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    Vous pouvez parcourir les recensements sur la page Recherche d'ancêtres. Chaque base de données poss? son propre écran de recherche et une page d'aide. Lorsque vous trouvez une entrée dans la base de données, cliquez sur le numéro d'item pour voir la référence complète.
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    À l'heure actuelle, quatre questions du recensement servent à identifier les peuples autochtones :

    Origine ethnique (y compris les ascendances autochtones);Identité autochtone;Indien inscrits ou Indien des traités;Membre d'une bande indienne ou Première nation.
  • en personne :

    1à un bureau régional.2au bureau de votre Première Nation.

L'IDENTITÉ AUTOCHTONE SAISIE PAR LE DROIT

Sébastien GRAMMOND*

I I. L'IDENTITÉ AUTOCHTONE ÉCARTELÉE ENTRE LES SCIENCES SOCIALES

ET LE DROIT?..................................................................................................288

A. Le concept d'identité culturelle ou ethnique en sciences sociales

1. La culture et les groupes culturels.........................................289

2. Les conceptions de l'identité....................................................290

3. Les paramètres de l'identité autochtone..............................294

B. La régulation juridique de l'identité autochtone.....................298

1. L'ancienne Loi sur les Indiens.................................................299

2. La "loi C-31» et la réforme de

la Loi sur les Indiens

3. Les codes d'appartenance des Premières Nations............309

4. L'autodétermination des Inuits................................................312

5. L'autodétermination des Métis.................................................313

II. LE DROIT À L'ÉGALITÉ COMME FACTEUR DE CONVERGENCE?..................315 A. La théorie de l'égalité substantielle..............................................317 B. Le statut d'autochtone à l'épreuve de l'égalité..........................321

1. La discrimination sexuelle........................................................323

2. L'emploi de critères généalogiques.........................................326

*LL.B., LL.M. (Montréal), M.Stud., D.Phil. (Oxford); professeur agrégé et vice-doyen à la recherche, Faculté de droit (Section de droit civil), Univer- sité d'Ottawa; avocat-conseil, Fraser Milner Casgrain s.r.l. Je désire remer- cier Christiane Guay et Lucie Lamarche qui ont accepté de lire une version antérieure du présent texte.

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J'ai été le premier étudiant d'Andrée Lajoie à m'intéresser au droit des autochtones. Mes travaux de l'époque 1

étaient princi-

palement axés sur une analyse du droit positif et négligeaient des perspectives pourtant chères à Andrée Lajoie, en particulier l'étude des liens entre le droit et la réalité sociale. À mesure que j'appro- fondissais ma connaissance du droit des autochtones, j'ai pris gra- duellement conscience du caractère incontournable d'un regard extérieur sur le droit, qui pouvait découler, à l'exemple des travaux ultérieurs d'Andrée Lajoie 2 , d'une approche sociologique permet- tant de comprendre les effets du droit sur les peuples autochtones et les déterminants sociaux et politiques de la construction de ce droit, mais aussi d'une approche philosophique permettant de jus- tifier (ou, le cas échéant, de critiquer) l'application aux autochtones de règles particulières. La présente étude se veut un témoignage de l'influence d'Andrée Lajoie sur mon cheminement intellectuel. J'y présente la probléma- tique de la saisie de l'identité autochtone par le droit, c'est-à-dire des règles juridiques qui prétendent définir qui peut être considéré comme autochtone. Cela comprend, on s'en doute, les règles de la législation fédérale qui définissent le "statut d'Indien», mais aussi les normes adoptées par les peuples autochtones eux-mêmes, qu'il s'agisse des "codes d'appartenance» des Premières Nations, de la "coutume» inuite ou des règles que se sont données les groupes métis. L'étude de ces règles d'appartenance soulève deux grandes caté- gories de questions, que l'on peut respectivement rattacher, au risque de simplifier quelque peu, à la sociologie et à la philosophie. Pre- mièrement, l'adoption de définitions juridiques du statut d'autoch- tone suppose une certaine conception de ce qui constitue l'identité autochtone dans le "monde réel». Or, on doit s'interroger sur la compatibilité des définitions juridiques avec l'état actuel de la con- 1 Par exemple: Sébastien GRAMMOND, Les traités entre l'État canadien et les peuples autochtones, Montréal, Éditions Yvon Blais, 1995 (il s'agit du mémoire de maîtrise que j'ai rédigé sous la direction d'Andrée Lajoie). 2 Notamment, Andrée LAJOIE, Jugements de valeurs, Paris, P.U.F., 1997; Andrée LAJOIE, Quand les minorités font la loi, Paris, P.U.F., 2002.

