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Le contractualisme et la question des nationalités

LE CONTRACTUALISME ET LA QUESTION DES NATIONALITÉS par Lukas K Sosoe La question de savoir si une nation peut se donner la constitution de son choix peut paraître fort insolite tant sa réponse semble évidente À y regarder de très près, il n'en est rien Cétait en 1791 que l'écrivain allemand, Justus Môser, posait



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ne tient pas seulement à son refus du contractualisme C’est surtout le concept de volonté générale, forgé par Rousseau, que Kelsen rejette Sa critique est ici quelque peu tortueuse car elle part d’un accord qui n’est en réalité qu’apparent Tout d’abord (et



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contractualisme comme fondement de la démocratie en affranchissant la recherche du bien politique de toute transcendance de sorte que « la société ne résulte que d’un accord volontaire des individus qui la composent et que le pouvoir n’est légitime que lorsqu’il est librement consenti »



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nature humaine faillible, il prend le contre-pied du contractualisme pour justifier l’origine divine de la souveraineté et de la société Selon Rousseau en effet, c’est par le pacte social que « chacun de nous met en commun sa personne et toute sa puissance sous la suprême direction de la volonté générale »11 qui crée le souverain



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l’obligation démocratique n’est-il pas par définition arbitraire, instable et incomplet ? Par excès, parce qu’elle serait négation de toute transcendance, par défaut, parce qu’elle ne saurait fonder une loi absolument valable, l’immanence démocratique serait frappée d’inanité



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ter une définition axiomatisée de la doctrine, qui, tout en prêtant réelle-ment et sérieusement attention à l'œuvre de Bentham, la dépasse et l'englobe Je propose ainsi de caractéri-ser l'utilitarisme par l'articulation pro-blématique de deux propositions : une proposition positive qui affirme que l'action des individus est (ou devrait



Les brevets d’invention et la marchandisation de la

définition et de caractère suivant les arènes dans lesquelles elle circule Aussi ce n’est pas tant à la marchandise qu’au processus de marchandisation (« commoditization as process », voir Kopytoff, 1986) qu’il faut s’intéresser



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personnel (écartés, par définition, d’une gouvernance pro-actionnariale) Aussi, la volonté de conjuguer liquidité et contrôle – au fondement du capitalisme financier – implique une extériorisation du contrôle Il résulte de cette extériorisation une vacuité du contrôle et une déresponsabilisation de la gestion des entreprises



Extrait de la publication

est un processus politique plus légitime que la définition de buts totalisants) 3 L’individualisme peut enfin être la base d’un processus d’explication : une problématique et une manière de concevoir des réponses à des questions de recherche L’individualisme « méthodologique », qui tend à expliquer des phénomènes collectifs

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Jérôme Baudry AFS 2013 !"!Les brevets d'invention et la marchandisation de la connaissance. Essai de sociologie historique (1750-1850) Introduction Les débats co ntemporains sur la ma rchandisation de la connaissance s'articu lent souvent autour de ce formidable instrument d'appropriation que constituent les droits de propriété intellectuelle. L'extension de ces droits peut en effet sembler indéfinie : que l'on se tourne vers les productions culturelles, régies par le copyright (Lessig, 2004), ou vers les connaissances techno-scientifiques, régies par les brevets d'invention ( Boyle, 2008) , partout l'appropriation semble devoir non seulement s'allonger temporellement (ainsi du copyright), mais également et surtout s'étendre à de nouveaux domaines des arts et du savoir. La question de la brevetabilité du vivant, depuis l'arrêt Diamond v. Chakrabarty en 1980 jusqu'au jugement récent de la Cour suprême américain contre les prétentions de Myriad Genetics, constitue un exemple saillant de ce qu'on a pu qualifier de " second mouvement d'enclosure » (Boyle, 2008). De même qu'en Angleterre, principalement entre 1750 et 1850, les enclosures ont instauré un système de propriété privée des terres, en mettant fin aux droits d'u sage et notammen t aux communaux, le mouvemen t actuel d'extension de la propriété intellectuelle trans formerait graduellement des biens communs en propriété privée, r éduisant d'autant ce qu'il est convenu d'appeler le " domaine public ». Nous soutenon s que ces débats, en insistant s ur la contemp oranéité de ce s changements, masquent un processus socio-historique de plus long terme (pour le vivant, voir Kevles, Ga udillière et Rheinberger, 2 009), qu'il conviendrait d' étudier dans sa temporalité propre (Elias, 2003). Il se pourrait que, pour reprendre les termes de Polanyi (1983), la terre comme la connaissance aient été transformées en " marchandises fictives » ou " quasi-marchandises » au mê me moment1. C'e st en effet entre 1750 et 1850 que le !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!1 Azam (2007) a déjà eu recours au concept polanyien de " marchandise fictive » pour l'appliquer à la connaissance, mais précisément en insistant sur la contemporéanité de cette transformation. L'argument consiste à reprendre la définition (concise) de la marchandise proposée par Polanyi (" Les marchandises sont ici empiriquement définies comme des objets produits pour la vente » - sur cett e définition voir P ostel et Sobel, 2010) et à a vancer, de façon n ormative, que la connaissance est 1) un bien commun - elle n'a pas été produite et accumulée pour être vendue ; 2) elle renvoie à des savoirs communs diffici lemen t divisibles, et partant incomplè tement codifiables. Plutôt que de définir a pri ori la connaissance et les caractéristiques qui la rendent impropre à la marchandisation, on préfèrera, en suivant l'anthropologie économique d'Appadurai (1986), supposer qu e la connaissance n'est pas une entité ho mogène et qu'elle change de définition et de caractère suivant les arènes dans lesquelles elle circule. Aussi ce n'est pas tant à la marchandise qu'au processus de marchandisation (" commoditization as process », voir Kopytoff, 1986) qu'il faut s'intéresser.

