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Redalyc.Batouala: véritable roman dun faux ethnographe?

(Maran 1938: 89). Dans les cercles coloniaux



la langue française à lécoute de la barbarie - dans batouala (1921

Le roman Batouala de René Maran définit ainsi doublement la barbarie : d'une part La préface de Batouala pose en deux temps la question de la.





Batouala de René Maran: les durables malentendus dun

8 avr. 2022 Introduction. Batouala a désormais cent ans. Un siècle après sa publication ce roman de l'écrivain guyanais René Maran (1887-1960) reste un ...



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2021

15 oct. 2021 À propos de la Préface de Batouala Bocquet estime qu'elle est l'expression de l'aigreur et de la colère de Maran



Note à propos du manuscrit de Batouala véritable roman nègre

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Le Prix Goncourt de 1921 et la Querelle de Batouala

prix Goncourt a Batouala veritable roman negre



2021

15 mars 2022 jamais paru. Et sa préface non plus ». Cette conclusion était largement fondée sur l'étude de la genèse de Batouala par Manoel Gahisto ...





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PREFACE Henri de Régnier Jacques Boulenger tuteurs de ce livre je croirais manquer de cœur si au seuil de la préface que voici je ne reconnais-



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Dix-sept ans ont passé depuis que j'ai écrit cette préface Elle m'a valu bien des injures Je ne les regrette point Je leur dois d'avoir appris qu'il faut 



René Maran BATOUALA Véritable roman nègre Roman Prix

Le livre au format PDF-texte (Acrobat Reader) à télécharger (Un fichier de 297 qui dénonce dans ce roman précédé d'une terrible préface les abus de 



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Batouala René Maran Préface de : Amin Maalouf Nous sommes en 1921 À cette époque personne n'ose douter du bien-fondé du colonialisme porteur de 



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Batouala (1921) et René Maran (page de titre 1921) (début de la Préface 1921) (illustration d'Alexandre Iacovleff 1928) (Le Livre de la Brousse 



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Le communisme voilà l'ennemi Albert Sarraut 1927 Introduction Le rôle de l'Allemagne dans la réception de Batouala en France n'est plus à démontrer

  • Quels sont les thèmes abordés dans Batouala ?

    Colonialisme et racisme : deux thèmes majeurs dans ''Batouala'' de René Maran / Joséphine Mumukunde État de Fribourg.
  • Quel est l'idée générale de Batouala ?

    Batouala, grand chef du pays banda, excellent guerrier et chef religieux, est devenu vieux. Le roman s'attache au début à ses pensées ordinaires (comme celle de savoir si se lever vaut désormais la peine), mais aussi à son point de vue sur la colonisation, les coutumes et la vie en général.
  • Quel fut le rôle de Batouala dans la littérature africaine écrite ?

    Pour Bocquet, « Batouala est un document ethnique ?, dans lequel son auteur a cherché à pénétrer l'intériorité des hommes blancs et noirs qui habitent ces contrées hostiles. Maran n'aurait donc pas inventé ses personnages, pas plus qu'il n'aurait voulu leur faire dire ses propres pensées.
  • Le second portrait de Batouala, opéré par la voix mêlée à celle du narrateur de Yassigui'ndja, épouse du grand chef, souligne d'ailleurs cette opposition : Quel bon mari que Batouala Nul plus que lui ne paraissait digne de respect et de gratitude.
Batouala de René Maran : les durables malentendus d'un commencement

Introduction

Batouala a désormais cent ans. Un siècle après sa publication, ce roman de l'écrivain guyanais René Maran (1887-1960) reste un jalon incontournable des littératu res francophones, et pourtant ce n'est ni un roman inaugural (ce n'est en effet pas le premier

roman antillais), ni un roman fondateur (il n'a pas vraiment suscité de tradition sur son modèle

esthétique). Sa réception reposa de fait, d'emblée, sur un double malentendu, puisqu'il devint

rapidement célèbre, d'une part, en raison de sa préface anticoloniale et de sa prestigieuse

distinction littéraire (il reçut le Prix Goncourt en 1921), et d'autre part en raison de son sous-

titre (" véritable roman nègre ») qui laissait espérer tout à la fois une esthétique primitiviste

