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1Faculté de droit
THESEPour obtenir le grade de
DOCTEUR de l'UNIVERSITE PARIS V Discipline : Droit privéSamira BENBOUBKERTitre : Risque, sécurité et responsabilité du transporteur aérien à l'égard de son
passagerThèse dirigée par Mme Anne SINAY-CYTERMANN, Professeur à l'Université Paris
Descartes
le 26 mars 2014Membres du Jury Monsieur Philippe DELEBECQUE, Professeur à l'Université de Paris 1 Panthéon-
Sorbonne
Monsieur Claude LIENHARD, Professeur à l'Université de Haute-Alsace Monsieur Charley HANNOUN, Professeur à l'Université de Cergy-Pontoise Madame Anne SINAY-CYTERMANN, Professeur à l'Université Paris Descartes Monsieur Christophe AUBERTIN, Maître de Conférences à l'Université Paris Descartes 2A la mémoire de mon père
3Liste des principales abréviations
AASLAnnals of Air and Space Law
AFDIAnnuaire français de droit international
App. Appeal
BTLBulletin des Transports et de la Logistique
Bull. Civ. Bulletin des arrêts des chambres civiles, commerciale et sociale de laCour de cassation
Cass. Cour de Cassation
CESEConseil Economique et Sociale européen
CJCECour de justice des Communautés européennesCJUECour de justice de l'Union européene
COMCommunication de la Commission
Cons. UEConseil de l'Union européenne
Gaz. PalGazette du Palais
IATAInternational Air Transport Association
Jcl.Jurisclasseur
JCP ELa Semaine juridique, édition entreprise
JCP GLa Semaine juridique, édition généraleJDIClunet ou Journal de droit international
OACIOrganisation de l'Aviation Civile InternationaleRec. DRecueil Dalloz
RELRèglement extrajudiciaire des litiges
RevRevue
RFDASRevue Française de Droit aérien et spatialRGDARevue Générale de Droit aérien
RTD. CivRevue Trimestrielle de Droit Civil
RTD. ComRevue Trimestrielle de Droit commercial
TGITribunal de Grande Instance
4SommaireListe des principales abréviations ..............................................................................................3
Introduction ................................................................................................................................6
Titre 1 : Les sources applicables à la responsabilité du transporteur aérien de passagers.......33
Chapitre 1 : Une nébuleuse de normes conventionnelles et communautaires.....................34 Section 1 : Le droit conventionnel applicable à la responsabilité du transporteur aériende passager.......................................................................................................................34
Section 2 : Le droit communautaire du transport aérien de passagers............................67 Chapitre 2 : L'approche dynamique des rapports entretenus entre les sources applicables àla responsabilité du transporteur aérien à l'égard de son passager.....................................104
Section 1 : Entre complémentarité et contrariété, la vision articulée et hiérarchisée des
sources applicables à la responsabilité du transporteur aérien à l'égard de son passager.
Section 2: Les influences mutuelles des sources applicables à la responsabilité dutransporteur aérien.........................................................................................................133
Chapitre 3 : Étude du contrat de transport aérien de passager au vu de ses différentessources ...............................................................................................................................160
Section 1 : La théorisation du contrat de transport aérien de personnes.......................161
Section 2 : La formation et la matérialisation du contrat de transport aérien de personnesSection 3 : l'exécution du contrat de transport aérien de personnes..............................193
Titre 2 : Les dommages subis par le passager aérien lors de l'exécution du contrat de transport
Chapitre 4 : La responsabilité du transporteur aérien pour retard......................................231
Section 1 : Le retard et les situations entraînant collectivement un retard pour lespassagers aériens............................................................................................................231
Section 2 : Les situations génératrices de retard affectant individuellement lespassagers : le refus d'embarquement.............................................................................271
Chapitre 5 : La responsabilité du transporteur aérien de passager en cas d'accident ........291
Section 1 :Le régime uniforme applicable en cas d'accident aérien : l'exclusivité du droitconventionnel ................................................................................................................291