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MÉLANGES ANDRÉE LAJOIE

naissance en sciences sociales au sujet de l'identité ethnique et, en particulier, de l'identité autochtone. C'est l'objet de la première par- tie du présent texte. Deuxièmement, il faut évaluer si un décalage entre l'identité juridique et l'identité sociologique peut être source d'injustice. Le droit à l'égalité semble constituer un instrument juri- dique qui offre le potentiel de réduire ce décalage. Cette hypothèse sera analysée dans la deuxième partie du présent texte. I. L' IDENTITÉ AUTOCHTONE ÉCARTELÉE ENTRE LES SCIENCES SOCIALES

ET LE DROIT?

La question de l'identité est un laboratoire fort révélateur des relations entre le droit et les sciences sociales. Alors que le droit est souvent vu comme une construction intellectuelle abstraite, les sciences sociales ouvrent au juriste la porte du "vrai monde», de la réalité sociale. Cette ouverture nous permet de comparer com- ment le droit et les sciences sociales traitent une même question: le rattachement d'individus à un groupe. Dès maintenant, il faut souligner la perspective différente qui anime les deux disciplines. Lorsque le droit énonce une définition du statut d'autochtone, c'est pour en faire découler des consé- quences concrètes. L'individu qui se voit reconnaître un tel statut pourra résider sur le territoire de son groupe; il sera assujetti à la compétence des autorités du groupe en certaines matières; il pourra réclamer des bénéfices matériels telle une part des compensations financières attribuées au groupe ou une exonération fiscale attri- buée par l'État fédéral. Le droit poursuit donc l'objectif pratique d'assurer une certaine distribution des ressources ou des juridic- tions. Pour réaliser ce but, le droit recherche la certitude. Ainsi, le statut d'autochtone est habituellement considéré comme un con- cept binaire: un individu est autochtone ou ne l'est pas. Le droit n'admet pas la nuance ou l'entre-deux. Les sciences sociales, quant à elles, tentent de décrire la réalité dans toute sa complexité, sans chercher à en faire découler des conséquences normatives. Elles ne s'enferment pas dans des caté- gories binaires. L'identité peut donc être multiple, nuancée, ambi- guë. Tant pis pour celui qui recherche la simplicité. La confrontation

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entre le droit et les sciences sociales met donc en jeu deux modes de connaissance ou de production du savoir. A. Le concept d'identité culturelle ou ethnique en sciences sociales Commençons donc par l'identité en sciences sociales et préci- sons dès maintenant qu'il ne sera question que de l'identité reliée à la différence culturelle. Autrement dit, j'exclus d'autres volets de l'identité personnelle, comme l'identité sexuelle, professionnelle, familiale, etc. Pour bien comprendre cette application du concept d'identité, il faut d'abord définir les concepts de culture et d'ethni- cité.

