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La langue bretonne à Arradon au XXe siècle: réflexion

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1 Université de Bretagne Occidentale - Université Européenne de Bretagne

THÈSE DE DOCTORAT

La langue bretonne à Arradon au XXe siècle.

Réflexion sociolinguistique sur l'histoire du breton à travers un exemple particulier.

Présentée par Armelle FABY-AUDIC

Sous la direction de Ronan CALVEZ

Laboratoire : C.R.B.C. (CENTRE DE RECHERCHE BRETONNE ET CELTIQUE)

Soutenance à Brest le 21 septembre 2013

devant le jury composé de : Ronan CALVEZ, Professeur des Universités, U.B.O./U.E.B., BREST, directeur de thèse, Alain DI MEGLIO, Professeur des Universités, Université de Corse, CORTE, rapporteur, Gary GERMAN, Professeur des Universités, U.B.O./U.E.B., BREST, Erwan LE PIPEC, Maître de conférences, U.B.O./U.E.B., BREST, Charles VIDEGAIN, Professeur des Universités, Université de Pau, BAYONNE, rapporteur. 2

Au moment de présenter cette thèse, je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance à tous

ceux sans qui elle n'aurait pu voir le jour :

D'abord mes parents et l'ensemble de ma famille.

Ensuite les enseignants qui ont éveillé mon appétit de savoir et de comprendre. Plus spécialement ceux qui m'ont permis d'apprendre le breton, langue entendue quotidiennement

dans mon enfance mais qui me restait néanmoins hermétique. Je voudrais citer : Marc'harid

Gourlaouen, Yann Bouëssel du Bourg et Yann ar Beg, de Skol Ober (cours par correspondance), Tugdual Kalvez, Jorj Belz et les intervenants des cours du soir de breton à Vannes, puis Fañch Morvannou et tous les autres professeurs de l'Université de Bretagne Occidentale, spécialement

Jean-François Simon qui m'a amenée à faire une première enquête d'ethnologie et surtout Jean Le

Dû qui a guidé mes débuts dans la recherche et m'a donné l'opportunité de réaliser des enquêtes

dialectologiques avec un magnétophone. Enfin, Ronan Calvez, mon directeur de thèse, dont j'ai pu apprécier tout au long de ce difficile travail la qualité d'écoute, la rigueur et la compétence. Je voudrais aussi exprimer ma gratitude aux membres du jury qui auront à lire cette thèse et tiens à remercier toutes les personnes rencontrées pendant ces années de recherche et de collecte de documents : mes amis d'Arradon et d'ailleurs, les personnels des archives consultées et de la bibliothèque Yves Le Gallo du Centre de Recherche Bretonne et Celtique à Brest, les

intervenants et participants aux différents colloques suivis, les correspondants étrangers de mes

enfants qui ont enrichi ma réflexion sur les langues et Maggie Mealy pour son aide en anglais. Enfin, j'ai une pensée émue pour Louise, Jeanne, Pierre et Marie-Anne qui ont confié leur voix et leurs souvenirs au micro que je leur tendais et dont j'espère ne pas trahir la parole.

Je dédie cette thèse à Joseph Le Rohellec (1889-1934), le grand-père que je n'ai pas connu,

et à Jean Faby (1920-1979), l'oncle qui m'a offert Le Cheval d'orgueil pour mes vingt-et-un ans.

Armelle Faby-Audic

3

SOMMAIRE

INTRODUCTION ....................................................................................................... 4

1. " DU DOMAINE » ................................................................................................ 31

1.1 Kentañ razh (Au tout début) ...................................................................... 32

1.2 La population arradonnaise jusqu'à la Révolution française .............. 67

1.3 La période révolutionnaire : une époque charnière ............................ 100

1.4 L'inventaire officiel de la commune au XIX

e siècle ............................ 133

Synthèse 1. Un domaine congéable .......................................................... 176

2. GENESE ET ENFANCE ....................................................................................... 178

2.1 1891-1914. Récits d'enfance dans la région vannetaise ..................... 180

2.2 Arradon au début du XX

e siècle ........................................................... 250

2.3 1914-1918. Un coup de tabac ................................................................ 301

Synthèse 2. Une société bretonnante au début du XX e siècle ............. 333

3. MATURITE ET DECLIN ....................................................................................... 334

3.1 1919-1939. Un entre-deux ...................................................................... 335

3.2 Breton et transmission culturelle ........................................................... 398

3.3 Bouleversements et évolutions ............................................................... 474

Synthèse 3. Un siècle de révolution culturelle et linguistique .............. 532

REGARDS ET PERSPECTIVES .................................................................................. 533

Table des illustrations ............................................................................................ 557

Annexes ................................................................................................................... 558

Bibliographie ........................................................................................................... 574

Table des matières .................................................................................................. 582

4

INTRODUCTION

Les mots, les mots

Ne se laissent pas faire

Comme des catafalques.

