[PDF] Comparatismes en Sorbonne 4-2013 : (Dé)construire le canon





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Comparatismes en Sorbonne 4-2013 : (Dé)construire le canon

(DÉ)CONSTRUIRE LE CANON : INTRODUCTION. « Kennst du das Land wo die Kanonen blühn ? Du kennst es nicht ? Du wirst es kennenlernen1 ! ».



CANON DE LA PAIX

CANON DE LA PAIX. Romain Rolland / François Terral. Écoutez le temps viendra

Marie-Pierre HARDER : Introduction

1 (D‚)CONSTRUIRE LE CANON : INTRODUCTION

AE Kennst du das Land, wo die Kanonen blžhn ?

Du kennst es nicht ? Du wirst es kennenlernen

1 ! Ç

AE Connais-tu le pays oœ fleurissent les canons ?

Non ? Tu vas le dcouvrir ! Ç

Par un intressant effet dÓironie, les polmiques sur le canon qui ont enflamm les campus tasuniens ‡ partir des annes 1980

2, dont on attribue volontiers lÓembrasement aux

tincelles intellectuelles de la French Theory

3, ne se sont pourtant que peu ou pas propages

dans lÓuniversit et la AE thorie Ç franŒaises. En effet, alors que la bibliographie sur le sujet est

vite devenue plthorique aux ‚tats-Unis postcolonial et cultural studies, en Grande-Bretagne

5, et, quoique plus tardivement, en

Allemagne

6, elle reste presque inexistante en France. Tout se passe ainsi comme si le champ

intellectuel franŒais tait rest ‡ lÓabri des AE guerres culturelles Ç (AE culture wars Ç), selon la

terminologie tasunienne, qui voyaient sÓaffronter, schmatiquement, le camp des dfenseurs

du canon (compris comme la quintessence de la tradition littraire ou artistique occidentale)

1 Erich K‰stner, AE Kennst du das Land, wo die Kanonen blžhn ? Ç (1928), Werke, Bd. I. Zeitgenossen,

haufenweise : Gedichte, hg. von Harald Hartung, Mžnchen, Hanser Verlag, 1998, p. 26 (traduction personnelle).

Au-del‡ dÓun simple jeu de mots, ce poŽme anti-militariste de lÓentre-deux-guerres, compos bien avant

lӍclatement de ce que lÓon dsignera comme les AE guerres du canon Ç, tisse nanmoins de singuliers chos avec

ces dbats critiques contemporains. Non seulement par la vhmence polmique de son ton, mais aussi par le

dtournement parodique et douloureusement ironique de la trŽs canonique AE chanson de Mignon Ç (Mignons

Lied) de Goethe (AE Kennst du das Land, wo die Zitronen blžhn ? Ç), il fait affleurer des questions qui seront au

cÍur des dbats postrieurs sur le canon, notamment celles des rapports entre AE culture Ç et AE barbarie Ç, ou, plus

prcisment, entre canon(s) et idologie(s).

2 Voir, pour une prsentation en franŒais de ces controverses, cristallises notamment autour de la question du

PC (AE politically correct Ç) : ‚ric Fassin, AE La chaire et le canon. Les intellectuels, la politique et lÓUniversit

aux ‚tats-Unis Ç, Annales ‚conomies, Socits, Civilisations, 48e anne, N. 2, 1993, p. 265-301 ; voir aussi

Robert von Halberg (d.), Canons, Chicago, University of Chicago Press, 1984, qui est lÓune des premiŽres

anthologies dÓarticles critiques sur la question, dont certains sont devenus des rfrences incontournables dans

les dbats.

3 Sur ce corpus thorique AE invent Ç, son r˜le et son succŽs dans les dveloppements de la thorie critique

tasunienne depuis les annes 1970, voir FranŒois Cusset, French Theory. Foucault, Derrida, Deleuze & Cie et

les mutations de la vie intellectuelle aux ‚tats-Unis, Paris, La Dcouverte, 2003, particuliŽrement p. 180-184 sur

les AE guerres du canon Ç.