Jérôme Baudry AFS 2013 !#!régime moderne de brevets (comme d'ailleurs celui du droit d'auteur ou copyright) se met en place - d'abord en Angleterre, puis de façon quasi simultanée, aux Etats-Unis et en France au début des années 1790. On pourrait donc être tenté de replacer la quasi-marchandisation2 de la connaissance au sein de ce mouvement de désencastrement de l'économie qu'a décrit Polanyi : moment d'avènement de la société de marché qui ne s'effondrera que vers 1930, dans la " grande transformation ». Il s'agit donc d'étudier par quels mécanismes la connaissance, au même titre que la terre, l'argent ou le travail, a pu être transformée en quasi-marchandise, participant de ce fait au déploiement du marché autorégu lateur lors du long XIXe siècle. Toutefois, sensible aux critiques qui ont pu être faites au travail de Polanyi, ainsi qu'à la finesse même de ses analyses, nous serons circonspect quant à l'illusion rétrospective qui verrait le XIXe siècle comme une sorte de parenthèse libérale dans l'encastrement de l'économie dans la société . Bra udel rappelait déjà le caractè re simplificatoire d'une telle interprétation3 : nous tâcherons donc de distinguer précisément entre le discours libéral de la société de marché, effectivement très prégnant, et la marchandisation effective de la connaissance par le brevet, qui s'appu ie sur des dispo sitifs d'intermédiation et des équipements qui rendent bien chimérique le mythe du marché autorégulateur. 1. Le discours libéral de 1791 Lorsque l'Assemblée Constituante vote la Loi sur les découvertes utiles en 1791, instituant le brevet d'invention moderne, elle ne crée pas ex nihilo un dispositif de protection de l'innovation. Sous l'Ancien Régime, à par tir des précéde nts vénitiens dont on p eut retrouver la trace dès le XVe siècle (Plasseraud et Savignon, 1986), l'usage d'accorder des privilèges exclusifs aux inve nteurs ou introducteurs de techniques nouvelles s' était répandu, nota mment dans la France des Lumiè res (Hilaire-Pérez, 2000). Au -delà du simple changement de lexique, la loi de 1791 crée pourtant une discontinuité à la fois théorique et pratique. Tout d'abord, alors que le privilège était un acte particulier (privata lex), un don octroyé par le Souverain à un individu, le brevet d'invention est quant à lui conçu comme un droit, un droit de " propriété sur les oeuvres de l'esprit » ; plus encore, dans le contexte révolutionnaire de la France de 1791 (Groethuysen, 1956), ce droit est !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!2 Par marchandisation, on entendra le processus de mise en marchandise de la connaissance, plutôt que celui de la mise sur le marché de la marchandise. Pour parler d'un " marché des brevets », il faudrait se livrer à une étude plus précise des transferts de brevets (cessions, licences, etc.), ce qui n'est pas aisé pour la période étudiée. De nos jours encore, l'existence d'un marché des brevets n'est pas évidente (Guellec, Madiès et Prager, 2010). 3 Braudel, 1979, notamment les pp. 192-196.

