LE ROUGE ET LE NOIR
libraire au Palais-Royal 1831 [mise en vente : 13 novembre 1830]
LE ROUGE ET LE NOIR
libraire au Palais-Royal 1831 [mise en vente : 13 novembre 1830]
la Bibliothèque de Pierre Bergé
11-Dec-2015 Téléphone pendant l'exposition publique et la vente ... Le Petit Bibliographie des principales éditions originales
Avril 2015 April 2015
Vente à la criée du lot 49 (Michel Doury trad.) Paris : Seuil. Sandulescu
Mise en page 1
Vente 9804. MANUSCRITS - ART RUSSE - LIVRES ANCIENS ET MODERNES. Mercredi 15 mai 2013 à 11 h 00 des lots 1 à 98 à 13 h 30 des lots 99 à 559.
Mercredi 20 janvier 2021 tableaux sculptures
https://beauvois.info/catalogues/2021/Moderne_Janvier2021.pdf
Mitty Valéry et Lucien Leuwen
de l'année 1894 de la Bibliographie de la France nous essaierons ici de La date de mise en vente du roman peut tout de même être précisée si.
LEurope et ses intellectuels
Dans sa biographie intellectuelle de Rougemont publiée en 1996 (Stewart : 2013)
Untitled
vente du 29 novembre 2013). Le présent exemplaire lui aussi sur peau de vélin (n°42 de ce catalogue)
Corela HS-30
15-Jan-2020 Fiévet (2013 : 51) propose deux grands axes d'exploitation du texte littéraire : un axe linguistique (repérage des faits de langue – temps ...
11 décembre 2015
laBibliothèquedePierre Bergéen association avec laBibliothèquedePierre BergéPremière vente
11 décembre 2015
Vendredi 11 décembre 2015 à 15 heures
Drouot Richelieu salles 5 & 6
9 rue Drouot, 75009 Paris
Exposition publique
du mardi 8 au mercredi 9 décembre de 11 heures à 18 heures nocturne jeudi 10 décembre de 11 heures à 21 heures Téléphone pendant l"exposition publique et la vente + 33 (0) 1 48 00 20 05 + 33 (0) 1 48 00 20 06Contacts pour la vente
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Direction artistique
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PRISES DE VUE
Stéphane Briolant
remerciementsNous tenons à remercier
Ghislaine et Jacques T. Quentin, Andrea Gaborit et Grégoire Beurier pour leur aide dans la rédaction de ce catalogue. www.labibliothequedepierreberge.com Ce n"est pas facile de se séparer d"amis de plus de 40 ans ! Et quels amis ! Je les aime tous, de saint Augustin à André Gide, même si j"ai un faible que je ne saurais cacher pour Flaubert. Je ne regarde jamais non plus l"exemplaire de David Copperfield qui a appartenu à Dickens sans une tendresse particulière puisque c"est le premier vrai livre que j"ai lu quand j"avais 9 ans. Tous les livres dont je me sépare aujourd"hui, je les ai lus et je les ai aimés, et, si je leur dis adieu, c"est parce que je me méfie des successions. À 85 ans, il faut savoir affronter l"avenir avec calme et détermination. À l"instar d"Edmond de Goncourt, je veux que tous mes livres "soient éparpillés sous les coups de marteau du commissaire-priseur et que la jouissance que m"a procurée l"acquisition de chacun d"eux soit redonnée à un héritier de mes goûts".Je sais aussi que, en dépit de la difficulté qu"on éprouve à se séparer des uvres qu"on a
aimées, il y a une vraie satisfaction à les voir réunies dans un catalogue et à les envoyer
au feu des enchères d"où elles reviennent souvent victorieuses. Ma bibliothèque, on le verra, comporte, bien sûr, les ouvrages qu"on est en droit d"attendre d"un bibliophile, mais j"ai voulu aussi y faire entrer des écrivains du monde entier qui me sont chers et qui m"ont accompagné. Ce n"est pas facile de se séparer d"amis de plus de 40 ans, certes, mais quand on est sûr qu"ils vont trouver un nouveau refuge où on les aimera, où on les conservera avec amour, où on leur prodiguera les meilleurs soins, alors ça devient plus facile. De toute façon, j"ai toujours su que les uvres d"art n"appartiennent à personne, qu"on avait la chance de les accueillir mais qu"elles finiraient par s"envoler comme des oiseaux migrateurs vers d"autres cieux. C"est la chance que je souhaite à mes amis les livres. Je ne les oublierai pas. pierre bergéPassions d"un collectionneur
parAntoine Compagnon
