[PDF] Les profits de la guerre Prédation et pouvoir dans le monde franc





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TABLE ALPHABÉTIQUE PAR NOMS DAUTEURS

BIBLIOGRAPHIE. - Manuel d'Histoire de la Philosophie par D. Tomas Garcia. Luna



Université de Montréal Histoire et rhétorique : Grégoire de Tours et

Chapitre 2 : Historiographie rhétorique et les dix livres d'histoire déçu de Chilpéric appelé Mérovée



Les profits de la guerre Prédation et pouvoir dans le monde franc

Muh. 7 1429 AH finalement par Georg Pertz en 1826



Thèse Hoernel 28092011aCOR

Dhu?l-H. 29 1432 AH Mes remerciements vont encore à Mme le Professeur Danielle Buschinger pour ses invitations à Pavie et à Saint-Riquier



Histoire littéraire de la France

in France and England by George Ellis ; a new edit. by J. O. Halliwell. thèque choisie des livres de droit



Les Etudiants et la délinquance au Moyen Âge (XIIIe-XVe siècles)

1 Challamel Augustin « Les étudiants au Moyen Âge »



A volume 1

Il a utilisé comme source pour rédiger cette biographie les dix Libri. Historiarum de Grégoire de Tours ainsi que l'Histoire Ecclésiastique du peuple 



La femme-monstre en France au XVIIe siècle (Théâtre et

Dhu?l-Q. 12 1442 AH LA FEMME-MONSTRE CREATRICE DE RECITS INNOVANTS. ... d'entendre parfaitement les livres sacrés à moins que l'on ne sache auparavant les ...



LE VALAIS

livres de baptême on s'aperçoit qu'une partie des curés ne comprenait pas même une grammaire».3) Quelques chroniques et récits légendaires ont vu le jour 



Le Mouvement Littéraire

La Tragique histoire des reines Brunehaut présent et un peu indulgent pour l'avenir est ori- ... livres. Avec la belle et touchante histoire d'Isa-.

Université ParisEst MarnelaValléeÉ

cole doctorale Cultures et SociétésRodolphe KELLER

Les profits de la guerre

Pr édation et pouvoir dans le monde franc(VIeXe si

ècle)Th

èse de Doctorat nouveau régimePr

ésentée pour l'obtention du grade de docteur de l'Université Paris Est MarnelaVall

éeDiscipline : histoire

Sous la direction de

Madame le Professeur Genevi

ève BÜHRERTHIERRY

et la codirection de

Madame le Professeur R

égine LE JAN

Novembre 2013

Université ParisEst MarnelaValléeÉ

cole doctorale Cultures et SociétésRodolphe KELLER

Les profits de la guerre

Pr édation et pouvoir dans le monde franc(VIeXe si

ècle)Th

èse de Doctorat nouveau régimePr

ésentée pour l'obtention du grade de docteur de l'Université Paris Est MarnelaVall

éeDiscipline : histoire

Sous la direction de

Madame le Professeur Genevi

ève BÜHRERTHIERRY

et la codirection de

Madame le Professeur R

égine LE JAN

Novembre 2013

RésuméLa pr

édation - pillages, prises de captifs et prélèvements tributaires - est unaspect important de la pratique guerri

ère dans les sociétés du haut Moyen Âge. Elle meten circulation de grandes quantit és de richesses qui viennent alimenter les trésors desrois et des potentes. Cette

étude vise à en dégager le rôle dans le fonctionnement et lareproduction des pouvoirs, dans le monde franc du VIe au Xe si

ècle.Les enjeux sont nombreux. L'appropriation de biens par la guerre est d

éterminantedans la capacit

é des grands à mobiliser des combattants, qui bénéficient d'une part deces richesses. En outre, elle leur permet d'accumuler des biens de prestige essentiels

dans la praxis aristocratique : objets pr écieux, armes, chevaux... Ces biens alimententles

échanges matériels entre les élites. Ils peuvent être distribués aux fidèles ou donnés àd'autres princes. La pr

édation est également facteur de gloire. Le butin fait parfoisl'objet de pratiques ostentatoires illustrant la victoire des chefs de guerre.