et une poétique authentiquement africaine. Or force fut de constater, dès les années vingt, que le récit lui-même déjouait les promesses de son avant-propos, ainsi que les horizons

d'attente de ses lecteurs, puisqu'il n'offrait en réalité qu'un tableau assez limité de la situation

coloniale, tout en privilégiant une esthétique symboliste déjà surannée à son époque. Un

hiatus supplémentaire s'est de surcroît mis en place lorsque René Maran a tant remanié son

texte, en 1928 puis en 1938, que le roman que nous lisons depuis n'est assurément plus celui qui fut primé en 1921 . Il s'agira donc de se demander en quoi Batouala constitua un commencement doublement paradoxal : dans l'oeuvre de Maran, d'abord, qui en fit le point

d'entrée d'une " nouvelle littérature africaine » autant influencée par ses positionnements

spécifiques au sein de la littérature française et coloniale, que par les réalités étranges qu'elle

se donnait pour objet ; dans le champ des littératures francophones, ensuite, où tant de gens

différents se réclamèrent de ce texte pour fonder leurs propres esthétiques, que la lecture de

Batouala est aujourd'hui autant celle du roman lui-même que celle de ses interprétations, et

qu'elle reste ainsi un moment inaugural toujours renouvelé des études littéraires africaines

comme des études littéraires francophones. Batouala : brève histoire d'un roman et de sa réception On a abondamment écrit sur la genèse de Batouala et sur sa réception : dès le volume

d'hommages consacré à René Maran par les éditions Présence africaine en 1963, son " très

cher ami Manoël Gahisto », ainsi que l'auteur le nommait lui-même dans sa dédicace de 1921,

retraçait, à partir de lettres échangées à l'époque, l'histoire de cette lente et douloureuse

parturition - en poste d ans l'administratio n coloniale d e l'Oubangui-Chari, le romancier

consacra six années, de 1912 à 1918, à cette " reconstitution de la vie d'un nègre en général,

et d'un chef en particulier 1 ». La publication récente, aux éditions Présence africaine toujours, de la Correspondance Maran-Gahisto permet aussi de comprendre combien l'obtention du Prix Goncourt , le 14 dé cembre 19 21, même avec une seule voix d'avance su r Jacques

Chardonne et sa Cavalière Elsa, ne devait rien au hasard : une fois son roman achevé, l'écrivain

sut en effet coordonner, à distance de la France, et en s'appuyant sur un impressionnant 1

Lettre de René Maran à Manuel Gahisto, datée du 10 avril 1914 citée dans Hommage à René Maran, Paris,

Présence africaine, 1965, p. 131 ; et reprise dans Correspondance Maran-Gahisto, introduction de Romuald

Fonkoua, Paris, Présence africaine, 2021, p. 207. Sur les six années consacrées à l'écriture, voir la " préface » de

Batouala, Paris, Albin Michel, 1921, p. 9.

réseau de correspondants et d'amis écrivains, une habile campagne en faveur de son récit où

la préface, tardivement conçue, fit précisément office d'étendard politique autant que de

profession de foi littéraire 2 . Tout récemment encore, dans un numéro de la revue en ligne Continents Manuscrits, publiée par l'Institut des textes et manuscrits modernes, Charles W.

Scheel a complété le dossier en livrant à son tour une genèse de la première édition de

Batouala et notamment de sa célèbre préface, où il esquisse les étapes de cet autre " lent

processus de maturation qui a conduit Maran à inclure dans ce texte les passages sulfureux

qui allaient déchaîner les passions dans les institutions coloniales de la République et lui valoir

d'être interpellé jusque devant l'Assemblée nationale 3 Pour illustrer l'importance de René Maran et de son premier roman (publié) dans

l'histoire littéraire, les critiques on t souvent, et à fort juste titre, souligné son rôle de

médiateur entre les mouvements littéraires et culturels de l'Amérique noire, et ceux de la négritude francophone 4 . Les écrivains de la Renaissance de Harlem l'ont en effet revendiqué

comme un modèle, les théoriciens et poètes de la Négritude s'en sont réclamé comme d'un