Et toute langue

Est étrangère.

Eugène Guillevic, Art poétique, Terraqué. Carte 1. Frontières linguistiques en Bretagne.

La ligne Sébillot (1886), en pointillé gras, entre Basse-Bretagne bretonnante à l'ouest et Haute-Bretagne

gallèse. La ligne Timm (1976), en pointillé léger. La limite orientale des toponymes en -ac. (d'après Bernard Tanguy).

Les limites du Vannetais : Bas-Vannetais entre l'Ellé et le Scorff (rivières) et Haut-Vannetais.

Arradon est limitrophe de Vannes, à l'ouest de cette ville. 5 " La langue bretonne à Arradon au XXe siècle. »

L'intitulé de cette thèse a suscité des réactions diverses lors du travail de recherche : intérêt

réel ou attention polie, étonnement, scepticisme, agacement parfois. Une personne, habitant

provisoirement la commune et occupée au moment de notre rencontre en 2010 à inscrire des adresses en pestant contre les toponymes locaux, m'a répliqué sans ambages : " Et vous comptez

trouver quelque chose ? ». C'est dire que le breton n'apparaît pas à cette époque comme un

élément important dans le paysage visuel et sonore d'Arradon, sa présence dans les noms de lieux

étant seulement perçue dans le cas cité comme dérangeante. En Bretagne aujourd'hui, le breton gagne pourtant en visibilité, s'affichant avec ostentation

dans la signalétique bilingue mise en oeuvre par le conseil régional, mais il perd dans le même

temps la grande masse de ses locuteurs : les bretonnants âgés de plus de quatorze ans étaient

environ 246 000 en 1997, ils ne sont plus que 172 000 en 2007, dont 71% ont plus de 60 ans1. À

Arradon, la frange de la population capable de s'exprimer en breton est, depuis des années déjà,

très réduite : des locuteurs âgés, bretonnants de naissance

2 parfois originaires d'autres communes

du Vannetais ou d'ailleurs, et quelques personnes plus jeunes, peut-être des néo-bretonnants.

Poser la question du breton à Arradon au XX

e siècle peut donc apparaître de prime abord comme incongru. La démarche ne manque pas d'intérêt cependant, justement parce que cette

langue y est presque inaudible aujourd'hui. Or, si aucun recensement n'a jamais fait apparaître les

langues en usage sur le territoire communal, d'autres sources montrent que le breton est au début du XX e siècle la langue de la grande majorité de la population locale. La question essentielle qui guide cette recherche peut se résumer ainsi : Pourquoi et comment la langue bretonne qui était à Arradon au début du XX e siècle le moyen d'expression, de communication et de transmission culturelle de la quasi totalité de la

population a-t-elle perdu peu à peu ces rôles jusqu'à devenir à la fin du siècle une langue

quasiment étrangère pour la plupart des Arradonnais ?

Avant de présenter la genèse de cette étude et les sources utilisées, il est bon de préciser les

termes de la problématique et de retracer à grandes lignes l'état de la recherche sur le breton.

Le breton.

La " langue bretonne » ou " breton » désigne la langue vernaculaire de la Basse-Bretagne,

c'est-à-dire de la partie de la péninsule située à l'ouest d'une frontière linguistique qui a varié au

cours des siècles. Pour la période contemporaine, la démarcation généralement admise est celle

que précise en 1886 Paul Sébillot : grosso modo une ligne rejoignant l'ouest de la baie de Saint-

Brieuc à l'embouchure de la Vilaine

3.