Section 2 : La réparation des dommages corporels .....................................................332
Chapitre 6 : La Responsabilité du transporteur aérien pour les dommages aux bagagesSection 1 : La responsabilité du transporteur aérien à l'égard des bagages ..................369
Section 2 : Limitations, exonérations et déplafonnement de responsabilité dutransporteur aérien à l'égard des bagages......................................................................383
Titre 3 : La mise en oeuvre de la responsabilité du transporteur aérien par le passager .........403
Chapitre 7 : L'action judiciaire du passager contre le transporteur aérien ........................403
Section 1 : Les règles de compétences instaurées par le droit conventionnel...............404
Section 2 : Les conséquences d'un droit processuel dynamique sur l'action contre letransporteur aérien .......................................................................................................434
Chapitre 8 : Les règlements alternatifs des litiges entre le transporteur aérien et sonpassager .............................................................................................................................446
Section 1 : Les règlements extrajudiciaires des litiges non corporels ..........................446
Section 2 : Une tendance vers un règlement extrajudiciaire des dommages corporelssubis par le passager .....................................................................................................461
Conclusion .............................................................................................................................472
Bibliographie ..........................................................................................................................475
Convention pour l'unification de certain règles relatives au Transport aérien international, 5signé à Varsovie, le 12 Octobre 1929 (Convention de Varsovie).......................................523
C O N V E N T I O N POUR L'UNIFICATION DE CERTAINES RÈGLES RELATIVES AU TRANSPORT AÉRIEN INTERNATIONAL, Convention de Montréal du28 mai 1999........................................................................................................................532
Règlement (CE) n° 889/2002 du Parlement européen et du Conseil du 13 mai 2002 modifiant le règlement (CE) n° 2027/97 du Conseil relatif à la responsabilité destransporteurs aériens en cas d'accident ..............................................................................551
Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, etabrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 ..........................................................................559
Règlement (CE) n o 2111/2005 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2005 concernant l'établissement d'une liste communautaire des transporteurs aériens qui font l'objet d'une interdiction d'exploitation dans la Communauté et l'information des passagers du transport aérien sur l'identité du transporteur aérien effectif, et abrogeantl'article 9 de la directive 2004/36/CE.................................................................................572
Règlement (CE) n o 1107/2006 du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 concernant les droits des personnes handicapées et des personnes à mobilité réduitelorsqu'elles font des voyages aériens .................................................................................586
Proposition de RÈGLEMENT DU PARLEMENT EUROPÉEN ET DU CONSEIL modifiant le règlement (CE) n° 261/2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol, ainsi que le règlement (CE) n° 2027/97relatif à la responsabilité des transporteurs aériens en ce qui concerne le transport aérien
de passagers et de leurs bagages /* COM/2013/0130 final - 2013/0072 (COD) * .......601 Loi renforçant l'information des voyageurs lors de la commercialisation de titres de transport sur les compagnies aériennes figurant sur la liste noire de l'Union européenne Loin° 2013-343 du 24 avril 2013 parue au JO n° 97 du 25 avril 2013....................................636
6Introduction
" Avec l'avion, nous avons appris la ligne droite. À peine avons-nous décollé nous lâchons ces chemins qui
s'inclinent vers les abreuvoirs et les étables, ou serpentent de ville en ville. Affranchis désormais des servitudes
bien-aimées, délivrés du besoin des fontaines, nous mettons le cap sur nos buts lointains »
Antoine de Saint-Exupéry, Terre des Hommes 1939.Le Doyen Ripert avait, dès les prémices du droit aérien, annoncé que l'absence de règles