4 Comme lӍcrit en effet Jan Gorak dŽs 1991 : AE Criticism mounted against the canon in the last ten years runs to

thousands of pages penned by some of the most authoritative voices in contemporary criticism. Ç (Jan Gorak,

The Making of the Modern Canon, London, Athlone, 1991, p. 1.) Voir aussi, pour quelques exemples de ces

tudes : Charles Altieri, Canons and Consequences. Reflections on the Ethical Forces of Imaginative Ideals,

Northwestern University Press, Evanston, 1990 ; Henry Louis Gates Jr., Loose Canons : Notes on the Culture

Wars, Oxford, Oxford University Press, 1992 ; John Guillory, Cultural Capital. The Problem of Literary Canon

Formation, Chicago, University of Chicago Press, 1993 ; Barbara Herrnstein Smith, Contingencies of Values.

Alternative Perspectives for Critical Theory, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1988 ; Paul Lauter,

Canons and Contexts, New York, Oxford University Press, 1991 ; Liviu Papadima, David Damrosch & Theo

DÓhaen (d.), The Canonical Debate Today. Crossing Disciplinary and Cultural Boundaries, Amsterdam,

Rodopi, 2011.

5 On peut citer, ‡ titre paradigmatique, lÓouvrage fondateur : Bill Ashcroft, Gareth Griffiths & Helen Tiffin (d.),

The Empire Writes Back : Theory and Practice in Postcolonial Literatures, London, Routledge, 1989.

6 Voir Aleida & Jan Assmann (d.), Kanon und Zensur, Mžnchen, Fink, 1987 ; Renate von Heydebrand (d.),

Kanon Macht Kultur, Stuttgart, Metzler, 1998 ; Maria Moog-Gržnewald (d.), Kanon und Theorie, Heidelberg,

Winter Verlag, 1997 ; Andreas Poltermann (d.), Literaturkanon Î Medienereignis Î Kultureller Text, Berlin,

Schmidt, 1995 ; Herbert Uelling (d.), Postkolonialismus und Kanon, Bielefeld, Aisthesis Verlag, 2012.

Marie-Pierre HARDER : Introduction

2

au nom des valeurs AE universelles Ç, voire suprieures, dont il serait porteur7, et celui de ses

dtracteurs, pointant du doigt lÓinstrument dÓoppression et de forclusion que reprsentait ce

corpus de textes classiques et scolaires. De fait, les questionnements sur la lgitimit de textes

dits AE fondateurs Ç ou AE classiques Ç, sur les processus dÓinclusion et dÓexclusion ‡ lÓÍuvre

dans la formation du (ou des) canon(s), articuls aux AE politiques des reprsentations Ç Î pour

reprendre une expression de Stuart Hall

8 Î, la rflexion sur les stratgies disciplinaires qui sÓy

jouent, ou encore lÓexploration de lÓaffirmation ou de la subversion de la rfrence nationale

dans la construction de lÓhistoire littraire, sont en grande partie rests ignors dans les

discussions littraires au sein de lÓuniversit franŒaise 9. Plusieurs raisons, dÓordre ‡ la fois disciplinaire et politique

‡ cette relative impermabilit du champ universitaire franŒais aux questions du canon. En

effet, cÓest dÓabord autour des cours de AE great books Ç (ou encore de AE Western culture

11 Ç)

que se sont cristalliss les dbats outre-Atlantique : or, ceux-ci nÓont pas dӍquivalent dans le

systŽme universitaire franŒais (quoique les cursus orients par les programmes centraliss de

concours destins ‡ sanctionner lÓexcellence dÓune formation disciplinaire AE gnrale Ç ne

soient pas dnus Î au contraire Î de normativit en la matiŽre

12). Par ailleurs, la tradition

institutions acadmiques tablissent comme les meilleurs, les plus reprsentatifs et les plus significatifs dans les

domaines de la littrature, de lÓhistoire de lÓart ou de la musique. Dpositaires dÓune valeur esthtique

transhistorique, les canons des diverses pratiques culturelles tablissent non seulement ce qui est