À dire vrai, je n"avais pas trop envie de rencontrer Pierre Bergé, homme d"affaires pressé, entrepreneur conquérant. De réputation, on le disait rude, voire cassant. Je n"ignorais pas qu"il était aussi un grand liseur et un immense collectionneur, non seulement un homme d"action mais aussi un homme de culture. Toutefois, pensais-je, de quoi pourrions-nous bien parler ? D"ailleurs il n"aura pas de temps à me donner. Entre les professeurs et les chefs d"entreprise, souvent le courant ne passe pas, parce que leur rythme de vie les oppose.J"ai toutefois cédé à son invitation de m"entretenir avec lui, par curiosité pour les trésors
de sa bibliothèque. Or nous nous sommes parfaitement entendus ; j"ai passé d"heureux et curieux moments à m"entretenir de littérature avec lui au milieu de ses livres. Nous les avons saisis l"un après l"autre, nous les avons feuilletés, nous avons lu et commenté leurs envois. Pierre Bergé, qui connaît intimement tous ses livres, m"a conté l"histoire de chacun d"eux. Pour un collectionneur, un livre est une épaisseur de mémoire, une géologie de souvenirs, ceux de la vie littéraire, bien sûr, mais aussi les siens. Nous nous sommes entendus et pourtant je n"ai rien d"un bibliophile. Des livres, j"en ai trop, j"en suis encombré, je cherche à m"en débarrasser, mais pas un seul des miens n"a lamoindre valeur, je veux dire le moindre prix. J"appartiens à la génération du livre de poche
et je préfère lire un roman ou de la poésie dans une collection bon marché. Je ne sais rien
de la passion qui anime le collectionneur, le pousse à acheter, vendre, échanger. Le désir des beaux livres m"est étranger, même si je suis ému quand j"en tiens un à la main. Mais qu"est-ce qu"un beau livre ? Dans Le Temps retrouvé, le narrateur, arrivé en retard à la matinée de la princesse de Guermantes, attend la fin du concert dans la bibliothèque du prince en se demandant cequi définit un beau livre. S"il avait été "tenté d"être bibliophile", remarque-t-il, il l"aurait
été d"une "façon particulière". Il s"avoue en effet insensible à la "beauté historique" d"un
livre qui "vient pour les amateurs de connaître les bibliothèques par où il a passé, de savoir
qu"il fut donné à l"occasion de tel événement, par tel souverain à tel homme célèbre, de
l"avoir suivi, de vente en vente, à travers sa vie". Le collectionneur s"attache au livre qui s"est
transmis de main en main au cours des siècles ; il sait par cur les noms et qualités de tous
ses propriétaires. Or, aux yeux du narrateur, c"est non pas l"histoire d"un livre qui en eût accru la beauté, mais l"histoire de sa propre vie réverbérée dans le livre, incarnée entre ses pages,inséparable du moment où l"uvre lui fut révélée. Sa mère, on s"en souvient, lui lut
François le Champi à Combray, le soir du drame du coucher, à l"ouverture de Du côté de chez
Swann. On l"avait envoyé au lit sans baiser maternel en raison de la visite de Swann ; quandses parents montèrent enfin, ils le trouvèrent éveillé sur le palier, et son père, pour une
fois magnanime, autorisa sa mère à calmer son anxiété en lui lisant le livre que sa grand-
mère avait prévu de lui offrir pour sa fête. C"est cet exemplaire-là que le narrateur eût
désiré avoir et dont la possession l"eût ému : "La première édition d"un ouvrage m"eût été
plus précieuse que les autres, mais j"aurais entendu par elle l"édition où je le lus pour la
première fois. Je rechercherais les éditions originales, je veux dire celles où j"eus de ce livre
une impression originale."Proust, lui non plus, n"était pas attaché à ses livres, si bien qu"ils furent dispersés après sa
mort et qu"ils réapparaissent peu dans les ventes (mais Pierre Bergé possède un superbe exemplaire du Locus Solus de Raymond Roussel avec un envoi à Proust). Pour Proust, un bibliophile, c"était quelqu"un qui se passionnait pour la généalogie du livre, pour son pédigree, comme M. de Charlus aime à réciter la liste de ses ancêtres. Il voyait le collectionneur comme un maniaque à la chasse de l"oiseau rare, dépensant ses efforts pouracquérir une pièce unique, réunir deux pièces que le destin avait séparées, n"abandonnant