uniformes pouvaient conduire à une combinaison infinie de conflits de lois et de juridictions. Pour illustrer ces propos, il partait d'une situation factuelle simple : " un aviateur parti de Londres abandonnait au milieu de la Manche le vieux droit anglais pour passer sous le droitfrançais aux conceptions logiques et claires ; puis, franchissant le Rhin, il connaissait le droit
germanique aux subtiles complications ; piquant vers le Sud, il rencontrait le droit suisse, peu favorable aux hardiesses de la circulation ; puis, à son gré, en quelques heures, au droittchèque, au droit roumain. Des lignes qu'ils ne parvenait même pas à discerner marquaient la
limite des législations applicables1» .Le transport aérien, par essence, ne peut limiter son activité aux seuls frontières d'un État, sauf
dans le cadre des vols dit " domestiques 2», mais pour des raisons de rentabilité et d'existence
économique, une compagnie aérienne ne peut se restreindre géographiquement.Les aéronefs franchissent des frontières sans s'arrêter, il n'y a pas de poste frontière dans les
airs. Autre spécificité du transport aérien, la surface sur laquelle les aéronefs effectuent leurs
déplacements, les airs. En effet, tous les États disposent " d'une couche d'air » ininterrompue
entre eux. Aucune délimitation ou rupture ne peut être constatée dans les airs. Contrairement
aux autres transports terrestres et maritimes, les frontières physiques ou les obstacles de la nature n'offrent pas une continuité comme dans les airs. Pour reprendre les propos d'Antoinede Saint-Exupéry, l'aviation a permis de connaître la ligne droite. Aussi les États ne sont pas
égaux quant à l'accès à la mer, des ruptures géographiques tel que les chaînes de montagnes
peuvent entraver la continuité du transport ferroviaire ou routier, les postes frontières sont strictement établis.1 Georges RIPERT, Unification du droit aérien, RGDA, 1932, p.253
2 Vol intérieur qui assure la liaison entre deux villes d'un même pays
7Le transport aérien, par l'unicité de l'air, assure une fluidité des déplacements, mais au-delà
elle scelle définitivement le caractère international de son exercice.Après avoir consacrée cette supériorité de l'air, on est en droit de penser que l'air n'appartient à
personne, mais au contraire qu'il s'agit d'une chose commune. Paul Fauchille avait développéune thèse sur la " liberté de l'air ». Selon lui " Il est matériellement impossible à un État
d'avoir l'atmosphère à sa disposition car l'air est rebelle à toute appropriation. 3» Dès lors, les peuples devaient s'entendre sur des règles communes afin d'organiser lefonctionnement du transport aérien qui intéresse l'ensemble des États. En effet, ils ont tous
vocation à être survolés par des aéronefs. Les pays ne se contentent pas seulement d'autoriser
les aéronefs à entrer et sortir de leurs espaces aériens, ils doivent coordonner la circulation
aérienne.C'est dans cet esprit que la première convention internationale fut signée en 1919 à Paris, elle
porte sur une réglementation commune en matière de navigation aérienne. C'est le premier instrument international qui a une vocation universelle. La Convention de Paris proclame que "chaque puissance a la souveraineté complète et exclusive sur l'espace atmosphérique au-dessus de son territoire"4.Cette souveraineté permet aux États d'autoriser ou de refuser l'accès à leur espace aérien, la
liberté de l'air s'exprime au travers des autorisations données par les États qui assurent la
continuité des liaisons. La Convention de Chicago de 1944 vient entériner cette notion de souveraineté, elle préciseque " les États peuvent prendre toutes les mesures nécessaires afin de restreindre l'accès à
leur espace aérien en cas de danger et notamment d'exiger que l'avion atterrisse sur l'aéroport désigné par les autorités »5. Concernant le transport international de passagers, les liaisons sont infinies, demander desautorisations seraient fastidieux. La notion de " liberté de l'air » développée par Paul Faucille
va trouver sa place dans l'article 3 de la Convention de Chicago originelle, qui consacre uneliberté de circulation des aéronefs civils qui ont la nationalité des États contractants. Pour
cela, les compagnies devront établir des plans de vol pour le franchissement des frontières. Il
s'agit d'une liberté de l'air contrôlée6. Pourquoi cette codification ? Le 1er septembre 1983, un vol de la Korean Airlines transportant 269 passagers a été abattu3 Leopold PEYREFITTE, Jcl, Transport . Fasc. 905, Transport aérien, généralités, n°19 et s
4 Joe VERHOEVEN, Droit international public, Précis de la faculté de droit de l'Université de Louvain, 1ère éd.
Larcier, 2000, p.584.