Jérôme Baudry AFS 2013 !$!consacré par la loi comme un droit naturel. L'analogie avec la terre, autre catégorie en voie de quasi-marchandisation, est d'ailleurs très claire dans le discours du chevalier de Boufflers (Archives parlementaires XXI, 1885), rapporteur de la loi : " S'il existe pour un homme une véritable propriété, c'est sa pensée : celle-là du moins paraît hors d'atteinte, elle est personnelle, elle est indépendante, elle est antérieure à toutes les transactions ; et l'arbre qui naît dans un champ n'appartient pas aussi incontestablement au maître de ce champ, que l'idée qui vient dans l'esprit d'un homme n'appartient à son auteur ». Loin d'impliquer u ne opposition entre Ét at et marché (North, 1990), la mise e n marchandisation de la connaissance s'organise ainsi par le biais de la règle de droit : le brevet est un droit de propriété comme un autre, et notamment cessible, et à ce titre il participe de la formidable simplific ation o pérée par les Constituants de la structure propriétaire de l'Ancien Régime (les diverses formes de privilèges et propriétés sont ou révoqués ou réduits à la seule propriété privée - voir Hirsch, 1978 et Sewell, 1980). Cependant, et cela est tout à fait caractéristique du fantasme de désencastrement relayé par le discours libéral du XIXe siècle, l'État ou le droit lui-même organise son propre dessaisissement en recourant à la fiction de la jusnaturalité, qui justifie la propriété de la connaissance par son antécédence à to ute forme de corps politique . Reste alors le paradoxe d'une loi qui, tout en reconnaissant le droit naturel de l'inventeur sur les oeuvres de son esprit, limite ce droit temporellement (l'exclusivité ne sera que temporaire, 5, 10 ou 15 ans au choix de l'inventeur) et en réserve la jouissance à ceux qui pourront payer une taxe loin d'être négligeable (et qui est fonction de la durée d'exclusivité demandée). Deuxième nouveauté théorique, et qui est une façon de résoudre le paradoxe que nous venons d'exposer, le brevet d'invention est conçu par Boufflers comme un contrat entre l'inventeur e t le " public » (ou la société, e t non pas l'État) : en é change de la protection que la société va mettre en oeuvre pour protéger la propriété de l'inventeur, et qui est particulièrement coûteuse car elle concerne des biens immatériels, l' inventeur accepte de divulguer son invention afin qu'elle soit rendue libre au-delà de l'exclusivité qu'il revendique. Ce contrat n'autorise aucun intermédiaire, et sont rendus caducs ceux que l'Ancien Ré gime avait mis en place : jusqu 'alors, la délivrance de privilèges d'invention était suspendue à un examen préalable de l'invention " en grand », examen qui était le fait de grands commis du Bureau du Commerce, appuyés principalement par des académiciens. La loi de 1791 déclare quant à elle que les brevets d'invention seront délivrés sur simple demande - ce qui semble logique puisqu'il s'agit là de l'exercice d'un droit naturel.

Jérôme Baudry AFS 2013 !%!Or, un tel des saisissemen t de l'État est évidemment problématique : rien n'empêchera alors que des brevets soient délivrés pou r des inventions inut iles, chimériques, ou déjà connues. La s olution pro posée pa r Boufflers consiste en un mécanisme libéral d'autolimitation : pour obtenir un brevet, l'inventeur devra payer une taxe, et de ce fait n'aura aucun intérêt à breveter une invention inutile ou chimérique, car personne n'achèterait alors son produit et la taxe aurait été acquittée en pure perte. Grâce au dispositif de la taxe, la considération par l'inventeur de son propre intérêt suffira à faire en sorte que les brevets pris librement ne soient pas abusifs4. On conçoit que ce mécanisme libéral implique deux suppositions sur chacune des entités contractantes : qu'il existe des consommateurs suffisamment instruits et rationnels pour qu'ils ne soient pas dupés par des brevets frauduleux ; ensuite, que l'inventeur soit lui-même un acteur économique suffisamment rationnel et calculateur pour décider de l'opportunité ou non de protéger son invention, en fonction de l'anticipation qu'il se forme de son succès5. En somme, au-delà des ruptures qu'elle introduit dans la protection de l'innovation, la loi sur les breve ts de 1791 participe pleineme nt d'un discours libéral vis ant à légitimer une nouvelle ontologie sociale : celle d'une société d'individus, d'un espace social isotrope, où les appuis de l'action, d'extern es, dev iennent intériorisés par les acteurs, dont la subjectivité gagne alors en profondeur et en consistance (Gauchet, 2007). Ancien Régime Post-1791 Nature de la protection privilège : don particulier droit de propriété Source de la protection arbitraire royal Nature, articulée au contractualisme Sanction de l'invention Ex ante, par l'examen Ex post, par le " public », c'est-à-dire le marché Statut de l'inventeur Assujetti Sujet rationnel et calculateur Statut du consommateur Ignorant, " dans l'enfance » Instruit, " éclairé » Nature de l'invention Matérielle Immatérielle et textuelle Tableau 1. Caractérisation idéale-typique des ruptures introduites par la Loi sur les découvertes utiles... de 1791 !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!4 Tandis que la pratique d'Ancien Régime de l'examen préalable relevait de l'art de gouverner selon la " raison d'État », pour reprendre les concepts de Foucault, via " le contrôle et la prise de l'activité des hommes » (Foucault, 2004a, p.330), le nouveau régime de brevets institué par la loi de 1791 exprime bien ce passe à une gouvernementalité libérale, à un " gouvernement minimal des hommes et des choses » (Foucault, 2004b, p.46), dont la règle interne est celle de l'économie maximale. 5 À ceux qui réclament le maintien d'un examen, Boufflers répond : " pourquoi toujours des contradicteurs ? (...) L'esprit de la loi est d'abandonner l'homme à son propre examen. (...) Vous voulez un contradicteur : je vous en offre deux, dont l'un est plus éclairé que vous ne pensez, et l'autre est infaillible : l'intérêt et l'expérience » (Archives parlementaires XXIV, 1885, pp.636-41).

