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Limiter les frais

24 oct. 2015 maladie créée par l'ordonnance du 19 octobre 1945



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23 mai 2019 français des fonds et fondations ou le European Foundation Center dans le cadre européen



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23 mai 2019 Histoire économique histoire des sciences



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17 juil. 2020 les mobilisations prenant la forme d'un « syndicalisme du cadre de vie » qui jouent un rôle de premier plan dans les politiques urbaines

Fondations philanthropiques et recherche médicale en France au Thèse pour l'obtention du grade de docteur en histoire (décembre 2018)

Université Paris 1 Panthéon Sorbonne

IDHES - Institutions et dynamiques historiques de l'économie et de la société (UMR 8533)

École doctorale d'histoire (ED 113)

Nicolas Truffinet

Fondations philanthropiques et recherche médicale en France au tournant des XX e et XXIe siècles

Sous la direction de Michel Margairaz, professeur d'histoire économique à l'Université de Paris I

Panthéon Sorbonne

Membres du Jury :

Dominique Barjot, professeur d'histoire économique contemporaine, Université Paris IV Clotilde Druelle-Korn, maîtresse de conférence HDR en histoire contemporaine, Université de

Limoges

Anne Rasmussen, professeure d'histoire des sciences, Université de Strasbourg Matthieu Hély, professeur de sociologie, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines Marc Tardieu, professeur de médecine, Université Paris-Sud

Volume 1 : Texte

Remerciements

Je tiens d'abord à remercier l'ensemble des personnes qui m'ont reçu, parfois longuement, et ont

bien voulu répondre à mes questions : dirigeants de fonds et fondations, je pense en particulier à

l'équipe de la Fondation Paralysie Cérébrale, à la famille Chatelin, mais aussi médecins chercheurs

et responsables politiques et administratifs. Trop nombreux pour être cités ici, on trouve leurs noms

dans les sources et en annexe, dans la partie consacrée aux entretiens : ce mémoire n'aurait pas été

le même sans leur participation.

Il a aussi bénéficié de l'aide de membres d'organisations consacrées à la philanthropie : Laurence de

Nervaux et Frédéric Bérard, de la Fondation de France, Suzanne Gorge, du Centre français des

fonds et fondations, François Rubio, de France Générosité, Emmanuelle Faure, de l'European

Foundation Center, et Charles Sellen, de l'Agence française de développement, qui fut présent à

plusieurs moments de mes recherches, même jeune papa. Tous ont su m'apporter une précision ou

une rectification, me diriger vers telle enquête, telle étude, et me transmettre des documents utiles.

De même que Véronique Varoqueaux, du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche,

F. Ristori, de la Direction de l'information légale et administrative, Samira Koutabi et Benoît

Chapuis, de la préfecture d'Île-de-France, et Dominique Lemaitre, de celle de la Côte-d'Or.

La thèse a beau être un travail largement solitaire, je suis heureux d'avoir croisé la route de

chercheurs sur des sujets en lien avec le mien, dans le cadre de l'European Research Network on Philanthropy ou de la Chaire Philanthropie de l'ESSEC. Je me souviens aussi du séminaire de

l'EHESS sur la philanthropie américaine dirigé par Ludovic Tournès, et de tous les travaux qui

m'ont nourri depuis. Je suis reconnaissant à Dominique Barjot, Clotilde Druelle-Korn, Anne Rasmussen, Matthieu Hély

et Marc Tardieu d'avoir accepté de faire partie du jury. Histoire économique, histoire des sciences,

sociologie du tiers-secteur et médecine : je n'aurais pu espérer meilleurs profils et suis impatient

d'échanger avec tous. Merci évidemment à Michel Margairaz pour son encadrement, son accompagnement depuis 2012.

J'ai été heureux de son accord initial, heureux depuis de sa présence aux moments importants, de

ses réponses toujours adaptées aux questions qui se posaient, et de son encouragement aujourd'hui.

