Méthode de commentaire critique
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Licence 1 Semestre 2Christophe HUMBERT
Faculté des Sciences sociales
Méthode de commentaire critique
L'exercice de commentaire critique d'un document a pour but de répondre aux objectifs suivants :* Repérer les différentes articulations d'un texte (introduction - problématique - méthodologie -
discussion - conclusion) iRepérer et comprendre les concepts " clés » mobilisés par le/les auteursiPlacer le/les auteurs dans leur contexte: historique, épistémologique, etc. Il convient de se poser la
question d' " où » écrit l'auteur? iSynthétiser les propos d'un/une auteur-eiJuger et rendre compte de la portée d'un texte sur différents plans: scientifique (infirmation,
confirmation, renouvellement de connaissances préalables), méthodologique (pourquoi telle
démarche plutôt qu'une autre, lien entre démarche utilisée et visée explicative et/ou compréhensive)
historique (sa place dans l'histoire de la pensée sociologique ou pré-sociologique), politique (implication dans une démarche critique ou " neutralité axiologique » et dans les deux cas " pourquoi »?)I/ Avant la lecture
Il vous est recommandé de répondre aux questions suivantes :1. Dans quelle lignée écrit l'auteur ?
2. A quelle époque ?
3. Contre qui ? Avec qui ?
4. Est-ce son 1er texte ? Son dernier ?
5. Quel est l'objet du texte ?
II/ Lire activement et attentivement le texte
Étape 1 : Cherchez la définition de tous les termes qui vous sont inconnus.Étape 2 : Résumez le texte au fur et à mesure et avec vos propres mots = faire le plan du texte
Étape 3 : Repérez les moments forts du texte (mots de liaison, alinéas...). Étape 4 : Repérez surtout dans un premier temps les moments de conclusions, les moments d'argumentation, les moments d'introduction. Étape 5 : Expliquez les moments importants : d'abord les plus importants = ceux de conclusions ; ensuite les moments d'argumentations. Dans un premier temps, votre travail de commentaire critique consistera à synthétiser les propos de l'auteur.III/ Comment construire la synthèse
1 . Avant le plan :
Il s'agit toujours de répondre à la question suivante : quelle est l'ambition de l'auteur et l'enjeu du
texte ?→ En général : 1 ou 2 (voire 3) idées force dans un texte que vous arriverez à dégager à l'issue de
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l'étape 4 ci-dessus · Si 1 idée force uniquement : se servir des différents arguments pour construire le plan. · Si 2 idées force ou plus : construire chaque partie à partir d'elles→ Accompagner l'exposé (ou le finir, en 3e partie ou en conclusion) par une analyse critique :
- le texte est-il à la hauteur de ses enjeux ? - l'argumentation est-elle solide, cohérente ?On peut tout-à-fait partager pleinement le point de vue de l'auteur et adhérer à sa démarche, mais
dans ce cas il convient de développer.2. Le plan en lui-même :
J'ai affecté un code-couleurs aux différentes parties du plan. Le commentaire critique que j'ai moi-
même rédigée concernant le texte de Durkheim présenté ci-dessous comporte le même type de
code, afin que vous puissiez vous y retrouver (cf. synthèse " couleurs » en lien sur le blog).* Tout écrit démarre par une introduction. Celle-ci suit le développement suivant : une phrase
d'accroche qui éveille l'intérêt du lecteur. Une présentation de l'auteur et du texte. La problématique
à laquelle vous allez tenter de répondre à travers votre écrit. À défaut, la problématique centrale du
texte. !!! La problématique est le point central de votre commentaire, en même temps que, très
probablement, ce qu'il y a de plus difficile à faire. Pas de panique si vous êtes en difficulté sur ce
point dans un premier temps, l'idée est de travailler cela ensembel !!! Enfin, une présentation du plan que vous allez suivre.* Une première partie, présentant l'idée-force 1 du texte. Dans l'exemple donné, il s'agit de présenter
la rupture prônée par Durkheim vis-à-vis de ses prédécesseurs, dont Auguste Comte. Cette partie
vise à développer la volonté durkheimienne d'étudier les faits sociaux comme des choses, à l'instar
des sciences naturelles.* La seconde partie présente l'idée-force 2. Dans l'essai de commentaire critique rédigé par moi-
même, j'y présente la démarche qu'on nommera plus tard " déterminisme méthodologique »,
