoint le reste de la bande, les couples enlacés et les filles qui n'ont pas sauté, et à présent racontent, comment ils ont trouvé le passage sous-marin au revers du Cap, parcouru le conduit en apnée sur dix mètres, un truc de héros, de mad man de la mort, et comment ils y ont frôlé des rascasses et des bonites, putain, une raie, j'ai bien reconnu, l'oeil mi-clos, la gueule gluante, putain ouais ça fait trop peur, ça vi t dans le noir a bsolu et ça supporte des pressions pas possibles, c 'est invinci ble, c'est ça t'as rais on, une raie, faudrait pas me prendre pour un con, pourquoi pas un octopus ou un requin-marteau, oh ça voit son petit poiscaille et ça veut sa maman, tu chies dans la colle [...]. Le vingt et un août, le temps change. La corniche se tait. Les orages approchent. Un mistral hostile souffle dans un ciel décoloré, l es nuages d'argent se jointent au safran, les vignes se tordent au flanc de la montagne, la mer vire limaille de fer, hérissée au large de pointes crochues, la rade se vide, les parasols s'envolent, on interdit aux enfants les bateaux et matelas pneumatiques. La peur les saisit quand ils penchent la tête en bas, cherchant les repères habituels, ne voient rien, l'ea u est noi re et lourde, fest onnée de mousse claire au pourtour des roche rs, bave lactescente, agit ée, dégradée , renouvelée sans cesse car la mer est grosse, et forte, si bien qu'on s'y perd.

Mario ouvre les yeux sous l'eau. Il ouvre toujours les yeux sous l'eau : le jour, les flots de lumière perçant la surface découpent sous la mer des rais verticaux, matière aléatoire dans laquelle manigancent une friture possible, des algues et du plancton, dans laquelle il aime passer un bras, une jambe, la main, jouer de leurs contours flous, et parfois même, après inspection rapide des fonds, il rebascule t ête la première e t, main tendue, descend récolter ce qui miroitait dans un reflet, un caillou, une coque nacrée, le pendentif qu'une baigneuse aura perdu dans le pli d'une trop forte houle. À cet instant, il ouvre les yeux sous l'eau, comme chaque fois, mais rien ne se passe. Répète plusieurs fois ce mouvement de paupières sans parvenir à sortir du noir. Une opacité telle qu'il est saisi par la trouille : il ne perçoit ni les fonds ni la surface, ne distingue pas son corps, ne s'oriente plus. Tout est fondu dans le même caviar indistinct. Pris de panique, il bat des pieds à toute vitesse pour remonter à l'air libre, là où, pense-t-il, il retrouvera les notions les plus élémentaires : la Plate, le ciel, la terre, la mer et son corps au beau milieu de tout.

Un paquet plastifié flotte, Mario le reçoit dans le visage, l'écarte d'un revers du bras, continu e à n ager, mais ses m ouvements ramènent continuellement le colis sur sa trajectoire. Il jette un oeil sur la côte qui brille ce soir Riviera grand genre et oriente le paquet sous les lumières, pour voir. C'est un colis de la taille d'une boîte à chaussures, langé dans du gros Scot ch, parfaitement hermét ique, les coins sont arrondis, aucune inscription.

Chronologie des intrigues dans Corniche KennedyOpéra observe les jeunes depuis son bureau.Le quotidien d'OpéraLe maire exige d'Opéra qui'il fasse cesser les plongeons.Analepse : l'enquête d'Opéra, rencontre avec Tania.Opéra observe Suzanne et Mario s'embrasser.Analepse. Suite de l'enquête : Opéra retrouve Tania. Ils s'embrassent, Tania disparaît.Opéra observe la dispute.Opéra tente un pacte avec Eddy. Opéra raccompagne Mario, il passe un pacte avec lui..Opéra présent sur la Plate car il prépare l'interception d'une livraison de drogue. Arrestation d'une partie de la bande.Interrogatoire de deux russes arrêtées à bord du voilier suspect. Opéra s'emporte et s'enivre seul dans son bureau.Opéra retouve Mario. Sous la menace, Mario révèle le lieu que Suzanne et Eddy sont partis vers les calanques.Opéra rejoint les fugitifs12345678910111213141516171819209-1516-1920-2627-3132-3940-4344-4950-6061-6768-7172-8384-8990-104105-111112-1199-1416-189-1416-1820-25Rocher de La Plate, après le quartier de Malmousque.