Le breton est une langue celtique, comme le gaulois autrefois ; il est rattaché à un rameau dit

" brittonique » comme le gallois du Pays de Galles et le cornique de Cornouailles insulaire, alors

qu'un rameau " gaélique » regroupe les langues d'Écosse, d'Irlande et de l'île de Man.

La frontière linguistique qui divise la Bretagne sépare donc le domaine " bretonnant », où l'on

parle breton, du domaine des langues issues du latin dont le " gallo », langue d'oïl parlée en

Haute-Bretagne. Français et gallo d'une part, breton de l'autre sont des langues " génétiquement

différentes »

4, ce qui exclut la possibilité d'un continuum linguistique ; la frontière entre Basse-

1 Voir BROUDIC, 2009, p. 62 et 69. Ces chiffres concernent la Basse-Bretagne.

2 L'expression " bretonnants de naissance » désigne les personnes qui ont reçu le breton par transmission

orale au sein de leur famille, native speakers en anglais.

3 Voir SÉBILLOT, 1886, p. 16.

4 Voir BLANCHET, 2000, p. 99.

6

Bretagne et Haute-Bretagne est donc une réalité importante avant la généralisation de l'usage du

français normé qui s'impose comme langue nationale, d'abord à l'écrit dans les actes officiels,

puis peu à peu à l'oral sur l'ensemble du territoire français. Le breton est perçu à la fin du XIX

e

siècle comme une langue bien à part avec un nombre important de locuteurs. L'introduction à la

Grammaire française, pour le cours supérieur, de Brachet et Dussouchet précise en 1888 : La langue française comprend tout le domaine de la France actuelle, à l'exception de la partie

occidentale de la Bretagne, où plus de 1 300 000 habitants parlent des dialectes d'origine celtique

connus sous le nom de bas-breton. A cette exception importante on peut ajouter (...).1

Les minorités flamande, basque, catalane et corse sont citées ensuite, avant la déclinaison des

territoires que comprend " le domaine de la langue française » dans les états voisins et les colonies

ou ex-colonies françaises. L'" Alsace-Lorraine dans l'empire d'Allemagne » est incluse par les

auteurs dans ce domaine de la francophonie sans qu'il ne soit fait mention de l'alsacien. Cet

inventaire laborieux reflète la complexité de la situation linguistique et ses implications politiques

à l'époque de l'affrontement des états-nations en Europe. La formulation " plus de 1 300 000 habitants parlent des dialectes d'origine celtique connus

sous le nom de bas-breton » n'est pas anodine : il est ici question de " parler des dialectes », donc

d'oralité, " d'origine celtique », donc extérieure au domaine roman, dialectes " connus sous le nom

de bas-breton », " bas-breton » étant donné comme le nom sous lequel sont " connus » ces

dialectes ; le mot " langue » n'est pas employé à propos du " bas-breton ». Le chiffre de 1 300 000

locuteurs est sujet à caution

2 mais celui de plus d'un million de bretonnants est généralement

admis pour la fin du XIX e siècle. Les dialectes du français sont présentés ensuite dans l'ouvrage cité :

Dans toute l'étendue de notre territoire, tous les gens cultivés parlent le français ; tous les

paysans comprennent le français, mais parlent des patois assez différents les uns des autres et même

du français. Tous ces patois sont les restes des anciens dialectes (...).3

La suite de cette introduction consacrée à l'" histoire de la langue française » précise les

domaines de la langue d'oc et de la langue d'oïl ainsi que leurs principales variétés dialectales. Le

tableau que les auteurs brossent de la diversité linguistique en France en 1888 est complexe et

instructif ; la Basse-Bretagne y apparaît comme une entité à part avec ses propres dialectes.

L'étude publiée en 1886 par Paul Sébillot

4 met en évidence le tracé de la frontière linguistique

entre Basse-Bretagne et Haute-Bretagne, limite qui constitue à la fois une véritable rupture et une

zone tampon où les communes et parfois même certains " villages »

5 sont partagés, comme

hésitant entre breton et " français », le gallo n'étant pas mentionné expressément mais intégré

dans cette dernière appellation. Dans la commune de Pléguien, bretonnante pour les neuf dixièmes, les villages touchant à Pludual, Lanvollon et Tressignaux parlent exclusivement le breton, ceux confinant Plourhan parlent le français et n'ignorent pas le breton ; (...) 1 BRACHET, DUSSOUCHET, 1919, p. 1 (1ère édition en 1888). Avant cet ouvrage, Auguste Brachet

(1845-1898) a publié en 1867 une Grammaire historique de la langue française, préfacée par Émile Littré et

couronnée par l'Académie Française, et en 1870 un Dictionnaire étymologique de la langue française.