ÐcultiveÑ devra ma“triser. Ç (Griselda Pollock, AE Des canons et des guerres culturelles Ç, Cahiers du Genre, n

43, 2007/2, p. 45-69, p. 46 Î traduction franŒaise par Sverine Sofio et Perin E. Yavuz de : AE About Canon and

Culture Wars Ç, Differencing the Canon. Feminist Desire and the Writing of ArtÓs Histories, Routledge, New

York, 1999, p. 3-21)

8 Voir par exemple Stuart Hall (d.), Representation : Cultural Representations and Signifying Practices,

London, Sage Publications, 1997.

9 Plus exactement, ce type de discussion, si elle a lieu, sÓancre essentiellement dans une approche sociologique Î

le plus souvent dÓinspiration bourdieusienne Î qui met au jour les processus institutionnels de canonisation : voir

par exemple Alain Viala, AE QuÓest-ce quÓun classique ? Ç, Littratures Classiques, N 19, 1993, p. 13- 31, ou

encore les analyses Î passionnantes Î de Pascale Casanova, La Rpublique mondiale des Lettres, Paris, Seuil,

1999.

10 Comme le rappelle en effet ‚ric Fassin, dans ces polmiques, AE il sÓagit [È] toujours bien de valeurs, et parce

quÓelles dfinissent le patrimoine collectif, lÓenjeu est toujours politique. Ç (art. cit., p. 299.)

11 La polmique mene par un syndicat dӍtudiants noirs ‡ lÓuniversit de Stanford au printemps 1988 contre le

cours de AE Western culture Ç est souvent considre comme un facteur dclencheur des dbats sur le canon ‡

lӍchelle nationale : leur slogan AE Hey, hey, ho, ho, Western cultureÓs got to go Ç tant devenu le symbole

mdiatique, selon les uns, dÓun salutaire cong signifi ‡ lÓimprialisme culturel occidental ou, selon les autres,

dÓune guerre apocalyptique dclare ‡ lÓOccident. FranŒois Cusset souligne nanmoins que lÓampleur des

controverses ainsi que la rification caricaturale en deux camps rsums par quelques slogans marquants

apparaissent comme disproportionnes au regard des rvisions le plus souvent prudentes du canon quÓelles ont

Cusset, French Theory, op. cit., p. 182-184.)

12 Un article dÓYves Chevrel, qui dresse un panorama statistique des programmes de littrature compare ‡

lÓagrgation de lettres modernes depuis ses origines (1959), en donne une assez bonne ide : la prdominance

des Íuvres europennes (et plus spcifiquement dÓEurope de lÓOuest) et des classiques franŒais y appara“t

question gnrique, ‡ un mythe ou un topos littraire occidentaux. Yves Chevrel soutient nanmoins lÓide que la

confrontation comparatiste requise par le programme, comme le choix dÓ y intgrer des Íuvres parfois

considres comme mineures au nom de leur congruence avec le programme, peut susciter une multiplication de

points de vue et un renouvellement des perspectives de lecture (Yves Chevrel, AE Multiple Points of View : A

Study of French Comparative Literature Syllabi Ç, Virgil Nemoianu & Robert Royal (d.), The Hospitable

Canon. Essays on Literary Play, Scholarly Choice and Popular Pressures, Philadelphia, John Benjamins

Publishing Company, 1991, p. 137-152.)