précurseur, et Maran a ainsi très tôt occupé, dans l'espace littéraire de l'Atlantique noir, cette

intéressante position d'être tout à la fois un repère et un trait d'union, un intercesseur et un

inspirateur 5 . Dès qu'on examine cependant quelle fut la véritable réception de ses textes, de ses positions esthétiques et de ses engagements politiques par les uns et par les autres, ce sont d'emblé e, au-delà de l'hagi ographie et des filiations proclamées, d'importants quiproquos qui se laissent découvr ir. Lorsque l'oeuvre de René Maran fait l'objet, dans l'Amérique noire des années vingt, d'une bruyante publicité, l'attribution du Goncourt à Batouala suscitant immédiatement, o utre-atlantique, une avalanche de c omptes rendus dithyrambiques dans diverses revues noir es 6 , ce sont moins les qualités littéraires d'un

" véritable roman nègre » (pour reprendre le sous-titre du récit) que l'accomplissement et la

reconnaissance d'un " écrivain noir » en France qu'on célèbre chez le lauréat du prestigieux

prix littéraire. De même, lorsque Léopold Sédar Senghor salue, dès 1935, dans son article du

premier numéro de L'Étudiant noir, ce qu'il appelle " L'humanisme noir de René Maran », son

éloge va précisément à rebours des vues assimilationnistes de l'écrivain guyanais qui déplorait

au contraire " l'anthroponégrisme » de ses congénères afro-américains, enfermés selon lui

" dès l'enfance dans leur race », " ramen[a]nt tout à elle et " ne cherch[a]nt plus à s'en

évader », comme il le dénoncera dans son portrait du philosophe Alain Locke publié par la

revue Présence africaine en 1948 7 Dans son ouvrage de 2018 (Archéologie du texte littéraire dit " francophone », 1921-

1970), comme dans son article récent paru dans Continents Manuscrits, Ferroudja Allouache

a, de son côté, opéré un scrupuleux travail sur la presse et les anthologies ou manuels de

2

Correspondance Maran-Gahisto, op. cit.

3

Charles W. Scheel, " René Maran : genèses de la première édition (1921) de Batouala, véritable roman nègre,

et de sa préface », Continents Manuscrits, n°17, René Maran, 2021, https://doi.org/10.4000/coma.7748, § 42.

4

Maran écrivit en Afrique, de 1910 à 1912, un premier roman, Djogôni, histoire d'un métis qui resta longtemps

inédit. Sur les relations entre Maran, le mouvement du New Negro et celui de la négritude, voir Michel Fabre,

" Autour de René Mara n », Présence africaine , n°8 6, p. 165-172 et Brent Hayes Edwa rds, The Practi ce of

Diaspora: Literature, Translation and the Rise of Black Internationalism, Cambridge, Harvard University Press,

2003.
5

Voir Anthony Mangeon, " La réception littéraire et politique de René Maran par l'Amérique noire : influences

ou malentendus ? » in Lourdes Rubiales (ed), René Maran, Francofonia n°14, Cádiz, Servicio de Publicaciones de

la Universidad de Cádiz, 2005, p. 87-99. 6

Michel Fabre, art.cité, 1973, p. 171.

7

René Maran, " Le Professeur Alain Locke », Présence africaine, 1948, p. 135-138 ; citation p. 137.

littérature en France pour démontrer " l'impossible généalogie littéraire de René Maran » qui

se serait, selon elle, trouvé " doublement mis à l'écart » dans l'histoire littéraire francophone

et dans l'histoire littéraire française, " comme s'il n'était ni de son temps ni dans son temps,

jamais à sa place 8 ». Elle déplore finalement que Maran soit désormais " rapatrié parmi les

auteurs francophones » où " sa place, encore une fois, pose question », affirmant en effet que

