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Études rurales 180

12 ????. 2002 ?. L'impact social de la caféiculture en Tanzanie du nord ... à la bourse de New York pour l'arabica et à la bourse de Londres pour le robusta.



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[LE_MONDE - 1] LE_MONDE/PAGES 06/07/01

6 ???. 2001 ?. placer les hommes qui la compo- ... de l'armée dans la vie politique algérienne. ... La promotion du 5 juillet pourrait être l'occa-.





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26 ????. 1972 ?. Ce furent 19 années de labeur intensif qui mit à rude ... J. Jadin: Importance des amibes de l'eau dans la vie de l'homme.

Études rurales 180

Études rurales

180 | 2007

Cafés et caféiers

Singularités et universalité d'une production mondialisée

Bernard

Charlery

de la

Masselière

and

Pernette

Grandjean

(dir.)

Electronic

version URL: http://journals.openedition.org/etudesrurales/5892

DOI: 10.4000/etudesrurales.5892

ISSN: 1777-537X

Publisher

Éditions de l'EHESS

Printed

version

Date of publication: 30 November 2007

Electronic

reference Bernard Charlery de la Masselière and Pernette Grandjean (dir.),

Études rurales

, 180

2007, "Cafés et

caféiers" [Online], Online since 21 May 2008, connection on 13 February 2021. URL: http:// journals.openedition.org/etudesrurales/5892; DOI: https://doi.org/10.4000/etudesrurales.5892 This text was automatically generated on 13 February 2021.

© Tous droits réservés

TABLE OF CONTENTSCafés et caféiersMatières, itinéraires et imaginaires de la mondialisationBernard Charlery de La MasselièreTopiquesSur les chemins des caféiersFabrice PinardCafé des montagnes, café des plainesFrançois BartLa conquête du monde tropical par la caféicultureJean-Christian TuletSociétésPlanteurs et plantationsLe système de l'exploitation caféière en Amérique latineDenise Douzant-Rosenfeld and Pernette GrandjeanL'impact social de la caféiculture en Tanzanie du nordCatherine BaroinWomen in the coffee society: the case of nyeri, kenyaPatrick MbataruCafé, développement et autochtonie en Nouvelle-CadédonieIsabelle LeblicA true story of coffees magendo through mount elgon (uganda)Bob NakilezaPouvoirsCafé et pouvoir en amérique centraleNoëlle DemykLe café au TogoChronique d'une émergence de la modernité rurale(1920-1960)Benoît AntheaumeRôle politique de la caféiculture au RwandaLaurien Uwizeyimana

Études rurales, 180 | 20071

MarchésThe world behind the world coffee marketWim PelupessyStratégies caféières du Brésil sur le marché mondialCéline Broggio and Martine DroulersLes fondements économiques de la guerre du café au KenyaBernard Charlery de la Masselière and Patrick MbataruConsommationLes établissements de café du CaireJean-Charles DepauleComptes rendusQuatre ouvrages de Jean-Pierre BrunPhilippe BoissinotAndré Gallais et Agnès Ricroch, Plantes transgéniques : faits et enjeux

Paris, Éditions Quae, 2007, XVI-284 p.

Jean-Pierre Digard

Études rurales, 180 | 20072

Cafés et caféiersMatières, itinéraires et imaginaires de la mondialisationBernard Charlery de La Masselière

1 AU DÉBUT DE L'ANNÉE 2007, le café se vend bien. Pour preuve, la satisfaction qu'affichent

les grands planteurs 1.

2 À São Paulo, les cafés branchés, qui, au départ, étaient concentrés sur la seule avenue

Paulista, sont aujourd'hui présents dans tous les quartiers. Toutes les grandes villes brésiliennes ont suivi ce mouvement de diffusion dans les années 1980. On y consomme désormais des cafés de toutes origines, et les machines Nespresso ne cessent de se

multiplier. L'université du café, créée à Trieste en 2000 par le célèbre torréfacteur Illy,

s'est implantée peu après à São Paulo : elle propose, aux experts et aux techniciens agricoles, des cours tant sur la culture que sur la torréfaction, l'économie ou le marketing.

3 En Chine, le café, assimilé à une boisson moderne, est de plus en plus prisé par les

jeunes. Aussi sa consommation s'accroît-elle de 15 % par an depuis le début des années 2000
2.