Marie-Pierre HARDER : Introduction

3

rpublicaine et AE universaliste Ç franŒaise, attache ‡ affirmer lÓhgmonie dÓun sujet citoyen,

et, partant, dÓun sujet de la connaissance, dnu de toute particularit identitaire

13, ne pouvait

que rsister aux contestations dites AE identitaires Ç ou AE communautaires Ç du canon, portes

notamment par les approches des cultural studies anglo-saxonnes, quÓune grande partie de considrer

discipline littraire, ente sur la rvrence ‡ prtention universaliste ‡ la norme du

AE classicisme Ç, verrouillait dÓautant les possibilits dÓouverture ou de mise en question de ce

canon

15. Saba Bahar et Valrie Cossy en dressent le diagnostic au sujet des rticences

suscites par les tentatives de rvision du canon littraire franŒais :

[l]es tudes littraires dans le champ de la littrature dÓexpression franŒaise sont encore trop

lies ‡ lÓidentit nationale et ‡ la gloire de la francophonie mtropolitaine [È] Dans la

configuration franŒaise du champ littraire, la seule alternative ‡ cette vision nationaliste et

centralisatrice de la littrature consiste ‡ insister sur les valeurs universalistes et transcendantes

des textes littraires et sur une notion de lÓesthtique qui veut que celle-ci dpasse tout contexte

particulier, quÓil soit de race, de nation ou de sexe 16. Enfin, ‡ lÓheure oœ les campus tasuniens rsonnaient des divers coups de semonce

ports contre le canon, en France, cÓest, au contraire, une grande dcennie de AE cauchemar Ç

idologique, selon le mot de FranŒois Cusset

17, qui sÓinaugurait : Alain Renaut et Luc Ferry

tiraient ‡ boulets rouges Î si lÓon peut dire Î contre une dite AE pense 68 Ç rige en alarmant

repoussoir AE anti-humaniste Ç devant toute critique rtive ‡ ce renouveau hgmonique du

kantisme de la raison AE rpublicaine Ç

18, tandis quÓAlain Finkielkraut tonnait contre la soi-

disant AE dfaite de la pense

19 Ç que signerait la reconnaissance et promotion de la diversit, et

partant de la relativit, culturelles, stigmatises comme un intolrable relativisme du AE tout se

vaut Ç 20. Toutefois, lÓexplosion Î en divers sens Î de la mondialisation ainsi que la

massification de lÓenseignement suprieur ‡ lӍchelle occidentale rendent ces questions

13 Sur les apories pistmopolitiques que pose cette conception de lÓuniversalisme franŒais, voir, par exemple,

dans une perspective historique : Joan W. Scott, Only Paradoxes to Offer : French Feminists and the Rights of

Man, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1996, ou, pour une analyse contemporaine : Marie-HlŽne

Bourcier, AE Nique la Rep : petit portrait de la France post-coloniale Ç, Sexpolitiques. Queer Zones 2, Paris, La

Fabrique, 2005, p. 35-83.

14 Sur les rticences franŒaises face aux cultural studies, voir par exemple : Anne Chalard-Fillaudeau, AE From

Cultural Studies to tudes culturelles, tudes de la culture, and sciences de la culture in France. Questions of

singularity Ç, Cultural Studies, vol. 23, n 5-6, 2009, p. 831-854. Pour un chantillon des dbats autour de leur

articulation aux approches comparatistes dans le champ franŒais, voir le volume rcent issu du

XXXVe congrŽs de

la SFLGC : Antonio Dominguez Leiva, Sbastien Hubier, Philippe Chardin & Didier Souiller (dir.), ‚tudes

culturelles, anthropologie culturelle et comparatisme, Dijon, ‚d. Du Murmure, 2010.

15 CÓest ainsi du champ tasunien quÓest venue une proposition de rvision de lÓhistoire littraire franŒaise dÓun

point de vue AE globalis Ç : Christie McDonald & Susan Suleiman (d.), French Global. A New Approach to

AE francophones Ç illustre de maniŽre exemplaire ce AE centralisme Ç littraire.

16 Saba Bahar et Valrie Cossy, AE Le canon en question : lÓobjet littraire dans le sillage des mouvements

fministes Ç, Nouvelles Questions Fministes, vol. 22, n 2, 2003, p. 4-11, p. 9-10.

