[PDF] Séquence 4 la rencontre amoureuse (13p)



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Romy Berthou Comte 1°es >COMMENTAIRE SUR MODERATO CANTABILE

Elle écrivit Moderato Cantabile qui parut en 1958 aux éditions de minuits, cette œuvre s'inscrit dans le nouveau roman dans la mesure où le personnage principale à l'origine appelé « héros » n'a rien d'héroïque, c'est une femme à la vie qui paraît la plus ordinaire qu'il soit Marguerite Duras propose dans cette



Texte 4 : Marguerite Duras, Moderato Cantabile, 1958

Texte 4 : Marguerite Duras, Moderato Cantabile, 1958 Anne Desbaresdes boit de nouveau un verre de vin tout entier les yeux mi-clos Elle en est déjà à ne plus pouvoir faire autrement Elle découvre, à boire, une confirmation de ce qui fut jusque-là son désir obscur et une indigne consolation à cette découverte



Séquence 4 la rencontre amoureuse (13p)

Texte 3 Moderato Cantabile (chapitre II) Marguerite Duras (1958) 5 10 15 20 25 30 35 40 L’homme avait cessé de lire son journal — Justement hier à cette heure-ci, j’étais chez Mademoiselle Giraud Le tremblement des mains s’atténua Le visage prit une contenance presque décente — Je vous reconnais — C’était un crime, dit



la représentation de l’amour - ac-aix-marseillefr

Lecture analytique n°3: Zola, Germinal, Septième partie, V, 1885 Pour entrer dans le texte : Les textes précé-dents - Duras, Moderato Cantabile



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Texte4:((ModeratoCantabile,MargueriteDuras(1958) AnneDesbaresdesboitdenouveauunverredevintoutentierlesyeuxmi9clos Elleenestdéjàànepluspouvoir



Lycée Français de Séoul EAF 2016- 1e ES/L/S Descriptif des

Marguerite DURAS, Moderato Cantabile , 1957 Histoire des arts : 1 Georges de LA TOUR (1593-1652), La Madeleine transposition de la lecture analytique 4) Lycée



DEVOIRS Fran ais - cours-legendre-eadfr

2ème leçon Moderato Cantabile, Marguerite Duras 3ème leçon Le héros sur le divan SÉRIE 4 Une « nouvelle vague » de personnages 1ère leçon Un cinéma « réaliste ª jO¶LPDJHGHODYLH 2ème leçon La littérature et la Nouvelle Vague 3ème leçon Des antihéros



Laurent Gaudé Jean Echenoz Je m’en vais

1 Prégénérique et lecture du début du roman 1’40 2 Le travail de documentation avant l'écriture 5’10 3 L’origine de la Nechilik 2’10 4 Cohérence de la fiction 1’30 5 Le son au service du récit 4’05 6 Le roman policier et le roman d'aventure comme trame fictionnelle 2’45 7 Le refus de la psychologie chez les



En attendant Nadeau

Lyotard) et philosophie analytique, assure Christian Descamps À voir Jacques Le Rider, qui connaît si bien la Vienne de la grande époque créatrice, éclaire la composition par Arthur Schnitzler de sa nouvelle Gloire tardive

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SÉQUENCE 4 LA RENCONTRE AMOUREUSE

Problématique Comment les scènes de rencontre amoureuse révèlent-elles la métamorphose du

personnage de roman ?

Objet d'étude

Le personnage de roman, du XVIIème siècle à nos jours Lectures analytiques Lectures cursives Activités complémentaires

Texte 1

La Princesse de Clèves

Madame de La Fayette (1678)

Texte 2

Madame Bovary (II,8)

Gustave Flaubert (1857)

Texte 3

Moderato Cantabile

Marguerite Duras (1958)

1. Mise en perspective des extraits

étudiés :

•La Princesse de Clèves paragraphe précédant le texte

étudié

•Le personnage d'Emma etl'arrière-plan romantique- Madame Bovary (I,6) -Le lys dans la vallée Balzac (1836)