défendue par l'auteur.*La troisième partie ici présentée propose une analyse critique de l'épistémologie durkheimienne. Il
est également envisageable, le cas échéant, de présenter l'idée-force 3 du texte. * Enfin la conclusion. J'ai choisi de suivre le cheminement inverse de l'introduction. Dans unpremier temps, j'ai repris les différentes parties et leurs apports. Et enfin, j'ai terminé par une
ouverture vers des perspectives. Ici en l'occurrence, j'ai choisi de resituer mes analyses critiques de
l'épistémologie déterministe en évoquant un auteur (Bourdieu) qui avait su allier la rigueur
durkheimienne avec une analyse fine des rapports de domination de son époque. Dans l'hypothèseoù vous n'auriez pas consacré votre troisième partie à une analyse critique, celle-ci peut se placer le
cas échéant dans la conclusion.Le cas échéant, s'il s'avérait que le texte ne comprenne qu'une seule " idée-force », le plan pourrait
alors se construire sur les arguments employés pour la démontrer (celle-ci serait alors présentée en
introduction) :Licence 1 Semestre 2Christophe HUMBERT
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Introduction - argument 1 - argument 2 - argument 3 - conclusion En L1, je ne vous demande pas de rédiger totalement la synthèse, simplement de présenter unplan détaillé. Seules seront rédigées intégralement l'introduction et la conclusion. Pour le
reste, vous présenterez les choses de la façon suivante :Partie 1
- idée force : ... - arguments employés par l'auteur pour la démontrer :Partie 2
idem...à titre d'exemple, le texte ci-dessous correspond à un commentaire critique que j'ai moi-même
réalisé, à partir d'un extrait d'un ouvrage de Durkheim (tire ci-dessous)DURKHEIM E., Ch. II " règles relatives à l'observation de faits sociaux », in Les règles de la méthode
sociologique, 1894. Défini comme le " sociologue par excellence » (Simon, 1991), Émile Durkheim vise au traversde cet écrit à formaliser ce qui constitue selon lui la " méthode sociologique », inaugurant ce faisant une
" rupture épistémologique » (Berthelot, 1991, p.33) avec ses prédécesseurs. Normalien, agrégé de
philosophie, l'auteur s'inscrit dans la tradition positiviste de son époque, à la suite d'Auguste Comte. Si
ce dernier a ouvert en France, la voie d'une science des sociétés à laquelle il donna le nom de
" sociologie », c'est Durkheim qui va s'appliquer à en formaliser les " règles », dans son second ouvrage
ici partiellement présenté.Nous questionnerons la pertinence épistémologique de la " méthode » durkheimienne, portant
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sur l'analyse des phénomènes sociaux, au sein des sociétés " modernes »1, aux prises d'un processus
d'individualisation croissant amenant une " division du travail social » (Durkheim, 1893).Dans une première partie, nous tenterons de définir en quoi ce texte permet de poser une rupture
avec les conceptions précédentes de la discipline, tout en s'inscrivant dans une continuité avec les
méthodes des sciences naturelles, visant à " étudier les faits sociaux comme des choses ». Puis, partant
d'une définition du " fait social », nous donnerons une lecture du déterminisme aux fondements de la
méthode durkheimienne. Enfin, nous formulerons une analyse critique de ladite méthode, que nous
considérons impropre à saisir les nouvelles formes de domination, liées à l'émergence des sociétés
capitalistes modernes. Si Durkheim partage le point de vue comtien quant à la nécessité d'appliquer une méthoded'analyse rigoureuse et " positive » au fonctionnement des sociétés, il va néanmoins marquer ses
distances à l'égard de ce dernier. En effet, alors que Comte part de l'idée d'une évolution continue du
devenir des sociétés humaines, Durkheim va précisément lui objecter que ce sont des " idées » qu'il
prend pour objets d'études. En effet, pour ce dernier la sociologie, en tant que discipline scientifique, ne
saurait pronostiquer un hypothétique devenir des sociétés2. Dans pareil cas, elle resterait au rang d'un
" art » et ne pourrait prétendre à la nécessaire rigueur propre aux sciences. S'inspirant néanmoins de
Comte, c'est dans les sciences naturelles que l'auteur va puiser les fondements de la disciplinenouvellement constituée. Il s'agit d'analyser les " faits sociaux » comme des " choses », à l'instar des
sciences naturelles. Il convient alors de se défaire des " prénotions », afin d'objectiver l'analyse des faits.