1. La culture et les groupes culturels

Les sciences sociales conçoivent la culture de façon très large 3 comme recouvrant l'ensemble des modes de vie et de pensée des êtres humains. L'anthropologue britannique Tylor en a donné une définition classique en disant que la culture était "ce tout com- plexe qui comprend la connaissance, les croyances, l'art, la morale, le droit, les coutumes et les autres capacités ou habitudes acquises par l'homme en tant que membre de la société» 4 . On oppose sou- vent la culture à la nature: la culture, c'est ce qui est acquis par l'être humain dans ses relations sociales. Étant donné la complexité de la vie humaine et l'influence de la société sur celle-ci, on ne s'éton- nera pas de la vaste portée du concept de culture. Peut-on classer la culture? Autrement dit, est-il possible d'iden- tifier, parmi la multitude des êtres humains, des groupes bien défi- nis d'individus qui possèdent la même culture? Un certain courant anthropologique, inspiré notamment par Franz Boas, apportait une réponse positive à cette question 5 . Les différentes cultures humai- nes étaient séparées les unes des autres, ne dérivaient pas d'une 3 Pour une introduction générale, voir Denys CUCHE, La notion de culture dans les sciences sociales, 3 e

éd., Paris, Découverte, 2004.

4

Cité dans D. CUCHE, op. cit., note 3, p. 16.

5

D. CUCHE, op. cit., note 3, p. 18-22.

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MÉLANGES ANDRÉE LAJOIE

culture commune et ne tendaient pas non plus à l'unité. On pen- sait donc qu'il était possible d'étudier chaque culture afin d'en dé- couvrir les invariants, les éléments caractéristiques ou essentiels. Une telle conception, souvent appelée "essentialiste», est au- jourd'hui tombée en désuétude. On admet plutôt la variabilité inhérente à l'intérieur des groupes culturels et entre groupes cul- turels. L'acculturation ou le métissage sont maintenant considérés comme des phénomènes normaux plutôt que comme une patho- logie, une déviation, voire une corruption d'une culture "pure» 6 Une conséquence de cette manière de voir la diversité culturelle est qu'il est impossible, en sciences sociales, de définir des unités culturelles parfaitement homogènes. En d'autres termes, il n'y a pas de discontinuité totale entre différentes cultures, mais plutôt un dégradé, une variation continue. Les groupes culturels n'exis- tent donc pas de façon objective, mais sont plutôt définis par l'ob- servateur qui décide de prioriser des critères géographiques ou des traits culturels spécifiques afin de comparer et de classer des indi- vidus.

2. Les conceptions de l'identité

L'évolution du concept d'identité a suivi un cours semblable à celui de culture. L'identité d'un individu, c'est l'ensemble de ses appartenances à des groupes sociaux déterminés, tels le genre, la profession, la classe sociale, la citoyenneté, etc. Je me concentre- rai ici uniquement sur les conceptions de l'identité qui permettent de décrire l'appartenance à un groupe autochtone: il s'agit des conceptions raciale, ethnique et relationnelle de l'identité. Il est difficile de présenter sommairement un concept aussi controversé et mal défini que celui de race 7 . Qu'il suffise de dire, pour les fins du présent texte, qu'une conception raciale de l'iden- tité est fondée sur l'idée que les individus peuvent être classés 6

D. CUCHE, op. cit., note 3, p. 50-66.

7 Pour plus de détails, voir Sébastien GRAMMOND, "The Confusion Between "Race" and Indigenous Status», article soumis pour publication au Queen's

Law Journal.