17 FranŒois Cusset, La dcennie. Le grand cauchemar des annes 1980, Paris, La Dcouverte, 2006.

18 Luc Ferry & Alain Renaut, La pense 68. Essai sur lÓanti-humanisme contemporain, Paris, Gallimard, 1985.

19 Alain Finkielkraut, La dfaite de la pense : essai, Paris, Gallimard, 1987.

20 Sur le potentiel rflexif et humaniste dÓune critique consciente de la relativit de son point de vue, on peut

renvoyer aux essais clairants dÓEdward Said, notamment : Humanism and Democratic Criticism, New York,

Columbia University Press, 2004.

Marie-Pierre HARDER : Introduction

4

dÓautant plus actuelles et cruciales, notamment dans le champ de la littrature compare,

traditionnellement dvolue ‡ lӍtude de corpus littraires divers, voire ouverts. De fait, le

dbat sur le r˜le et les apories du canon nÓa cess de gagner en importance et de sÓintensifier

au sein de la littrature compare, du moins au niveau international, depuis deux dcennies 21,

au point quÓon a pu diagnostiquer la mort annonce de cette discipline sous sa forme

eurocentre

ici exhaustivement prsentes, lÓon peut dgager schmatiquement au moins deux orientations

de contestation, ou rvision, du canon.

une perspective dӍlargissement et dÓinclusion qui, ‡ partir de la critique du caractŽre

ethnocentrique du AE canon occidental Ç (que le corpus assez restreint et trŽs anglophone du

Western Canon dÓHarold Bloom

23 illustre de maniŽre paradigmatique, voire caricaturale),

rclame dŽs lors AE lÓouverture du canon

24 Ç aux littratures dites extra-europennes et extra-

occidentales et aux littratures postcoloniales

norme et du partage entre centre et priphrie, moins territorial, cette fois, que social, lÓon

revendique galement, en contestant leur criante absence, lÓintgration au canon des Íuvres

de femmes

26 ou des littratures dites des AE minorits Ç, notamment AE raciales Ç (ainsi, aux

‚tats-Unis, de la littrature afro-amricaine

27) ou sexuelles (ainsi des littratures gays et

lesbiennes 28).

21 Voir par exemple les deux volumes bilans sur lӍtat de la discipline : Charles Bernheimer (d.), Comparative

Literature in an Age of Multiculturalism, The Johns Hopkins University Press, Baltimore, 1995 ; Haun Saussy

(d.), Comparative Literature in an Age of Globalization, Baltimore, The Johns Hopkins University Press, 2006,

(notamment David Damrosch, AE World Literature in a Postcanonical, Hypercanonical Age Ç, p. 43-54.)

22 Voir le clŽbre essai de Gayatri Chakravorty Spivak, Death of a Discipline, New York, Columbia University

Press, 2003.

23 Harold Bloom, The Western Canon : The Books and School of The Ages, New York, Harold Brace and

Company, 1994.

24 Voir par exemple Leslie A. Fiedler et Houston A. Baker (d.), English Literature : Opening Up the Canon,

Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1981.

25 Voir par exemple Deborah L. Madsen (d), Postcolonial Literatures : Expanding the Canon, London, Pluto

Press, 1999.

26 Comme le remarquent nanmoins Saba Bahar et Valrie Cossy : AE la critique fministe du canon et de

lÓhistoire littraire ne se contente ni dÓassurer une meilleure reprsentation de femmes dans le canon, ni de

montrer que les Íuvres de femmes sont conformes aux critŽres esthtiques requis ; elle invite ‡ de nouvelles

faŒons de penser lÓesthtique littraire, lÓobjet littraire et son histoire. Ç (art. cit., p. 9.) Voir aussi : Lilian S.

Robinson, AE Treason our Text : Feminist Challenges to the Literary Canon Ç, Elaine Showalter (d.), The New

Feminist Criticism. Essays on Women, Literature, and Theory, New York, Pantheon Books, 1986 ; Renate von

Heydebrand & Simone Winko, AE Arbeit am Kanon. Geschlechterdifferenz in Rezeption und Wertung von

Literatur Ç, Hadumod Bu¦mann & Renate Hof (d.), Genus. Geschlechterdifferenz in den

Kulturwissenschaften, Stuttgart, Kr™ner, 1995, p. 206-261.

