[PDF] Hérauts de lévangile : les nouveaux croisés

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Informatique : Alain Bourdeau

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2016 pris en application de l'article D.543-212-3 du

Code de l'environnement : Origine du papier : France - taux de fibres recyclées : 0 - Certification des fibres utilisées : non certifié PEFC. Commission paritaire n° 1122 I 82608 ISSN : 1247-3669 Dépôt légal à date de parution Bimestriel 10.50 euros Abonnement 1 AN :

63 euros (6n°/an)

28

Radioscopie

ème

année

Entretien

Joseph Doré : conversion

30
28

Entretien

38

L'aventure

chrétienne Focus 1

Sommai

RE

© Cris'Créa

Si les mineurs sont pris en compte, les

adultes, les plus jeunes en particuliers, sont les grands oubliés des tractations en cours, à l'instar du rapport Sauvé dont ils sont l'angle mort. Et encore ne sait-on rien pour l'instant du devenir des mineurs présents dans des maisons Hérauts situées dans d'autres parties du monde. Rien n'est totalement réglé pour l'instant et les pourparlers se poursuivent dans la plus grande discrétion...

On remarquera que la première intervention

du Vatican date de 2017, après les plaintes déposées par des parents et d'anciens adeptes laissées sans suite et la divulgation de vidéos compromettantes... avant de tomber en sommeil. Et que la seconde, de juin 2021, intervient sous la poussée des médias et de rapports circonstanciés. Espérons que la décision de justice du tribunal de Sao Paulo (avril 2022), de mettre fin à l'internat des mineurs, incitera Rome à persévérer et

à demeurer ferme dans les tractations en

cours.

Cette affaire gravissime, trop longtemps

gardée sous le boisseau, interpelle plus largement sur les effets délétères de décennies de connivences. Il n'est plus temps de détourner les yeux. Sous peine d'une nouvelle perte de crédibilité pour l'institution de l'Eglise, les complaisances qui ont ouvert la voie à des dérives sectaires qui tirent profit de la vulnérabilité des personnes et sont à l'origine d'abus spirituels et financiers (cf.

Golias Hebdo

n° 719) doivent être connues, commentées, susciter un mouvement véritablement porté par les valeurs de l'évangile et l'universalité.

© DR

6

On ne peut que se réjouir de l'intervention

du Vatican, en juin 2021, sans faire toutefois l'impasse sur un bref historique. En 2017, des vidéos d'exorcismes de forme inhabituelle, pratiqués sur des adolescentes, se répand dans les réseaux sociaux et fait les gros titres des médias. A la suite de cette diffusion, le fondateur et supérieur général Joao Cla Dias démissionne, une enquête canonique est diligentée entre juin 2017 et septembre 2018, avant de tomber en sommeil. Les plaintes de parents et d'anciens Hérauts, en 2018 et 2019 (cf. p. 27), ainsi que le rapport-témoignage d'un ancien adepte de l'organisation, envoyé

à Rome, relançaient le processus avec

la nomination, en septembre 2019, d'un commissaire pontifical, le cardinal brésilien Raymundo Damasceno Assis, évêque émérite d'Aparecida (Brésil). Pourquoi tant de frilosité de la part du Saint-

Siège

? Il n'est pas facile de remettre deux papes en cause, dont l'un a été canonisé en

2014. Jean-Paul II (1978-2005), compromis

par ailleurs par sa proximité avec les

Légionnaires du Christ, fera des Hérauts de l'Evangile un instrument de la nouvelle évangélisation, en leur accordant, en 2001,

une reconnaissance de droit pontifical.

Son successeur Benoît XVI (2005-2013)

confirmera leur légitimité canonique en

2009, en donnant son approbation à leurs

deux sociétés de vie apostolique, Virgo Flos

Carmeli et Regina Virginum. Dans son livre-

entretien Lumière du monde (2010), le pape

émérite fera une mention élogieuse des

Hérauts.