" Les chercheurs en francophonie ont repris et pérennisé la dichotomie français/hors de France » et ainsi " consolidé l'absence de ressemblance entre certaines aires géographiques où la création en langue française se poursuit, et la France 9 Sans entrer d ans cette interminable polémique sur le bien -fondé (ou non) des

partitions entre littérature fr ançaise et francoph one, voire entre littérature an tillaise et

littérature africaine, dont le " cas Maran » révélerait très précisément les limites (Guyanais né

en Martinique, il grandit en France à Bordeaux et embrassa d'abord une carrière d ans l'administration coloniale en Afrique centrale, où il écrivit ses premiers romans, avant de

devenir, à l'issue de son Goncourt, écrivain et journaliste à plein temps à Paris, du milieu des

années vingt jusqu'à sa mort en 1960), on cherchera plutôt à sortir ici des malentendus qui

ont commencé dès la parution de Batouala, en 1921, en situant ce roman dans l'histoire

littéraire non plus à partir de sa réception, mais à partir de la poétique même de son récit. Les

choses se compliquent cependant d'emblée dans la mesure où Maran a largement récrit, en

1938, son roman de 1921. Par ailleurs, il a publié, en 1927, un deuxième roman, Djouma, chien

de brousse qui se voulait lui-même une réécriture, dans un cadre temporel plus large et à

partir d'un autre point de vue, de la première fiction éponyme de l'auteur. La poétique de Batouala se donnera donc à lire aussi dans les reprises et les variations d'une version et d'un roman à l'autre.

Il était deux fois Batouala

Cette formule, qui redouble l'incipit des contes de fées, doit elle-même s'entendre

d'une double manière : au-delà de la récriture d'un même récit par son auteur, elle désignera

sa duplication en une autre fiction, Djouma, prenant alors le sens d'un autre embrayeur narratif (" Du temps que les bêtes parlaient »). Commençons donc par comparer les deux versions de Batouala. Un premier constat s'impose d'emblée : alors que l'édition de 1921 comporte 189 pages, les douze chapitres du récit s'étendant sur 170 d'entre elles, celle de 1938 en compte

252, dont 179 dévolues à Batouala. Le récit y est désormais augmenté d'un 13

e chapitre et complété par une longue nouvelle d'une cinquantaine de pages, " Youmba, la mangouste ».

Il apparaît ainsi très nettement que " Maran a éprouvé le besoin d'augmenter, notablement,

la longueur de son texte », note le critique Michel Hausser qui, le premier, a comparé les deux

versions de Batouala 10 . Au-delà de l'adjonction d'un récit secondaire, dont l'intrigue - centrée

sur les aventures d'un animal - et la narration - à la première personne - s'avèrent à la lecture

complètement étrangères au récit-titre, allongeant simplement l'ouvrage " pour atteindre 8

Feroudja Allouache, Archéologie du texte littéraire dit " francophone », 1921-1970, Paris, Classiques Garnier,

2018 ; " Impossible généalogie littérai re de René Maran », Continents Manuscrits, n°1 7, 2021,

https://doi.org/10.4000/coma.7064, § 4. 9

Ibid., § 40.

10

Michel Hausser, Les deux Batouala de René Maran, Sodobi / Naaman, Bordeaux / Sherbrooke, 1975, p. 12.

une dimension standard 11 », l'écrivain a également altéré significativement la composition et la poétique de son récit. Pour comprendre cela, résumons-en rapidement les chapitres, en partant de l'édition originale. Les deux premiers narrent une journée complète du héros éponyme, Batouala, depuis

son réveil à l'aube (chapitre I) jusqu'à son retour de la chasse, le soir (chapitre II), après

l'annonce, tambourinée sur longs troncs d'arbres évidés - les lin'ghas - d'une fête (" la grande

"Yangba" ») bientôt organisée en l'honneur des " ga'nzas », de jeunes gens collectivement

circoncis et excisés à l'issue de leur initiation. Une fois mis en place son cadre géographique et historique (le village centrafricain de

Grimari, où Maran lui-même fut affecté, de 1911 à 1915, à l'époque coloniale), son univers

culturel (les traditions des Bandas, représentatifs du paysannat africain), et son personnel narratif (Batouala et ses neuf femmes, dont sa favo rite Yassiguin dja ; son ami et rival Bissinbingui ; son chien Djouma), l'auteur passe en revue quelques événements sortant de

l'ordinaire : le déchaînement d'un ouragan au chapitre III, six jours après le début du récit ; la

fête des ga'nzas, aux chapitres IV et V, trois jours plus tard, durant laquelle Batouala empêche

une première fois Yassiguindja et Bissibingui de s'unir charnellement ; les funérailles du père

de Batouala, mort subitement à l'issue de la " Yangba », au terme d'une veillée de huit jours