5 Ibid., p.585
6 A qui appartient le ciel, le 28 juin 2008, le Figaro.fr
8 par un avion de chasse dans l'espace aérien de l'URSS en pleine mer du Japon. L'aéronef se serait éloigné de 500 kilomètres de son plan de vol pour se retrouver au dessus d'une zone militaire soviétique7.En l'espèce, l'aéronef était un Boeing 747 qui présentait toutes les caractéristiques d'un avion
de ligne commerciale, qui n'avait rien avoir avec un drone ou un appareil militaire.L'enquête de L'OACI ainsi que l'ensemble des spécialistes aéronautiques ont estimé que la
riposte à l'intrusion dans la zone militaire était disproportionnée. Cet événement créa un
sentiment d'insécurité, cela signifiait que les compagnies n'étaient pas capables de garantir la
sécurité effective des passagers. La destruction d'un aéronef par un État constituait un
nouveau risque qui venait se greffer aux risques habituels de l'activité aéronautique. En effet,
les aéronefs ne sont pas à l'abri d'une défaillance des instruments de navigation. En raison de
ce risque, l'OACI a décidé de procéder à un amendement de la Convention de Chicago, en introduisant la notion de " non recours à la force » qui existait en droit coutumier mais à laquelle il fallait donner une force contraignante supérieure, en la faisant adopter par le plus grand nombre d'États8.La 25ème session extraordinaire de l'assemblée de L'OACI reprend la proposition
d'amendement du groupe de travail franco-autrichien pour modifier l'article 3 bis alinéa a) :" Les États contractants reconnaissent que chaque État doit s'abstenir de recourir à l'emploi
des armes contre les aéronefs civils en vol et qu'en cas d'interception, la vie des personnes setrouvant à bord des aéronefs et la sécurité des aéronefs ne doivent pas être mises en danger.
Cette disposition ne saurait être interprétée comme modifiant de quelque manière que ce soit
les droits et obligations des États en vertu de la Charte des Nations Unies9 ». Ces deux conventions offrent aux transporteurs ainsi qu'aux passagers une sécurité lorsqu'ils franchissent les frontières des différents États qu'ils survolent lors de leurs voyages. Ces normes consacrent le droit aérien international dans son ensemble, droit public et droitaérien privé conjuguent leurs efforts pour offrir au transporteur aérien une organisation qui lui
permette de se développer10. Cette répartition droit aérien public et privé a été très utilisé au
début du XX ème siècle lors de l'émergence de la matière. Aujourd'hui, est-il toujours
pertinent d'opérer un clivage entre ces deux dominantes. Roger Saint-Alary critiqua le choix7 Jacqueline de la ROCHERE, L'affaire de l'accident du Boeing 747 de Korean Airlines, AFDI 1983 n°29,
pp.749-7728 Jean-Claude PIRIS, L'interdiction du recours à la force contre les aéronefs civils, l'aménagement de 1984 à la
Convention de Chicago, AFDI 1984 n°30, pp.711-7329 Article 3bis, PROTOCOLE portant amendement de la Convention relative à l'aviation civile internationale.
Signé à Montréal le 10 mai 1984, IACO Doc. 9436. http://www.mcgill.ca10Michel DE JUGLART, Emmanuel DU PONTAVICE, Jacqueline DUTHEIL DE LA ROCHÈRE, Georgette
MILLER, Traité de Droit aérien, Tome 1, LGDJ 1989. p.49 n°64., 9 de Marcel le Goff de séparer son manuel de Droit aérien en deux tomes public/privé11. Selonlui, " les relations de droit public et de droit privé se sont tellement imbriquées au cours de ce
quart de siècle qu'à plus d'un lecteur paraîtra peu conforme aux réalités actuelles un exposé
qui, d'une manière aussi délibérée, sépare l'étude de ces deux sortes de relations »12. Nous
rejoignons cette idée, d'interdépendance mais surtout d'imbrication des matières.En effet, cette distinction est purement scolaire, le droit aérien international est avant tout une
variante du droit international. Selon Berthold Goldman, le droit international doit être perçu
dans sa globalité. En effet, l'évolution croissante de cette matière doit conduire les penseurs à
faire abstraction de cette dichotomie13. Pour notre étude, nous avons envisagé le droit international aérien dans son ensemble. Certes, le sujet de recherche porte sur les questionsliées au droit aérien privé au travers des problématiques suivantes ; la sécurité, le risque et la
responsabilité du transporteur aérien à l'égard des personnes privées qu'il transporte. Mais les
aspects publicistes de la manière apportent des éléments déterminants dans la compréhension
de la matière. " Le Normandie ne sera jamais remplacé, disait hier un de ceux qui lui donnèrent le jour. Cestonnages énormes ont vécu. L'avion de transport lourd aura fait de tels progrès pendant cette
guerre que le paquebot ne pourra plus le rattraper, ne cherchera même plus à entamer une bataille désormais perdue ». Paul Morand, L'aérobus, Excursions immobiles14.Le contexte général du transport aérien
En 2011, 2,8 milliards de passagers ont été transportés par avion et les compagnies aériennes
s'attendent à 3,6 milliards de passagers pour 201615. Le transport aérien s'est fortementdémocratisé ces dernières décennies. La libéralisation du secteur aérien a permis l'avènement
d'un nombre considérable de compagnies aériennes. Cette dérégulation a conduit à l'explosion
des transporteurs aériens low-cost. Aujourd'hui, il est légitime de dire que tout citoyen français ou communautaire est susceptible de prendre l'avion. Malgré une crise sectorielle du transport aérien, le nombre de passagers aériens est en constante augmentation.11Marcel le GOFF, Manuel de Droit Aérien, t. I : Droit public, t. II : Droit privé, 1954 et 1961, Dalloz.