2.En complément du texte 1 La Princesse

de Clèves

HDA La beauté féminine : comparaison

de trois représentations de Vénus - "La naissance de Vénus" S. Boticelli 1484
- "Vénus anadyomène" Titien 1520-25 - "Vénus au miroir" Rubens 1614-15

3. Le Nouveau Roman

-Tropismes N. Sarraute 1939 -La Modification M. Butor 1957 -La Jalousie A. Robbe-Grillet 1957 -Pour un Nouveau Roman A. Robbe-

Grillet 1963

-Le Père Goriot Balzac

HDA Projection du film A bout de

souffle - Jean Luc Godard (1960) dans le cadre du projet " Lycéens au cinéma »

La Nouvelle Vague /le " Cinéma

de la Qualité »

Comparaison de la scène de

rencontre entre Patricia et Michel, avec un extrait du Diable au corps de Claude Autant- Lara (1947) : la rencontre entre François et

Marthe

Lecture cursive intégrale

Moderato Cantabile Marguerite Duras

1958

LECTURES ALALYTIQUES

Texte 1 La Princesse de Clèves (Première Partie)

Madame de La Fayette (1678)

5 10 15 20

25 Cette héritière était alors un des grands partis qu'il y eût en France ; et quoiqu'elle fût

dans une extrême jeunesse, l'on avait déjà proposé plusieurs mariages. Madame de Chartres, qui était extrêmement glorieuse, ne trouvait presque rien digne de sa fille ; la

voyant dans sa seizième année, elle voulut la mener à la cour. Lorsqu'elle arriva, le vidame

alla au-devant d'elle ; il fut surpris de la grande beauté de mademoiselle de Chartres, et il en fut surpris avec raison. La blancheur de son teint et ses cheveux blonds lui donnaient un

éclat que l'on n'a jamais vu qu'à elle ; tous ses traits étaient réguliers, et son visage et sa

personne étaient pleins de grâce et de charmes. Le lendemain qu'elle fut arrivée, elle alla pour assortir des pierreries chez un Italien qui en trafiquait par tout le monde. Cet homme était venu de Florence avec la reine, et s'était tellement enrichi dans son trafic, que sa maison paraissait plutôt celle d'un grand seigneur que d'un marchand. Comme elle y était, le prince de Clèves y arriva. Il fut tellement surpris de sa beauté, qu'il ne put cacher sa surprise ; et mademoiselle de Chartres ne put s'empêcher de rougir en voyant l'étonnement qu'elle lui avait donné. Elle se remit néanmoins, sans témoigner d'autre attention aux actions de ce prince que celle que la civilité lui devait donner pour un homme tel qu'il paraissait. Monsieur de Clèves la regardait avec admiration, et il ne pouvait comprendre qui était cette belle personne qu'il ne connaissait point. Il voyait bien par son air, et par tout ce qui était à sa suite, qu'elle

devait être d'une grande qualité. Sa jeunesse lui faisait croire que c'était une fille ; mais ne

lui voyant point de mère, et l'Italien qui ne la connaissait point l'appelant madame, il ne savait que penser, et il la regardait toujours avec étonnement. Il s'aperçut que ses regards l'embarrassaient, contre l'ordinaire des jeunes personnes qui voient toujours avec plaisir

l'effet de leur beauté ; il lui parut même qu'il était cause qu'elle avait de l'impatience de

s'en aller, et en effet elle sortit assez promptement. Monsieur de Clèves se consola de la

perdre de vue, dans l'espérance de savoir qui elle était ; mais il fut bien surpris quand il sut

qu'on ne la connaissait point. Il demeura si touché de sa beauté, et de l'air modeste qu'il avait remarqué dans ses actions, qu'on peut dire qu'il conçut pour elle dès ce moment une passion et une estime extraordinaires. Texte 2 Madame Bovary (Deuxième partie, chapitre 8)

Gustave Flaubert (1857)

5 10 15 20 25
30

35 M. Lieuvain se rassit alors ; M. Derozerays se leva, commençant un autre discours. Le sien peut-

être, ne fut point aussi fleuri que celui du Conseiller ; mais il se recommandait par un caractère de style

plus positif, c'est-à-dire par des connaissances plus spéciales et des considérations plus relevées. Ainsi,

l'éloge du gouvernement y tenait moins de place ; la religion et l'agriculture en occupaient davantage.