Si elle est facteur de coh

ésion, la prédation est aussi au centre de concurrences. Laroyaut

é franque impose une domination tributaire aux gentes voisines, ce qui apparaîtaussi bien comme un moyen de stabiliser l'espace frontalier que d'institutionnaliser

àson profit exclusif l'appropriation pr

édatrice. Les grands en charge des espacesfrontaliers tendent au contraire à multiplier les confrontations guerrières afin d'en retirerles b

énéfices. Parallèlement, l'expansion franque se traduit par une forte compétitionentre les acteurs pour le contr

ôle des ressources foncières. Cette étude montre ainsicomment la question de la pr édation éclaire sous un angle nouveau le rapport entreé lites et richesse dans le monde franc.Mots cl

ésMoyen

Âge - prédation - pillage - captifs - tributs - élites - pouvoirs - guerre -fronti

ères3

Summary

Predation - looting, taking of captives, pressing of tributes - is an important aspect of early medieval warrior activity. Large amounts of wealth circulate and supply kings' and potentes' treasures. This study aims at exposing the role of related practices in the context of the establishment and functioning of power in sixth to tenth century

Frankish society.

There is a lot at stake. Appropriation of material goods by war allows the magnates to mobilize warriors, who often receive a share of wealth. What is more, these practices enable the accumulation of prestige goods, that are essential in aristocratic praxis : alongside precious objects, they include weapons, horses... These goods are central to material exchanges within the elite. They can be distributed to the fideles or given to other princes. Predation also represents glory. War leaders willingly exhibit booty to illustrate a recent victory. Being a means to cohesion, predatory practices also are at the center of competition. Frankish kings impose tributary domination to neighboring gentes, which appears at the same time as a means to stabilizing the border area, and as a way to institutionalize to its own account predatory profits. Instead, magnates in charge of border areas tend to seek warlike confrontations in order to reap the benefits. At the same time, the Frankish expansion results in a strong competition between magnates to control land resources. This study thus exposes to what extense these practices shed new light on the link between the elite and wealth in the Frankish world.

Keywords

Middle Ages - predation - plundering - captives - tributes - elite - power - war - frontiers 4

Remerciements

Je tiens, en premier lieu, à remercier chaleureusement Madame GenevièveB

ührerThierry qui, depuis le début de cette aventure, s'est toujours rendue disponiblepour suivre l'avanc

ée de mes travaux et pour me conseiller. Sa grande expérience dansl'

étude des phénomènes frontaliers et des relations interculturelles fut un atout de poids.De m

ême, je remercie vivement Madame Régine Le Jan, dont l'aide a été plus quepr

écieuse et dont l'approche anthropologique fut souvent source d'inspiration. Sous leurdirection, cette recherche est n

ée, a parfois changé de route et est parvenue à son terme.Elles ont su en canaliser les

évolutions, tout en me laissant la liberté de développer mespropres approches. Leur bienveillance ne s'est jamais d

émentie au cours de ces années,ainsi que leurs efforts pour me pousser à préciser mon propos. Travailler sous ladirection de tels ma

îtres a été non seulement un honneur, mais également une sourced'apprentissage inestimable.