Les avantages reçus ne s'arrêtent pas au

pontificat de Benoît XVI, ils se poursuivent même après les dérives et scandales qui ont émaillé l'actualité depuis 2017... Par un décret du 18 juin 2019, le cardinal Giuseppe

Versaldi, préfet de la Congrégation pour

l'éducation catholique, renouvelait pour cinq ans une étonnante affiliation : celle de l'Institut philosophique aristotélico- thomiste (sic) des Hérauts de l'Evangile à la faculté de philosophie de l'Université pontificale salésienne de Rome. En raison de cette affiliation, le doyen de la faculté salésienne se rend chaque année au siège de l'Institut des Hérauts, à Caieiras, au nord de

Sao Paulo, où il préside le jury de l'"

Examen

de Universa Philosophia

». Les étudiants qui

réussissent l'examen se voient accorder, au nom du Saint-Siège, le titre de licencié en philosophie. Surprenant... Derrière le titre pompeux d'Institut aristotélico-thomiste, la réalité est plus triviale. Les futurs prêtres des Hérauts étudient surtout les discours et les

écrits de Plinio Correa de Oliveira et de son

disciple parfait » Joao Cla Dias, sur le Grand Châtiment à venir ou la crise de l'Eglise. Une incohérence de plus, très révélatrice : les Hérauts ont de très bons contacts à Rome et ils ont su se créer des réseaux.

Encore aujourd'hui, tout n'est-il pas

clairement assumé. Le décret du 22 juin 2021, comme le communiqué du Vatican du 28 septembre 2019 qui précise les raisons de son intervention auprès des Hérauts de l'Evangile, ne font pas référence à leurs croyances internes. Les Hérauts croient au grand châtiment, à l'apocalypse qui va s'abattre sur le monde, pratiquent des rituels secrets et se donnent pour mission de rénover l'Eglise et l'humanité. Leur vénération se porte vers une sorte de trinité représentée par Plinio

Correa de Oliveira, fondateur en 1960 de

l'association brésilienne Tradition Famille Propriété (d'où sont issus les Hérauts), sa mère Dona Lucilia et Joao Cla Dias : invoqués ensemble comme " nos saints fondateurs ».

Les Hérauts ne sont rien d'autre qu'une secte

d'inspiration chrétienne, sous la direction d'un maître autoproclamé, leader absolu et autoritaire, sujet d'adoration, qui construit son emprise par un contrôle comportemental et émotionnel.

Un autre point pose question. Quel sera

l'avenir des jeunes majeurs présents dans les deux sociétés de vie apostolique, qui sont entrés à l'âge de 12 ou 13 ans et qui ont maintenant 19, 20 ou 21 ans ? Il y a aussi ceux qui ne sont pas invités à devenir prêtres, " consacrés » Hérauts laïques, qui travaillent dans la quête de dons, le mailing ou le studio TV Arautos. Ne risquent-ils pas de subir les mêmes abus, si on se réfère aux nombreux témoignages qui touchent certaines communautés religieuses, dont certaines ont été sanctionnées ? Il n'en est pas question dans le décret du 22 juin 2021 qui demande le renvoi dans leur famille des mineurs, signé par la cardinal Joao Braz de Aviz, préfet de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, et on peut le regretter.

Pour tous ces jeunes, qu'ils soient mineurs

ou majeurs, l'avenir pourrait être sombre, en particulier pour ceux qui vivent dans des pays où les systèmes de protection de la jeunesse et les associations citoyennes sont inexistants ou embryonnaires. Au Brésil, où les violations des droits humains ont perduré sous les gouvernements constitutionnels démocratiques 1 , un nouveau recul s'annonce avec Jair Bolsonaro, en pleine dérive autoritaire. Des bruits de bottes semblent se faire entendre, trente-six ans après la fin de la dictature militaire. Une aubaine pour les

Hérauts et leurs alliés traditionnels.

En France, les évêques qui prêtent une oreille trop attentive aux sirènes des mouvements charismatiques devraient voir un peu plus loin que le bout de leur crosse. Sans aller jusqu'à certaines dérives des Hérauts de l'Evangile, certains de ces mouvements sont particulièrement inquiétants et ne demandent qu'à s'engouffrer dans les portes ouvertes. Dominique Rey (Fréjus-Toulon),

Marc Aillet (Bayonne, Lescar et Oloron),

Bernard Ginoux (Montauban), Georges

Colomb (La Rochelle et Saintes) et quelques

autres devraient arrêter de brûler de l'encens.

Auraient-ils la mémoire courte ou si peu de

lectures

Aux dernières nouvelles, Dominique Rey

est sur la sellette. Le Vatican semble réaliser l'ampleur des dégâts. L'évêque de

Fréjus-Toulon a reçu l'ordre de suspendre

les ordinations prévues le 26 juin 2022, et il est mis en cause pour avoir accueilli des communautés qui ont fait l'objet de signalements pour des dérives sectaires et des abus sexuels. Il n'y a pas si longtemps, l'école Saint-Benoît, dans le Berry, fondée en 1977 par Tradition Famille Propriété (à l'origine des Hérauts de l'Evangile en 1997) était fermée en 1979 après des plaintes de parents et d'enseignants. " Les dirigeants de cet établissement, presque exclusivement des ressortissants brésiliens, exerçaient des pressions psychologiques sur les jeunes, les incitant à devenir adeptes de certaines organisations étrangères. (jugement du tribunal de grande instance de Châteauroux, 25 août 1982). Quelques années plus tard, Tradition Famille Propriété récidivait au Venezuela. Plus récemment, l'Amérique du Sud faisait les frais de l'offensive des Hérauts de l'Evangile.