12Roger SAINT-ALARY, M. Le Goff, Manuel de Droit Aérien, t. I : Droit public, t. II : Droit privé. In: Revue
internationale de droit comparé. Vol. 14 N°1, Janvier-mars 1962. p. 22313 Berthold GOLDMAN, Jcl. Droit international, Fasc. 5, introduction, 1960.
14 Paul MORAND, L'aérobus, Excursions immobiles, Oeuvres, Flammarion,1981, p.60.
15Communiqué de Presse IATA n°50, Les transporteurs aériens auront 3,6 milliards de passagers en 2016, 6
décembre 2012 à Geneve, http://www.iata.org 10 Paul Morand avait prédit ce changement monumental de l'aviation commerciale, " il n'en est pas moins vrai que l'avion-tramway, l'avion-taxi, l'avion-train-de-plaisir, l'avion de fin de semaine devront tôt ou tard entrer dans nos moeurs »16.Une enquête de la Direction Générale de l'Aviation civile a mis en évidence que la part des
passagers voyageant pour des raisons professionnelles est aussi significative que celle qui voyage pour des raisons personnelles17. Le transport aérien a réussi à s'imposer comme un mode de transport usuel, au même titre que le train. Le secteur aéronautique apporte aux compagnies aériennes des aéronefs avec des capacités de plus en importantes en terme de transport de passager. La mise sur le marché de très gros porteurs comme l'Airbus A380, qui peut contenir jusqu'à 538 passagers, montre la part croissante du secteur aérien dans le transport de personnes. Ces améliorations commerciales se sont accompagnées d'une sécurisation toujours plusaboutie des aéronefs. En 2012, le secteur aérien a comptabilisé 23 accidents, soit un accident
pour 2,5 millions de vol18. Le cabinet Ascend, spécialisé dans les questions aéronautiques, a
montré que le transport aérien était deux fois plus sûr qu'il y a quinze ans19. Cette confiance des passagers aériens dans leur mode de transport n'occulte pas l'existenced'un risque. En 2012, 475 personnes sont décédées dans un accident aérien. Ce nombre est en
baisse, ce qui s'explique par les réglementations toujours plus importantes en matière decontrôle des avions. L'Organisation de l'Aviation Civile Internationale, créée par la
Convention de Chicago du 7 décembre 1944, a permis de créer un droit aérien publicinterétatique. L'instauration de règles communes et uniformes en matière de gestion du trafic
et de sûreté aérienne est l'une des explications de cette amélioration des conditions detransport. Le droit communautaire est venu contribuer à cette réglementation avec la création
de l'Agence européenne de la sécurité aérienne. Les mutations structurelles du transport aérienLa déréglementation du secteur aérien
La déréglementation du transport aérien a commencé aux Etats-Unis, avec le " Airline16Paul MORAND, op., cit, L'Air Français, p.610.
17Enquête Nationale des Passagers Aériens - 2012 de la DGAC publié le 6 juillet 2013, disponible sur
http://www.developpement-durable.gouv.fr18Isabelle DE FOUCAUD, Les accidents d'avion au plus bas depuis les années 1960, 2 janvier 2013,
http://www.lefigaro.fr19Paul HAYES, Directeur de la sécurité aérienne chez Ascend, explique " On average, overall airline
operations are now twice as safe as they were 15 years ago." rapport publié le 3 janvier 2011. 11Deregulation Act » en 1978. L'objectif étant de libéraliser le transport aérien, " c'est-à-dire
déconstruire toutes les législations qui, jusque-là, l'organisaient sur la base d'un principe
simple (une ligne égale une compagnie) »20. L'Europe va connaître ce cheminement en 1987,le transport aérien devient un secteur fortement concurrentiel. L'entrée de nouvelles
compagnies aériens est perçue comme un moyen de diversifier l'offre de transport aérien etpar là même de conduire à la baisse des prix des billets d'avion. La concurrence participe en
partie à cette démocratisation du transport aérien de passagers. En effet, elle contribuera dans
un premier temps à une concurrence par les prix. Jacques Pavaux va identifier cette pratique comme suicidaire, car les marges que les compagnies dégagent permettaient simplement decouvrir les seuls coûts marginaux, mais pas la viabilité à long terme du secteur aérien21.