Un remerciement tout particulier doit aller

également à Thomas Lienhard. Sonint

érêt pour les enjeux complexes des relations entre Francs et Slaves a accompagné lagen

èse de ce travail. Les nombreuses discussions que nous avons eues m'ont amené àouvrir de nouvelles perspectives et je lui en sais gr

é. Nos échanges les plus fertileseurent lieu à FrancfortsurleMain, au sein de l'Institut français d'histoire en Allemagne,o

ù j'ai eu le privilège de bénéficier pendant deux ans d'une bourse d'aide à la mobilité.Je tiens

à en remercier le Conseil scientifique de l'IFHA. L'ambiance de travail et der

éflexion intellectuelle furent de puissants moteurs de ma réflexion. J'ai alors égalementnou

é des liens qui me sont chers. Je remercie en particulier AudeMarie Certain etJuliette Guilbaud, qui n'ont pas m

énagé leurs efforts pour porter un regard approfondisur mon travail, et avec lesquelles j'ai pass

é de nombreux moments agréables. Plus d'uneid

ée a vu le jour lors de nos discussions dans les Kneipen de Francfort. J'ai égalementbeaucoup appr

écié de travailler avec Pierre Monnet, Céline Lebret, Guillaume Garner,7 JeanLouis Georget, Gaëlle Hallair et Delphine N'Guyen. Leur aide dans l'organisationd'une journ

ée d'études consacrée à la prédation à l'université Goethe a été précieuse.Avant m

ême de découvrir les terres germaniques, cette recherche fut entaméegr

âce à une allocation de recherche accordée par l'école doctorale Cultures et Sociétés,de l'universit

é ParisEst/ MarnelaVallée, dirigée par Pierre Chiron, que je tiens àremercier. Ce fut l'occasion d'int

égrer le laboratoire de recherche ACP et de m'initier àl'enseignement sup érieur à l'Université de Marnelavallée, où j'ai eu beaucoup deplaisir

à échanger avec Valérie Theis, Pierre Savy, Vincent Azoulay et Corinne Maitte. Beaucoup d'autres encore ont aid

é à la maturation et à l'aboutissement de cetravail. Je pense, entre autres, à Dominique Barthélemy, qui dirigea jadis mon mémoirede ma

îtrise et dont la finesse dans l'analyse des textes médiévaux n'a pas été oubliée. Jen'oublie pas davantage les moments pass

és à traduire les Annales de SaintBertin en

compagnie de R

égine Le Jan et Laurent Feller, auquel je dois également une premièreintervention dans un colloque scientifique. Ce parcours fut aussi l'occasion de conna

îtreet c

ôtoyer d'autres doctorants, qui ont contribué à le rendre agréable. Je pense enparticulier

à Arnaud Lestremau, Adrien Bayard, Aurélien Le Coq, Claire de Cazeneuve,Claire Tignolet, Ga

ëlle CalvetMarcadé, Kevin Saule, Laurence Leleu, Laurent Jégou,Lucie Malbos. Par ailleurs, une dette cons

équente a été contractée à l'encontre de ceuxqui, parmi mes amis, ont donn é de leur temps pour relire mes textes et me conseiller : merci donc

à Cécile, Léa, Matthieu et Rachel. D'autres encore ont, d'une manière oud'une autre, apport

é une pierre à l'édifice, par l'intérêt porté à mes recherches ou parleurs encouragements. Je remercie Bruno Dum

ézil, Martin Gravel et Juan José Larrea.L'aide de ma famille fut, enfin, pr écieuse. Je tiens en particulier à rendre unhommage

à ma mère, Elvira Cerezo, qui s'est autant investie depuis le début pour que jepuisse faire des

études dans les meilleures conditions. Rien n'aurait été possible sanselle et c'est pourquoi je lui d

édie cette thèse.Rodolphe Keller

8 Introduction généraleEn 1949, au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une majorit

é d'États ser

éunissait en conférence internationale et adoptait une série de traités, les Conventionsde Gen

ève. La quatrième Convention, relative à la " protection des personnes civiles en temps de guerre », statue, dans son article 33, que " le pillage est interdit »1. Ces dispositions sont alors adopt ées dans le but de limiter les violences en temps de guerre,dont le r écent conflit avait donné une tragique illustration. Mais l'effort consistant àé tablir un droit international, régulant la conduite des conflits armés, remontait au XIXe si ècle : la Convention de Genève de 1864 et les Conventions de la Haye de 1899 et1907 repr