Tout comme la révolution copernicienne a dissipé les illusions de nos sens touchant le mouvement des
astres, la sociologie durkheimienne a pour ambition de marquer la " rupture épistémologique » entre les
notiones vulgares et les faits sociaux scientifiquement fondés.L'auteur définit le fait social comme " toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d'exercer
sur l'individu une contrainte extérieure 3 ; ou bien encore, qui est générale dans l'étendue d'une société
1Que nous définirons par la transformation de l'Ancien Régime (notamment par le biais de la Révolution française)
et par " l'émergence de l'industrie dans les sociétés capitalistes occidentales » (Giraud, 1997, p.5), à savoir ce
qu'Adolphe Blanqui a nommé " Révolution industrielle. »2Ce faisant, il ne s'oppose pas à ce que les résultats de ses analyses soient exploités à des fins politiques. Bien au
contraire, selon ses propos, " la sociologie ne vaut pas une heure de peine si elle ne devait avoir qu'un intérêt
spéculatif » (1893). Il nous semble que sa " méthode », en vue de l'objectivation du savoir, implique de s'écarter, le
temps de l'analyse, de toute visée " utilitaire ». C'est dans une seconde phase, celle de la diffusion des
connaissances ainsi produites, que ses thèses de " sociologie morale » pourront viser alors à éclairer les choix
politiques de son époque. La sociologie de Durkheim pourra alors être considérée comme " une technique sociale
capable de traiter les conflits sociaux. Elle a besoin selon lui de concepts fermes et consistants, permettant de
dégager les lois sociales naturelles [...] » (Pfefferkorn, 2007, p.40).3Nous soulignons
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donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles » (1894,
ch.1). La " chose » ainsi définie se reconnaît principalement à la contrainte forte qu'elle exerce sur les
individus. En ce sens, la société leur préexiste et ces derniers sont déterminés par elle. En cela,
l'épistémologie durkheimienne est déterministe et holiste. Il ne nie pas la possibilité du changement,
mais il précise que celui-ci ne peut avoir lieu qu'au prix d'un effort plus ou moins laborieux. Les actions
humaines seraient alors comme coulées en des " moules ». Les faits sociaux excèdent ce faisant leurs
manifestations individuelles. Il va citer en illustration de ce principe les formes de solidarité sociale,
qu'il a étudiées dans son précédent ouvrage, à travers les systèmes de règles juridiques qui les
expriment. C'est par ce biais qu'il parvient à étudier le " fait » de la solidarité, en tant qu'il se poursuit
des sociétés à solidarité " mécanique », à celles définies par leurs liens de solidarité " organique »
(1893). Nous reconnaissons à Durkheim l'immense mérite d'avoir formalisé une méthode autantcomplexe qu'inédite en son temps, d'interprétation scientifique du fonctionnement des sociétés.