On y voyait le rapport de l'une et de l'autre, et comment elles avaient concouru toujours à la civilisation.

Rodolphe, avec madame Bovary, causait rêves, pressentiments, magnétisme. Remontant au berceau des

sociétés, l'orateur vous dépeignait ces temps farouches où les hommes vivaient de glands, au fond des

bois. Puis ils avaient quitté la dépouille des bêtes ; endossé le drap, creusé des sillons, planté la vigne.

Etait-ce un bien, et n'y avait-il pas dans cette découverte plus d'inconvénients que d'avantages ? M.

Derozerays se posait ce problème. Du magnétisme, peu à peu, Rodolphe en était venu aux affinités, et,

tandis que M. le président citait Cincinnatus à sa charrue, Dioclétien plantant ses choux, et les empereurs

de la Chine inaugurant l'année par des semailles, le jeune homme expliquait à la jeune femme que ces

attractions irrésistibles tiraient leur cause de quelque existence antérieure. - Ainsi, nous, disait-il,

pourquoi nous sommes-nous connus ? quel hasard l'a voulu ? C'est qu'à travers l'éloignement, sans

doute, comme deux fleuves qui coulent pour se rejoindre, nos pentes particulières nous avaient poussés

l'un vers l'autre.Et il saisit sa main ; elle ne la retira pas. " Ensemble de bonnes cultures ! » cria le

président. - Tantôt, par exemple, quand je suis venu chez vous... " À M. Bizet, de Quincampoix. » -

Savais-je que je vous accompagnerais ?

" Soixante et dix francs ! » - Cent fois même j'ai voulu partir, et je vous ai suivie, je suis resté. " Fumiers. » - Comme je resterais ce soir, demain, les autres jours, toute ma vie ! " À M. Caron, d'Argueil, une médaille d'or ! » - Car jamais je n'ai trouvé dans la société de personne un charme aussi complet. " À M. Bain, de Givry-Saint-Martin ! » - Aussi, moi, j'emporterai votre souvenir. " Pour un bélier mérinos... » - Mais vous m'oublierez, j'aurai passé comme une ombre. " À M. Belot, de Notre-Dame... » - Oh ! non, n'est-ce pas, je serai quelque chose dans votre pensée, dans votre vie ? " Race porcine, prix ex aequo : à MM. Lehérissé et Cullembourg ; soixante francs ! »

Rodolphe lui serrait la main, et il la sentait toute chaude et frémissante comme une tourterelle captive

qui veut reprendre sa volée ; mais, soit qu'elle essayât de la dégager ou bien qu'elle répondît à cette

pression, elle fit un mouvement des doigts ; il s'écria :

- Oh ! merci ! Vous ne me repoussez pas ! Vous êtes bonne ! vous comprenez que je suis à vous !

Laissez que je vous voie, que je vous contemple !

Un coup de vent qui arriva par les fenêtres fronça le tapis de la table, et, sur la Place, en bas, tous les

grands bonnets des paysannes se soulevèrent, comme des ailes de papillons blancs qui s'agitent.

Texte 3 Moderato Cantabile

(chapitre II)

Marguerite Duras (1958)

5 10 15 20 25
30
35

40 L'homme avait cessé de lire son journal. - Justement hier à cette heure-ci, j'étais chez Mademoiselle Giraud.

Le tremblement des mains s'atténua. Le visage prit une contenance presque décente. - Je vous reconnais. - C'était un crime, dit l'homme.

Anne Desbaresdes mentit.

- Je vois... Je me le demandais, voyez-vous. - Parfaitement, dit la patronne. Ce matin, c'était un défilé.

L'enfant passa à cloche-pied sur le trottoir.