Le vicariat apostolique de San Miguel de

Sucumbios, avant-poste missionnaire dans

la partie amazonienne de l'Equateur, à la

© Cris'Créa

9

© DR

frontière avec la Colombie, était dirigée par

Gonzalo Lopez Maranon, évêque de l'ordre

des Carmes déchaux, proche de la théologie de la libération et des communautés de base. En 2007, la Congrégation pour l'évangélisation des peuples, présidée par le cardinal Ivan Dias, envoie en visite apostolique l'archevêque brésilien de

Petropolis, Filippo Santoro. A l'automne 2010,

l'évêque Maranon Lopez est remplacé par

Rafael Ibarguren Schindler, prêtre argentin

Héraut de l'Evangile, nommé administrateur

apostolique du vicariat. Il s'ensuit des mois d'affrontements, des appels, des marches...

Dans une lettre ouverte, le nouveau venu

et son équipe sont accusés de discriminer les indigènes et les Afro-Américains. C'est aussi insultes publiques et agressions contre des agents de la pastorale, expulsion des femmes des services à l'autel... Le 16 mai

2011, quand ils tentent de fermer les locaux

de Radio Sucumbios, station communautaire

et éducative, la colère est à son comble. La population demande le départ des Hérauts, le président Rafael Correa s'exprime à la

télévision dans le même sens. C'était chose faite le 19 mai 2011.

Le 16 septembre 2021, le pape François

mettait en garde les responsables des communautés nouvelles » contre les abus de toutes sortes qui se sont produits en leur sein. Pour les Hérauts de l'Evangile, il faudra en tirer les conséquences. Ils refusent de se soumettre au décret de la Congrégation pour les instituts de vie consacrée et de vie apostolique : si les enfants et ados retournent dans leurs familles, c'en est fini de leurs écoles conçues comme de parfaits réservoirs de recrutement. Mais qu'ils se soumettent ou non, il s'agit d'une secte, ipso facto irréformable.

1. On lira avec intérêt

Démocratie et Etat de non-

droit au Brésil : analyse et témoignage, de Paulo

Sergio Pinheiro. Accessible en ligne.

On n'y croyait plus... Quatre ans après

l'enquête lancée en 2017, un décret en date du 22 juin 2021 était porté fin août 2021 à la connaissance du public 1 . Signé par Joao

Braz de Aviz, préfet de la Congrégation

pour les instituts de vie consacrée et les sociétés de vie apostolique, il était destiné au cardinal Raymundo Damasceno Assis, nommé commissaire pontifical par le pape en septembre 2019 pour intervenir auprès des Hérauts. Les enfants inscrits dans les colegios (écoles primaires et secondaires) devront retourner dans leurs familles à la fin de l'année scolaire 2 , ainsi que les mineurs présents dans les deux sociétés de vie apostolique, masculine et féminine, Virgo Flos Carmeli et Regina Virginum, et ceux hébergés chez des Hérauts laïcs.

Les raisons invoquées

: " Une discipline trop stricte pratiquée dans les communautés des

Hérauts de l'Evangile

les nombreuses communications envoyées par les parents et des jeunes affirmant que les familles sont, dans la plupart des cas, exclues de la vie de leurs enfants. » Cette mesure vise permettre aux plus jeunes d'avoir le rapport indispensable avec leur famille et à prévenir toute situation pouvant favoriser d'éventuels abus de conscience et des emprises 3

à l'encontre des mineurs

4 11

La réaction des Hérauts de l'Evangile ne se

fait pas attendre sur leur site. "

Il n'incombe

légalement à aucune autorité ecclésiastique de fermer des écoles. Il s'agit d'une prérogative des organes liés au ministère de l'Education (...) La décision sponte propria, rendue par le cardinal Braz de Aviz, est actuellement contestée sur le plan canonique. » Suit aussitôt (4 septembre 2021) un communiqué de presse : " L'entité qui administre lesdits collèges est l'Inedae, entité juridique de droit privée, et non l'Association internationale de fidèles des Hérauts de l'Evangile. En tant qu'institution éducative, l'Inedae est soumise à l'autorisation et à l'évaluation des pouvoirs publics (constitution fédérale, art. 209) et non par le pouvoir ecclésiastique. La séparation de l'Eglise et de l'Etat a été effective le 17 janvier 1890 par le décret 119-

A et confirmée par la Constitution de1891.