ésentent les premiers traités internationaux en la matière2. Pour les sociétésoccidentales contemporaines, le pillage repr

ésente ainsi une forme illégitimed'appropriation d'un bien, assimilable au vol : à ce titre il est moralement réprouvé etjuridiquement condamnable. Il s'agit l à d'une importante évolution culturelle qui trouveson origine dans la pens

ée des philosophes des Lumières et dans les efforts entrepris parles juristes de la seconde moiti

é du XVIIIe siècle pour rationaliser les conflits entreÉ

tats, selon les principes du droit naturel, en posant des limites aux pratiques dans laconduite de la guerre. Il est alors question de d

éfinir les bases d'un jus in bello3.

Avant l'

époque contemporaine, la guerre donnait légitimement lieu à la spoliationde l'ennemi. Cela est alors admis m

ême par ceux qui développent une réflexiondoctrinale sur le jus gentium, le " droit des gens », qui r

égule les rapports entre États. La

question des fondements juridiques du pillage occupe l'un des plus

éminents juristes del'

époque moderne, le néérlandais Huig de Groot (ou Grotius, 15831645), à la suited'une affaire qui avait oppos

é les Néérlandais aux Portugais. Depuis la seconde moitié1. Actes de la conf érence diplomatique de Genève de 1949, t. I, Berne, 1950, p. 300.

2. Cf. Geoffrey BEST, Humanity in Warfare. The modern History of the International Law of armed

Conflicts, Londres, 1980, p. 128214.

3. Ibid., p. 3174 ; Fritz REDLICH, De praeda militari: Looting and Booty, 15001815, Wiesbaden, 1956,

p. 72 ; Wayne SANDHOLTZ, Prohibiting plunder : how norms change, New York, 2007, p. 3945. 11 du XVIe siècle, la République des ProvincesUnies dispose d'une flotte en pleind éveloppement qui lui permet d'entrer en compétition avec les autres puissanceseurop

éennes, tournées vers l'exploitation des richesses des Indes occidentales etorientales. La guerre de course devient rapidement un

élément important de laconfrontation : en 1604, la prise d'un navire portugais, la Santa Catarina, par un navire

z

élandais, rapporta près de 4 millions de florins4. La Compagnie néérlandaise des Indesorientales, fond

ée depuis peu, craignant les réactions internationales, charge Huig deGroot, alors jeune et brillant avocat, de r

édiger une justification juridique de cet acte. Cedernier

élabore alors un véritable traité sur le droit de capture, le De jure praedae5. Àgrand renfort d'exemples tir

és de l'Ancien Testament et d'auteurs grecs et romains, ilparvient à la conclusion suivante : " est juste tout butin qui provient d'une guerre juste »6. Cela revient

à déplacer le problème en posant la question de la légitimité de la4. Yvo VAN LOO, " Pour la libert

é et la fortune. La course néérlandaise pendant la guerre de religion auxPaysBas, 15681609. », dans Martine ACERRA et Guy MARTINI

ÈRE (éd.), Coligny, les Protestants et la mer,

Paris, 1997, p. 91106, ici p. 98100.

5. Le texte n'en fut publi

é qu'au XIXe siècle, après sa redécouverte, sous le titre De jure praedae. Il devait cependant former le noyau d'une autre oeuvre r

édigée par le même Groot, en 1625, pendant son exilparisien : le De jure belli ac pacis, consid

éré comme l'une des pierres fondatrices du droit international.Cf. Hugo Grotius, De jure praedae commentarius,

éd. Hendrik G. HAMACKER, La Haye - Paris, 1868

(publi

é à Paris en 1869 sous le titre Le droit de prise (De jure praedae). Sur cette oeuvre, Martine VAN

ITTERSUM, Profit and Principle. Hugo Grotius, Natural Rights Theories and the Rise of Dutch Power in the East Indies, 15951615, Leyde - Boston, 2006 et Hans W. BLOM (

éd.), Property, piracy and

punishment. Hugo Grotius on war and booty in De iure praedae: concepts and contexts, Boston - Leyde, 2009.