2 Ce chiffre provient peut-être de l'estimation de Paul Sébillot, estimation qui n'a pas la même rigueur que

son tracé de la frontière linguistique : Fañch Broudic souligne les fautes de transcription et erreurs de

calcul de Paul Sébillot qu'il dit " incontestablement fâché avec les chiffres ». BROUDIC, 1995, p. 30.

3 BRACHET, DUSSOUCHET, 1919, p. 2.

4 Paul Sébillot (1843-1918), né à Matignon dans les Côtes-du-Nord, " un républicain promoteur des

traditions populaires » selon le titre d'un colloque organisé du 9 au 11 octobre 2008 à Fougères.

5 Le " village » est la dénomination des hameaux, petits ou grands, en Bretagne.

7

La commune de Tréguidel, française pour les neuf dixièmes, ne renferme aucun village

exclusivement breton, mais seulement des familles bretonnes isolées le long des limites de Pléguien

et Tressignaux totalement bretonnantes (on n'y trouverait pas quatre familles purement françaises)

la limite passe à l'est des villages bretons de Keroc'h et de Saint-Antoine (...).1

Ces informations détaillées sont fournies à Paul Sébillot par des personnes sollicitées pour

affiner une première limite établie par lui-même en 1878. Grâce à M. Mauricet, correspondant

pour le Morbihan, l'auteur note pour l'arrondissement de Vannes :

A son entrée dans cet arrondissement, la limite suit sensiblement celle de la commune

bretonnante de Plaudren et de la commune française de Trédion (sauf une petite pointe à

Kerdossan) ; dans la commune d'Elven, elle passe par les villages de Kerleger, Le Grasso, le château

d'Elven, Lescastel. Le bourg d'Elven est en pays français et la commune coupée à peu près par

moitié par la limite. Celle-ci passe ensuite entre Tréffléan et la Vraie-Croix, mais plus près de cette

commune dont le bourg est français, - puis par Kerbournis et le Château, hameaux de la commune

bretonne de Sulniac, - laisse Berric un peu à l'ouest, passe par Le Drenegy, hameau de cette

commune, puis laisse à l'ouest Bourgeul et Muren, hameaux de Noyal-Muzillac, dont le bourg est en pays français.

La limite suit alors un étang de la commune de Muzillac, puis la rivière qui sépare cette

commune et celle de Billiers d'Ambon, commune entièrement bretonnante, sauf le village de

Penesclus. Alors la limite atteint la mer à l'embouchure de la Vilaine.2

Cette délimitation précise rapportée par Paul Sébillot en 1886 constitue " un arrêt sur image »

selon Fañch Broudic

3 qui cite les travaux postérieurs sur cette frontière mouvante, en particulier

l'étude de Panier

4 en 1942 et celle de Lenora A. Timm5 en 1976, cette dernière plaçant Vannes et

la presqu'île de Rhuys hors de la zone bretonnante. Le recul très important du breton en Bretagne sud-est est incontestable mais il est possible

cependant d'affirmer qu'en 1983 quelques personnes continuent à parler breton à Séné

6 ; la

pratique orale, limitée à la sphère privée et parfois réduite à l'usage de quelques habitants d'un

village, est difficile à déceler par les enquêteurs. La question des critères retenus pour affirmer

qu'une commune se situe ou non dans la zone bretonnante serait à approfondir 7.

Le changement de langue intervenu récemment se fait en faveur du français normé, adopté et

adapté par les descendants de bretonnants, et non plus de sa forme dialectale, le gallo, comme

auparavant. Il y a là une différence essentielle à souligner. Panier le précise en 1942 à propos de

certains villages de Saint-Gildas dans les Côtes-du-Nord :

Dans tous les villages gagnés au français, on constate l'absence de patois ; les gens parlent un

français régional qui n'est pas le gallo. Il faut, pour entendre le vrai gallo, aller à Saint-Gildas même

ou encore mieux, au Leslay. Les habitants ont conscience de parler français et ils se distinguent eux-

mêmes nettement des Gallos du Leslay. 8 Ces regards d'analystes situent la langue bretonne face au français qui gagne en quelques décennies des villages et des communes du domaine bretonnant, la ligne de Lenora A. Timm en

1976 reculant la limite de ce territoire jusqu'à l'ouest de Vannes, dans la région d'Arradon

précisément. Pourtant, la distinction entre deux phénomènes différents, d'une part le lent recul

1

SÉBILLOT, 1886, p. 7.

