[PDF] Piano & Cinéma Dans le très beau





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Le pianiste (2002) de Roman Polanski : survivre et exister par la

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La Leçon de piano de Jane Campion — Dossier enseignant

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Le Pianiste de roman polanski raconte une histoire vraie. pourtant

pourtant la vérité de ce film n'est pas dans son réalisme. elle rejoint



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Quelle est la durée du film le pianiste ?

Le Pianiste - film - 2002 - Résumé, critiques, casting. Le Pianiste est un drame de 2002 , d'une durée de 149 minutes réalisé par Roman Polanski . Varsovie, au mois d’octobre 1939. Un jeune pianiste juif, Wladyslaw Szpilman, est enfermé dans le ghetto avec sa famille.

Quels sont les thèmes de l’affiche du pianiste?

Lycée Marie Curie Première S3 Le Pianiste Analyse de l’affiche: R éalisée d’après une photographie de Pawel Edelman, l’affiche française du Pianiste nous montre les deux aspects du film : la musique et la guerre. Ces deux éléments sont les principaux thèmes évoqués qui lient le personnage principal à l’homme qui va lui sauver la vie.

Comment s’identifier à un pianiste en temps de guerre ?

Le pianiste dans le coin de la pièce du restaurant. On peut s’identifier à lui plus facilement. En temps de guerre, beaucoup pourraient faire comme lui. C’est à dire : faire ce que l’on peut. C’est pour cela qu’on lui préfère des figures plus emblématiques ou romanesques. On oublie cependant que sa performance n’en est pas moins héroïque.

Qui est le pianiste de la radio polonaise ?

W. Szpilman est alors le pianiste officiel de la Radio polonaise et une figure connue du milieu culturel polonais. Lorsque les nazis s'emparent de la ville, ils suppriment progressivement les droits des Juifs, puis les parquent dans le ghetto créé pour les regrouper en vue de leur extermination.

Piano & Cinéma

La Revue du Ciné-club universitaire, 2021, no1Piano & CinémaVIE DE CAMPUSCULTURE.UNIGE.CHCINÉ-CLUBUNIVERSITAIRE

Illustration1èredecouverture:ThePiano(JaneCampion,1993).GroupedetravailduCiné-clubuniversitaireAlexandreVuillaume-Tylski,EliasAbou-Charaf,FlaminiaAlbertini,JulienDumoulin,LeandraPatané,MargauxTerradas,EleniAvlakioti,NoémieBaume,AlmudenaJimenez,FranklinUrfer,RayanChelbaniRemerciementsGabrielYared,DimitraChristo?dou,OdileEtaixDivisiondelaformationetdesétudiants(DIFE)Activitésculturellesdel"Universitéresponsable:AmbroiseBarras coordination:JuliePolliédition:ChristopheCampergue graphisme:JulienJespersenRecevoir la Revue du Ciné-club universitairegratuitement chez vous?ÉditorialUne vraie love story!Alexandre Vuillaume-TylskiElias Abou-Charaf

1La musique au-delà des images, au-delà des mots...La légende du pianiste sur l"océan(Giuseppe Tornatore, 1998)Leandra Patané

39"La musique de ?lm a besoin de s"élever»Conversation avec Gabriel YaredAlexandre Vuillaume-Tylski

3L"art de tâtonnerLa Spirale du pianiste(Judith Abitbol, 2000)Alexandre Vuillaume-Tylski