Je vous souhaite le meilleur et espère rester en contact les prochaines années. Je remercie bien sûr l'ensemble de ma famille. Mes parents pour leur soutien ces dernières

semaines, dans une période pourtant difficile, mes frères et soeur, son mari, ainsi que mes grands-

parents. Je pense en particulier à Christiane Durandin, disparue en septembre : je sais que cette

thèse comptait pour elle. Et à Guy Durandin, décédé en 2015, qui valorisait aussi mon activité

universitaire. Je suis heureux que Jean et Janine Truffinet soient présents, eux, et leur redis mon

immense affection.

Enfin les amis, qui ont toléré une moins grande disponibilité ces derniers mois, et que j'espère ne

pas avoir trop ennuyés avec les fondations en soirée, et Anna, bien entendu, et toute la famille

Marmiesse, pour son soutien sans faille tout ce temps. Merci Anna d'avoir embelli plus que je ne saurais dire ces cinq ans. 3

Liste des abréviations

AERES : Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (désormais Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur Hcéres)

ANR : Agence nationale de la recherche

ANRS :Agence nationale de recherche sur le sida et les hépatites virales

ANSM : Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ex-Agence française

de sécurité sanitaire des produits de santé Afssaps) AP-HP : Assistance publique - Hôpitaux de Paris CEA : Commissariat à l'énergie atomique (et désormais aux énergies alternatives)

CHU : Centre hospitalo-universitaire

CNRS : Centre national de la recherche scientifique CTRS : Centres thématiques de recherche et de soins (supprimés en 2013) EHESP : École des hautes études en santé publique

ENS : École normale supérieure

EPST : Établissement public à caractère scientifique et technologique EHESS : École des Hautes Études en Sciences Sociales

ERNOP : European Research Network on Philanthropy

FdF : Fondation de France

FRM : Fondation pour la recherche médicale

IBPC : Institut de biologie physico-chimique

ICM : Institut du cerveau et de la moelle épinière

IdF : Institut de France

IGAENR : Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche

IGAS : Inspection générale des affaires sociales

IGF : Inspection générale des finances

IHU : Institut hospitalo-universitaire

INCa : Institut national du cancer

INED : Institut national d'études démographiques INH : Institut national d'hygiène (1941-1964, succédé par l'INSERM) INRA : Institut nationale de la recherche agronomique INRIA : Institut national de recherche en informatique et en automatique INSEE : Institut national de la statistique et des études économiques INSERM : Institut national de la santé et de la recherche médicale IRCL : Institut pour la recherche sur le cancer de Lille IRD : Institut de recherche pour le développement

JO : Journal Officiel

LFM : La Fondation Motrice (devenue La Fondation Paralysie Cérébrale en 2018) MERRI : Missions d'enseignement, de recherche, de référence et d'innovation MIGAC : Missions d'intérêt général et d'aide à la contractualisation MIRES : Mission interministérielle Recherche et Enseignement supérieur

NIH : National Institutes of Health

OMS : Organisation mondiale de la santé

ONDAM : Objectif national des dépenses d'assurance maladie PRES : Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (supprimés en 2013) RTRA : Réseaux thématiques de recherche avancée (supprimés en 2013)

ULB : Université libre de Bruxelles

UPMC : Université Pierre et Marie Curie (elle a fusionné avec Paris Sorbonne, donnant lieu à

4

Sorbonne Universités le 1er janvier 2018)UVSQ : Université de Versailles Saint-Quentin-en-YvelinesAinsi que les huit formes de fonds et fondation :FRUP : Fondation reconnue d'utilité publique FA : Fondation abritéeFE : Fondation d'entreprise FCS : Fondation de coopération scientifique FU : Fondation universitaire FP : Fondation partenarialeFDD : Fonds de dotationFH : Fondation hospitalière