6. Cf. H. Grotius, De jure praedae, p. 58 : " omnis praeda justa est, quae justo ex bello oritur ». Dans

le De jure belli ac pacis, il va plus loin : que la guerre soit ou non juste, tout objet obtenu dans un cadre

guerrier devient propri été de celui qui s'en empare : " Caeterum iure gentium non tantum is qui ex iusta causa bellum gerit, sed & quivis in bello solenni & sine fine modoque dominus fit eorum quae hosti eripit », ce qui rel ève, à ses dire, de la coutume normalement admises : Hugo Grotius, De jure belli ac pacis libri tres, Paris, 1625, p. 611612. La conception du pillage comme l égitime est partagée par denombreux autres juristes aux XVIe et XVIIe si

ècles, tels Francisco de Vitoria (1483/14861546) ouPierino Belli (15021575). S'il est vrai qu'il existe des exceptions, comme Andrea Alciati (14921550),

qui condamne le pillage entre chr

étiens, il est globalement contredit par les autres, comme AlbericoGentili (15521608) ou Balthazar Ayala (15481584) : cf. Fritz REDLICH, Looting and Booty..., op. cit.,

p. 15. Au XVIIIe semble s'amorcer, ainsi que le signale W. SANDHOLTZ , Prohibiting plunder..., op. cit.,

p. 3945, un changement quant à ces conceptions, mais celuici demeure timide. Le juriste suisse

Emmerich de Vattel (17141767), d

éveloppe l'idée que " La fin légitime ne donne un véritable droitqu'aux seuls moyens n écessaires pour obtenir cette fin » avant de poser un certain nombre de limites aux conduites dans un cadre guerrier, par exemple à l'égard des prisonniers de guerre : Emmerich DE VATTEL, Le Droit des gens : Principes de la loi naturelle, appliqu

és à la conduite et aux affaires des Nations etdes Souverains, Londres, 1758, p. 104. Cependant, il estime que l'

État en guerre " a le droit d'affaiblir

l'ennemi, pour le mettre hors d' état de soutenir une injuste violence ; le droit de lui ôter les moyens der

ésister », d'où il découle qu'" On est en droit de priver l'ennemi de ses biens, de tout ce qui peut

augmenter ses forces & le mettre en

état de faire la guerre. Chacun travaille à cette fin de la manière quilui convient le mieux. On s'empare, quand on le peut, des biens de l'ennemi, on se les approprie ; & par l

à,outre qu'on diminue les forces de son adversaire, on augmente les siennes propres, & l'on se procure, au

moins en partie, un d édommagement, un équivalent, soit du sujet même de la guerre, soit des dépenses &12

guerre, autrement dit, du jus ad bellum, question qui agitait les érudits depuislongtemps. Au Moyen

Âge, Thomas d'Aquin avait adopté une position qui n'est pas sansrappeler celle de Huig de Groot. Dans sa Somme th

éologique, il consacre une questio au

vol et

à la rapine. Il avait distingué deux cas :

" Sur le butin pris aux ennemis, il faut distinguer. Si ceux qui les d

épouillentm

ènent une guerre juste, ils deviennent possesseurs de ce qu'ils acquièrent parviolence

à la guerre. Il n'y a donc pas de rapine, ni par conséquent obligation derestituer. [...] Mais lorsque ceux qui d

épouillent l'ennemi font une guerre injuste,ils sont coupables de rapine et tenus de restitution7. »

Remontons encore un peu dans le temps : au milieu des ann

ées 790 après J.C.,audel

à des frontières orientales de l'empire carolingien, se produit un événementimpr

évu qui a considérablement frappé les contemporains. Les armées d'Éric, duc deFrioul, puis de P