jamais la partie avant de les avoir remembrées. Dans la Recherche du temps perdu, bibliophiles et collectionneurs sont parfois ridiculisés, par exemple en la personne de Swann, éternel amateur, "célibataire de l"art", et membreprobable d"une société de bibliophiles comme il l"est du Jockey Club. Sa préciosité lui fait
inverser les valeurs : "Ce que je reproche aux journaux, c"est de nous faire faire attention tous les jours à des choses insignifiantes tandis que nous lisons trois ou quatre fois dans notre vie les livres où il y a des choses essentielles. Du moment que nous déchirons fiévreusement chaque matin la bande du journal, alors on devrait changer les choses et mettre dans le journal, moi je ne sais pas, les... Pensées de Pascal ! (il détacha ce mot d"un ton d"emphase ironique pour ne pas avoir l"air pédant). Et c"est dans le volume doré sur tranches que nous n"ouvrons qu"une fois tous les dix ans, ajouta-t-il en témoignant pour les choses mondaines ce dédain qu"affectent certains hommes du monde, que nous lirions que la reine de Grèce estallée à Cannes ou que la princesse de Léon a donné un bal costumé. Comme cela la juste
proportion serait rétablie."Les classiques devraient être imprimés tous les jours dans la presse à grand tirage, tandis que
les nouvelles périssables s"enterreraient chez les bibliophiles qui n"ouvrent qu"une fois tous les dix ans les volumes précieux de leur collection. Proust - à moins que Swann, par pudeur, n"ironise - n"avait donc pas compris ce qui fait réellement un collectionneur, du moins un collectionneur comme Pierre Bergé. S"il chérittant ses livres, même s"il ne les ouvre pas tous les jours et s"il préfère lire les uvres dans des
volumes plus maniables, c"est aussi parce que, comme pour le narrateur du Temps retrouvé, ses livres racontent sa propre histoire, incarnent sa vraie vie. Telle est bien la leçon que j"ai apprise des collectionneurs les plus passionnés que j"ai rencontrés, au premier chef de PierreBergé.
Nous étions blottis dans sa bibliothèque comme dans un cocon, à l"ombre de ses livres. D"emblée, c"est la personnalité de cette collection qui me frappa, car une collection, c"est une personne. En dresser le catalogue, c"est entrer dans la vie de Pierre Bergé, dire pourquoi tel écrivain, telle uvre comptent pour lui. Comme l"écrivait Proust de la bibliothèqueidéale de son narrateur, les livres de Pierre Bergé s"identifient à l"histoire propre de sa vie,
non pas la vie publique, la course d"obstacles victorieusement franchis, mais l"être intime, dans sa lente maturation, ses progrès et ses regrets. Quand Pierre Bergé parle de l"un de ses livres, n"importe lequel, c"est un moment d"existence que l"on revit avec lui. Chacun de ses livres est un être aimé, un souvenir. Je me demandais comment un homme chargé deresponsabilités avait pu réserver cette oasis à part d"une carrière si abondamment remplie.
Peu à peu, conversant avec lui, je crois avoir mieux compris que sa vraie passion réside là, le
noyau de son être, et qu"il aurait voulu être un livre. Cette "librairie", comme Montaigne appelait la tour où il s"enfermait avec ses livres, est une matrice, ou une Ursuppe, à la manière dont Roland Barthes disait que Gide avait été sa "soupe primitive", ce qui est aussi un peu le cas de Pierre Bergé. Mais celui-ci fut d"abord un enfant modèle de notre III e République et de l"école de Jules Ferry. Fils d"uneinstitutrice qui l"instruisit à merveille, il fut tôt initié aux lettres et apprit par cur nombre
de poésies. Hugo, Lamartine, Musset, Vigny : sa culture originelle, dont sa bibliothèque est à l"image, plonge ses racines dans le romantisme français, et sa mémoire est pleine de vers qu"il récite volontiers. L"écoutant, je me rappelai le grand livre de Jacques et Mona Ozouf, ses contemporains, sur La République des instituteurs, sur le culte du livre émancipateur, sur l"harmonie entre la culture respirée en famille et celle que l"école transmettait, avec Hugo au sommet, suivi de Zola, beaucoup plus présents, curieusement, que Voltaire et Rousseau,malgré la réputation qui leur est faite d"avoir annoncé la Révolution et la république.