5

IntroductionAu départ, il y a notre intérêt pour la philanthropie, à laquelle nous avions déjà consacré notre

mémoire de Master 2, dans le cadre états-unien

1. On pouvait en effet avoir l'impression, pendant la

deuxième moitié de la décennie 2000, d'un essor des organisations et des programmes de type

charitable, généralement très médiatisés, à l'initiative de milliardaires célèbres. La Fondation Gates,

dirigée par le fondateur de Microsoft et sa femme, en était alors, et en demeure probablement,

l'incarnation la plus évidente. Il ne s'agissait pourtant pas d'en rester aux figures, aux structures, les

plus emblématiques. Bien plutôt, on souhaitait décrire le secteur philanthropique dans sa diversité :

ses acteurs, fondations et associations, ses pratiques, à différents échelons, ainsi que les débats et

parfois controverses les entourant. Tout cela donnait à voir la société de ce pays avec beaucoup de

ses caractéristiques, comme l'importance qui demeure du sentiment religieux, mais aussi la

valorisation de l'efficacité et des méthodes de l'entreprise. Au-delà de la description, une question

sous-jacente guidait notre enquête : la philanthropie est-elle considérée, aux États-Unis, comme une

sorte de substitut aux politiques publiques ? Les donations des riches américains sont-elles le

corollaire d'une faible redistribution par l'impôt touchant les grosses fortunes ? Existe-t-il ou a-t-il

existé, au sommet de l'État, une volonté délibérée d'encourager la charité privée, dans un contexte

de désengagement pouvant tenir à des raisons idéologiques, la fameuse révolution conservatrice des

années 1980, ou à des impératifs budgétaires ? Ces questions doivent s'entendre dans une

perspective comparative aussi bien qu'historique. D'un côté, il s'agit d'interroger une possible

idiosyncrasie états-unienne au regard du modèle ouest-européen, marqué par un poids de l'État plus

important, et peut-être une certaine défiance envers une immixtion des acteurs privés dans les

domaines d'intérêt général. De l'autre, on questionne une évolution qui a pu toucher, à des degrés

divers, l'ensemble de ces pays au cours des 30 ou 40 dernières années.

Le travail exercé dans le cadre de notre doctorat est le fruit d'un double déplacement : il a d'abord

été décidé de travailler sur la philanthropie française plutôt qu'états-unienne, puis de resserrer sur un

domaine en particulier, la recherche médicale, à l'exclusion des activités de soins. Les questions s'en

trouvaient déplacées d'autant : il s'agissait de comprendre les raisons du poids de la philanthropie de

l'autre côté de l'Atlantique, il faut à présent expliquer pourquoi elle est jugée faible en France. La

philanthropie dans ce pays doit-elle être considérée comme le produit d'une transposition ? Ou bien

tire-t-elle ses racines d'une histoire qui lui est propre ? Il conviendra de nuancer l'idée, fréquemment

1 Nicolas Truffinet, " Les mutations de la philanthropie aux États-Unis des années 1990 à aujourd'hui », mémoire de

Master 2, Centre de recherche d'histoire nord-américaine CRHNA, Université Paris I, 2008. 6

exprimée, selon laquelle ce secteur souffrirait ici d'un " retard ». Et par ailleurs d'introduire une

dimension historique en rappelant que celui-ci n'est pas immobile : les incitations fiscales

bénéficiant aux fondations, jugées faibles au début des années 1980, et encore 1990, sont

aujourd'hui plus généreuses que dans beaucoup de pays voisins. Des évolutions législatives

importantes ont pris place pendant la décennie 2000 et, à considérer l'augmentation du nombre

d'organisations reconnues d'utilité publique les dix années suivantes, il semble que les acteurs aient

su s'en emparer. Même si l'on entend encore (mais moins que par le passé) déplorer des

" rigidités », ou une insuffisante culture philanthropique, et s'il reste des revendications insatisfaites,

touchant à la réserve successorale, qui en réservant une part jugée trop importante de la succession

aux héritiers directs, freinerait la possibilité d'une transmission du patrimoine à des organismes

d'intérêt général, ou à l'essor considéré comme trop timide des fondations actionnaires, permettant

de se rendre propriétaire d'une entreprise industrielle ou commerciale et ce faisant d'éviter une prise

de contrôle hostile, formule en vogue dans les pays d'Europe du Nord.