Jérôme Baudry AFS 2013 !&!2. Le processus de marchandisation par la textualisation Avec l'abandon de l'examen préalable, la loi sur les brevets de 1791 introduit plus qu'une rupture purement rhétorique avec les privilèges d'invention de l'Ancien Régime ; au-delà des redé finitions juridiques et théoriques qu'elle eng age, cette loi institue de nouvelles dispositions pratique s dont la trivialité n'est qu'a pparente. L'inventeur doit désormais obligatoirement dé poser une description, textuelle et éven tuellement graphique, de l'invention. Au momen t même où le s droits des aute urs se vo ient reconnaître, c'est seulement en tant que l'inventeur se fait auteur, que l'invention devient texte, que celle-ci peut être approprié e. Ainsi que l'av ait relevé Fou cault (1968), la " fonction-auteur » est bien avant tout " rapport d'appropriation » - l'auteur est celui qui est le seul propriétaire légitime de ses productions mentales. C'est alors bien plutôt par un proces sus d'inscription (Latour, 1990) que par un processus d'abstrac tion que l'invention et la connaissance technique passent du statut de privilège à celui de droit (Biagioli, 2006). Plutôt que d'enregistrer le discours des acteurs, notamment celui qui s'exprime dans la loi, et envisager la mise en propriété de la connaissance comme la conséquence théorique inévitable du jusnaturalisme révolutionnaire, nous pensons que c'est plutôt par l'a nalyse précise des dis positifs matér iels introduits par la loi que la marchandisation de la connaissance se fait jour. Dans le cas des brevets d'invention, ce ne sont pas une machine ou un objet matériel qui constituent l'objet de la propriété, mais bien l'idée ou la connaissance technique dont cette machine ou objet est l'expression actuelle. Les complications engendrées par la propriété intellectuelle proviennent du fait que celle-ci por te sur des immatériels, par définition difficilement s usceptibles d'être individués et précisément délimités. C'est par un dispositif de textualisation que, tant que faire se peut, la connaissance va pouvoir être matérialisée afin d'être transformée en propriété. La matérialisation de la connaissance technique en inscriptions - textes et images - dans les breve ts d'inven tion constitue en quelque sorte l'aboutissement d'un pro jet technologique né lors de la Renaissance, celui de la " réduction en art » (Vérin, 2008), dont l'Encyclopédie de Diderot et d'Alembert ou l'idée d'une Technologie comme science des techniques (Guillerme et Sebestik, 1968 ; Hilaire-Pérez, 2013) ne seraient que des étapes tardives. Ou plutôt, c'est sur fond de ce p rojet de " réduction en art », qui fonctionne alors presque comme un discours au sens de Foucault (1971), que le dispositif de transformation de l'invention en spécification (c'est le terme, d'origine anglaise, utilisé

Jérôme Baudry AFS 2013 !'!dès l'époque pour désigner la description de l'invention dans un brevet) s'inscrit. La possibilité, supposée admise, de " réduire en art » la connaissance technique ouvre la voie à la résolution des difficultés posées par la nécessité de la circonscription de l'immatériel. Si l'on reprend l'analogie avec la terre comme quasi-marchandise, de la même façon que le bouleversement de la propriété terrienne pendant la Révolution va nécessiter la mise en place d'un nouveau Cadastre, l'institution de la propriété intellectuelle nécessite la réunion de plans, de cartes de propriété de la connaissance dans un Cadastre immatériel de fact ure inédite : le Directoire des brevets d'inve ntion (éphémère institution rapidement intégrée au Bureau des arts et manufactures du Ministère de l'Intérieur) où ces cartes sont - en théorie - librement consultables. La spécification, c'est la carte de la propriété revendiquée par l'inventeur, c'est l'instrument par lequel il délimite les contours de sa marchandise6. C'est aussi ce qui rend la marchandise circulable : céder un brevet d'invention, que ce soit totalement ou partiellement selon un modèle qui se rapproche de celui de la licence, c'est pouvoir faire circuler un texte et modifier l'attribution de son auteur. Enfin, après l'expiration du brevet, la spécification est vouée à être publiée et diffusée pour enrichir les connaissances techniques du public - il s'agit d'alimenter un domaine public du savoir technique7. Cependant, comme il n'y a pas de raison de naturaliser la technique et la description technique - il n'y a pas une seule manière de textualiser la connaissance technique, tout comme il n'y a pas qu'une seule manière de faire preuve en science (Shapin et Schaffer, 1985 ; Licoppe, 1996) - les spécifications doivent être conçues comme un espace de jeu où les brevetés peuvent déployer de multiples stratégies discursives. La spécification n'est jamais la réduction neutre - même si elle se présente comme telle - d'une connaissance technique en une inscription, mais bien plutôt le support des intérêts de leurs auteurs. Modifier un mot, chois ir un mode de narration p lutôt qu'un autre, un graph isme spécifique, c'est modifier en même te mps la propriété rev endiquée et jouer s ur ses frontières ; d'où l'intérêt, par exemple, de réduire l'invention technique à une idée, un principe (pour le cas de Watt, voir Robinson, 1972), ou, contrairement aux usages des textes scientifiques, de limiter les références à d'autres inventio ns ou textes, afin de minimiser l'importance de l'état antérieur de la technique (prior art - pour un exemple contemporain, voir Myers, 1995). Fidèle au libéralis me affiché par la loi de 1791, !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!6 Elle constitue " un titre clair et précis auquel [l'inventeur] peut recourir », dit Boufflers. 7 Le terme de " domaine public », d'abord utilisé pour qualifier des domaines de la Couronne, principalement terriens, est repris dès le début du XIXe siècle en ré férence à la propriété intellectuelle.