(chapitre VI). Les trois chapitres suivants (VII, VIII, IX) se concentrent alors sur les relations d'amour et de jalousie entre Bissingui, Yassiguindja, Batouala, où chacun des rivaux fomente l'assassinat de l'autre - le mari envisageant de surcroît de se débarrasser par ordalie de son épouse,

soupçonnée d'infidélité, en l'accusant d'être responsable, par sorcellerie, de la récente mort

de son père. Les chapitres X et XI sont consacrés à un nouvel événement exceptionnel, une journée

de chasse par le feu, à l'issue de laquelle Batouala est mortellement blessé par une panthère,

après avoir sournoisement tenté de tuer Bissibingui. Le douzième et dernier chapitre met en scène la mort de Batouala, au terme d'une agonie de quinze jours : sur le point de trépasser, il prévient une nouvelle fois l'union charnelle entre son épouse et son rival, qui s'enfuient. Ce résumé laisse immédiatement entrevoir deux principes de composition. Domine

d'abord une poétique de la reprise, où le récit se déploie régulièrement au moyen de chapitres

en doublons, qui reprennent les mêmes éléments narratifs, de l'un à l'autre, ainsi que certains

énoncés récurrents, au sein d'eux-mêmes : ce sont notamment les paires I et II (une journée

typique), IV et V (une fête), VII et VIII (une nuit dans la brousse), X et XI (une chasse), où les

énoncés récurrents sont par exemple, tour et à tour et respectivement, " Pourquoi se lever ? »

(I, p. 20, p. 22), " Ah, les blancs ! » (II, p. 37, p. 38), des couplets et refrains de chansons (IV,

p. 66-67 ; V, p. 86-91), " la belle journée ! » (X, p. 153, p. 154, p. 158), etc. Cette poétique de

la reprise - et notamment des récurrences énonciatives - se manifeste également dans les

unités chapitrales (III, VI, IX, XII) qui procèdent toute fois d'un autre principe : celu i de la

singularisation et de l'intensification d'un événement (une tornad e, des funérail les, une palabre nocturne, une agonie) annonçant ou mettant progressivement en scène la disparition

d'un monde. Entre les paires et les unités de chapitres s'insèrent précisément les ellipses

temporelles, dont la condensation permet à l'intrigue de s'étendre sur quatre mois, tout comme elle se déploie en quatre mouvements de trois chapitres chacun, selon une scansion alternant deux temps / une ellipse / un temps. 11 Ibid.

Cette structure est si régulière et équilibrée, sur le modèle rhétorique d'une période

carrée, qu'on peut dès lors se demander pourquoi René Maran a choisi de la rompre en

intégrant à son récit, en 1938, un treizième chapitre qui intervient, de plus, en troisième

position et décale ainsi l'ordonnancement initial (le chapitre III de 1921 devenant désormais le chapitre IV, le chapitre IV le chapitre V, etc.). Cette décision et cette position paraissent d'autant plus étranges que dans son incipit, ce nouveau chapitre III, dans l'édition de 1938,

semble signifier qu'il aurait dû plutôt succéder au troisième initial, consacré aux désastres

provoqués par une " tornade terrible » qui s'agite jusqu'au " déclin du jour 12

». Lisons plutôt :

" Le lendem ain de ce soir-là, peu avan t le chant de la perdrix, Donvorro, la tornade, lasse d'avoir hurlé toute la nuit, s'éloigna brusquement, déviée de sa route par les monstrueux courants aériens qui drainent chaque matin dans leur erre les troubles clartés avant-courrières de l'aurore. 13 Pour comprendre cette position, intéressons-nous davantage à son contenu : on peut

alors très vite constater que ce nouveau troisième chapitre se conçoit tout à la fois comme

une reprise du premier, avec un déplacement du point de vue, et comme une anticipation de la fin. On y voit en effet Yassiguindja opérer exactement les mêmes gestes que son mari

Batouala dans le chapitre liminaire (se lever à l'aube, sortir de la case, y rentrer après avoir