4 En Afrique de l'Est, certains commentateurs se prennent à rêver à un retour auxgrandes années de production. On parle de " vente directe aux consommateurs », de

" marchés de spécialité », de " qualité » ; on parle aussi du conflit entre l'Américain

Starbucks et le gouvernement éthiopien, conflit ayant trait à l'usage des appellations Harar et Sidamo, bref, d'une effervescence du business, avec tous les aléas que cela comporte. La foire annuelle organisée par l'East African Finest Coffee Association connaît un succès croissant. À Nairobi, les cafés-bars-restaurants, tenus par les deux principaux torréfacteurs que sont Java House et Dormans, sont de plus en plus nombreux et on peut, enfin, boire un bon café en ville. De nouveaux opérateurs, profitant de l'ouverture du marché, apparaissent sur les rayons des supermarchés.

5 Et pourtant, au milieu de l'année 2007, les commentateurs se font plus pessimistes. La

production, celle du secteur paysan en particulier, stagne ou augmente de quelques centaines de tonnes sans atteindre les records du début des années 1990. Dans les campagnes, la morosité gagne le petit producteur, plus que jamais " hungry of cash » ;

les jeunes se détournent du caféier, auquel ils ont d'ailleurs difficilement accès ; les plus

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vieux espèrent toujours... Mais on sent bien que c'est dans l'imaginaire que le territoire du café conserve son caractère le plus marqué, en contradiction avec le réel : le désarroi d'une paysannerie " dans la tourmente » est d'autant plus cruel que ce qui était, autrefois, annonciateur de beaux jours - la hausse des prix mondiaux - est, aujourd'hui, sans répercussions positives sur la vie quotidienne des populations.

6 Pour les consommateurs, c'est-à-dire ceux du Nord principalement, le café, c'est unlieu, populaire ou prestigieux ; c'est aussi le " petit noir » dont, du comptoir, on

surveille le cours ; ou encore un produit qui ponctue les heures du jour et de la nuit. Pour certains, moins nombreux, c'est une matière première qui fait l'objet d'un marché, donc d'une discussion sur le prix, limitant souvent le rapport entre le producteur et le produit à une simple relation pécuniaire.

7 À part quelques rares connaisseurs, peu de consommateurs rattachent le goût de leurcafé à un terroir, à des paysages et des savoir-faire, encore moins aux servitudes de la

production. Les références sont plus artificielles et renvoient, par-delà l'attachement à

une marque précise, à l'imaginaire, plus ou moins confus, du stress, du désir, ou de la

convivialité. L'histoire des établissements de café montre que, de façon très ancienne,

le café a été un médium des relations sociales, lieu et source de contestations, de débats

ou tout simplement de rencontres, chacun se mettant en scène et défendant son code de l'honneur.

8 Le café est un produit agricole de base, le premier même dans la hiérarchie du

commerce international. En tant que " matière première », il est doté d'une fonction et d'un statut dont on peut élargir le sens au-delà de son acception usuelle dans le champ limité de la transformation industrielle : il est " matière » que l'homme, du producteur au consommateur, investit et réinvestit de travail, d'organisation, de sociabilité, de projets, d'imaginaire ou de pouvoir, et à travers laquelle l'homme définit son rapport à la nature et à ses environnements en les transformant en ressources.

9 Production et consommation : deux mondes coexistent, s'ignorant souvent l'un l'autre,deux " économies-monde » rattachées par les discontinuités de la filière. Fruit des

tropiques, or vert de l'échange international, objet culturel, vecteur des relations

sociales : on peut dire que le café est un produit " total » au sein du système capitaliste,

dont il a accompagné l'histoire à travers ses différents " moments », à la fois périodes

et combinaisons dynamiques, ou résultantes éphémères, de forces changeantes. Le rôle que joue le café dans l'économie mondiale prend tout son sens au sein de l'évolution d'un système global complexe, où les exigences écologiques de la plante, les aptitudes bioclimatiques et pédologiques des milieux tropicaux interfèrent non seulement avec les conditions historiques du marché mondial, mais aussi avec la formation et la transformation des sociétés paysannes ouvertes à l'innovation, et avec la construction, destruction et reconstitution des pouvoirs, en particulier ceux de l'État moderne.