Chambre de Suzanne

CommissariatDurée indéterminée, début de l'été (juin)Commissariat date indéterminée, une journée.La Plate. Juin, date et durée indéterminéesLa Plate. Après-midi, quelques minutes.La Plate

Just Do It, quelques minutes, fin d'après-midi.CommissariatQuelques minutes.Mer, La Plate, Corniche. Après-midi et soirée.Boîte de nuit dans l'arrière-pays marseillais (loin de la mer)

CommissariatLa Plate

Le Face to Face

La mer. Une semaine après le 1er saut. Après-midi et soir.La Corniche, soir.La Corniche

L'arrière-pays marseillais (La Garde-Freinet, massif des Maures, autoroute A8..., 24 heures.La Plate, 20 juillet, 15h00.Corniche

Commissariat

Quartiers Nord de Marseille. Après-midi, août.La ville, les lieux d'où il est possible de plonger, la plage près de la PlateLa Plate,

les plongeoir, 21 août, nuit).Mer

Plate-forme

Cabane. 22 août.Commissariat22 août.Plage, près des plongeoirs, 22 août.Près de la plage,voiture d'Opéra,

Hôpital 22 août.Les calanques 22 août.Juin, arrivée des jeunes. Suzanne observatrice depuis sa chambre.La bande de la Plate. Description des plongeoirsArrivée de Suzanne, vol du portable, sentence d'Eddy1er saut de Suzanne (Just Do It). Suite immédiate du chap. précédent.Suite du 1er saut. Suzanne veut recommencer, colère d'Eddy.Retour de Suzanne, négociation avec Mario, Refus, puis accord d'Eddy. Le trio saute depuis le Face To FaceSuite du plongeon. Suzanne embrasse Mario.Dispute entre Suzanne et sa mère, sur la Plate, devant la bande.Arrestation des plongeurs, conduits au commissariat jusqu'à la venue des parents. Confrontation d'Eddy avec son père.Élargissement du cadre : rude " compétition »entre les plongeurs et la police, à l'échelle de la ville.Les plongeons de nuit. Malaise et crise cardiaque du maire.Eddy, Suzanne et Mario ont réussi à échapper à la police. Mario, blessé a trouvé un paquet contenant de la drogue. Ils passent la nuit dans une cabane de plage.Projet de fugue vers l'Italie et en scooter du trio. Suzanne et Eddy sont contraints d'abandonner Mario blessé et affaibli.Face à la mer, du haut d'une falaise, Eddy et Suzanne vident la drogue.1

Texte complémentaireOVIDE, MÉTAMORPHOSES, LIVRE VIII, " Dédale et Icare » (extrait) Lorsqu'il eut mis la dernière main à l'oeuvre entreprise, l'artisan équilibra lui-même son corps entre ses deux ailes et resta suspendu dans l'air qu'il mettait en mouvement. Il équipa aussi son fils et dit : " Icare, je te conseille de voler sur une ligne médiane, car, si tu vas trop bas, l'eau risquerait d'alourdir tes plumes, et trop haut, le feu du soleil pourrait les brûler. Vole entre les deux. Ne regarde ni le Bouvier, ni Hélicé ni l'épée brandie d'Orion, c'est mon ordre ; suis ta route, en me prenant pour guide ! » En même temps, il lui transmet les règles du vol et adapte à ses épaules des ailes qu'il ne connaît pas. Pendant que l'homme mûr s'affairait et donnait ses conseils, ses joues se mouillèrent et ses mains de père se mirent à trembler. Il donna à son fils des baisers qu'il ne répéterait plus et, soulevé par ses ailes, il s'envole le premier, soucieux de son compagnon, comme l'oiseau qui pousse du nid dans l'espace sa tendre progéniture ; Dédale l'exhorte à le suivre, l'initie à son art maudit, agite ses propres ailes et se retourne, regardant celles de son fils. Un pêcheur prenant des poissons à l'aide d'un roseau tremblant, un berger appuyé sur son bâton, un laboureur penché sur sa charrue, les virent, restèrent interdits et prirent pour des dieux ces êtres capables de voyager dans l'éther. Déjà, sur leur gauche, se trouvait l'île de Junon, Samos - ils avaient dépassé Délos et Paros - ; sur leur droite se trouvaient Lébinthos et Calymné, riche en miel. C'est alors que l'enfant se sentit grisé par son vol audacieux, et cessa de suivre son guide ; dans son désir d'atteindre le ciel, il dirigea plus haut sa course. La proximité du soleil bientôt ramollit la cire parfumée qui servait à lier les plumes. La cire avait fondu ; Icare secoua ses bras dépouillés et, privé de ses ailes pour ramer, il n'eut plus prise sur l'air, puis sa bouche qui criait le nom de son père fut engloutie dans la mer azurée, qui tira de lui son nom. De son côté, son malheureux père, qui n'est plus père désormais, déclara : " Icare, où es-tu ? Dans quel endroit dois-je te chercher ? » " Icare, » disait-il ; il aperçut sur l'eau des plumes, maudit son art et honora d'un tombeau le cadavre de son fils, et cette terre fut désignée par le nom du défunt inhumé.