Jérôme Baudry AFS 2013 !(!l'administration n'édicte aucune recommanda tion ou conventions dev ant régir les spécifications, ce qui semble laisser libre cours aux stratégies des inventeurs - ce qu'on pourrait appeler leur style. 3. L'équipement marchand Si l'analyse que fait Polanyi du désencastrement de l'économie de la vie sociale au XIXe siècle et de l'avènement du marché autorégulateur a pu nous servir de grande fresque d'arrière-plan pour mieux situer notre étude particulière, il reste qu'elle semble achopper sur la caractérisation même du marché. Si, d'après Polanyi, la société de marché échoue du fait de la méconnaissance de la dimension institutionnelle du marché, force est de constater que Polanyi lui-même est peu disert sur ce qui constitue le soubassement de l'action marchande. On aurait sans doute tort de voir le XIXe siècle comme le moment de triomphe d'un libéralisme débridé ; ce qui se fait plutôt jour à ce moment, c'est une distorsion inédite entre les discours des acteurs et leurs pratiques. À un discours libéral du marché autorégulateur très répandu (et le discours de Boufflers en est une bonne illustration) répondent des pratiques qui n'ignorent en rien les nécessités institutionnelles de l'act ivité économique. Certains h istoriens de l'économie (Hirsch, 1991 ; Hirs ch et Minard, 1998) se sont penchés sur cette contradiction en montrant que le discours libéral va de pair avec l'émergence de pratiques qui relèvent de ce qu'ils appellent le " plus-que-privé ». Or, il nous semble qu e le s ressources c onceptuelles off erte par la s ociologie économique et également par l'économie des conventions permettent de caractériser plus exactement l'analyse à effectuer : la construction d'un marché de la connaissance, ou tout au moins la marchandisation de la connaissance, exige tout un ensemble de dispositifs de qualification et de jugement, d'instru ments cogn itifs, ensemble sur lequel s'appuie le travail d'" intermédiaires du droit ». Ces intermédiaires, comme les agents de brevets, vont permettre d'articuler les énoncés juridiques et les conventions qui émergent d'un apprentissage collectif des acteurs de l'invention. Nous avons vu que le brevet d'invention est conçu comme un contrat liant le public, instruit et suffisamment éclairé pou r distinguer le bon produit du mauvais (Minard, 1998), et l'inventeur, sujet rationnel et calculateur qui sait aussi se faire auteur technique. Il va de soi que ces deux entités n'existent pas naturellement ; il faut les construire, les faire advenir par divers appuis au st atut d'individu. À ce titre, la p rolifération de la littérature technique (Bret, Chatzis et Hilaire-Pérez, 2008) et des institutions techniques

Jérôme Baudry AFS 2013 !)!au début du XIXe siècle - par exemple, le Conservatoire des Arts et Métiers, la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, de multip les autres sociét és comme l'Athénée des Arts, de nombreuses écoles industrielles ou techniques comme Centrale ou les Arts et Métiers - mène à la produ ction d' un en semble de norme s tech niques permettant d'assurer la qualité du produit échangé ainsi que de former le jugement des acteurs marchands. Nous pr endrons deux exemples d'institutio ns visant à f ormer le jugement de l'inventeur : le Conservatoire des Arts et Métiers, et au sein du Ministère de l'Intérieur, un Comité consultatif des arts et manufactures dont l'existence et l'activité sont relativement peu connues. Le Conservatoire des Arts et Métiers C'est de manière indirecte que le Conservatoire des Arts et Métiers véhicule des normes venant forme r le jugement de l'invente ur. C'est en effe t à ce tte institution nouvellement créée qu'échoit le rôle de la publication des brevets expirés, prévue par la loi de 1791, et c'est en 1811 que paraît le premier volume de la Description des machines et procédés. L'examen de ces volumes et des spécifications originelles montre qu'à l'intention première du législateur, qui n'était que de publiciser les brevets afin de les rendre au " public », les emplo yés du Con servatoire mêlent un autre objectif, qui est ce lui de l'établissement : l'enseignement et la diffusion du savoir technique. Ils vont alors réaliser un véritable travail de réécriture des mémoires, ainsi que d'adaptation des dessins aux normes graphiques qu i émergent alors dans cet étab lissement - celles du dessin technique moderne (André, 1994). Il s'agit de rationaliser les mémoires écrits par les brevetés, de les rendre plus intellig ibles, e t égalemen t, dans certains cas de critiquer l'invention et de proposer des améliorations. Si l'on repren d la distinction faite par Latour, le Conservatoire n'est pas un simple intermédiaire, mais bien plutôt un médiateur8 : une fois que les spécifications remaniées circulent via la publication de la Description des machines et procédés, elles exposent des normes textuelles et graphiques que les inventeurs peuvent faire leurs. Dans l'exemple ci-dessous, au lavis réaliste, en couleurs et en perspective, est substitué un dessin au trait à plat, analytique, multipliant les vues ; d'une représentation naturaliste de l'objet technique, on passe à un schéma de conception qui privilégie l'intelligence de l'objet à sa copie. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!8 Le médiateur " transforme, traduit, distord, et modifie le sens ou les éléments qu'il est censé transporter », tandis que l'intermédiaire " véhicule du sens ou de la force sans transformation » (Latour, 2005, p. 58).