Zola est splendidement présent parmi les livres de Pierre Bergé, même si celui-ci lui préfère
manifestement Stendhal et surtout Flaubert, avec La Vérité en marche dédicacé à sa femme et
Le Docteur Pascal donné à la mère de ses enfants. Si Candide et l"Émile figurent en bonne place
parmi les livres de Pierre Bergé, comme chez tout bon élève de l"école obligatoire, laïque
et gratuite, c"est bien au XIX e siècle, celui des Misérables et de J"accuse, que s"identifie son tuf littéraire. Non sans réserver quelques surprises, comme son attrait pour la Renaissance, non seulement Rabelais, avec un superbe Tiers Livre de 1546, et Montaigne, dont il possède les premières éditions des Essais de 1580, 1588 et 1595, ainsi que le Journal de voyage en Italie,mais encore pour Labé, dont l"édition originale des uvres de 1555 est l"un de ses trésors,
ou encore Marot, Ronsard, Scève. Cet accent de la collection sur le XVI e siècle est l"unede ses originalités et fait regretter à Pierre Bergé que, suivant les travaux les plus récents,
Louise Labé pût n"être que le prête-nom de plusieurs poètes lyonnais. Jacques et Mona Ozouf signalaient que les bibliothèques des instituteurs de la générationde leurs parents étaient avant tout françaises, témoignant d"une culture très hexagonale et
plutôt utilitaire. Sur ce plan-là aussi, les goûts de Pierre Bergé le singularisent, puisque
la littérature classique et étrangère a toujours beaucoup compté à la fois dans ses lectures
et dans ses achats. Homère, Augustin et Dante figurent à son catalogue ; Dickens est le premier romancier, confie-t-il, dont la découverte l"ait marqué dans son enfance avec David Copperfield (il possède l"exemplaire personnel de l"auteur), et les romanciers russes sont bienreprésentés parmi ses livres, avec Dostoïevski et surtout Tolstoï, dont il relit souvent Guerre
Mais ne nous trompons pas sur le tempérament profond de Pierre Bergé. J"ignore s"il lui reste quelques-uns des premiers livres dont il fit l"acquisition pendant ses premières annéesà Paris, mais, si c"est le cas, il me paraît sûr que ces uvres appartiennent à la littérature
française du XIX e siècle, noyau, cur vivant de sa bibliothèque. Après Hugo et Musset,la poésie et le théâtre, dont le culte lui fut inculqué par la famille et par l"école, ce furent
Stendhal, Baudelaire et Flaubert qui prirent le relais et pour lesquels sa prédilection ne s"est jamais démentie.Les trésors qu"il a réunis autour de ces écrivains donnent une image époustouflante de ce
que fut durant très longtemps la vie littéraire en France, ce commerce des écrivains qui se lisaient entre eux, s"envoyaient leurs ouvrages et s"écrivaient sans cesse. Parmi les plusbeaux témoignages de ces échanges, la collection de Pierre Bergé réunit plusieurs volumes
ayant appartenu à Beyle, comme les Considérations sur les principaux événements de la Révolution
française de Mme de Staël, scrupuleusement annotées, et surtout son petit Chamfort, qu"il avait fait rogner pour le serrer dans sa poche. Autres étonnants objets : Hernani avec unenvoi à Mérimée, accompagné d"une lettre où Mérimée sollicite de Hugo une invitation
pour Beyle ; ou Le Roi s"amuse, avec un envoi à Gérard Labrunie ; ou les Confessions d"un enfant
du siècle avec un envoi à Liszt, car la vie littéraire inclut tous les arts ; ou l"exemplaire de
Mademoiselle de Maupin ayant appartenu à Balzac ; ou Les Fleurs du Mal avec cet émouvant envoi à Sainte-Beuve : "Amitié filiale" ; ou l"introduction de Hugo au fameux Paris-Guide pourl"Exposition universelle de 1867 adressé à Verlaine ; ou Mon salon de Zola adressé à Manet
