[PDF] LES SORCIÈRES DE SALEM LES SORCIÈRES. DE SALEM.

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LES SORCIÈRES

DE SALEM

ARTHUR MILLER EMMANUEL DEMARCY-MOTA

CRÉATION AVEC LA TROUPE DU THÉÂTRE DE LA VILLESAISON 2018-2019

LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANS

2LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANSSAISON 2018-2019SAISON 2018-2019LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANS3

TEXTE ARTHUR MILLER

MISE EN SCÈNE & VERSION SCÉNIQUE

EMMANUEL DEMARCY-MOTA

ASSISTANT À LA MISE EN SCÈNE CHRISTOPHE LEMAIRE 2 e ASSISTANTE À LA MISE EN SCÈNE JULIE PEIGNÉ SCÉNOGRAPHIE YVES COLLET & EMMANUEL DEMARCY-MOTA

LUMIÈRES CHRISTOPHE LEMAIRE & YVES COLLET

COSTUMES FANNY BROUSTE

MUSIQUE ARMAN MÉLIÈS

CRÉATION VIDÉO MIKE GUERMYET

MAQUILLAGE CATHERINE NICOLAS

CRÉATION SONORE FLAVIEN GAUDON

ACCESSOIRES CHRISTOPHE CORNUT

ASSISTANT LUMIÈRES THOMAS FALINOWER

ASSISTANTE COSTUMES ALIX DESCIEUX-READ

RÉALISATION COSTUMES ALBANE CHENEAU,

MARGAUX PONSARD

ASSISTANT SON NATHAN CHENAUD JOFFART

CONSEILLER ARTISTIQUE FRANÇOIS REGNAULT

TRAINING PHYSIQUE NINA DIPLA

TRAVAIL VOCAL MARYSE MARTINES

VERSION FRANÇAISE DU TEXTE FRANÇOIS REGNAULT,

JULIE PEIGNÉ, CHRISTOPHE LEMAIRE

PRODUCTION Théâtre de la Ville-Paris

AVEC LE SOUTIEN DU Jeune théâtre national

CRÉATION LE 26 MARS 2019 À L"ESPACE CARDIN-THÉÂTRE DE LA VILLE La pièce The Crucible d"Arthur Miller est représentée dans les pays de langue française par l"agence Drama-Suzanne Sarquier (dramaparis.com) en accord avec l"agence ICM et SAMUEL FRENCH c/o Buddy Thomas à New York.AVEC

ÉLODIE BOUCHEZ

ABIGAIL

SERGE MAGGIANI JOHN PROCTOR

SARAH KARBASNIKOFF ELISABETH PROCTOR

PHILIPPE DEMARLE HALE

SANDRA FAURE ANNE PUTNAM

JAURIS CASANOVA DANFORTH

LUCIE GALLO BETTY PARRIS

JACKEE TOTO HATHORNE

MARIE-FRANCE ALVAREZ TITUBA

STÉPHANE KRÄHENBÜHL THOMAS PUTNAM-CHEEVER

ÉLÉONORE LENNE MERCY LEWIS

GÉRALD MAILLET PARRIS

GRACE SERI MARY WARREN

CHARLES-ROGER BOUR GILLES COREY

ESPACE CARDIN 26 MARS-19 AVRIL 2019 I DURÉE 1H50

LES SORCIÈRES DE SALEM

Élodie Bouchez (Abigail), Marie-France Alvarez (Tituba), Grace Seri (Mary) © JEAN-LOUIS FERNANDEZ

4LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANSSAISON 2018-2019SAISON 2018-2019LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANS5

sincérité et de vérité, de personnage et de situation. Un laboratoire théâtral, en somme, dont l"alchimie secrète tient aussi en son titre ori- ginal, The Crucible, creuset dans lequel les ingrédients sont portés à

ébullition.