éprouvé le froid de la nuit finissante), puis se rendre à un rendez-vous matinal donné par

Bissibingui, et rencontrer chemin faisant la panthè re (Mourou) qui l'attaque : mais Yassiguindja l'esquive, comme le fera Bissibingui au chapitre XI (ou XII dans l'édition de 1938), et elle se voit ensuite sauvée par l'arrivée de Bissibingui, accompagné de Batouala dont la jalousie et les soupçons commencent dès lors à s'éveiller. Le nouveau chapitre réunit donc de manière exemplaire les deux principes structurant la composition du récit dans son ensemble : celui de la reprise, et celui de l'anticipation /

amplification, qui se trouvaient de fait déjà au coeur du chapitre III initial, où l'arrivée de la

tornade était rétroactivement présentée à travers toute une série de signes négatifs, explicités

dans des énoncés récurrents. " Trois jours avant la fête des "ga'nzas" il y eut une tornade terrible, qui clôtura par des ravages une saison de pluies désastreuses. Nul signe précurseur ne l'avait annoncée. [...] Calme, ni frais ni lourd, le vent agitait la dense tribu des feuilles. [...] Il ne faisait ni frais ni lourd. [...] Il ne faisait ni frais ni lourd. [...] Le vent tomba. Il fit soudain très lourd. [...] L'air fraîchit. Le vent augmente. C'est le "donvorro" 14

Désormais, la panthère y est rencontrée une première fois (p. 67-68) ; elle sera figurée

ensuite comme un possible moyen d'éliminer son rival (chapitre VI et page 105 en 1921, chapitre VII et page 121 en 1938), et elle deviendra finalement la cause de la mort de Batouala (chapitre XI et pages 177-178 en 1921, chapitre XII et page 180 en 1938). Tout en perturbant la symétrie initiale des quatre mouvements qui structurent le récit, ce nouveau chapitre vient

donc renforcer les principes de la reprise et de l'anticipation qui sont à son fondement. Grâce

à cette adjonction, nous avons désormais deux rendez-vous entre Yassiguindja et Bissibingui 12 Batouala, 1921, p. 51 et p. 61 ; 1938, p. 70 et p. 79. 13

Batouala, 1938, p. 54.

14

Batouala, 1921, p. 51, p. 52, p. 57, p. 59.

(III et VIII), comme nous trouvons chez eux deux tentations de partir (VIII et XIII), tandis qu'ils

sont à deux reprises empêchés par Batouala de s'accoupler (VI et XIII). La panthère qui tuera

Batouala s'y voit également désormais figurée, de même qu'au chapitre XI (ou X dans l'édition

1921), la cause exacte de la mort de ce dernier (ou l'éventrement par une bête sauvage) s'y

trouvait annoncée à travers la malheureuse fin du chasseur Coquelin (p. 164-166 en 1921, p. 170-171 en 1938). Passons à présent à Djouma, chien de brousse, qu'on peut lire comme une réécriture précoce de Batouala, à partir du point de vue de son chien, qui faisait office de personnage

secondaire dès le premier chapitre du récit primé quelques anné es plus tôt. Ce r oman

commence en effet lui aussi à l'aube, Batouala se voyant cette fois tiré de son légendaire sommeil par la naissance d'une nouvelle portée de chiots, dont Djouma. Le cadre temporel de ce nouveau récit excède cependant celui de 1921, courant en effet de la naissance à la mort du chien de brousse, bien des années après celle de son maître, et embrassant ainsi dans sa narration le mariage de Batouala avec Yassinguindja, puis la vie du roi des Bandas jusqu'aux

épisodes narrés dans le récit-titre, dont l'intrigue entière et les épisodes phares (la fête des

ga'nzas, la chasse au feu, la mort du chef) se voient finalement résumés en six pages (p. 215-

221) - quand il avait fallu initialement six ans à l'auteur pour les écrire...