avec "admiration et sympathie". Mais on n"en finirait pas de retracer le prodigieux réseau littéraire du XIX e siècle, preuve d"une sociabilité intense et attentive, comme l"illustrent encore les envois par Huysmans de L"Art moderne à Degas et de Là-bas à Verlaine. Dans cette brillante constellation, Flaubert resplendit comme l"astre majeur, découvert par Pierre Bergé à la sortie de l"enfance et qui reste pour lui "le plus grand écrivain",celui dont les manuscrits atteignent un degré d"achèvement inégalé. Proust, rappelle-t-il,
ajoute toujours, tandis que Flaubert travaille au scalpel : "Rares sont les artistes qui savent secouer la branche jusqu"à ce qu"il ne reste plus que l"essentiel", juge Pierre Bergé, qui a recherché non seulement les livres que l"écrivain reçut de ses pairs, comme la plaquette de Baudelaire sur Gautier, ou ses exemplaires des romans des Goncourt, de Tourgueniev ou de Huysmans, mais aussi ses propres uvres, cette Madame Bovary avec un envoi à Hugo, leSalammbô destiné à Dumas fils, L"Éducation sentimentale de George Sand, ou La Tentation de saint
Antoine de Maupassant. Feuilleter l"exemplaire dans lequel Hugo lut Madame Bovary, tandisque Les Fleurs du Mal de Sainte-Beuve sont posées à côté, c"est revivre l"année 1857 où la justice
de Napoléon III poursuivit nos deux chefs-d"uvre de l"art moderne. Traces des enthousiasmes de l"adolescence de Pierre Bergé, voici encore une impressionnantecohorte de pièces liées au symbolisme, non seulement Les Poésies de Mallarmé, l"exemplaire
de Méry Laurent orné de nombreux envois, ou une exceptionnelle collection des premiersnuméros de La Vogue, revue précieuse qui, entre avril et décembre 1886, publia, grâce à
Verlaine, des poèmes de Rimbaud, notamment les premiers textes connus des Illuminations, ainsi que Mallarmé et Laforgue, ceux que Verlaine qualifiait de "poètes maudits" et qui prirent la suite de Baudelaire et de Flaubert pour nous transmettre la plus haute idée de la modernité.Quand Pierre Bergé monta à Paris à l"âge de dix-huit ans, ce fut dans cette vie littéraire
toujours merveilleuse qu"il plongea aussitôt, en devenant apprenti libraire, premier métier dont il ne se départit à vrai dire jamais. Cette vie ne s"était pas encore trop distendue, restait tissée d"amitiés, d"envois, de correspondances. Les écrivains que le jeune hommefréquenta, auxquels il s"attacha, figurent en nombre dans sa collection, toujours fidèle à ses
prédilections. Remarquer les présences, certes, c"est aussi, en creux, inférer les absences,
celles de tous ces écrivains très répandus du second XX e siècle pour lesquels il ne se sentit jamais de sympathie, car Pierre Bergé sut toujours choisir les plus audacieux. Gide d"abord, le doyen, mais encore le "contemporain capital" durant les années qui suivirent la Libération, et dont Pierre Bergé possède des joyaux, par exemple l"exemplairede Paludes dédicacé à Mallarmé, ou le Voyage d"Urien avec un envoi à Henri de Régnier et
L"Immoraliste de Léon Blum, ou, plus intimes encore, le manuscrit du premier et curieuxlivre de l"écrivain, Les Cahiers d"André Walter, l"exemplaire des Caves du Vatican offert à sa femme
Madeleine et les précieux Carnets d"Égypte de 1939. Parmi les livres reçus par Gide, son exemplaire de Salomé d"Oscar Wilde, contenant la lettre de rupture de Pierre Louÿs avec OscarWilde. En avril 1894, Louÿs, qui avait présenté Gide à Wilde, renvoyait à Wilde le manuscrit
de Salomé et réclamait ses lettres en échange. Sous le soleil de Satan, envoyé par Bernanos en
1926, Voyage au bout de la nuit que Céline lui adressa en 1932, ou Le Coq et l"Arlequin de Cocteau,
attestent la place cardinale occupée par Gide dans l"entre-deux-guerres et le respect quePierre Bergé lui voue encore.