Certaines de ses analyses sur le suicide notamment, d'une grande rigueur méthodologique, continuent
d'être vérifiées plus d'un siècle après leur parution (Besnard, 1997). Il nous semble cependant que les
fondements épistémologiques de sa " méthode » n'en sont pas moins discutables. En réifiant ainsi le
" fait social » en tant que " moule » voué à produire des individus, et précisément en tant qu'il analyse
par ce biais les principes permettant le maintien du " lien social » (1893) au sein des sociétés à solidarité
" organique », la pensée de l'auteur ne permet pas selon nous de rendre compte de la conflictualité des
rapports sociaux induits par le mode capitaliste de production. Selon Roland Pfefferkorn : " Durkheim passe sans hésitation des lois de la sélection naturelle aux lois naturelles de lasociété, et des organismes vivants aux organismes sociaux. Parmi ces lois, il serait notamment vain
de troubler celle de l'inégalité » (ibid.).La sociologie morale durkheimienne visant à mettre à jour des lois " naturelles » immuables de
la société, ne nous semble pas apte à rendre compte des rapports de domination dénoncés par Marx et
Weber (quoique sous des modalités distinctes de l'un à l'autre). A contrario, son approche tendrait à les
naturaliser4.Au travers de cette note de synthèse critique, nous avons souhaité répondre à la problématique
4" Car si rien n'entrave ou ne favorise indûment les concurrents qui se disputent les tâches, il est inévitable que ceux-là
qui sont les plus aptes à chaque genre d'activité y parviennent. La seule cause qui détermine alors la manière dont le travail se
divise est la diversité des capacités. Par la force des choses, le partage se fait donc dans le sens des aptitudes, puisqu'il n'y a
pas de raison pour qu'il se fasse autrement. Ainsi se réalise de soi-même l'harmonie entre la constitution de chaque individu et
sa condition » (Durkheim, 1893).Licence 1 Semestre 2Christophe HUMBERT
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de la pertinence de l'épistémologie déterministe durkheimienne d'un point de vue purement scientifique
tout d'abord, puis en regard à l'analyse des rapports de domination induits par les modes de production
capitalistes modernes. Après avoir souligné la rupture marquée par l'auteur avec les sociologues l'ayant
précédé, nous avons puisé dans le texte l'expression de sa volonté de calquer sa méthode sociologique
sur celles propres aux sciences naturelles. Nous rejoignons ce faisant Pierre-Jean Simon (ibid.), selon
lequel Durkheim serait le " sociologue par excellence ». Nous avons dans un second temps extrait du
texte les éléments permettant de souligner le déterminisme aux fondements de la méthode prônée par
l'auteur. Selon celui-ci, en effet, les individus sont " produits » par une société qui leur pré-existe, et
leurs actions sont contraintes par des faits sociaux qui leur sont extérieurs. Pour finir, nous avons émis
une analyse critique de la méthode durkheimienne, au sens où, selon nous, son épistémologie
déterministe (ou holisme méthodologique) appliquée à " la division du travail social », ne permettait
non seulement pas la prise en compte des rapports de domination sus-mentionnés, mais tendait aucontraire à les naturaliser. Au terme de cet exposé, nous souhaitons néanmoins resituer notre analyse
critique. Celle-ci porte bien sur la méthode de Durkheim, et n'est certes pas valable pour tous les auteurs
se revendiquant d'un " déterminisme méthodologique », loin s'en faut. Pour exemple, un auteur majeur
du XXè siècle tel que Bourdieu, a su allier la rigueur durkheimienne à une analyse des plus pertinentes
desdits rapports de domination, induisant des formes de " violence symbolique ».Bibliographie
Berthelot J.-M., La construction de la sociologie, Paris, PUF, " Que sais-je ? », 1991.Besnard P., Mariage et suicide : la théorie durkheimienne de la régulation conjugale à l'épreuve d'un
siècle, Revue française de sociologie, 1997, Vol. 38, pp. 735-758. Durkheim E., De la division du travail social, 1893. Durkheim E., Les règles de la méthode sociologique, 1894. Giraud C., Histoire de la sociologie, Paris, PUF, " Que sais-je ? », 1997.Pfefferkorn R., Inégalités et rapports sociaux. Rapports de classe, rapports de sexe, Paris, La Dispute,
2007.Simon P.-J., Histoire de la sociologie, Paris, PUF, 1991.