10 Sans prétendre à l'exhaustivité, les articles rassemblés dans ce numéro se placent

résolument du point de vue de la production. Ils nous présentent les caractéristiques des caféiers et les lieux communs qui leur sont associés ; ils évoquent leur diffusion à l'échelle de la planète. Ils déploient les plis et replis du domaine plus restreint ou plus domestique de la production et de ses répercussions sur les sociétés locales, s'attardent sur le jeu et les enjeux de pouvoir, appréhendent les marchés à trois échelles géographiques - du global au local, en passant par le régional - avant d'ouvrir la porte des établissements où le produit, après un long parcours rural, semble enfin acquérir les attributs de l'urbanité.

Études rurales, 180 | 20074

11 Par-delà la diversité des thèmes et des lieux abordés dans cet ouvrage, la cohésion du

projet éditorial se lit dans le processus de territorialisation qui a accompagné la diffusion de la caféiculture, en tant que moment d'une histoire des sociétés locales et

des États, et en tant que composante géographique d'un certain modèle de

développement.

12 Les caféiers marquent le paysage de leur empreinte. Ils sont le produit, à un moment

donné, d'un certain rapport à la nature et d'un mode particulier de gestion des

ressources. Ils créent un écosystème spécifique, combinant des éléments naturels (sols,

pluviométrie, température, exposition) avec des éléments culturels et techniques (savoir-faire), entretenus, transformés et valorisés comme ressources dans le cadre des

systèmes de production. Cette confrontation entre " milieu » et " société » prend corps

dans le paysage, lequel reflète la façon dont le producteur organise l'espace, fixe les territoires, domestique les flux, attribue aux lieux fonction et vocation.

13 Outre la spécificité des environnements physiques, la stricte intertropicalité du produit

est à considérer du point de vue de l'histoire du développement qui s'est construite, sur le long terme, dans l'espace qui sépare les aires de production des marchés de consommation, espace investi par les capitaux marchands et lieu de réalisation des bénéfices. Marché donc, depuis longtemps international, où l'allongement des chaînes tendues entre production et consommation - à savoir la filière - permet de s'affranchir en partie des règles locales pour définir un " système caféier » inégalitaire qui répercute aux lieux mêmes de production les changements de l'économie mondiale et la façon dont celle-ci exploite et alloue les ressources de base. C'est ainsi que d'une économie de grandes et moyennes plantations exploitant la force de travail locale sous diverses formes (esclavagiste ou salariée) on a vu se généraliser, hors du Brésil, une petite production au sein de laquelle la valorisation sociale et symbolique du statut du planteur renforce le lien entre identité et territoire, malgré les crises qui ont secoué l'histoire de la production.

14 La caféiculture est un vecteur des dynamiques et des identités socioculturelles.L'engagement des agriculteurs dans l'effort permanent qu'exigent les soubresauts de la

caféiculture ne peut se comprendre que si l'on admet leur capacité à modifier leurs modes de production sur la longue durée, alors que les éléments qui font changer ces modes de production ne sont, eux, souvent, que de courte durée. Ces différences de rythme sont importantes.

15 Beaucoup plus qu'un simple moyen de gagner de l'argent, le mouvement d'introduction

et de développement de la caféiculture peut être considéré comme une véritable innovation, voire un fait de civilisation inscrit sur la durée et dont on peut repérer les moments et les lieux de l'intégration. La caféiculture prend toute sa dimension - en termes d'innovation - non pas dans les procédures techniques ou commerciales, particulières et sectorielles, qui déterminent le fonctionnement de la filière, mais dans le rôle que ces cultures jouent dans le changement social, au sens large. On peut parler

d'" invention » d'une paysannerie, qui serait définie par au moins trois de ses

capacités : sa capacité à mettre en valeur la terre, sa capacité à investir l'espace des

codes du pouvoir (de l'État), et sa capacité à adapter ses pratiques culturales aux évolutions du marché mondial. On constatera que cette paysannerie trouve les moyens

de détourner les logiques du système mondial du café dans sa sphère locale,

domestique ou régionale. L'incertitude au niveau de la production vient de cette sorte

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d'indépendance paradoxale que conserve le petit producteur dans la définition de ses propres trajectoires.