Gide disparut bientôt, mais Pierre Bergé demeura proche de quelques écrivains parmi les plus remarquables du moment. D"abord Breton, chez qui il se rendit souvent rue Fontaine et dont le splendide manuscrit de Nadja est l"un de ses trésors. Ou Cocteau, que Pierre Bergé ne cessa jamais de défendre, y compris contre lui-même, allant jusqu"à signer son "Album de la Pléiade" en 2006. Rien de plus émouvant que Le Requiem affectueusement dédicacéà Pierre Bergé par Cocteau en 1962, un an avant sa mort ou, autre témoignage de fidélité
essentielle hors de toute bibliophilie, que les premiers poèmes de Giono en 1924, Accompagnésde la flûte, donnés à Pierre Bergé en 1953. Je devrais encore citer Mac Orlan, Jouhandeau,
représenté par une passionnante et passionnée correspondance avec René Crevel, et surtout,
last but not least, sans doute le plus grand des écrivains du second XX e siècle aux yeux du PierreBergé d"aujourd"hui, Jean Genet. Pompes funèbres et Haute surveillance sont là, mais surtout un
magnifique ensemble autour de Querelle de Brest, roman qui date de l"arrivée de Pierre Bergé à
Paris et qui est ici enrichi de dessins de Cocteau.Impossible enfin de ne pas évoquer le sort fait à l"année 1913 au cur des livres de Pierre
Bergé. 1913, c"est l"année magique, l"année miraculeuse, le vrai tournant des deux siècles,
de ce XIX e qui a été celui des passions de l"enfant et de l"adolescent, du romantisme au naturalisme et au symbolisme, et de ce XX e siècle de l"esprit nouveau, des avant-gardes et du surréalisme. 1913, c"est quelque chose comme le centre de gravité de la collection, avecà la fois ce Greco ou le Secret de Tolède de Barrès, envoyé à Robert de Montesquiou et offert
par celui-ci à Proust, ou l"Ève de Péguy, et, sur l"autre versant de l"année et du siècle, Alcools
et Les Peintres cubistes d"Apollinaire, La Prose du Transsibérien de Cendrars, illustré par Sonia
Delaunay, Le Grand Meaulnes, avec un envoi à Thomas Hardy, et bien sûr Du côté de chez Swann,
l"exemplaire que Proust adressa à Robert de Flers - en attendant peut-être un exemplaireplus précieux encore. Sans omettre la partition du Sacre du printemps de Stravinsky dédicacée
à Pierre Monteux, et les uvres de Max Jacob, Robert Frost, Kafka, Trakl, Mandelstam, qui vérifient combien les tendances de cette collection n"ont jamais rien eu d"hexagonal.Qui d"entre nous n"aurait pas rêvé d"avoir vingt ans en 1913 pour assister à l"éclosion du
modernisme international ? Mais un tiers de la classe 13 ne revint pas de la Grande Guerre. Il valait mieux avoir vingt ans en 1950, quand Gide passa le flambeau à Genet. Pierre Bergé est d"abord un homme du livre, avant tout le reste, avant ses nombreusesentreprises couronnées de succès. Il n"a pas suivi la vocation d"écrivain vers laquelle Giono
et Cocteau l"encourageaient à ses vingt ans, mais le livre est resté son jardin intérieur, et sa
collection donne une idée extraordinaire de ce que la vie littéraire a été en France de Hugo
à Cocteau. Ne regrettons rien. Vingt ans après, quand j"ai découvert Paris, cela n"était pas
mal non plus. Je ne suis pas devenu un collectionneur, je l"ai dit, et je ne connais pas cette passion, mais je la reconnais et l"apprécie. La dispersion d"une majestueuse collection peut donner des pincements de cur, puisque la communauté des livres est à l"image de la société des hommes et que, au travers de tous ces envois, c"est un peu comme si lecommerce des écrivains, génération après génération, n"avait jamais cessé de Stendhal à
Giono, que dis-je, d"Homère à William Burroughs. C"était Proust qui disait, devant la photographie de Baudelaire par Nadar, qu"on regardait là le portrait de tous les poètes, c"est-à-dire du poète éternel qui écrit sans fin depuis l"origine de la poésie. Le même et un autre, pas de meilleure image pour résumer la collection de Pierre Bergé. Tous ces livres ont été réunis pour un temps, ils ont commercé (des trois commerces,Montaigne jugeait que celui des livres était supérieur aux deux autres, l"amour et l"amitié),
leur intimité les a grandis, et ils voisineront bientôt avec bonheur avec d"autres livres que leur présence fécondera.FRANÇOIS I
er . Rondeaux, épîtres et autres pièces en vers, vers 1535. (cf. n° 10).Les bibliophiles vivent cinq mille ans
parUmberto Eco
Solitude du bibliophile
Je crois que la passion des livres anciens est très perverse. Je dirais presque onaniste. Si vous possédez des Raphaël, des Monet ou des poteries chinoises, les gens qui viennent vous voir disent : c"est beau. Mais si vous leur montrez un petit in-12 dont il n"existe qu"un exemplaire unique, ils le regardent comme si c"était un râteau. Et vous n"avez jamais la satisfaction de quelqu"un qui s"exclame : ouah ! merveilleux... S"il est lui-même collectionneur, il réagitnégativement, parce qu"il n"a pas ce livre-là, ou parce qu"il ne fait pas partie de son "sujet".