- Mademoiselle Giraud donne des leçons à mon petit garçon. Le vin aidant sans doute, le tremblement de la voix avait lui aussi cessé. Dans les yeux, peu à peu, afflua un sourire de délivrance. - Il vous ressemble, dit la patronne. - On le dit - le sourire se précisa encore. - Les yeux. - Je ne sais pas, dit Anne Desbaresdes. Voyez-vous... tout en le promenant, je trouvais que c'était une occasion que de venir aujourd'hui ici. Ainsi... - Un crime, oui.

Anne Desbaresdes mentit de nouveau.

- Ah, je l'ignorais, voyez-vous. Un remorqueur quitta le bassin et démarra dans le fracas régulier et chaud de ses moteurs. L'enfant s'immobilisa sur le trottoir, pendant le temps que dura sa manoeuvre, puis il se retourna vers sa mère. - Où ça va ?

Elle l'ignorait, dit-elle. L'enfant repartit. Elle prit le verre vide devant elle, s'aperçut de sa

mégarde, le reposa sur le comptoir et attendit, les yeux baissés. Alors, l'homme se rapprocha. - Vous permettez. Elle ne s'étonna pas, toute à son désarroi. - C'est que je n'ai pas l'habitude, Monsieur.

Il commanda du vin, fit encore un pas vers elle.

- Ce cri était si fort que vraiment il est bien naturel que l'on cherche à savoir. J'aurais pu

difficilement éviter de le faire, voyez-vous.

Elle but son vin, le troisième verre.

- Ce que je sais, c'est qu'il lui a tiré une balle dans le coeur. Deux clients entrèrent. Ils reconnurent cette femme au comptoir, s'étonnèrent.

- Et, évidemment on ne peut pas savoir pourquoi ? Il était clair qu'elle n'avait pas l'habitude du

vin, qu'à cette heure-là de la journée autre chose de bien différent l'occupait en général.

- J'aimerais pouvoir vous le dire, mais je ne sais rien de sûr. - Peut-être que personne ne le sait ? - Lui le savait. Il est maintenant devenu fou, enfermé depuis hier soir. Elle, est morte. L'enfant surgit du dehors et se colla contre sa mère dans un mouvement d'abandon heureux. Elle lui caressa distraitement les cheveux. L'homme regarda plus attentivement. - Ils s'aimaient, dit-il.

LECTURES CURSIVES

Madame Bovary

(Première partie chapitre 6)

Gustave Flaubert 1857

5 10 15

20Il y avait au couvent une vieille fille qui venait tous les mois, pendant huit jours, travailler à la

lingerie. Protégée par l'archevêché comme appartenant à une ancienne famille de

gentilshommes ruinés sous la Révolution, elle mangeait au réfectoire à la table des bonnes

soeurs, et faisait avec elles, après le repas, un petit bout de causette avant de remonter à son

ouvrage. Souvent les pensionnaires s'échappaient de l'étude pour l'aller voir. Elle savait par coeur des chansons galantes du siècle passé, qu'elle chantait à demi-voix, tout en poussant son aiguille. Elle contait des histoires, vous apprenait des nouvelles, faisait en ville vos commissions, et prêtait aux grandes, en cachette, quelque roman qu'elle avait toujours dans les poches de son tablier, et dont la bonne demoiselle elle-même avalait de longs chapitres, dans les intervalles de sa besogne. Ce n'étaient qu'amours, amants, amantes, dames

persécutées s'évanouissant dans des pavillons solitaires, postillons qu'on tue à tous les relais,

chevaux qu'on crève à toutes les pages, forêts sombres, troubles du coeur, serments, sanglots, larmes et baisers, nacelles au clair de lune, rossignols dans les bosquets, messieurs braves comme des lions, doux comme des agneaux, vertueux comme on ne l'est pas, toujours bien mis, et qui pleurent comme des urnes. Pendant six mois, à quinze ans, Emma se graissa donc les mains à cette poussière des vieux cabinets de lecture. Avec Walter Scott, plus tard, elle s'éprit de choses historiques, rêva bahuts, salle des gardes et ménestrels. Elle aurait voulu vivre dans quelque vieux manoir,

comme ces châtelaines au long corsage, qui, sous le trèfle des ogives, passaient leurs jours, le

coude sur la pierre et le menton dans la main, à regarder venir du fond de la campagne un cavalier à plume blanche qui galope sur un cheval noir.