16 Cependant les fluctuations incertaines des cours mondiaux, d'un côté, et les multiples

blocages internes, de l'autre, placent, dans les zones historiques, le secteur de la production, et celui de la petite production en particulier, dans un contexte de " crise » dans la mesure où le producteur, tout en connaissant une baisse substantielle de ses revenus, a perdu une partie des repères qui identifiaient son mode d'insertion dans la

filière. Les enjeux et les conséquences débordent largement le cadre du secteur " café »

pour engager d'importantes mutations environnementales et sociales, au sens large, qui touchent notamment la sphère locale dans son rapport aux autres échelles

géographiques : nouvelles " écritures » paysagères, rééquilibrages politiques,

inquiétudes identitaires, redéfinition du statut des producteurs, réorganisation des règles d'accès aux ressources, etc.

17 Pour quantité de producteurs, le terroir n'est plus, depuis longtemps, le seul horizon

d'activité. La dynamique économique et sociale du modèle paysan introduit une contradiction entre fixation territoriale et mobilité, contradiction qui caractérise la relation que les petits planteurs entretiennent avec l'espace. D'une part, les solidarités traditionnelles ainsi que le positionnement de ces petits planteurs dans des hiérarchies et des fonctions, héritées de modèles anciens, cloisonnent ceux-ci dans un réseau local de contraintes, peu propices à l'innovation. D'autre part, le contexte de crise et de précarité requiert, de la part de ces mêmes planteurs, une certaine dose d'innovation afin de produire de nouvelles combinaisons favorables au changement social. D'un point de vue spatial, cette contradiction se retrouve dans la multiplicité des lieux et des

activités que les individus investissent, excepté là où le pouvoir politique maintient une

ségrégation et un encadrement strict et localisé des populations. De plus en plus, avec la chute des cours du café qui les oblige à trouver d'autres sources de revenus, les producteurs sont amenés à déserter leurs terroirs et leurs exploitations. Les espaces de production se redéfinissent aujourd'hui à la croisée de multiples trajectoires, dont l'amplitude spatiale, mais aussi sociale, transgresse les échelles géographiques des formes traditionnelles de cette activité.

18 La caféiculture sert de support à la légitimation de hiérarchies institutionnalisées ou de

formes instituées de division du travail, à travers l'organisation de la filière, et ce de la

production à la commercialisation. En ce sens le café participe directement à la construction d'un territoire national, intégrateur des espaces locaux et ouvert sur l'international. Cette construction marque un certain degré d'institutionnalisation du pouvoir, qui n'est pas partout identique. Le rapport à l'État s'impose comme une constante historique mais aussi comme une des conditions de la définition des sociétés paysannes elles-mêmes. Réseaux et territoires se présentent comme un ensemble où circule le pouvoir ; un pouvoir qui n'est pas définitivement acquis mais sans cesse renégocié à travers des relations dissymétriques.

19 Dans un contexte de crise des appareils, réseaux et territoires peuvent favoriser ou, au

contraire, parasiter la nécessaire réorganisation des filières. Pendant longtemps celles- ci ont été dominées par l'intervention des États des pays producteurs. Les programmes d'ajustement ont considérablement réduit leur influence, les nouvelles politiques libérales ayant pour objectif d'éliminer les obstacles au libre jeu de l'offre et de la demande, obstacles économiques, institutionnels et organisationnels. Ce contexte modifie l'approche des filières, qui a longtemps été menée à une échelle moyenne :

Études rurales, 180 | 20076

celle des États. La question même des prix était largement subordonnée à la capacité du

système institutionnel monopolistique à développer la production, à rationaliser la transformation et la commercialisation du produit, et à réduire les coûts d'information et de transaction des agents économiques. Autour des filières s'était élaborée une conception nationale de la production, régulée à l'échelle internationale par des accords entre pays producteurs et pays consommateurs.