27 Voir par exemple Henry Louis Gates Jr., AE The MasterÓs Piece : On Canon-Formation and the African-

American Tradition Ç, Loose Canons, op. cit., p. 17-43.

28 On notera que la dfinition dÓune ou de littratures AE gays et lesbiennes Ç nÓa rien dӍvident ou dÓunivoque, ne

serait-ce que parce que les dfinitions des identits sexuelles, comme lÓont notamment montr les travaux de

Michel Foucault, sont dpendantes du contexte historique et socio-culturel oœ elles sÓinscrivent. En outre, poser

un objet comme une ou des littratures AE gays et/ou lesbiennes Ç demande de sÓinterroger sur les critŽres de sa

dfinition : lÓon peut entendre sous ce terme tant les Íuvres dÓauteur-e-s gays ou lesbiennes (mais se pose la

question de savoir dans quelle mesure il sÓagirait dÓune identit AE revendique Ç ou reconnue en tant que telle)

que des textes mettant par exemple en scŽne des personnages identifis comme gays et lesbiens, etc. Cherchant ‡

surmonter les apories essentialistes de ces dfinitions en termes identitaires, une perspective queer mettra

dÓauteur-e-s ou dÓÍuvres AE homosexuelles Ç poss comme intrinsŽquement extrieurs et trangers ‡ la AE puret Ç

ou ‡ AE lÓintgrit Ç (htro)sexuelle du canon (voir, en gnral, les travaux dÓEve Kosofsky Sedgwick ;

Christopher Lorey & John Plews (d.), Queering the Canon. Defying Sights in German Literature and Culture,

Marie-Pierre HARDER : Introduction

5 Une deuxiŽme tendance consiste moins ‡ reconstruire ainsi le canon en lӍlargissant, ni

dÓouvrir ou dӍlargir la norme que dÓinterroger ce qui la constitue ou lÓa constitue en norme

et valeur ou, pour le dire avec Griselda Pollock, de problmatiser la canonicit AE comme structure

29 Ç (et non simplement comme AE contenu Ç).

CÓest notamment dans cette perspective que sÓinscrivent les rflexions proposes par

ce numro collectif. En effet, issu dÓun sminaire de jeunes chercheur-e-s qui sÓest tenu au

CRLC de fvrier 2011 ‡ juin 2012, dans le cadre de lÓaxe AE Tradition et modernit Ç de celui-

ci, anim par Vronique Gly, il sÓest notamment donn pour objectif de rflchir aux

(d)constructions du canon comme vecteur de tradition, ‡ la fois littraire et thorique.

Comme le remarque en effet Griselda Pollock :

La ÐtraditionÑ est le versant ÐnaturelÑ du canon : cÓest sous cette forme que la rgulation

culturelle participe de ce que Raymond Williams appelle lÓhgmonie sociale et politique. [È]

comprise comme une tradition slective [È]. La tradition est en effet dÓautant plus invitable

que son caractŽre slectif est effac dans les pratiques, les discours, le genre, les ÐracesÑ et les

classes. Est dissimul, par consquent, le processus actif dÓexclusion ou dÓomission opr par

ceux qui, au jour le jour, fabriquent la tradition 30.

Il sÓagissait donc dÓinterroger, dans une perspective critique et mtacritique, les

processus historiques, sociologiques et idologiques de (d)construction du canon littraire

occidental, notamment Î mais pas exclusivement Î dans sa dfinition par la rfrence

AE antique Ç ou AE classique Ç. Quatre axes de rflexion sӍtaient alors dgags pour

lÓinvestigation critique :

ȡ Us et abus de lÓAntiquit : dans quelle mesure la rfrence AE antique Ç, les dites