2 SÉBILLOT, 1886, p. 13-14. On notera le suffixe au pluriel -egi du toponyme Drenegy.

3 Voir BROUDIC, 2011 : " La limite Sébillot : un arrêt sur image ».

4 PANIER, 1942.

5 TIMM, 1976.

6 J'ai enregistré en 1983 Pierre M. à Séné. Il dit parler quotidiennement breton avec quelques voisins.

7 En 1942, M. Panier précise : " Ainsi, nous n'avons considéré comme points limites du breton que ceux

où trois générations le parlent spontanément. » PANIER, 1942, p. 99.

8 PANIER, 1942, p. 106.

8 du domaine bretonnant au contact du gallo au fil du temps et d'autre part l'effondrement rapide

de la pratique du breton au profit du français au cours du XXe siècle, me pousse à conserver la

ligne Sébillot comme frontière linguistique de référence. L'observation du changement de langue

dans la proche région vannetaise, plus précoce et plus rapide qu'ailleurs, éclairera peut-être les

causes de cette mutation : conjonction de deux processus ou accélération d'une tendance, effet de

seuil quand la ville de Vannes voit sa composante populaire se tourner vers le français, plus

grande perméabilité aux influences extérieures, apport massif de populations exogènes, etc.

" La » langue bretonne ainsi définie comme une entité circonscrite dans un territoire qui se

réduit au fil du temps

1 est d'abord, comme toutes les langues, une langue orale qui se réalise

différemment selon les localités. L'analyse de cette variation amène à reconnaître différents

dialectes ; la vision traditionnelle calque à peu près leurs limites sur les évêchés d'Ancien Régime :

Cornouaille, Léon, Trégor et Vannetais, en breton Kerne, Leon, Treger et Bro-Gwened ; ainsi sont

définis quatre dialectes : au centre et au sud-ouest le cornouaillais, au nord-ouest le léonard ou

léonais qui a grandement influencé la norme écrite, au nord-est le trégorrois et au sud-est le

vannetais qui diffère nettement des trois autres, souvent regroupés sous la dénomination K.L.T.

2, et a ses propres normes écrites de la fin du XVII e au milieu du XXe siècle.

La question de la genèse du breton et de ses dialectes a donné naissance à plusieurs théories,

successives et parfois antagonistes. Au XVIII e siècle, la thèse d'une filiation directe entre gaulois et breton est communément admise et alimente une " celtomanie » qui prospère au XIX e siècle. Les dialectes sont alors perçus comme une corruption de la langue originelle.

En 1883, le linguiste celtisant Joseph Loth

3 publie sa thèse L'émigration bretonne en Armorique du

V

e au VIIe siècle de notre ère : pour lui, le breton est une langue importée par les migrants sur la

péninsule armoricaine romanisée où le gaulois a disparu. La théorie de Loth prévaut jusqu'au milieu du XX e siècle. Le chanoine Falc'hun4 la remet en

cause dans sa thèse soutenue en 1951, L'histoire de la langue bretonne d'après la géographie linguistique,

présentant le breton moderne comme un descendant du gaulois revigoré par les migrations

insulaires, les différences dialectales remontant aux anciens parlers. Ses travaux se basent

principalement sur l'étude des formes orales collectées dans l'Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne

publié entre 1924 et 1963 par Pierre Le Roux

5. Dans l'avant-propos à la réédition de cet atlas en

1977, François Falc'hun exprime cette opinion :

Je pense que les dialectes dits K.L.T. (Cornouaille, Léon et Tréguier) dérivent pour l'essentiel

des parlers gaulois de la Cité des Ossismes, qui, d'après les archéologues (surtout les numismates)

aurait eu moins de cohésion que les autres cités armoricaines. Le Vannetais continuerait le gaulois

armoricain des Vénètes. Dans cette perspective, il faut naturellement tenir compte de l'évolution

intervenue depuis près de deux millénaires, qui a comporté, dans une première phase, une influence

1

Un territoire qui se morcelle également : Paul Sébillot mentionne dans son article " l'enclave bretonne de

la presqu'île de Batz (Loire-Inférieure) séparée des autres pays bretonnants par une bande française de

plus de 35 kilomètres d'épaisseur ». SÉBILLOT, 1886, p. 14.