Jérôme Baudry AFS 2013 !*! !Figures 1 et 2. Machine à tondre les draps brevetée par Jean-Henry Wathier (1804, brevet n° 1BA183), représentée dans le mémoire descriptif et dans volume 3 de la Description... Le Comité consultatif des arts et manufactures Une autre institution véhiculant des dispositifs de qualification et de jugement, et de manière plus directe, est le Comité consultatif des arts et manufactures. Très rapidement après la loi de 1791, la délivrance des brevets sur simple demande et la disparition de l'examen préalable ont fait débat. La liberté totale ne semblant pas porter les fruits qu'on en attenda it, dès 1798 est rétabli un ex amen, off icieux, des inventions , confié à ce Comité. Il ne s'agit pa s en théorie d'évalu er la nouvea uté et l'u tilité des inventions,

Jérôme Baudry AFS 2013 !"+!comme cela pouvait se faire sous l'Ancien Régime, mais d'examiner la conformité des demandes à la loi de 1791, notamment de déterminer si la description est suffisamment claire et précise ; dans le cas contraire, un supplément d'information, sous la forme de nouveaux textes et dessins, sont demandés aux inventeurs. La lecture de ces avis permet de reconstituer l'idée que se fait le Comité consultatif (dont certains des membres ne sont autres que de grands savants de l'époque : Gay-Lussac, Ampère, Thénard, Coriolis) des caractéristiques d'une bonne spécification9. À tr avers ces avis, c'est une figur e de la spécification idéale qui est construite, et les normes textu elles et gr aphiques qui l'informent se voient diffusées aux acteurs de l'invention. Par ailleurs, a u-delà de son rôle de diffusion de n ormes de repré sentat ion et de qualité des objets techniques, le Comité consultatif vient équiper le rapport soi-disant nu entre l'inventeur e t le public en conseillant le premier de ces ac teurs, de manière officieuse. Il s'agit de repérer si l'inv ention n'est que t rop pe u différente d'un objet technique ou d'un procédé déjà existant, qu'il soit breveté ou non, et d'en informer le pétitionnaire pour qu'il sache à quoi il s'engage lors de la procédure. Ainsi, lorsqu'en 1801 Dollfus et Jaegerschmidt souhaitent breveter des " perfectionnements ajoutés à la fabrication de l'acide muriatique oxigéné », tout un ensemble d'observations est porté à leur connaissance : " Ils remet tent une description très déta illée et très complette de leurs procédés, ils y joignent des dessins qui sont faits avec soin et exactitude (...). Le Bureau estime donc que le Brevet qu'ils réclament doit leur être accordé, mais il croit devo ir présenter les observations s uivantes sur les divers perfectionnements proposés par les pétitionnaires : 1° On se sert depuis longtemps dans plusieurs manufactures, et en particulier à Rouen, d'appareils métalliques pour la pr éparation de l'acide muriatique oxigéné. 2° Il est très indifférent de préparer le muriate suroxigéné de potasse, avec la potasse caustique, ou avec le carbonnate de potasse (...). Il n'y a donc dans cette dernière partie de leur procédé rien qui ne soit connu et qui puisse mériter la préférence des artistes. Le Burea u est d'avis qu'il soit é crit aux pétit ionnaires dans le sens de ces observations pour leur éviter l'inconvén ient de demander un brevet dont l'obtention leur serait inutile »10. !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!9 Quatre points semblent stylistiquement essentiels aux yeux de ses membres : le dessin doit comporter une échelle ; le dessin doit être un dessin au trait, et non un lavis, et doit être tracé à l'encre plutôt qu'au crayon ; ce dessin doit offrir plusieurs vues de l'objet technique, en général plan, vue, et élévation ; la meilleure façon de décrire ce dessin est de faire usage de " lettres indicatives » qui seront reproduits dans une légende ou, encore mieux, dans un texte expliquant le fonctionnement de l'invention 10 Brevet n° 1BA2072.