20 Aujourd'hui, la globalisation bouleverse le rapport entre les territoires parce quel'intégration et la concurrence s'effectuent en priorité à l'échelle mondiale. Comme le

développement capitaliste s'appuie sur la flexibilité et la mobilité du travail, il suppose une certaine flexibilité des territoires. Cette flexibilité est rendue nécessaire dans la mesure où toute activité nécessite un ancrage territorial plus ou moins prononcé, et plus prononcé en l'occurrence dans le cas des activités agricoles. L'accumulation et le profit à l'échelle mondiale se fondent sur la séparation des espaces suivant leur niveau

de compétitivité, qui correspond à leur capacité à jouer un rôle spécifique dans le

système mondial. Comme le travail a dû être " libéré » de toute entrave à sa mobilité, la

flexibilisation territoriale repose sur l'élimination progressive des mécanismes de contrôle et d'organisation du territoire. Les politiques de décentralisation et de libéralisation des filières ont ainsi apparemment appelé une revalorisation des forces

locales aptes à engager les territoires régionaux, libérés, dans cette nouvelle

configuration, du poids du contrôle de l'État. La fragmentation consiste donc à attribuer à chaque unité territoriale un poids spécifique, non subordonné à celui des

autres territoires, c'est-à-dire un rôle et un éventail d'activités définis en fonction de

l'économie mondiale.

21 Les territoires du café - le café étant d'abord une culture d'exportation - ont bien un

rapport avec ce niveau d'intégration mondiale. L'enjeu est bien ici entre exclusion et intégration. On se situe donc à la croisée de la revalorisation ou de la revitalisation des caractéristiques fondamentales d'espaces spécifiques, d'une part, et, d'autre part, de la création de réseaux (d'information, de circulation des techniques, de commercialisation) qui transgressent les limites de ces espaces spécifiques. La revalorisation de l'échelle locale met en jeu des facteurs non économiques en ce qu'elle

est le lieu où se définissent des relations économiques, sociales, culturelles et politiques

qui ne s'inscrivent pas forcément dans la sphère du marché. L'échelle locale a par conséquent une certaine autonomie par rapport au marché, mais les modes de relation

qui s'y établissent déterminent sa capacité ou non à participer au nouveau

développement.

22 Une des questions principales qui se posent ici concerne la capacité (sociale,

économique et culturelle) des petits producteurs à entrer dans les processus

dynamiques qui animent les changements de la filière, à partir de la valorisation de la qualité et de l'origine du produit. La valeur ajoutée vient des mélanges et de la torréfaction, voire des nouvelles techniques de la " tasse » (capsules, machines à expresso), qui affectent le prix de détail et qui demandent une bonne connaissance, à la fois des goûts de la clientèle et des systèmes de distribution. On sait que ce sont essentiellement les intermédiaires - et en particulier les grands opérateurs - qui raflent la mise. Certains pays producteurs ou groupements de producteurs cherchent à se positionner sur ces créneaux rémunérateurs mais qui comportent de nombreuses barrières d'entrée. Le Brésil mis à part, les autres producteurs n'ont souvent pas la

Études rurales, 180 | 20077

surface de production suffisante pour jouer un rôle significatif, même s'ils tentent, comme au Kenya, d'orienter leur politique dans ce sens.

23 Si l'on en croit Jeremy Rifkin, dans la nouvelle culture du capitalisme, qui est une

" économie de l'accès », le succès dépend des relations commerciales à long terme. Dans ce contexte, la difficulté pour les producteurs vient du fait que, par ailleurs, la compétition et la " durabilité » de l'échange ne jouent pas prioritairement sur les attributs intrinsèques de tel ou tel café, même si ces derniers restent une condition nécessaire, mais sur des caractères extrinsèques, plus culturels que matériels : un consommateur " achètera » ainsi une bonne conscience " équitable », de l'exotisme prestigieux (cafés du Kilimandjaro), de la solidarité (cafés de petits producteurs), de la santé (cafés biologiques), etc. Il suffit de faire l'inventaire des arguments de vente figurant sur les paquets de café ou sur les sites internet pour se rendre compte qu'il n'y

a jamais de référence à une qualité objective : ce sont plutôt des ressources culturelles

qui sont mises en avant et offertes à la consommation marchande, non pas par les producteurs mais par les intermédiaires.

24 Tel est le cadre général et complexe dans lequel il faut penser l'avenir de la

caféiculture. La difficulté réside dans ce que les situations locales sont " improbables »

et ne relèvent pas d'un modèle unique. NOTES

1. L'auteur tient à remercier Pernette Grandjean pour sa relecture attentive de ce texte.

2. Données du Coffee Festival China, mai 2007.

AUTEUR

BERNARD CHARLERY DE LA MASSELIÈRE

Géographe, professeur à l'Université Toulouse-II Le Mirail.