AE sources grco-romaines Ç constituent-elles une question AE europenne Ç voire

AE occidentale Ç et selon quels processus de lgitimation et dÓappropriation (littraire,

esthtique mais aussi politique et idologiqueÈ) ? Cette problmatique touche aussi bien la priode moderne, ‡ travers notamment la Querelle des Anciens et des Modernes et son inscription dans le champ europen, que la ractivation de ces rfrences au moment des fascismes et de lÓaprŽs-guerre (notamment par le transfert culturel de la AE philologie europenne Ç vers le champ universitaire tasunien dans le cadre de lӍmigration force des intellectuels juifs et anti-nazis) puis de la construction europenneÈ

ȡ Les AE classiques Ç et le AE canon occidental Ç : pourquoi, comment et selon quels

enjeux la rfrence AE classique Ç est-elle pose comme norme et dfinition de AE la

culture europenne Ç et/ou AE occidentale Ç ? Et dans quelle mesure la contestation et la

Columbia, Camden House, 1998.) CÓest en un sens aussi lÓapproche de Toni Morrison dans Playing in the Dark.

Whiteness and the Literary Imagination, Cambridge (Mass.), Harvard University Press, 1992, qui rvŽle

comment la AE blancheur Ç du canon littraire tasunien sÓest construite AE ‡ lÓombre Ç des prsences afro-

amricaines au sein de celui-ci. Les perspectives qui rclament un AE largissement Ç du canon peuvent de fait

poser le problŽme de continuer ‡ considrer celui-ci comme un corpus dtermin quÓil sÓagirait dÓouvrir

AE gnreusement Ç ‡ une altrit qui lui resterait pose comme trangŽre, plut˜t que dÓinterroger son hybridit,

voire tranget, constitutive. Quoi quÓil en soit, il nous semble que ces exemples soulignent combien les

questions que soulŽve la mise en cause du canon sont productives pour la rflexion Î et plus encore la rflexivit

Î de la thorie et de lÓhistoire littraires, ainsi sans cesse obliges de repenser leurs prsupposs.

29 Griselda Pollock, art. cit., p. 47.

30 Ibid, p. 55.

Marie-Pierre HARDER : Introduction

6

AE classiques Ç quÓelle implique, permet-elle leur rinvestissement dans les littratures

mondiales ? ȡ Weltliteratur, littrature-monde, comparatismes : dans quelle mesure la (re)dfinition de la littrature comme objet mondial et transnational entra“ne-t-elle une

(re)dfinition de la notion et fixation du AE canon Ç littraire ? SÓagit-il dÓune

dconstruction ou dÓune reconstruction de celui-ci, qui passerait par exemple par la constitution de AE contre-canons Ç ? Faut-il dŽs lors y voir un largissement, un renversement ou au contraire un dpassement de la question du AE canon Ç ?

ȡ La dfinition du AE littraire Ç : que deviennent les critŽres de la AE beaut Ç, de

AE lÓuniversalit Ç, etcÈ quand leurs bases historico-philosophiques sont mises en

cause ? Il sÓagit aussi bien de sÓinterroger sur lÓhistoire du lexique critique et

esthtique (AE canon Ç, AE classique Ç, AE grand texte Ç, AE chef-dÓÍuvre Ç, AE texte

fondateur ÇÈ) que sur les conditions sociologiques, idologiques et culturelles de la production des critŽres et normes de dfinition et slection qui en dcoulent aussi bien au sein dÓun champ littraire national que dans le cadre de la AE Rpublique mondiale des lettres Ç (P. Casanova), ce qui implique galement un questionnement sur la AE culture(s) populaire(s) Ç et AE culture(s) classique(s) Ç. Sans prtendre couvrir exhaustivement ces questionnements aux ramifications et

problmatiques multiples, les articles prsents ici y touchent de diverses maniŽres. En

plaŒant la rflexion sous le terme polysmique, voire ambivalent, de AE (d)construction Ç, lÓon

cherchait notamment ‡ souligner que lÓentreprise de critique (AE dconstruction Ç) du canon ne

saurait se limiter ‡ la contestation, rvision ou suppression de celui-ci (dont une dfinition

univoque est, en soi, problmatique), mais nÓen devient que plus productive en faisant aussi

contributions runies ici, qui constituent un premier dfrichement au sein dÓun vaste chantier

encore ‡ construire, sÓattachent notamment ‡ interroger le AE canon Ç en tant que concept

critique (au double sens de AE thorique Ç et AE problmatique Ç), plus encore que comme un

corpus que lÓon saurait univoquement dfinir. Aussi se proposent-elles dÓexplorer certaines