La décision de nous intéresser à la recherche, médicale en particulier, nous a conduit à denouveaux

questionnements. Comment ont évolué son organisation ainsi que ses sources de financement ? Et

quel rôle jouent ici les fondations, à côté des acteurs publics et privés à but lucratif ? Dans une

perspective quantitative, que représente le montant de leurs subventions, comparées aux crédits

publics d'une part et aux investissements dans la recherche et le développement de l'industrie d'autre

part ? Et sur un plan qualitatif, observe-t-on des particularités en matière de fonctionnement, de

choix scientifiques, qui les distinguent, voire les légitiment ? De premières réponses viennent

spontanément à l'esprit : les entreprises pharmaceutiques seraient en charge de la production de

médicaments, la recherche fondamentale étant plutôt du ressort d'organismes publics. Mais l'on

aurait tort d'en conclure à un partage des tâches définitivement admis, non-évolutif. On verra

notamment que la répartition des crédits entre différents types de recherches, de projets (quelle part,

par exemple, réserver aux programmes blancs?), fait l'objet de débats intenses, et d'arbitrages

difficiles, lors des débats parlementaires précédant le vote des lois de finance. Revenant aux

fondations, faut-il les considérer comme des acteurs secondaires, attribuant des subventions qui ne

peuvent constituer qu'un appoint marginal pour les laboratoires ? Ou bien certaines, disposant d'une

importante force de frappe financière, sont-elles en mesure de jouer un rôle significatif dans la

définition de politiques scientifiques ? Voici les deux hypothèses opposées entre lesquelles il faudra

naviguer. 7

Une littérature inégalement fournie

Quel est l'état de la recherche sur le sujet ? Le fait qui nous a frappé est qu'on est présence de deux

champs bien distincts, celui de l'histoire de la recherche, et notamment de la recherche médicale, et

de l'histoire de la philanthropie, de cet acteur qu'est la fondation en particulier. Deux champs qui, à

ce jour, nous paraissent inégalement documentés : sur la mise en place d'une politique de recherche

publique les années suivant la Libération, les évolutions de ce modèle par la suite, et ses prémisses

au XIX

eet au début du XXe siècles, il semble que les historiens ont beaucoup travaillé. On a moins

d'informations sur l'histoire des organisations philanthropiques, peut-être parce que beaucoup des

événements marquants les concernant sont plus récents ? Les études sur le sujet ont en outre

souvent l'inconvénient de provenir d'organismes comme la Fondation de France, ou le Centre

français des fonds et fondations, ou leEuropean Foundation Centerdans le cadre européen, dont la

vocation de défense du secteur peut sans doute être un obstacle à la production de travaux possédant

une dimension critique. Cela ne nous empêchera pas de les exploiter (certains sont excellents), mais

en les recoupant, quand la chose est possible avec des analyses menées dans des situations d'extériorité a priori plus favorables à la neutralité.

Contribuer à enrichir cette historiographie touchant aux fondations est donc notre premier objectif.

Le second est de la lier à l'histoire de la recherche médicale, autrement dit de croiser ces deux

champs, programme qui a peu été pris en charge jusqu'à présent. Il convient pour cela de présenter

successivement la littérature consacrée à ces deux objets, avant d'avancer, déjà, les premières

passerelles qui existent entre eux. L'histoire de la recherche médicale en France : un champ d'études riche déjà bien défriché

Le caractère crucial de la période de l'après-guerre, des vingt ans suivant la Libération, peut servir

de point de départ. On citera à ce sujet les travaux d'Alain Chatriot et Vincent Duclert, en particulier

l'ouvrage collectif qu'ils ont dirigé Le gouvernement de la recherche : Histoire d'un engagement

politique, de Pierre Mendès France au général de Gaulle (1953-1969). Y est évoquée notamment

l'importance du colloque de Caen, en 1956 : organisé à l'initiative de Pierre Mendès France,

l'événement, qui a réuni pendant trois jours 250 intervenants, scientifiques, industriels,

administrateurs..., a débouché sur les " 12 points de Caen », programme de modernisation qui, il est