Études rurales, 180 | 20078

Topiques

Études rurales, 180 | 20079

Sur les chemins des caféiersFabrice Pinard

1 BEAUCOUP CONNAISSENT la légende de l'origine du café. Il y a bien longtemps, Kaldi,

un jeune berger, fut surpris de trouver ses chèvres dans un état d'agitation inhabituelle après qu'elles se furent réfugiées auprès d'un massif d'arbustes à l'ombre de plus grands arbres. Kaldi se dit que ses chèvres étaient excitées parce qu'elles s'étaient nourries des feuilles et fruits de ces arbustes, et son hypothèse fut confirmée lorsque,

après en avoir mangé lui-même, il se sentit plus tonique et plus alerte. Ainsi aurait été

repéré pour la première fois le caféier, cette plante de sous-bois aux propriétés stimulantes exceptionnelles. Ce que ne dit pas la légende, c'est si Kaldi vivait dans la

région de Kaffa, dans le sud-ouest éthiopien, ou encore s'il vivait au Yémen, là où le café

avait pour nom qahwah.

2 Cette découverte aura le devenir qu'on lui sait au sein des civilisations occidentales et

arabes, auxquelles on doit ajouter la corne orientale de l'Afrique. Le café sera associé à

la détente, préparatoire à un regain d'activité et de vivacité. Bien qu'on lui ait refusé le

titre de boisson des dieux, réservé au cacao, le café n'en possédera pas moins une dimension religieuse aujourd'hui oubliée : les moines soufis le consommaient pour accéder à l'extase lors de leurs nuits de veille, et son usage est mentionné lors de l'évocation des qsars, ces esprits tutélaires de chaque être humain, selon les croyances ancestrales éthiopiennes.

3 Le café est boisson, mais il est aussi lieu où se trouvent encore associées détente et

activité, intellectuelle cette fois. Ce sont les " maisons du café » en Orient, les grands et

petits cafés parisiens, londoniens, viennois, new-yorkais, où l'on confronte ses idées, où

l'on crée des tendances artistiques, où l'on refait le monde... Nul doute alors quant à

l'importance " du » et " des » cafés comme sites de rencontre, d'échange, de création et

de diffusion. Il arrivera, au cours de leur histoire, que ces établissements dérangent et déplaisent au point qu'ils seront frappés d'interdit. Aujourd'hui, les usages du café gardent leur pleine valeur, même si la consommation moderne n'évolue que lentement.

La caféine étant désormais utilisée en pharmacie et cosmétique et cet alcaloïde entrant

dans la fabrication de boissons gazeuses, le produit " café » attire aujourdhui des groupes industriels comme L'Oréal et Coca-Cola.

Études rurales, 180 | 200710

4 Pendant de sa dimension sociale, le café possède une dimension économique de

première importance, et il représente, en valeur, le 2e ou 3e marché mondial après le

pétrole, selon les oscillations du marché des céréales. Symboliquement, il pourrait à lui

seul illustrer tous les déséquilibres de la globalisation entre pays riches et pays pauvres. Le café est produit entre les tropiques par des pays en voie de développement, qui, tous, subissent, plus qu'ils ne contrôlent, le prix d'achat de la matière première ; elle-même est consommée par l'Occident et le Japon où est produit, mais bien peu redistribué, l'essentiel de la valeur ajoutée commerciale.

5 Source de toutes les spéculations, les prix du café oscillent au gré de multiples facteurs

le risque de gel au Brésil, le jeu des fonds de pension internationaux, les stocks mondiaux et malmènent le secteur de la production. La dernière crise en date (1997-2005) a atteint des niveaux historiques, à moins de 1 euro la livre d'arabica, et a rendu caduques les stratégies de développement des pays producteurs, contraignant

ceux-ci à redéfinir leurs politiques de production. Ces dernières considèrent

aujourd'hui, avec le plus grand intérêt, l'évolution de la demande des consommateurs en faveur de cafés de meilleur goût, produits dans de meilleures conditions sociales et dans des conditions plus respectueuses de l'environnement. Ainsi se définit un nouveau

segment sur le marché international du café : celui dit " de spécialité » ou " gourmet ».