Les compagnies comprennent rapidement que leur survie ne pourra être certaine, que s'ils forment des alliances commerciales entre elles afin de réduire les frais de fonctionnement.La concentration des compagnies aériennes
La concentration des compagnies aériennes va passer par la constitution de réseaux d'alliances intra-européens et intra-continentaux. Les compagnies vont s'organiser autour de " hubs », qui sont des plate-formes de correspondances ou des aéroports pivots, vers lesquels convergent les vols de grands transporteurs aériens et ceux des plus petits qui les alimentent22. Les alliances sont des conventions de coopération commerciale entre deux ou plusieurs compagnies aériennes établies ou non dans un même pays23. Il peut s'agir par exemple d'une mise en commun de services aéroportuaires. Dans ce cas de figure, une compagnie qui installeson hub sur un aéroport pivot possède les infrastructures aéroportuaires, des salles
d'embarquement, des passerelles, des hangars24. Pourquoi ces formes d'alliances conduisent- elles à une concentration des compagnies aériennes ? Les hubs créent en quelque sorte des barrières objectives à l'activité de concurrents sur la même plate-forme.Alain Cournanel a illustré cette situation à travers un exemple pertinent : un hub permet à une
compagnie qui desservait 10 villes avec 5 avions d'arriver à atteindre 55 destinations. Plus le hub est fourni en compagnies aériennes, plus les compagnies aériennes peuvent desservir de lieux avec toujours la même flotte.20 Corinne FAYOLLE, La dérégulation du transport aérien en Europe, Guerres mondiales et conflits
contemporains 2003/1 (n° 209), p. 75.21Jacques PAVAUX, L'économie du transport aérien, Economica 1995 p.379-80.
22Alain COURNANEL, Les mutations du transport aérien, l'Harmattan, 2001, p.40.
23Jacques NAVEAU, Les alliances entre compagnies aériennes, Aspects juridiques et conséquences sur
l'organisation du secteur, Institut du transport aérien, vol.49, octobre 1999, p.924Alain COURNANEL, op., cit, p.40.
12 L'impact significatif de ces mutations structurelles sur la perception du transporteur aérien par son passager Cette analyse macroéconomique du secteur aérien a un impact sur la perception floue que lepassager à de son transporteur. Pour Jacques Naveau, le code-sharing a été la première pierre
de touche juridique du système des alliances. Il s'agit d'un " accord entre un transporteuraérien en vertu duquel une partie opère un service déterminé tout en permettant à une autre
compagnie aérienne de se présenter ce même service sous son propre code de désignation en
l'ajoutant ou le substituant au code de la compagnie exploitante »25. Les codes de chaque compagnies sont attribués par l'IATA. Ainsi une compagnie aériennepourra exploiter une ligne aérienne avec le code d'une compagnie exploitante. Elle bénéficie
de l'implantation commerciale de la compagnie exploitante, ce qui lui offre la possibilité de se développer librement, comme si elle détenait le statut et les droits de trafic de la compagnie implantée26. Ces pratiques permettent en effet une meilleur implantation des compagniesaériennes, tout en dégageant des bénéfices, mais il convient de s'interroger sur la lisibilité
pour le passager de ces structurations. Qui est le transporteur aérien contractuel ? Le droit conventionnel a permis la distinction entre le transporteur de fait et le transporteur contractuel avec la Convention de Guadalajara en 1971. L'affrètement a toujours existé en transport aérien de passagers, cet usage constitue une activité importante des compagnies aériennes. Il en est de même avec la banalisation ou le weat-lease, la location d'aéronefs. Ces alliancesvont avoir des conséquences dans la mise en oeuvre de la responsabilité du transporteur aérien
par le passager, notamment avec les options de compétences contenues à l'article 28 de la Convention de Varsovie et 33 de la Convention de Montréal. Comment rattacher et identifier une exploitation commerciale dans un hub ? Cette absence de clarté effective du transporteur aérien va toucher tant l'obligation contractuelle que les règles de compétences. Les conséquences des pratiques commerciales des compagnies aériennes sur le service offert au passager : la pratique du yield mangement en transport aérien Cette méthode, appelée également le " revenue management », consiste en une optimisationde la recette des services périssables27. Le transporteur aérien est avant tout un prestataire de
25Jacques NAVEAU, op., cit, p.24-25.