Témoin constant des aventures et mésaventures de Batouala, et notamment des amours adultérins de ses diverses épouses avec B issibing ui, le chien est égaleme nt l'observateur privilégié, au fil des chapitres et des pages, des tristes conditions de vie des hommes noirs sous le joug colonial. Ces derniers sont en effet constamment exposés aux

exigences démesurées de l'impôt (p. 59, p. 101), des travaux forcés (p. 60, p. 73), de l'épuisant

labeur dans les plantations de caoutchouc (p. 118, p. 163). En dépeignant des villages entiers décimés par l'exploitation coloniale (p. 94), Djouma, chien de brouss e confère donc une

nouvelle densité narrative aux réalités dénoncées par Maran dans sa célèbre préface de

1921
15 , dans le même temp s qu'il d éveloppe l'analo gie entre le nègre et le chie n jadis proposée par Batouala dans l'une de ses diatribes contre les blancs : " Nous ne sommes que des chairs à impôt. Nous ne sommes que des bêtes de portage. Des bêtes ? Même pas. Un chien ? Ils le nourrissent, et soignent leur cheval. Nous ? Nous sommes moins que ces animaux, nous sommes plus bas que les plus bas. Ils nous tuent lentement 16 Les variantes d e ce prop os, dans l'édition de 1938, méritent d'être rel evées. En précisant de quel point de vue s'énonce son analogie (" nous sommes, pour eux, moins que ces animaux 17 ») et en amplifiant sa formule finale (" ils nous crèvent lentement 18

»), le roi

laisse deviner où se situe le véritable cynisme, dans le même temps qu'il anticipe sur sa propre

fin. Ainsi pourra-t-on lire, au moment de son ago nie, l a réaction suivante de s autorités coloniales : " Le command ant s'était montré d'une amabil ité charmante. Aux conseils

demandés, il avait répondu, sur un ton enjoué, que Batouala pouvait bien crever, et tous les

15

" La subdivision de Grimari [...] était très riche en caoutchouc et très peuplée. [...] Sept ans ont suffi pour la

ruiner de fond en comble. [...] La civilisation est passée par là. Et dakpas, m'bis, maroubas, langbassis, sabangas

et n'gapous, toutes les tribus bandas ont été décimées » (Batouala, 1921, p. 16-17 ; 1938, p. 15-16).

16

Batouala, 1921, p. 77.

17

Ce point de vue, explicité par l'incise, sera ainsi relayé par le commandant blanc dans Djouma, et un épisode

emprunté à Batouala : " Nègres... chiens de nègres, c'est tout un... » (Djouma, chien de brousse, Paris, Albin

Michel, 1927, p. 185).

18

Batouala, 1938, p. 98. Je souligne.

m'bis avec lui 19 ». Or, de fait, les deux récits de Batouala et Djouma établissent bien, dans

leurs épilogues, une ultime analogie entre le nègre et le chien, ou plus précisément entre le

maître et son compagnon de chasse : l'un et l'autre finissent éventrés dans la brousse, le premier par une panthère, et le second par un phacochère 20 . Par une double syllepse de sens, le verbe " crever » condense donc toute l'histoire de la colonisation : de l'épuisement des

Africains à leur mort, en passant par leur éviscération - Djouma meurt en effet de s'être

éloigné de la brousse, tout en incarnant symboliquement les colonisés, étant devenu, après le

décès de Batouala, le chien d'un nouveau maître - " l'Homme Blanc 21

Ambivalences d'un " classique »

Pour expliciter la poétique du premier roman de Maran, n ous nous sommes concentrés sur sa composition et notamment sur ses effets de reprises ou sur les exacerbations de ses structures dominantes d'une version ou d'un roman à l'autre - de 1921 à 1938, ou de Batouala à Djouma. Mais nous aurions pu aussi bien nous concentrer sur sa prose, ainsi que l'a brillam ment analysée Mi chel Hausse r dans son essai de 1975. En

comparant " les deux Batouala », le critique avait mis en relief, dans la récriture de 1938, des

additions ou corrections al lant systémati quement dans le même sens : celu i de " transformations amplificatrices dont la fonction est essentiellement stylistique 22

». Il avait

alors démontré qu'ainsi " Maran veut faire oeuvre littéraire et que, comme la génération

symboliste dont il tient sa formation intellectuelle, il se contente le plus souvent de marquer

son style, c'est-à-dire d'éviter les tours et les termes qui, à tort ou à raison, passent pour

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