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selon leurs caractéristiques physiques, notamment la couleur de la peau, que ces caractéristiques physiques déterminent le compor- tement des individus et que ces caractéristiques sont immuables et sont transmises par les gènes 8 . Une conception raciale de l'identité est souvent employée en vue de hiérarchiser des groupes humains, notamment en se fondant sur une vision stéréotypée du compor- tement des groupes raciaux jugés inférieurs. Le concept de race est aujourd'hui considéré comme non scientifique, étant donné la variabilité inhérente des caractéristiques physiques et l'impossibi- lité de trouver des critères de distinction objectifs et puisqu'il a été impossible de démontrer des liens entre caractéristiques physi- ques et comportement 9 En discréditant le concept de race, les anthropologues ont tenté, dès le début du XX e siècle, d'y substituer le concept de culture comme critère de différenciation entre groupes humains. Le qua- lificatif de groupe "ethnique» désigne, à cet égard, un groupe carac- térisé par une culture commune spécifique. Or, la conception de la culture en vogue à cette époque supposait, comme on l'a vu plus haut, l'existence de groupes séparés identifiables par les éléments essentiels ou caractéristiques de leur culture. Il est donc normal que l'on ait tenté de définir l'identité ethnique d'un individu en véri- fiant si celui-ci possède les attributs culturels qui sont considérés comme des éléments essentiels de la culture du groupe auquel on cherche à le rattacher. Pour donner un exemple quelque peu far- felu de cette conception, si l'on jugeait que l'accent particulier que possèdent les Québécois lorsqu'ils parlent le français constitue un élément essentiel de leur culture, il faudrait, pour décider si une personne est ou non un Québécois, écouter son accent. Il faut noter que, dans cette conception, les éléments culturels jugés essentiels, qui déterminent l'identité, sont choisis de manière permanente ou figée. L'observation extérieure aurait le potentiel de déterminer quels sont ces critères essentiels. 8 Audrey SMEDLEY, Race in North America: Origin and Evolution of a

Worldview, 2

e éd., Boulder (CO), Westview Press, 1999, p. 28; Richard JEN- KINS, Rethinking Ethnicity, Londres, Sage Publications, 1997, p. 83. 9 Albert JACQUARD, Au péril de la science?, Paris, Seuil, 1982, p. 56-72.

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MÉLANGES ANDRÉE LAJOIE

C'est le caractère artificiel d'une définition figée de la culture qui a amené les anthropologues, à la fin des années 1960, à propo- ser une nouvelle conception de l'identité ethnique 10 . Ces auteurs ont découvert que les individus s'identifient eux-mêmes à des grou- pes qu'on peut qualifier d'ethniques, mais pas toujours en fonction des facteurs culturels qui semblent les plus marqués aux yeux d'un observateur extérieur. Cela signifie qu'il n'existe pas de définition objective de l'identité ethnique d'un groupe. Chaque membre du groupe possède sa propre idée des critères d'appartenance au groupe, ce qui lui permet, dans les interactions quotidiennes, de distinguer les autres membres de son groupe des étrangers. Les étrangers peuvent aussi se forger leur propre idée afin de recon- naître les membres d'autres groupes que le leur. Dans tous les cas, il n'y a pas nécessairement accord entre tous les membres d'un groupe ethnique quant aux critères d'appartenance au groupe, c'est- à-dire quant à la définition de l'identité ethnique. Néanmoins, s'il y a un recoupement suffisant entre les conceptions d'un grand nombre d'individus, on peut parler, par agrégation, d'une conception col- lective de l'ethnicité du groupe concerné. Étant une agrégation de conceptions individuelles variables, cette conception collective sera nécessairement floue, mouvante et contestée à l'intérieur même du groupe. Utilisons encore une fois l'exemple du Québec pour illus- trer cette nouvelle conception de l'identité. Il y a un demi-siècle, la plupart des résidents francophones du Québec se seraient décrits comme appartenant au groupe des "Canadiens-Français»; pres- sés de questions sur les principales caractéristiques des membres de ce groupe, ils auraient répondu sans hésitation la langue fran- çaise, mais aussi la religion catholique, et peut-être l'ascendance 10 Voir notamment Fredrik BARTH, "Introduction», dans F. BARTH (dir.), Ethnic Groups and Boundaries, Prospect Heights (IL), Waveland Press,

1998; Thomas Hylland ERIKSEN, Ethnicity and Nationalism, Londres,

Pluto Press, 1993, p. 10-12, 36-58; R. JENKINS, op. cit., note 8; Danielle JUTEAU, L'ethnicité et ses frontières, Montréal, P.U.M., 1999; Jack David ELLER, "La culture au coeur du conflit: l'anthropologie, la différence cultu- relle et l'argument "ethnique"», dans Isabelle SCHULTE-TENCKHOFF (dir.), Altérité et droit: contributions à l'étude du rapport entre droit et cul- ture, Bruxelles, Bruylant, 2002, p. 51; D. CUCHE, op. cit., note 3, p. 82-95.