26Ibid, p.24
27Terme utilisé par Jean-Paul SINSOU et Bernard RANNOU, Gestion optimiser de la recette des services
périssables : Yield management et Revenue management : l'exemple de l'hôtelerie, Presse de l'Institut du
13 service, mais il ne dispose pas d'une capacité illimitée de places d'aéronefs. Avec le code sharing, la compagnie peut réserver à bord d'un autre aéronef d'une compagnie partenaire unnombre de places, qu'elle offre à la vente comme si elle opérait effectivement la liaison28. En
d'autres termes, elle se comporte comme si c'était son propre aéronef. Cette situation affecte le
choix du passager. Le yield management marque véritablement une rupture dans la relation contractuelle entre le transporteur aérien et son passager. Ainsi, les compagnies aériennes mettent en vente plus de places que la capacité de l'aéronef. La maximisation du revenus'établit en minimisant les coûts de la surréservation et des gâchis, qui sont définis comme le
nombre de personnes qui ne se présentent pas à l'embarquement. Ces prévisions se fondent sur un historique des systèmes de réservation, qui établissent un taux de remplissage29. Cette pratique est au coeur du surbooking, il conviendra de s'intéresser à cette stratégie commerciale et opérationnelle qui perturbe l'exécution du contrat de transport aérien de personnes quotidiennement. Il conviendra d'étudier ces mutations structurelles du secteur du transport aérien aux regard des exigences conventionnelles et communautaires en matière de droit des passagers, mais également avec le droit interne de la consommation. Cette analyse macroéconomique vas'avérer être un véritable moyen de comprendre certains déséquilibres dans la formation et
l'exécution du contrat de transport aérien de personnes. La concurrence des droits uniformes applicables à la responsabilité du transporteur aérien à l'égard des passagers. " Le droit international des transports est un monde de cercles qui se superposent et s'imbriquent tout en s'ignorant. Avec l'air et la mer, les cercles s'éloignent encore. La Convention de Varsovie et la galaxie des conventions maritimes représentent chacune pour sa part le droit commun de la planète ». Martine Rèmard-Gouilloud30 La fragmentation conventionnelle du transport aérien international de personnesLa mise en place de règles uniformes était également nécessaire pour définir la responsabilité
du transporteur aérien. La Convention de Varsovie sur " l'unification de certaines règlesrelatives au transport aérien international du 12 octobre 1929 » a consacré l'avènement d'un
droit aérien privé uniforme. Le Doyen Ripert n'hésitait pas à affirmer que " l'unification du
transport aérien, 2005.28Ibid, p.30.
29Myriam DECKER, Structures et stratégies des compagnies aériennes à bas coûts " les turbulences du low-
cost » dans le ciel européen, L'Harmattan, 2004, p.67.30Martine RÈMOND-GOUILLOUD, Le contrat de transport, Connaissance du droit, Dalloz-Sirey, 1993 p.6-7.
14 droit en ce qui concerne les transports par air est chose faite »31. La portée de cetteunification s'est révélée être rapidement limitée à certains aspects de la responsabilité du
transporteur aérien. Les rédacteurs de la Convention furent confrontés à l'impossibilité de
faire accepter aux États souverains un texte qui régirait la totalité des problèmes liés à
l'activité du transport aérien. La diversité des législations nationales était un frein à
l'acceptation d'un droit uniforme32. La Convention apparaît dès lors comme une oeuvre de compromis face à la multitude des droits internes, aux divergences de conception, mais surtout au regard des revendications de souveraineté. Cette Convention est signée au lendemain de la Première Guerre Mondiale et les États qui viennent d'acquérir leur souveraineté voient d'un mauvais oeil l'instauration d'une réglementation commune. A cette époque, la Convention de Varsovie laisse donc une part importante au droit national. Tout auquotesdbs_dbs33.pdfusesText_39[PDF] LES RENCONTRES SCIENTIFIQUES ET TECHNIQUES TERRITORIALES
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