Plus rémunérateur car il est admis que la qualité a un coût , ce segment pourrait sortir le marché mondial du café de cette période difficile [Giovannucci et Koekoek 2003]. Mais cette tendance influe directement sur le choix d'une stratégie de production : la qualité " tout-venant » doit se faire avec un maximum de productivité et à des coûts

compétitifs susceptibles d'effacer les aléas du marché ; à l'opposé, le marché de qualité

est plus rémunérateur, mais moins productif et plus subtil à gérer.

6 L'étape actuelle de l'évolution du café repose sur des bases botaniques etagronomiques : nous les présenterons ici pour rendre compte des 10 millions d'hectaresde café plantés en 2005 (selon la FAO1) et d'une production de près de 7 millions de

tonnes, principalement d'arabica (70 % de la production, selon ICO

2). Elle a aussi une

réalité sociale et économique, que nous ne développerons pas ici : celle des 15 millions de fermiers qui cultivent la plante dans le monde, faisant vivre indirectement plus de

100 millions de personnes, ce qui correspond à un volume financier global supérieur à

60 milliards de dollars US. Nul doute, pourtant, qu'elle doit être prise en compte dans la

définition des futurs paysages de production du café [Bart 2003 ; Charlery de la

Masselière 2003].

Le genre Coffea spp.

ÉLÉMENTS DE BOTANIQUE ET BIOLOGIE

7 La légende de Kaldi l'indique avec suffisamment de précision : le caféier est

naturellement un arbuste de sous-bois, à faible exigence en lumière, de 3 à 6 mètres de hauteur, au feuillage vert sombre et luisant. Dans ce milieu, son port est aéré, diffus et difficilement repérable parmi les autres arbustes du couvert.

8 Le café est une dicotylédone3 de l'ordre de Rubiales, famille des Rubiacées, qui compte

environ 500 genres connus. C'est à Antoine de Jussieu, botaniste de l'Académie royale, que l'on doit la première description occidentale du café, qui date de 1715 [Jeanguyot et al.

Études rurales, 180 | 200711

9 2003]. Ses dessins et commentaires rapportent correctement l'opposition des feuilles lelong des rameaux secondaires de la plante et les glomérules floraux à chaque entre-

n ud, constitués de fleurs blanches éphémères à 5 pétales soudés et au parfum marqué,

auxquelles succèdent les fruits, baies vertes, puis rouges en fin de maturation, formées de 2 grains accolés par leur surface plane et enveloppés d'une pulpe acidulée peu

épaisse : on parle ainsi de cerise de café. Sans doute séduit (et trompé) par la fragrance

des fleurs, Jussieu commettra l'erreur de voir, dans le café, le Jasminum arabium (jasmin

d'Arabie). Linné, en 1737, reconnaîtra son originalité botanique et rectifiera

définitivement son classement en créant pour lui le genre Coffea, avec une seule espèce alors connue : Coffea arabica.

10 Près de 90 espèces du genre Coffea sont inventoriées aujourd'hui. Leur taxonomie est

parfois ardue, encore source de controverses et d'erreurs. Parmi ces espèces, moins

d'une dizaine ont été cultivées dans le passé, pour ne laisser place, de nos jours, qu'à

deux d'entre elles : C. arabica et C. canephora. Cette dernière est bien plus connue sous le

nom d'une de ses variétés : la variété Robusta. Nous ne nous intéresserons ici qu'à ces

deux espèces en raison de leur importance exclusive dans le domaine de la production caféière.

11 C. canephora et C. arabica ont des habitats différents. La première apprécie la chaleur et

l'humidité : des températures moyennes, entre 24o et 26 oC, associées à une

pluviométrie annuelle comprise entre 1 500 et 3 000 mm (avec une saison sèche de 2 à

3 mois), lui conviennent au mieux. La seconde requiert plus de fraîcheur, de 20 à 25 oC,

et supporte mieux la sécheresse (1 300 à 1 800 mm, 2 à 4 mois de saison sèche). Entre les

tropiques, on la trouve ainsi en régions d'altitude, entre 1 500 et 2 000 mètres selon la latitude, alors que C. canephora occupe des régions plus basses [Costes 1955 ; Forestier

1969].