Emmanuel Demarcy-Mota

Cette pièce n"est pas de l"histoire au sens où ce mot est utilisé par un historien académique. Les desseins dramatiques ont eu parfois be- soin de multiples personnages pour les fondre en un seul; le nombre de filles impliquées dans l"épisode des " dénonciations » [crying out: on crie le nom qu"on dénonce] a été réduit; j"ai fait Abigail plus âgée qu"elle n"était; alors qu"il y eut plusieurs juges d"égale autorité, je les ai tous symbolisés dans Hathorne et Danforth. Néanmoins, je crois que le lec- teur découvrira là la nature essentielle de l"un des plus étranges et des plus terribles chapitres de l"histoire humaine. Le destin de chacun des personnages est exactement celui de son modèle historique, et il n"y en a pas un dans le drame qui n"ait joué un rôle semblable - et dans certains cas exactement identique - à celui de l"histoire. Quant aux caractères des personnes, on sait peu de choses pour la plu- part d"entre elles sauf ce qui peut être conjecturé à partir de leurs lettres, des minutes du procès, de certains écrits annexes de l"époque, et de références à leurs agissements selon des sources relativement fiables. Ils peuvent donc être pris comme des créations de mon fait, tirés de ma capacité à me conformer le mieux possible à leurs comportements connus, sauf indications expresses données dans le commentaire que j"ai rédigé pour le texte. Arthur Miller, " Note sur l"exactitude historique de cette pièce » [The Crucible, Modern classics, Penguin, 2000, Trad. F. Regnault] Pour Arthur Miller, bien que solidement documentée et tirée d"évé- nements réels, Les Sorcières de Salem n"est pas une pièce historique. Et de fait, nous sommes face à une pièce d"urgence, une œuvre d"en- gagement qui montre comment l"intolérance et l"aveuglement collectif peuvent déchirer une communauté humaine. Celle que nous observons ici, livrée aux dénonciations d"une jeunesse en quête d"absolu, semble agitée par des puissances alchimiques, des forces souterraines qui de- viendront vite incontrôlables. Sur cette terre américaine, encore gorgée du sang des Indiens auxquels elle a été arrachée, les habitants s"atta- quent et se défendent jusqu"à l"aveuglement, tels des scorpions menacés. La suite de comportements humains aberrants décrits ici, finit par générer un système de pensée et de valeurs, une logique imparable qui, comme dans n"importe quel phénomène de rumeur, de suspicion, d"aveu- glement collectif, ne pourra mener qu"au chaos, à la vengeance, à l"accusation, à la dénonciation de son voisin, désir de possession, lâcheté ou même intérêt financier. Comme dans un chau- dron maléfique où les plus bas instincts se- raient portés à ébullition, tous les paradoxes humains s"organisent ici en une machine rhé- torique n"ayant plus pour objet que la mort, sous couvert de la recherche d"un certain type de " pureté ». L"histoire de l"humanité, grande ou petite, est faite de ces enchaînements. Les puissances obscures qui sous-tendent la pièce et son déroulement: la convoitise, la sexualité réprimée, la quête de pouvoir, de reconnaissance et de pureté, donnent naissance ici à un ensemble de rituels, de pensées magiques et d"actions mystérieuses. C"est le lieu des fantômes et des morts, sans cesse évoqué à la scène. Pour nous, après Rhinocéros de Ionesco, L"État de siège de Camus et même Le Faiseur de Balzac, la pièce s"inscrit dans une continuité d"in- terrogations sur l"homme et le pouvoir, sur l"humanité et ses valeurs, sur le courage et la résistance, les ravages de la pensée unique et to- talitaire. À sa manière, elle s"élève contre les facilités de lectures du monde et des motivations humaines, dont elle cherche à scruter la complexité. Elle est aussi un passionnant territoire de recherches pour le jeu de l"acteur, dont elle peut interroger autrement les notions de

UNE COMMUNAUTÉ HUMAINE QUI SE DÉCHIRE

ARTHUR MILLER SUR L"EXACTITUDE HISTORIQUE DE CETTE PIÈCE

Éléonore Lenne (Mercy),

Marie-France Alvarez (Tituba),

Grace Seri (Mary),

Élodie Bouchez (Abigail),

Lucie Gallo (Betty)

© JEAN-LOUIS FERNANDEZ

SAISON 2018-2019LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANS76LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANSSAISON 2018-2019

La pièce s"appelle en anglais The Crucible, qui signifie " Le creuset », titre qui peut laisser perplexe: Arthur Miller veut-il dire par là le creuset où l"on trempe l"acier, quelque chose comme l"épreuve, ou ce creuset qui servira à générer le Maccarthysme (la " chasse aux sorcières » " contre les communistes et les " ennemis des USA »)? Il donne la ré- ponse: " Each character is metaphorically a metal subjected to the heat of the surrounding situation. » ["Chaque personnage est métaphori- quement un métal soumis à la chaleur de la situation qui l"environne."] " L"épreuve du feu » rendrait assez le sens (à ceci près qu"on ne brûla pas les sorcières à Salem en 1692, mais qu"on les pendit).

François Regnault

La recherche terrorisante de communistes - le Maccarthysme, comme on l"appela - fut fréquemment caractérisée comme une chasse aux sorcières, en référence aux événements historiques de 1692 dans le Massachusetts, quand mille personnes furent arrêtées à Salem pour avoir frayé avec le Diable. Dix-neuf personnes furent pendues lors de cette hystérie collective et Miller fut fasciné par encore un autre pa- rallèle entre le HUAC [House Committee on Un-American Activities, Maison du Comité des Activités anti-américaines] et Salem. Bien que les investigations anti-communistes fussent politiques, " les rituels de culpabilité et de confession prirent toutes les formes d"une inquisition religieuse ». Avec cette " transaction surnaturelle » dans l"esprit, il avait ruminé l"idée d"une pièce sur ces procès en sorcellerie comme d"une parabole. L"étrangeté du discours des sorcières et de la démonologie semblait correspondre à l"atmosphère actuelle de fièvre politique, qu"il jugeait " bien plus surnaturelle et mystérieuse » que ce qui était véhi- culé par le terme de Maccarthysme. Il était frappé par " le fait qu"une campagne objective, bien informée, sur un droit lointain fût capable de créer non seulement la terreur, mais une nouvelle réalité subjective, une véritable mystique qui fût capable d"aller jusqu"à affecter des connotations sacrées. » Martin Gottfried, Arthur Miller, Sa vie son Œuvre, Da Capo Press, 2003. Trad. F. R. Ce qui fascine dans le puritanisme américain, c"est cette idée que l"aveu a un effet de vérité, et que le mensonge passe pour inexpiable. D"où l"idée que la délation est une forme de la vérité, alors qu"elle peut passer plutôt, là ou ailleurs, pour une lâcheté coupable. Ainsi le réali- sateur Elia Kazan refuse catégoriquement de donner des noms dans tous ses premiers interrogatoires devant le HUAC (voir page précé- dente), avant de se décider à le faire, pour " protéger ses enfants », et aussi parce qu"il pense que, de toute façon, ces noms sont déjà connus de la Commission. Il sait en tout cas que s"il refuse de donner des noms:

1. Il sera accusé d"outrage à la Commission.

2. Sa carrière sera ruinée.

Alors il en donne douze, ce qui reste comme une tache grave sur son nom. Miller, très ami avec lui, ne l"approuve en aucune façon, mais essaie de le comprendre. Il semble qu"ils ne se parlèrent plus pendant des années. F. R.

THE CRUCIBLE (LE CREUSET)

CHASSE AUX SORCIÈRES & MACCARTHYSME

VÉRITÉ & MENSONGES, NOTE

© JEAN-LOUIS FERNANDEZ

SAISON 2018-2019LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANS98LE THÉÂTRE DE LA VILLE FÊTE SES 50 ANSSAISON 2018-2019

Michelet déclare qu"il a passé trente ans de sa vie à s"occuper de la sorcellerie. Il en est sorti La sorcière, en 1862. En voici quelques extraits, tous saisissants. Sprenger dit (avant 1500): " Il faut dire l"hérésie des sorcières, et non des sorciers; ceux-ci sont peu de chose. » - et un autre sous Louis XIII: " Pour un sorcier dix mille sorcières. » " Nature les a fait sorcières. - C"est le génie propre à la Femme et son tempérament. Elle naît Fée. Par le retour de l"exaltation, elle est Sibylle. Par l"amour, elle est Magicienne. Par sa finesse, sa malice (souvent fan- tasque et bienfaisante), elle est Sorcière, et fait le sort, du moins endort, trompe les maux. » " On les paya en tortures, en bûchers. On trouva des supplices exprès; on leur inventa des douleurs. On les jugeait en masse, on les condamnait sur un mot. Il n"y eut jamais une telle prodigalité de vies humaines. Sans parler de l"Espagne, terre classique des bûchers, où le Maure et le Juif ne vont jamais sans la sorcière, on en brûle sept mille à Trêves, et je ne sais combien à Toulouse, à Genève cinq cent en trois mois (1513), huit cents à Wurtzburg, presque d"une fournée, mille cinq cents à Bamberg (deux tout petits évêchés!). Ferdinand II lui-même, le bigot, le cruel em- pereur de la guerre de Trente ans, fut obligé de surveiller ces bons évêques; ils eussent brûlé tous leurs sujets. » " Un coup de lumière se fait déjà au milieu du XV e siècle, et il part de la France. L"examen du procès de Jeanne d"Arc par le Parlement, sa réha- bilitation, font réfléchir sur le commerce des esprits, bons ou mauvais, sur les erreurs des tribunaux ecclésiastiques. Sorcière pour les Anglais, pour les grands docteurs du Concile de Bâle, elle est pour les Français une sainte, une sibylle. Sa réhabilitation inaugure chez nous une ère de tolérance. [...] Nulle condamnation sous Charles VIII, Louis XII, François I er " Un gouvernement tout laïque, celui du grand Colbert (qui fut longtemps le vrai roi), ne cache pas son mépris de ces vielles questions. Il vide les prisons des sorciers qu"y entassait encore le Parlement de Rouen, défend aux tribunaux d"admettre l"accusation de sorcellerie (1672). Ce Parle- ment réclame et fait très bien entendre, qu"en niant la sorcellerie, on compromet bien d"autres choses. En doutant des mystères d"en bas, on ébranle dans beaucoup d"âmes la croyance aux mystères d"en haut. » Peu après que la fièvre fut retombée, Parris fut évincé de sa charge, s"en alla sur la grand-route, et on n"entendit plus parler de lui. La légende veut qu"Abigail revint plus tard comme prostituée à Boston. Vingt ans après la dernière exécution, le gouvernement accorda une compensation aux victimes encore vivantes, et aux familles des morts. Pourtant, il est évident que quelques personnes étaient encore hostiles à admettre leur entière culpabilité, tout comme l"esprit de parti (factio- nalism) était encore vivace, car quelques bénéficiaires [de ces mesures] n"étaient nullement des victimes, mais des délateurs. Elizabeth Proctor se remaria, quatre ans après le mort de Proctor. Dans une réunion solennelle, la congrégation annula les excommunica- tions - soit en mars 1712. Mais elle le fit sur ordre du gouvernement. Le jury, cependant, fit une déclaration demandant le pardon pour tous ceux qui avaient souffert.

Certaines fermes qui avaient appartenu aux

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