épin, fils de Charlemagne et roi d'Italie, pénètrent dans le territoire del'empire avar, avec lequel les Francs

étaient en guerre depuis plusieurs années. Cette victoire provoque la chute du pouvoir avar et permet au pouvoir carolingien de s'emparer de richesses consid

érables, qui avaient été amassées dans le hring, le siègedes khagans8. Presque quarante ans plus tard,

Éginhard revient sur ces événements danssa Vita Karoli. La guerre contre les Avars fut, écritil, la plus importante menée par lesarm

ées de Charlemagne, à l'exception du conflit contre les Saxons. Il retient avant toutl'enrichissement extraordinaire rendu possible par le pillage du hring : " tout leur argent,

leurs tr ésors, amassés au cours des âges, tombèrent aux mains des Francs ; pas une guerre, de m

émoire d'homme, ne rapporta à ces derniers un pareil butin et un pareilaccroissement de richesses ». Le tr

ésor avar était si extraordinaire que les Francssemblaient, auparavant, " presque pauvres » en comparaison9. Cette capture contribue

des pertes qu'elle cause ; on se fait justice soim ême. » : Emmerich DE VATTEL, Le Droit des gens..., op. cit., p. 133134.

7. Thomas d'Aquin, Summa theologiae, II, 2, q. 66, a. 8, é

d. léonine, Sancti Thomae de Aquino opera

omnia 9, Rome, 1897, p. 94 : " ...circa praedam distinguendum est. Quia si illi qui depraedantur hostes

habeant bellum iustum, ea quae per violentiam in bello acquirunt eorum efficiuntur. Et hoc non habet

rationem rapinae: unde nec ad restitutionem tenentur. [...] Si vero illi qui praedam accipiunt habeant

bellum iniustum, rapinam committunt, et ad restitutionem tenentur. » Trad. fran çaise d'AimonMarieRoguet : Thomas d'Aquin, Somme th

éologique, t. 3, Paris, Cerf, 1985, p. 443444.

8. Sur ces

événements et la bibliographie correspondante : voir infra, p. 476479.

9. É

ginhard, Vie de Charlemagne, 13, éd. Louis HALPHEN, Paris, 1994 (1938), p. 3840 [désormais :

ginhard, Vita Karoli] : " omnis pecunia et congesti ex longo tempore thesauri direpti sunt neque ullum

bellum contra Francos exortum humana potest memoria recordari, quo illi magis ditati et opibus aucti sint. Quippe cum usque in id temporis poene pauperes viderentur... » 13

ainsi à l'image idéalisée du souverain carolingien. Facteur de gloire, il en illustre lagrandeur et le pouvoir, de m

ême que les triomphes romains magnifiaient les générauxau retour de leurs campagnes militaires10. La cr

édibilité d'un prince pouvait, enrevanche, se d égrader sérieusement si le solde de la prédation était négatif. À la fin duIXe si ècle, l'auteur mayençais des Annales Fuldenses fulmine contre l'empereur Charles III le Gros, car celuici " n'eut pas honte de verser un tribut » au Normand

Godfrid, " contrairement aux moeurs de ses anc

êtres, c'estàdire les rois des Francs »11. Ces r écits donnent un aperçu des enjeux que représentent, dans les sociétés duhaut Moyen

Âge, les pratiques de la prédation. Bien que les sources en fournissent desexemples aussi nombreux que vari

és, une image romantique du Moyen Âge - qui n'estpas

étrangère à l'état historiographique actuel de cette question - s'est principalementconstruite autour de certains cas particuli

èrement frappants, en raison du tableaucalamiteux livr é par les chroniqueurs et annalistes. L'Occident chrétien a ainsi étésouvent pr

ésenté comme livré aux destructions et aux pillages des Vikings, desHongrois et des Sarrasins, cela venant couronner - accompagner ou provoquer, selon les

lectures - la d ésagrégation progressive de l'empire carolingien et de ses institutions12.