AE canon Ç (premiŽre section), en passant par celle de AE Renaissance Ç (deuxiŽme section) et

de AE classicisme Ç (troisiŽme section) Î que Salvatore Settis dsigne lÓune et lÓautre comme

des AE ides directrices de lÓhistoire culturelle europenne

31 Ç Î, ou encore de AE chef-dÓÍuvre Ç

en art (ouverture), tout en interrogeant le potentiel (re)fondateur des lectures politiques du

canon (quatriŽme section). Enfin, une Î courte Î bibliographie critique rassemblant les

rfrences mobilises ou mobilisables dans les perspectives ainsi dgages, vient apporter un

complment et un prolongement aux analyses proposes. La premiŽre section AE Le canon : dfinitions et enjeux Ç pose les fondements de la

rflexion ‡ deux extrmits temporelles, en repartant dÓune part de lÓorigine du terme, dans sa

constitution biblique (Alexandra Ivanovitch) et dÓautre part de la cristallisation des dbats contemporains ‡ partir de lÓessai de Harold Bloom, The Western Canon, paru en 1994 (Roberto Morales Salazar). Dans son article qui invite ‡ une promenade AE ‡ sauts et ‡ gambades Ç ‡ travers les rayons des bibliothŽques canoniques, un exemplaire de Penser/Classer de Georges Perec sous le bras, Alexandra Ivanovitch interroge la fixation du vocabulaire et, partant, du dbat critique

31 Salvatore Settis, Le futur du classique, trad. de lÓitalien par J. ÎL. Defromont, Paris, Liana Levi, 2005, p. 93.

Marie-Pierre HARDER : Introduction

7

autour du terme religieux de AE canon Ç : elle retrace ainsi lÓhistoire biblique du terme, de sa

valeur initiale dÓindex ‡ sa constitution en norme, catalyse notamment par le rapport ‡

lÓinstitution de lӂglise et ‡ la communaut des croyants. Ainsi se dessine et se donne ‡ penser

une gnalogie des rapports entre canon et institution(s) (non plus ecclsiale, mais dsormais

scolaire, universitaire et ditoriale

32) et entre le canon et la ou les communauts qui sÓy

rfŽrent, voire le vnŽrent. Prfrant ouvrir des pistes de discussion plut˜t que de (pro)poser

une interprtation univoque Î pour ne pas dire canonique Î de cette histoire, elle incite ‡

rentendre sous le terme fig et figeant la AE mtaphore vive Ç qui permet de tisser des liens

heuristiques entre dfinition biblique et dfinition littraire du canon. CÓest pourquoi elle

souligne quÓon ne peut AE que regretter la confusion que lÓon fait parfois entre, dÓune part, la

valeur heuristique que peut avoir un concept comme le canon littraire et de lÓautre, la

vnration de type religieux vis-‡-vis des Íuvres littraires. Ç De cette AE vnration de type religieux Ç du canon littraire, lÓouvrage The Western Canon dÓHarold Bloom (1994) constitue un exemple paradigmatique, sur lequel revient

lÓarticle de Roberto Morales Salazar. Rappelant lÓimportance de celui-ci dans le dbat

tasunien autour du canon, il en redessine les thŽses principales en les replaŒant dans le

contexte ‡ la fois de lÓÍuvre critique de Bloom et des polmiques acadmiques et publiques

de lӍpoque. Il montre ainsi combien celles-ci sont tributaires des bouleversements et

reconfigurations de lÓordre mondial issu de la Seconde Guerre Mondiale et de laquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46
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