Le lys dans la vallée

Balzac (1836)

5 10

15Mes yeux furent tout à coup frappés par de blanches épaules rebondies sur lesquelles j'aurais voulu

pouvoir me rouler, des épaules légèrement rosées qui semblaient rougir comme si elles se

trouvaient nues pour la première fois, de pudiques épaules qui avaient une âme, et dont la peau

satinée éclatait à la lumière comme un tissu de soie. Ces épaules étaient partagées par une raie, le

long de laquelle coula mon regard, plus hardi que ma main. Je me haussai tout palpitant pour voir le

corsage et fus complètement fasciné par une gorge chastement couverte d'une gaze, mais dont les

globes azurés et d'une rondeur parfaite étaient douillettement couchés dans des flots de dentelle.

Les plus légers détails de cette tête furent des amorces qui réveillèrent en moi des jouissances

infinies: le brillant des cheveux lissés au-dessus d'un cou velouté comme celui d'une petite fille, les

lignes blanches que le peigne y avait dessinées et où mon imagination courut comme en de frais

sentiers, tout me fit perdre l'esprit. Après m'être assuré que personne ne me voyait, je me plongeai

dans ce dos comme un enfant qui se jette dans le sein de sa mère, et je baisai toutes ces épaules en

y roulant ma tête. Cette femme poussa un cri perçant, que la musique empêcha d'entendre; elle se

retourna, me vit et me dit: "Monsieur?" Ah! si elle avait dit: "Mon petit bonhomme, qu'est-ce qui

vous prend donc?" je l'aurais tuée peut-être mais à ce monsieur! des larmes chaudes jaillirent de

mes yeux. Je fus pétrifié par un regard animé d'une sainte colère, par une tête sublime couronnée

d'un diadème de cheveux cendrés, en harmonie avec ce dos d'amour. Le pourpre de la pudeur

offensée étincela sur son visage que désarmait déjà le pardon de la femme qui comprend une

frénésie quand elle en est le principe, et devine des adorations infinies dans les larmes du repentir.

Elle s'en alla par un mouvement de reine.

LECTURES CURSIVES

LE NOUVEAU ROMAN

TEXTE 1 Tropismes

Nathalie Sarraute 1939

I 5 10

15Ils semblaient sourdre

1 de partout, éclos dans la tiédeur un peu moite de l'air,

ils s'écoulaient doucement comme s'ils suintaient

2 des murs, des arbres

grillagés, des bancs, des trottoirs sales, des squares. Ils s'étiraient en longues grappes sombres entre les façades mortes des maisons. De loin en loin, devant les devantures des magasins, ils formaient des noyaux plus compacts, immobiles, occasionnant quelques remous, comme de légers engorgements. Une quiétude étrange, une sorte de satisfaction désespérée émanait d'eux. Ils regardaient attentivement les piles de linge de l'Exposition de Blanc, imitant habilement des montagnes de neige, ou bien une poupée dont les dents et les yeux, à intervalles réguliers, s'allumaient, s'éteignaient, s'allumaient, s'éteignaient, s'allumaient, s'éteignaient, toujours à intervalles identiques, s'allumaient de nouveau et de nouveau s'éteignaient. Ils regardaient longtemps, sans bouger, ils restaient là, offerts, devant les vitrines, ils reportaient toujours à l'intervalle suivant le moment de s'éloigner. Et les petits enfants tranquilles qui leur donnaient la main, fatigués de regarder, distraits, patiemment, auprès d'eux, attendaient. 1. sourdre : sortir de terre

2.suinter : en parlant d'un liquide, sortir presque imperceptiblement à travers une matière