2 Pour Kerne, Leon, Treger.

3 Joseph Loth (1847-1934), né à Guémené-sur-Scorff, fondateur de la revue Les Annales de Bretagne, fut

professeur de celtique à la faculté des Lettres de Rennes puis au Collège de France à Paris.

4 François Falc'hun (1909-1991), né et mort à Bourg-Blanc, fut professeur de celtique à l'Université de

Rennes, puis à celle de Brest.

5 L'Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne (A.L.B.B.) de Pierre Le Roux présente, en six fascicules, 600 cartes

de Bretagne consignant les variantes lexicales et phonétiques de 90 points d'enquête, le point 90 étant

Bourg-de-Batz en Loire-Atlantique (une journalière de 72 ans a répondu en 1911 à cette enquête). Un

Nouvel Atlas Linguistique de la Basse-Bretagne (N.A.L.B.B.) paraît en 2001 ; c'est l'oeuvre de Jean Le Dû,

professeur de celtique à l'Université de Brest, qui présente en deux tomes 600 cartes d'après de nouvelles

enquêtes réalisées sous sa direction dans 187 communes de Basse-Bretagne entre 1969 et 1997.

9

du parler des immigrés bretons, caractérisée par des particularités dialectales différentes, et depuis

quelques siècles, une influence croissante du français.1

S'appuyant sur l'analyse de cet atlas linguistique, Falc'hun met en évidence le rôle des voies de

communication et au lieu du découpage en quatre dialectes, propose une distinction entre ouest et est, avec une vaste zone intermédiaire centrée sur Carhaix

2. Il publie en 1981 Perspectives nouvelles

sur l'histoire de la langue bretonne qui inclut une partie de ses travaux en toponymie celtique3.

De son côté, Léon Fleuriot

4 renouvelle la vision de l'arrivée des Bretons en Armorique à

partir de l'étude des sources écrites anciennes. Sa thèse soutenue en 1964, Le vieux-breton, élément

d'une grammaire, est suivie de la parution la même année d'un Dictionnaire des gloses en vieux-breton

mais l'ouvrage qui fait date dans l'historiographie bretonne est publié en 1980 : Les origines de la

Bretagne. Fleuriot y décrit deux vagues de migrations bretonnes ; insistant sur les forts liens

culturels et commerciaux entre Armorique et Grande-Bretagne, sur la parenté des langues

celtiques continentales et insulaires, il explique le succès de l'implantation bretonne et la

persistance de la langue celtique issue de ce métissage : le breton.

Aujourd'hui, si les deux apports, continental et insulaire, dans la genèse du breton, sont

reconnus presque unanimement par les historiens et les linguistes, la question de l'origine des

dialectes reste encore largement inexpliquée. L'étude des sources écrites anciennes et celle des

parlers modernes y apportent des éclairages partiels sans permettre de conclusions définitives et

les théories ne sont pour le moment que des pistes de réflexion à approfondir 5.

Le vannetais qui se démarque par son originalité retient l'attention des chercheurs. Si Falc'hun

émet l'hypothèse d'un dialecte moins marqué au départ par l'apport insulaire et plus influencé

ensuite par le lexique français, Fleuriot réplique en soulignant des similitudes entre vannetais et

gallois6. Le débat n'est pas clos et retentit sur la querelle de l'orthographe, ou des orthographes,

du breton, Falc'hun proposant de conserver une norme graphique différente pour le vannetais. Les polémiques sur l'origine du breton et de ses dialectes, son orthographe, l'évolution de sa

pratique et son devenir sont souvent empreintes d'arrière-pensées scientifiques et idéologiques ;

elles ont longtemps entaché les relations entre les pôles d'études celtiques de Brest et Rennes. Je

ne souhaite pas m'insérer dans un discours convenu de part ni d'autrequotesdbs_dbs26.pdfusesText_32
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