Séquence 3 : Regarde les Lumières mon Amour, Annie ErnauxObjet d'étude : La question de l'Homme dans les genres de l'argumentation du XVIème à nos joursProblématique(s) : quels regards les artistes, et en particulier la littérature, peuvent-ils porter sur la société de consommation ?Pour l'exposéPour l'entretienLectures analytiques Quatre extraits ou regroupements d'extraits en lien avec des thématiques ont été sélectionnés et étudiés. Les pages renvoient à l'édition Fol io (F) et Flammarion, étonnants classiques (EC). -Extraits 1 : début (préface), pages 11-14 (F) et 25-27(EC), du début jusqu'à " l'inaccessible et fin " Mardi 22 octobre », pages 88-89 (F) et 94-95 (EC) -Extrait 2 : " Lundi 4 février », à partir de " Il faut que je sois descendue au niveau I » à la fin. Pages 58-59 (F) et 65-66 (EC), avec une extension proposée, page 77 (folio) et 83-84 (EC) de " À la fin de mes courses » jusqu'à la fin du passage. -Extrait 3 : " mercredi 13 février », pages 62-64 (F) et 69-71 (EC) -Extrait 4 : " Jeudi 7 février », pages 59-61 (F) et 66-69 (EC)Questions d'ensemble -Quelles écritures dans ce livre, fruit d'une commande faite à l'autri ce par l'historien Pierre Rosenvallon : autobiographie, journal, étude sociologique, oeuvre engagée ? -Le regard de l'autrice-consommatrice : entre empathie et critique sociale. -L'écriture d'Annie Ernaux : entre sécheresse et recherche de style. Textes complémentaires Regards d'auteurs sur la société marchande : -Voltaire, Candide, c hapitre 19 (arrivée de Candide à Surinam) -Georges Perec, Les Choses -Jacques Prévert, " La grasse matinée », in Paroles Histoire des arts Regards d'artistes et de plasticiens sur la société de consomm ation à lier avec des thémati ques abordées dans l'ouvrage d'Annie Ernaux : -Andy Warhol, Campbell's soup -Andreas Gursky, 99 cents -Duane Hanson, Supermarket Lady, 1969 -Liu Jianhua, Yiwu Survey

Duane Hanson, Supermarket Lady, 1969

Andy Warhol, Campbell's soup,1962

Andreas Gursky, 99 cents

Liu Jianhua, Yiwu Survey, 2006

Texte complémentaireJacques Prévert, " La grasse matinée », publié dans le recueil Paroles (1946)

Il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim elle est terrible aussi la tête de l'homme la tête de l'homme qui a faim quand il se regarde à six heures du matin dans la glace du grand magasin une tête couleur de poussière ce n'est pas sa tête pourtant qu'il regarde dans la vitrine de chez Potin il s'en fout de sa tête l'homme il n'y pense pas il songe il imagine une autre tête une tête de veau par exemple avec une sauce de vinaigre ou une tête de n'importe quoi qui se mange et il remue doucement la mâchoire doucement et il grince des dents doucement car le monde se paye sa tête et il ne peut rien contre ce monde et il compte sur ses doigts un deux trois un deux trois cela fait trois jours qu'il n'a pas mangé et il a beau se répéter depuis trois jours Ça ne peut pas durer ça dure trois jours trois nuits sans manger et derrière ces vitres ces pâtés ces bouteilles ces conserves poissons morts protégés par les boîtes boîtes protégées par les vitres vitres protégées par les flics flics protégés par la crainte que de barricades pour six malheureuses sardines... Un peu plus loin le bistro café-crème et croissants chauds l'homme titube et dans l'intérieur de sa tête un brouillard de mots un brouillard de mots sardines à manger oeuf dur café-crème café arrosé rhum café-crème café-crème café-crime arrosé sang !... Un homme très estimé dans son quartier a été égorgé en plein jour l'assassin le vagabond lui a volé deux francs soit un café arrosé zéro franc soixante-dix deux tartines beurrées et vingt-cinq centimes pour le pourboire du garçon. Il est terrible le petit bruit de l'oeuf dur cassé sur un comptoir d'étain il est terrible ce bruit quand il remue dans la mémoire de l'homme qui a faim.

Texte complémentaireGeorges Perec, Les Choses, une histoires des années soixante (1965) Dans Les Choses, Perec décrit la vie quotidienne d'un jeune couple de la classe moyenne. Il développe dans ce récit l'idée que ces jeunes gens se font du bonheur et surtout les raisons pour lesquelles ce bonheur leur reste inaccessible. Celui-ci, lié aux choses que l'on achète, conduit les personnages à devenir asservis à ces objets. Le roman est une réflexion sociologique sur la société de consommation. Ils se promenaient souvent le soir, humaient le vent, léchaient les vitrines. Ils laissaient derrière eux le Treizième tout proche, dont ils ne connaissaient guère que l'avenue des Gobelins, à cause de ses quatre cinémas, évitaient la sinistre rue Cuvier, qui ne les eût conduits qu'aux abords plus sinistres encore de la gare d'Austerlitz, et empruntaient, presque invariablement, la rue Monge, puis la rue des Ecoles, gagnaient Saint-Michel, Saint-Germain, et, de là, selon les jours ou les saisons, le Palais-Royal, l'Opéra, ou la gare Montparnasse, Vavin, la rue d'Assas, Saint-Sulpice, le Luxembourg. Ils marchaient lentement. Ils quotesdbs_dbs46.pdfusesText_46