Jérôme Baudry AFS 2013 !""!Les membres du Comité consultatif donnent parfois également leur avis sur la faisabilité de l'inve ntion, et pas seulement sur sa n ouveauté . Ainsi, lorsqu'en 1836 Pierrard demande un brevet d'invention pour une " machine hydraulique propre à remplacer les pompes à feu », le Comité consultatif lui indique que " sa machine est conçue d'après une idée fausse et il est fort à craindre qu'elle ne produise pas l'effet qu'il en attend »11. On le voit : le Comité consultatif des arts et manufactures est un médiateur, placé à l'interface entre l'inventeur et la société, pour informer le premier des termes du contrat dans lequel il s'engage ; autrement dit, pour assurer une partie de la charge d'individu, de sujet rationnel e t calculateur que la loi fait supp orter à l'inventeur. Lorsque ce rtains inventeurs semblent s'offusquer de l'ingérence de l'administration dans leurs demandes, il leur est rapp elé que l'avis du Comité n'est que con sultatif et qu'ils s ont " libres de persister dans leur demande, à leurs risques et périls ». D'autres toutefois intègrent ce dispositif d'intermédiation dans leurs stratégies. Certains inventeurs renoncent à leurs demandes, une fois officie usement conse illés par le Co mité consultatif. D'autres inventeurs - et c'est particulièrement le cas des agent s de b revets -, avan t même l'examen du Comité consultatif, font appel à l'expertise de ses membres pour connaître les antécédents techniques qui pourraient invalider leur propriété. Les agents de brevets Il est significatif que ce soit seulement après que la loi de 1791 reformule et clarifie le statut du privilège d'invention d'Ancien Régime sous la forme d'un droit de propriété, qu'émerge une nouvelle profession qui va se spécialiser dans la marchandisation de la connaissance technique. Assez tôt, vers la fin des années 1810, sur le modèle anglais12, une activité in édite apparaît à Paris, lorsque Louis-Henry-Joseph Truffaut ouvre un cabinet d'agents de brevets à Paris13. La profession se développe rapidement, et à travers la lect ure des brevet s déposés pendant la période , on peut voir un pet it milieu d'ingénieurs et de juristes se cons tituer aut our de cette propriété nouve lle qu'est le brevet14. Les services qu'ils proposent aux inventeurs sont multiples : tout d'abord, ils s'occupent de la demande de brevets et des formalités administratives, ce qui implique la !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!11 Brevet n° 1BA5254. 12 Voir Dutton (1984). 13 Voir Galvez-Behar (2006) pour la fin du XIXe siècle. 14 Depuis le moment de leur apparition, en 1819, la proportion de brevets traitée par les agents de brevets croit progressivement pour s'élever à 12,5 % en 1837. Dans la très grande majorité des cas, les brevets pris par l'intermédiaire d'agents sont le fait d'inventeurs étrangers, américains et surtout anglais ; toutefois, le recours à ces agents par les inventeurs française se développe à partir du milieu des années 1830.

Jérôme Baudry AFS 2013 !"#!plupart du temps la rédaction des mémoires descriptifs et la préparation des dessins ; à ce service principal s'ajout ent notamment l'informatio n technique et commerciale (en particulier, la consultation des brevets déjà déposés) ainsi que la facilitation des cessions. ! Médiateurs entre l'inventeur et l'administration, entre l'inventeur et le marché, les agents de brevets, par la quantité de brevets qu'ils traitent, introduisent, en plus d'un style qui leur es t propre, u ne certaine u niformité dans la rédaction des spécification s. Véritables " intermédiaires du droit » (Bessy, Delpeuch et Péliss e, 2011 ; Bessy et Chauvin, 2013), ils vont permettre l'articulation des normes venues d'en haut, qu'elles soient juridiques - celles qui sont inscrites dans la loi elle-même, mais aussi dans la jurisprudence qui se constitue progre ssivement - ou scientif iques - dont le Comité consultatif des arts et manufactures, ainsi que le Conservatoire des Arts et Métiers, sont des véhicule s -, avec les conventions venues d' en bas, telles qu'elles émergent des pratiques des micro-acteurs que sont les brevetés. Pour ce qui s'agit des spécifications, vont être artic ulées par les agents de brevets des normes technique s de précision, d'opérationnalité et de reproductibilité, et des conventions mettant en avant l'idéalisation et la sché matisatio n de l'invention. Prenons l'exemple des mémoires rédigés par le cabinet de Perpigna, qui ont une structure très formalisée. Le mémoire commence par une courte " Introduction » dans laquelle est e xposée la " nature », le " principe » de l'invention. Suit alors la partie centrale, qui consiste en une description de dessins : ceux-ci sont d'abord présentés brièvement un à un, avant d'être plus précisément décrits par le recours au texte et à de s lettres indicatives15. À la fin de la descr iption, le de rnier paragraphe expose ce qu'il y a de n ouveau dans l'invention et ce que l'inventeur !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!15 Par exemple , voici un extrait du mém oire correspondant a u breve t n° 1BA6422 pris par Nicholson en 1838 pour des " perfectionnements dans les machines à filer » : " En supposant que la machine soit mise en mouvement par la courroie E pendant que le charriot C est sous les cylindres d'amène, le premier mouvement qui est nécessaire et que je vais décrire est la sortie du charriot, ce que j'obtiens au moyen de la courroie D activée par la poulie D' à laquelle elle est attachée... » Figure 3. Le cabinet de Jurisprudence industrielle d'Antoine Perpigna.