12 Les deux espèces ont une morphologie organisée autour d'un même schéma : la plante

se construit autour d'un axe vertical, orthotrope

4, à croissance continue, qui émet des

ramifications plagiotropes primaires et secondaires, voire tertiaires. Seules les ramifications portent les fleurs et les fruits, qui se forment exclusivement sur les entre- n uds âgés de 1 an. Avec la croissance de l'arbre, on observe donc un comportement " centrifuge » de la fructification, qui éloigne les cerises de l'axe principal nourricier et

rend leur accès à la sève plus difficile. Ce phénomène explique la chute de productivité

des arbres âgés et justifie la taille du caféier, gage d'une meilleure production. Les boutons floraux se forment généralement pendant la phase d'" aoûtage » des rameaux, c'est-à-dire pendant que se constitue l'écorce, mais demeurent dormants. Après une période de sécheresse marquée, la floraison est induite par le retour des pluies. Fugace, elle ne dure que deux à trois jours pendant lesquels la caféière embaume et paraît enneigée. Les cerises se forment immédiatement et atteignent leur maturité de fruit rouge, après huit mois de croissance pour l'Arabica et dix mois pour le Robusta. Le synchronisme de la floraison avec l'arrivée des pluies explique qu'il y ait 1 ou 2 récoltes par an dans les régions caféières, selon qu'elles sont sous un régime pluviométrique unimodal (Antilles, Éthiopie, Zambie) ou bimodal (régions équatoriales).

GÉNÉTIQUE ET AMÉLIORATION VARIÉTALE

13 À l'instar des autres espèces vivantes, le caféier possède un lieu de naissance. Son aire

d'origine, appelée aussi aire de diversification en raison de la diversité génétique

Études rurales, 180 | 200712

maximale observée, est située en Afrique, entre les tropiques. Les deux espèces quinous intéressent ont des origines différentes. Robusta est native du bassin du Congo, où

elle se serait diversifiée à partir de foyers secondaires congolais, guinéens et

probablement ougandais. L'aire d'origine de C. arabica est plus concentrée que celle de C. canephora, limitée au versant sud-ouest du rift éthiopien [Charrier et Eskes 1997].

14 Le nombre chromosomique de base du genre Coffea est n = 11. À l'exception de C.

arabica, toutes les espèces sont diploïdes, c'est-à-dire qu'elles doublent le nombre chromosomique de base et qu'elles possèdent 2n = 22 chromosomes. Ces espèces sont auto-incompatibles et allogames, ce qui signifie qu'elles ne peuvent s'autoféconder et que le pollen qui les fertilise ne peut provenir que d'un individu différent. Conséquence de cette règle de l'allofécondation au sein d'une espèce : ses populations échangent en permanence des gènes et se diversifient. Dans ce cas, la diffusion d'une variété aux caractéristiques intéressantes se fera donc plutôt par propagation végétative, le bouturage par exemple, pour éviter que ses qualités ne se perdent par croisement.

Dérogeant à ces caractères généraux, C. arabica s'est très certainement constituée,

comme espèce, à la faveur d'un incident chromosomique ancien qui a quadruplé son

stock d'ADN (4n = 44) pour en faire une espèce tétraploïde. À l'inverse des autres Coffea

spp., C. arabica est autogame et ses fleurs s'autofécondent, parfois même avant de s'ouvrir. Mais cette règle n'est pas stricte, et l'on estime de 10 à 20 % le taux

d'allofécondation, favorisée par la présence d'insectes pollinisateurs comme les

abeilles.

L'amélioration de C. arabica

15 L'expansion de la culture de C. arabica a eu pour conséquence de réduire à presque rien

la base génétique sur laquelle s'était élaborée cette culture. À l'origine de deux variétés,

Typica et Bourbon, seuls quelques plants avaient été exportés, aujourd'hui cultivés sur des centaines de milliers d'hectares. Ce contexte était bien imparfait pour construire

un schéma d'amélioration génétique correcte car trop peu de diversité était disponible

pour obtenir de nouveaux génotypes par croisements. Malgré le succès de quelques

hybrides Typica-Bourbon, comme la variété Mondo Nuovo au Brésil, les premières variétés

modernes ne sont donc pas issues de croisements mais de la sélection de mutants spontanés au sein des populations originelles de Typica et de Bourbon. Les exemples sont nombreux, et nous n'en citerons que quelques-uns. Issues de Bourbon, on cultive encorequotesdbs_dbs30.pdfusesText_36
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