8

vrai, eut peu de répercussions immédiates, mais influença plusieurs des orientations prises les

décennies suivantes. À côté de propositions touchant à l'enseignement supérieur, à l'attractivité des

carrières scientifiques, et de revendications d'ordre statutaire, concernant le personnel du CNRS, le

voeu d'une planification de la recherche, en particulier, est clairement exprimé, etdeviendra une réalité au début des années 1960

2. Vincent Duclert revient sur la naissance en 1961 de la Délégation

générale à la recherche scientifique et technique (DGRST), qui a vocation à coordonner les actions

dans le champ de la recherche, avec ses 22 programmes d'actions concertées, dont celui concernant

la biologie moléculaire - quatre ans plus tard, le prix Nobel de médecine reviendra à André Lwoff,

Jacques Monod et François Jacob pour leurs travaux dans ce domaine

3. C'est la DGRST, ajoute

l'historien dans un autre article plus axé sur les modalités de son administration, qui est à l'origine

de plusieurs nouveaux établissements comme le Centre national d'études spatiales CNES ou

l'Institut de recherche en informatique et en automatique IRIA, cette réorganisation générale

permettant au CNRS, dont les effectifs et le budget explosent au cours de ces années, de se recentrer

sur la recherche fondamentale 4.

En forçant le trait, on pourrait dire que les propositions faites au colloque de Caen ont été, d'une

certaine manière, l'équivalent pour la recherche du programme du Conseil national de la Résistance

pour les questions de politique générale : un repère, chargé d'une forte dimension symbolique

encore (en particulier) cinquante ans plus tard alors qu'est crainte, à tort ou à raison, une remise en

cause de ce modèle d'interventionnisme d'État modéré. La mise en avant d'acteurs de cette période

alors encore vivants, jouissant d'une aura susceptible de faire contrepoids aux politiques mises en

oeuvre au cours de la décennie 2000, s'observe dans les deux cas : on se rappelle le statut qu'a eu

Stéphane Hessel pendant la présidence de Nicolas Sarkozy. Quelques années plus tôt, alors que le

gouvernement Raffarin est accusé de préparer un démantèlement de la recherche française, c'est

Jean-Louis Crémieux-Brilhac, ancien conseiller de Pierre Mendès France considéré comme le

véritable organisateur, au moins sur le plan logistique, du colloque de Caen, qui remplissait cette

fonction. Il existe certes des différences entre les deux hommes : mendésiste restant attaché à la

figure du général de Gaulle, Crémieux-Brilhac est moins marqué à gauche que Stéphane Hessel,

s'aventurant moins en outre dans la politique générale, cantonnant ses interventions au domaine de

la recherche - ainsi qu'à l'histoire de la Résistance, à travers plusieurs gros ouvrages rédigés

2 Vincent Duclert, " Le colloque de Caen, second temps de l'engagement mendésiste », dans Alain Chatriot et Vincent

Duclert (dir.), Le gouvernement de la recherche : Histoire d'un engagement politique, de Pierre Mendès France au

général de Gaulle (1953-1969), Paris, La Découverte, 2006, p. 81-100.

3 Vincent Duclert, " L'invention d'une haute institution gouvernementale. La délégation générale à la recherche

scientifique et technique », dans Alain Chatriot et Vincent Duclert, op. cit., p. 132-149.

4 Vincent Duclert, " La naissance de la délégation générale à la recherche scientifique et technique. La construction

d'un modèle partagé de gouvernement dans les années soixante », Revue française d'administration publique, vol.

112, n° 4, 2004, p. 647-658.

9

pendant sa retraite qui lui valent aujourd'hui l'essentiel de sa réputation5. Des points communs n'en

existent pas moins, à commencer donc par leur participation à la Résistance et le rôle de sage qu'ils

ont endossé à un âge avancé. De manière révélatrice, chacun signe un chapitre du livre d'Alain

Chatriot et Vincent Duclert cité plus haut, les deux sur l'expérience mendésiste, à laquelle

Crémieux-Brilhac consacrera un ouvrage complet quelques années plus tard

6, comme témoin et

historien à la fois.