Marginalia d"auteur
Pour les livres contemporains, les livres de lecture, je dois toujours laisser les traces de mavisite. J"ai besoin, dix ans après, de retrouver la page cornée ("l"oreille"), de savoir que je
m"étais arrêté à cet endroit. J"aime dire que, si l"on pouvait trouver une édition de l"Hypnerotomachia Poliphili avec des notes marginales de Joyce en gaélique, ce serait assezintéressant ! Un jour, j"ai acheté un Paracelse, un tome dépareillé, mais rempli à chaque page
d"annotations rouges et noires, une sorte de dentelle : c"était plus beau que s"il avait été pur.
Le livre n"est pas obsolète
J"ai toujours soutenu que le livre est comme la roue, la cuillère ou le marteau : ce sont deschoses qui, une fois inventées, ne peuvent plus être modifiées. Elles resteront immuables à
travers les siècles. Mais si les livres devaient disparaître, alors tant mieux pour nous ! Nos collections seraient comme les dinosaures, encore plus précieuses...Une passion française
En hommage, je collectionne les livres qui ont fait partie de ma formation. J"ai par exemple la première édition d"Ulysses, un Finnegans Wake avec la signature de Joyce et beaucoup deFrançais car, dans ma jeunesse, j"ai été très influencé par la littérature française.
J"ai les deux éditions de Sylvie, celle de La Revue des Deux Mondes et Les Filles du feu. J"ai travaillé
pendant quarante ans sur Nerval, que j"ai ensuite traduit en italien. Ma passion pourNerval a commencé lorsque je suis venu à Paris pour la première fois, à l"âge de vingt ans.
À Paris, deux choses m"avaient frappé : les jeunes qui s"embrassaient sur la bouche enpleine rue - en Italie vous étiez arrêté par la police - et tous ces gens qui lisaient dans le
métro. Alors j"ai feuilleté, chez les bouquinistes, les livres les plus petits pour pouvoir les
lire dans le métro. Je suis tombé sur une petite édition de Sylvie. C"est de là que date ma
passion pour Nerval.Débuts d"une collection
Je crois avoir commencé à collectionner après la publication de mon premier roman,Le Nom de la Rose, avec lequel j"ai gagné de l"argent. Je me suis dit : qu"est-ce que je fais avec
cet argent ? Si j"achète des bons du Trésor, je ne le vois pas, il disparaît... Mais si j"achète
des livres, je les ai là ! Il y a deux questions stupides. L"une est : combien avez-vous de livres,
suivie de : avez-vous tout lu ? L"autre est : qu"est-ce que la sémiotique ? À Londres, à la radio, on m"a posé cette question, sans comprendre qu"il faudrait deux ou trois ans pour expliquer...J"ai répondu : dans votre pays, le premier qui a parlé de sémiotique a été John Locke,
en 1690, et avant lui John Wilkins a écrit un livre qui peut être considéré comme un traité
de sémiotique. En face de la station de radio, il y avait un libraire : je suis entré et j"ai vu le
Wilkins, 500 dollars, je l"ai acheté et c"est comme ça que j"ai commencé, en 1985.L"inconscient bibliophilique
À propos de livres anciens que j"ai achetés avant de collectionner : sans doute vous souvenez-vous que, dans Le Nom de la rose, il est question d"un manuscrit de la Poétique d"Aristote contenant la section perdue sur la comédie. J"avais décrit ce manuscrit, qui était empoisonné, et dont les pages étaient devenues marron. Un beau jour, dans ma bibliothèque, j"ai retrouvé une édition du XVI equotesdbs_dbs27.pdfusesText_33[PDF] Bibliographie succincte sur Haymon d`Auxerre - Anciens Et Réunions
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