TEXTE 2 La Modification

Michel Butor 1957

5

10PREMIÈRE PARTIE

I Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant. Vous vous introduisez par l'étroite ouverture en vous frottant contre ses bords, puis, votre valise couverte de granuleux cuir sombre couleur d'épaisse bouteille, votre valise assez petite d'homme habitué aux longs voyages, vous l'arrachez par sa poignée collante, avec vos doigts qui se sont échauffés, si peu lourde qu'elle soit, de l'avoir portée jusqu'ici, vous la soulevez et vous sentez vos muscles et vos tendons se dessiner non seulement dans vos phalanges, dans votre paume, votre poignet et votre bras, mais dans votre épaule aussi, dans toute la moitié du dos et dans vos vertèbres depuis votre cou jusqu'aux reins. Non, ce n'est pas seulement l'heure, à peine matinale, qui est responsable de cette faiblesse inhabituelle, c'est déjà l'âge qui cherche à vous convaincre de sa domination sur votre corps, et pourtant, vous venez seulement d'atteindre les quarante-cinq ans. Vos yeux sont mal ouverts, comme voilés de fumée légère, vos paupières

152025sensibles et mal lubrifiées, vos tempes crispées, à la peau tendue et comme raidie

en plis minces, vos cheveux qui se clairsèment et grisonnent, insensiblement pour autrui mais non pour vous, pour Henriette et pour Cécile, ni même pour les enfants

désormais, sont un peu hérissés et tout votre corps à l'intérieur de vos habits qui le

gênent, le serrent et lui pèsent, est comme baigné, dans son réveil imparfait, d'une eau agitée et gazeuse pleine d'animalcules

1 en suspension.

Si vous êtes entré dans ce compartiment, c'est que le coin couloir face à la marche à votre gauche est libre, cette place même que vous auriez fait demander par Marnal comme à l'habitude s'il avait été encore temps de retenir, mais non que vous auriez demandé vous-même par téléphone, car il ne fallait pas que quelqu'un sût chez Scabelli que c'était vers Rome que vous vous échappiez pour ces quelques jours. 1. animalcule : animal microscopique

TEXTE 3 La Jalousie

Alain Robbe-Grillet 1957

5 10 15

20Maintenant l'ombre du pilier - le pilier qui soutient l'angle sud-ouest du toit - divise

en deux parties égales l'angle correspondant de la terrasse. Cette terrasse est une large galerie couverte, entourant la maison sur trois de ses côtés. Comme sa largeur est la même dans la portion médiane et dans les branches latérales, le trait d'ombre projeté par le pilier arrive exactement au coin de la maison; mais il s'arrête là, car seules les dalles de la terrasse sont atteintes par le soleil, qui se trouve encore trop haut dans le ciel. Les murs, en bois, de la maison - c'est-à-dire la façade et le pignon ouest - sont encore protégés de ses rayons par le toit (toit commun à la maison proprement dite et à la terrasse). Ainsi, à cet instant, l'ombre de l'extrême bord du toit coïncide exactement avec la ligne, en angle droit, que forment entre elles la terrasse et les deux faces verticales du coin de la maison. Maintenant, A... est entrée dans la chambre, par la porte intérieure qui donne sur le couloir central. Elle ne regarde pas vers la fenêtre, grande ouverte, par où - depuis la porte - elle apercevrait ce coin de terrasse. Elle s'est main- tenant retournée vers la porte pour la refermer. Elle est toujours habillée de la robe claire, à col droit, très collante, qu'elle portait au déjeuner. Christiane, une fois de plus, lui a rappelé que des vêtements moins ajustés permettent de mieux supporter la chaleur. Mais A... s'est contentée de sourire : elle ne souffrait pas de la chaleur, elle avait connu des climats beaucoup plus chauds - en Afrique par exemple - et s'y était toujours très bien portée. Elle ne craint pas le froid non plus, d'ailleurs. Elle conserve partout la même aisance. Les boucles noires de ses cheveux se déplacent d'un mouvement souple, sur les épaules et le dos, lorsqu'elle tourne la tête.quotesdbs_dbs8.pdfusesText_14