Signature

: Monica Harumi Furutani, présidente de l'Inedae (elle est également avocate) 5 . Un recours était envoyé dès le 15 août au cardinal de Aviz, avec une demande d'effet suspensif " en raison de la gravité de l'acte et l'absence de témoignages contradictoires ».

Comment en est-on arrivé là

? Qui sont véritablement les Hérauts de l'Evangile ? Ils sont issus de Tradition Famille Propriété, " les trois piliers de la civilisation chrétienne organisation brésilienne ultra-conservatrice fondée en 1960 par Plinio Correa de

Oliveira

6 , propriétaire terrien et politicien, qui oeuvrera toute sa vie à lutter contre " la

Révolution, ennemie de l'Eglise

» et trouvera

un terrain particulièrement propice pendant la période de la dictature (1964-1985). Après sa mort en 1995, le mouvement est scindé en deux sections : Tradition Famille Propriété, la TFP selon une dénomination répandue, qui détient la " marque » pour les Etats-Unis et l'Europe ; celle qui deviendra les Hérauts de l'Evangile, association privée de laïcs créée en 1997 par Joao Scognamiglio Cla Dias, un proche de Plinio Correa de Oliveira, qualifié par ce dernier de " disciple parfait . Les deux hommes partagent la même vision, selon laquelle les trois maladies du monde sont le fruit de la révolution protestante du XVI e siècle, de la révolution française du XVIII e siècle et des révolutions communistes du XX e siècle. Dès la fin des années 1990, les

Hérauts de l'Evangile sont perçus comme la

branche spirituelle de la TFP, en partageant avec elle nombre de ses traits de dévotion, mais en occultant l'activisme social et politique qui avait caractérisé sa dimension temporelle.

Tout prend naissance en 1960 dans un

édifice bénédictin abandonné de Sao Paulo.

Certains voyaient en Plinio un homme

qui allait changer l'histoire en fondant un nouvel ordre religieux, à l'origine d'un nouveau type humain fait de sacralité, de tempérance et de combativité. Idéal de vie qui donnera naissance à l'ermitage et à un ensemble de règles rassemblées dans un guide interne, l'Ordo. Les membres, désormais appelés ermites, souvent très jeunes, portent un habit tout à fait semblable à celui des Hérauts de l'Evangile tel qu'il existe aujourd'hui. Pendant près de trente ans, cette vie consacrée se développera sans aucune approbation ecclésiastique de la part de l'Eglise catholique. Seule l'autorité de Joao

Cla Dias, ainsi que la supervision lointaine

de Plinio, seront les garants d'une cohésion. Cet ordre de chevalerie, rêvé et désiré par

Plinio, naîtra finalement en 1997 sous la

direction de Joao Cla Dias qui en deviendra le supérieur incontesté.

La vie des Hérauts est régie par l'Ordo de

Costumbres, guide interne de plusieurs

centaines de pages qui décrit les actes de la vie quotidienne dans ses moindres détails, et s'inspire des habitudes et pratiques de Plinio

Correa de Oliveira, "

prophète et homme de la droite de Marie

». Le but est d'imiter

Plinio Correa de Oliveira, pour devenir ce

que l'homme aurait été au Moyen Age, s'il n'y avait pas eu le péché de Révolution, concept développé par le fondateur de

Tradition Famille Propriété dans son

livre Révolution et Contre-Révolution : le péché de révolution » est un péché contre le premier commandement de Dieu. Un révolutionnaire hait les inégalités sociales justes et harmonieuses ainsi que la chasteté et tout précepte moral. Dans le péché de

Révolution, il y a la haine de tout ce qui est

bon, vrai et beau, et on peut presque dire que sa gravité est comparable à un déicide.

Gare aux infractions à l'Ordo et au rituel

du Chapitre des fautes qui annonce dénonciations, admonestation, pénitence.

Les coupables peuvent rester étendus sur

le sol pendant des heures. Sous le feu des projecteurs, les Hérauts affirment que seuls les plus de 18 ans sont concernés, mais il est permis d'avoir quelques doutes. Un contact nous informe que jusqu'en 2013 au Canada, des mineurs ont été soumis à cette cérémonie d'humiliation. Dès 1998, les Hérauts de l'Evangile reçoivent l'approbation diocésaine de Dom Emilio Pignoli, évêque de Campio Limpio (état de Saoquotesdbs_dbs25.pdfusesText_31

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