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française, présente au Québec depuis au moins deux siècles. Au- jourd'hui, le nom du groupe a changé: en raison des luttes politiques nationalistes, on se présente volontiers comme "Québécois», alors que "Canadien-Français» est passé de mode. La ferveur religieuse ayant considérablement reculé, très peu de Québécois mention- neraient la religion catholique comme paramètre de leur identité ethnique. De plus, les débats ayant entouré le projet nationaliste ont entraîné une remise en question des paramètres principaux de l'identité québécoise, si bien que l'ascendance française, voire la langue française elle-même, ne font plus l'unanimité comme élé- ments majeurs de l'identité québécoise 11 Une telle conception ethnique de l'identité est appelée "cons- tructiviste», étant donné qu'elle affirme que l'identité n'est pas défi- nie objectivement, mais est construite par les individus, ou encore "relationnelle», puisqu'elle apparaît à l'occasion des relations sociales. Cependant, il est tout à fait possible que les individus, pla- cés dans un contexte spécifique d'interaction sociale, adoptent des facteurs raciaux ou culturels comme paramètres de leur identité ou de celle d'un autre groupe. Adopter une conception constructi- viste de l'identité ne mène pas à nier de telles réalités lorsqu'elles sont observées; cependant, souligner leur caractère construit faci- lite leur critique. En fait, il faut souligner dès maintenant qu'une conception relationnelle de l'identité n'est pas gage de justice. Si l'identité est fonction d'un réseau de relations de reconnaissance mutuelle entre les individus concernés, on peut fort bien concevoir l'hypo- thèse que ce réseau traduise des exclusions injustes ou arbitraires. Un peuple autochtone, en effet, n'est pas un club privé, car il satis- fait des besoins essentiels de ses membres. Un membre qui en est injustement exclu subit des conséquences négatives importantes. Or, étant donné que l'identité et la culture n'existent pas "dans la nature», mais sont plutôt des produits de l'interaction sociale, il n'existe aucune raison de croire qu'une conception de l'identité 11 Voir, pour une présentation générale du débat, Geneviève MATHIEU, Qui est Québécois? Synthèse du débat sur la redéfinition de la nation, Montréal,

VLB éditeur, 2001.

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MÉLANGES ANDRÉE LAJOIE

observée dans un groupe donné soit, du seul fait de son existence, plus authentique ou plus juste qu'une autre. Il n'est pas possible d'éviter la question des relations de pouvoir dans la définition de l'identité.

3. Les paramètres de l'identité autochtone

À la lumière d'une conception constructiviste de l'identité, quels sont les principaux paramètres utilisés par les autochtones pour décrire leur identité? Évidemment, il ne s'agit pas ici d'étu- dier les conceptions d'un groupe autochtone spécifique, mais plu- tôt de donner une idée générale des facteurs qui ont été identifiés par les chercheurs en sciences sociales. Il est sans doute impossible d'éviter l'expression "sang indien» lorsqu'on traite d'identité autochtone. Le "sang», c'est en réalité l'ascendance, le statut des ancêtres. Avant le contact avec les Euro- péens, l'ascendance pouvait déterminer l'appartenance à un clan et, indirectement, à un groupe autochtone plus large 12 . Il est diffi- cile de savoir à quel point l'ascendance était utilisée d'une manière rigide; en tout état de cause, il semble que l'adoption était large- ment pratiquée, permettant ainsi à quelqu'un de devenir membre d'un clan en l'absence de tout lien biologique 13 C'est sans doute en raison de l'influence des conceptions racia- les qui imprégnaient la société occidentale du XIX e siècle que les autochtones ont été définis, et en sont parfois venus à se définirquotesdbs_dbs16.pdfusesText_22
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