Cette idée du caractère décisif du colloque de Caen relève-t-elle d'une vue de l'esprit ? Si oui, elle

est en tout cas partagée par une pluralité d'acteurs. Lors de la fronde des chercheurs en 2003,

épisode sur lequel nous reviendrons plus longuement, la référence revient fréquemment, les états

généraux organisés alors se rêvant à l'occasion en un nouveau Caen - l'original est évoqué dans le

rapport final, dès le troisième paragraphe de l'introduction

7. L'ouvrage d'Alain Chatriot et Vincent

Duclert est publié dans ce contexte, issu d'un programme de recherche de l'EHESS. Plus étonnant

peut-être, la majorité alors UMP s'y réfère aussi, à l'image du député Jean-Michel Dubernard au

cours des débats parlementaires précédant le vote de la loi de programme pour la recherche de

2006, suite à trois années de débats parfois houleux. Signe que ce point de repère est devenu

largement consensuel, mobilisable par les deux parties. Toujours sur les décennies 1950 et 1960, concernant la recherche médicale spécifiquement,

plusieurs travaux viennent compléter utilement ceux qui viennent d'être cités. Jean-François Picard,

historien des sciences au CNRS, revient sur l'évolution de son établissement au cours de ces années

8, sur la naissance de l'INSERM, étudiant en particulier l'Institut national d'hygiène (INH) qui

l'a précédé

9, d'autres auteurs se penchant eux sur la création des Centres hospitaliers universitaires

(CHU) par l'ordonnance du 30 décembre 1958 : Sophie Chauveau rappelle que la réforme a fait entrer l'enseignement et la recherche à l'hôpital

10 tandis que Jean-Marie Clément souligne le rôle

5 Mentionnons les deux tomes des Français de l'an 40, ainsi que La France libre : de l'appel du 18 juin à la

Libération, parus respectivement en 1990 et 1996 chez Gallimard.

6 Jean-Louis Crémieux-Brilhac, La politique scientifique de Pierre Mendès France, Paris, Armand Colin, 2012.

7 États Généraux de la Recherche, Rapport, La Documentation française, novembre 2004, p. 2.

8 Jean-François Picard, La République des savants : la recherche française et le CNRS, Paris, Flammarion, 1992.

9 Jean-François Picard, " Aux origines de l'Inserm : André Chevallier et l'Institut national d'hygiène », Sciences

Sociales et Santé, vol. 21, n° 1, mars 2003, p. 5-26. L 'exemple soulève par ailleurs la question suivante : peut-on

parler de manière neutre, voire en en soulignant les aspects positifs, d'une institution née dans le cadre de Vichy ?

commentaire à la suite de cet article : peut-on interroger l'efficacité de l'INH de manière abstraite, sans référence au

contexte dans lequel ses politiques ont été décidées ? L'auteure reconnaît que les études sur Vichy ne doivent pas se

réduire aux questions politiques, et par ailleurs que les recherches conduites par l'INH, par exemple en matière de

lutte contre l'alcoolisme ou la tuberculose, pouvaient poursuivre des objectifs légitimes. Pour autant, insiste-t-elle, la

dimension politique de la santé publique ne saurait être négligée. C'est une question pour l'historien, qui se reposera,

d'autres réformes, touchant par exemple au contrôle de la composition des médicaments, ayant été mises en place

pendant la même période.

10 Sophie Chauveau, " Quelle histoire de l'hôpital au XX

e et XXIe siècles ? », Les Tribunes de la Santé, vol. 33, n° 4,

2011, p. 81-89.

10

dans l'affaire du professeur Robert Debré, qui a su convaincre son fils Michel alors premier ministrede s'inspirer du modèle anglais, en vigueur depuis la mise en oeuvre du National Health Service en

1943, consistant à former des médecins hospitaliers à temps plein, partageant leur activité entre

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