Jérôme Baudry AFS 2013 !"$!revendique donc comme sa proprié té, souvent par l'utilisation d' une anaphor e " Je signale comme nouvelle... Je signale comme nouvelle... Etc. » ; ce dernier paragraphe consiste d'ailleurs souvent en une reprise de l'intr oduction. Le travail de médiation, d'articulation des intermédiaires du droit donne donc naissa nce à un sty le presque paradoxal, à tout le moins hydride, et ce pou r deux ra isons : 1) à l'exigence de délimitation et de revendication de la propriété nouvelle (ce qui sera plus tard formalisé dans la partie de la spécification que l'on appelle claim) répond, comme en contrepoint, l'idée que l'invention peut être réduite à un principe, ce qui étend l'invention au-delà de son actualisation dans une machine particulière ; 2) à l'exigence de description précise et minutieuse des parties de la machine, facilitée par l'emploi de lettres indicatives, répond un style qui, comme on le voit dans la note 14, décrit ces parties non pour elles-mêmes mais seulement en tant qu'elles font partie d'un tout qui les dépasse, ou plus exactement d'un " mouvement » qui les actionne - ce mouvement pouvant justement être identifié au principe de l'invention. Schéma 1. Les intermédiaires du droit, ou la médiation entre normes et conventions Le nouveau est avant tout immatériel Les parties font l'assemblage Introduction Invention = principe Description Parties de la machine Conclusion Nouveauté de l'invention IDÉALISATION PRÉCISION La propriété est délimitée L'assemblage supplante les parties

Jérôme Baudry AFS 2013 !"%!Conclusion La loi sur les brevets de 1791, en tant qu'elle constitue ces derniers en véritables droits (naturels) de propriété, semble participer de ce mouvement de désencastrement de l'économie dont parlait Polanyi. Elle institue un processus inédit de marchandisation de la connaissance en requalifiant les acteurs de l'innovation par diverses fictions théoriques, dont la Nature et le Contrat sont les plus efficaces. La logique libérale qui préside à cette loi laisse alors face-à-face deux entités , l'inventeur (-génie-auteur-entrepreneur) et le public(-éclairé-instruit-consommateur). Nous avons tâché cependant de montrer que ce processus de mise en marchandise de la connaissance n'allait pas de soi : d'abord parce qu'il faut co nstruire l'inventio n technique comme marchandise, par le biais d'inscriptions ; ensu ite parce qu'un tel travail pa sse par la mise en place de diver s dispositifs de qualification et de jugement, dont nous avons donné quelques exemples. Au regard de la situation conte mporaine , et notamment d'un éventuel " second mouvement d'enclosure », cette étude appelle trois ensembles de remarques : 1) Si le rec our s au dé paysement historique amène à relativis er la nouveauté des transformations actuelles, ce n'est pas tant parce que l'appropriation et la marchandisation de la connaissance ont une histoire déjà longue de deux siècles, mais plutôt parce qu'au regard des dispositifs que nous avons ét udiés, il semble que le processus de mise en marchandise de la connaissance soit aujourd'hui beaucoup plus équipé, plus intermédié qu'autrefois. La délivrance des brevets sur simple demande (et peut-être la logique libérale sur laquelle elle se fondait) a laissé place à un retour de la procédure de l'examen préalable, ce qui a donné lieu à l'émergence d'un nouveau groupe professionnel, celui des ingénieurs examinateurs, dont la puissance normalisatrice est très forte. Nous manquons hélas d'études ethnographiques sur ces acteurs et les institutions dans lesquelles ils travaillent, Patent Office aux États-Unis ou Institut National de la Propriété Industrielle en France. Le " second mouvement d'enclosure » n'es t ainsi peut-être pas aussi dérégulé, ou " désencastré » qu'on le croit. De surcroît, cette thèse, en concevant l'extension de la brevetabilité comme une enclosure, en vient facile ment à une critique de bon aloi de l'extension de l'empire de la propriété sur le - c'est-à-dire aux dépens du - domaine du commun. Le domaine public ne serait que l'envers, que le " reste » de la propriété (Boyle, 2008). Ne sera it-il pa s toutefois plus pertinent d'adopter une vision plus fine et

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