Pourtant, les incursions vikings du IXe si

ècle, aussi impressionnantes soientellespour les contemporains, se distinguent peu de celles men

ées par les pouvoirsm

érovingiens ou carolingiens à l'encontre de leurs voisins. Ainsi que le soulignaitTimothy Reuter, pour une grande partie de l'Europe des VIIIe et IXe si

ècles, " c'étaientles Francs qui

étaient les Vikings »13. Les expéditions franques donnent régulièrementlieu à des pillages. En 697, Pépin de Herstal revient de Frise chargé d'" innombrables d

épouilles », d'après les Annales Mettenses priores14. En 710, Pépin s'empare, dans10. Michael MCCORMICK, Eternal victory. Triumphal Rulership in Late Antiquity, Byzantium, and the

Early Medieval West, Cambridge, 1986, p. 1134.

11. Annales Fuldenses,

éd. Friedrich KURZE, MGH SS rer. Germ. 7, Hanovre, 1891 [désormais : AF],

a. 882, p. 99 : " ...a quo obsides accipere et tributa exigere debuit, huic pravorum usus consilio contra

consuetudinem parentum suorum, regum videlicet Francorum, tributa solvere non erubuit. » Il s'agitl

à dela version mayen

çaise des Annales Fuldenses. Une analyse plus complète de ces événements est proposéeinfra, p. 116119 et 269271.

12. Ces questions sont pr

ésentées de manière plus approfondie au chapitre 1, portant sur les enjeuxhistoriographiques.

13. Timothy REUTER, " Plunder and tribute in the Carolingian empire », dans Transactions of the Royal

Historical Society, 5/35 (1985), p. 7594, ici p. 91.

14. Annales Mettenses priores,

éd. Bernhard VON SIMSON, MGH SS rer. Germ. 10, Hanovre - Leipzig,

1905, a. 697, p. 17 : " Fugatoque duce eorum Radbod, Pippinus victor exstitit. Captis innumerabilibus

spoliis victor ad propria reversus est. » La datation est cependant incertaine. L'

éditeur situe ces14

l'Alémanie " rebelle », d'un butin qui compte, entre autre, de nombreux captifs. En 731, l'Aquitaine du duc Eudes est pill ée par les troupes de Charles Martel et en 734, unenouvelle offensive aboutit à la destruction des temples frisons, qui livrent un richetr

ésor15. Ces actes de depraedatio ne sont pas la seule manière pour les pouvoirs francsde tirer un profit de l'activit

é guerrière contre leurs voisins. La royauté s'efforcer

égulièrement de leur imposer des prélèvements de tributs qui, dans la mesure où ilsreposent sur une contrainte militaire, nous int

éresseront également. Leur versementd

épend en effet de l'intensité des opérations menées contre ceux que les sourcesqualifient de " rebelles ». Les Saxons, d

ès le VIe siècle, plus tard les Bénéventins ou lesBretons figurent parmi les tributarii des Francs, de m

ême que les populations slaves auIXe si

ècle16. Les exemples pourraient être multipliés. Ils incitent à s'interroger demani ère plus approfondie sur la place de ces pratiques dans le monde franc du hautMoyen

Âge.Le concept de pr

édationLa pr

édation comme modalité générale d'action humaineLe terme de " pr édation » provient du latin praedatio, luimême formé sur leverbe praedari, qui d érive du substantif praeda. Ce terme signifie " proie », " butin », " d

épouilles »17. Il renvoie à l'idée d'une appropriation par l'emploi de la force physique,ce qui demeure cependant vague et autorise des interpr

étations divergentes. Il nous fauté

vénements en 689 (p. 13, n. 8).

15. Pour les Alamans, Annales Mettenses priores, a. 710, p. 18 ; pour les Aquitains, Ibid., a. 731,

p. 27 ; pour la Frise, Frquotesdbs_dbs27.pdfusesText_33
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