43Piano & cinéma, paire d"inséparablesAlexandre Vuillaume-Tylski

15La musique refuséeLe Pianiste(2002) de Roman PolańskiFlaminia Albertini

46Casablanca: la mélodie du souvenirMargaux Terradas

19Ennio Morricone et le pianoAlexandre Vuillaume-Tylski

51Liszt, superstar!Sur Lisztomania, de Ken RussellJulien Dumoulin

24Quand les cinéastes dessinent le piano

22On vous conseille...Julien DumoulinNoémie BaumeRayan Chelbani

54Le piano de Madame Sou-sat-zkaElias Abou-Charaf

33SOMMAIRE?Abonnez-vous!en 1 minute sur culture.unige.ch/revue

?Par Alexandre Vuillaume-Tylski et Elias Abou-Charaf"Piano & Cinéma» sonne à juste titre comme un couple, unehistoired"amour.Etpourcause,oncélèbreunduoen-trelacédepuisplusd"unsiècle.LeCiné-clubdel"Universi-tédeGenèveentendrendrehommage,sansexhaustivité, à quelques œuvres et artistes indissociables du mot "ci-néma»,artqu"onoublietropsouvent...d"écouter.Ledes-sein ici n"est pas de couvrir l"ensemble des ?lms, ci-néastes et partitions ayant réinventé cette association si intimeentrepianoetcinéma,maisdefairerevivrepianis-simoquelquesnotesetimagesaugrédespagesdecenu-méro. Vous lirez ici quelques réflexions esthétiques sur cette complicité, mais aussi des études de ?lms encore tropméconnus,telsLisztomania(KenRussell,1975),Ma-dameSousatzka(JohnSchlesinger,1988)etLaSpiraledu pianiste(Judith Abitbol, 2000), ou plus célébrés tels que La Légende du pianiste sur l"océan(Giuseppe Tornatore, 1998) et Le Pianiste(Roman Polanski, 2002). En?n, en guise d"ouverture une conversation inédite avec le grand compositeuroscariséGabrielYared,etenconclusion,des conseilsde?lmspourparachevercevolume.Bonnelecture,bonnesprojectionsetbonneécoute!ÉditorialUne vraie love story!

Gabriel Yared à son piano (© photographie de PatrickFouque).

?"La musique de ?lm a besoin de s"élever»Conversation avec Gabriel YaredNéauLibanen1949,autodidactepuiscompositeuretorchestrateur"pop»(entreautrespourleduoHallyday-Vartan,GilbertBécaud,CharlesAznavour,Minna,FrançoiseHardy),GabrielYaredaensuitetravaillédansdesgenresde?lmsetavec descinéastesparticulièrementdi?érents,dontJean-LucGodard,Jean-JacquesBeineix,Costa-Gavras,YoussefChahine,OlivierAssayas,RenéLaloux,RobertAlt-man,Jean-PierreMocky,ÉtienneChatiliez,Jean-JacquesAnnaud,AnthonyMin-ghella,Jean-PaulRappeneau,ClaireDevers,MichelOcelot,PaulSchrader,JanKounenouXavierDolan!Onnesauraitcependantdé?nirl"éléganceetlasensibili-tédecemusicienàtraversunelistedegrandsnomsoul"Oscardelamusiqueori-ginalequ"ilreçoitpourLePatientanglais.GabrielYaredc"estavanttoutunamou-reuxdupianoetdudéchi?rement,unartisterareetdiscret,àlaparoleérudite,qui placelamusiqueavanttoutechose,bienau-delàducinéma.Propos recueillis par Alexandre Vuillaume-Tylski, le 13 Février 2021AlexandreVuillaume-Tylski:Votreapprentissagedelamusiqueaétéprogressif...GabrielYared:Audépartjesuisautodidacte.Enfant,lesquelquesdemi-heuresdecoursquemedonnaitmonpro-fesseurdepianoserésumaientàdeuxlignesd"unpré-ludedelasuiteanglaisedeBach.Ilétaittrèssévère,ildi-saitàmonpère:"Onneferajamaisriendelui»;ilvoulaitquejejoueparfaitement,maisçanem"intéressait pas.Cequim"intéressaitc"étaitquelalecture,ledé-chi?rage,d"unepartitiondeviennepourmoiunedeuxièmelangue.C"estàtrenteansseulementquej"aiprisdescoursdecontrepointetdefugueparcequejesentaisquej"avaisunegrandelacune,j"enailongtempssou?ert.J"aiétéauditeurlibredanslaclassed"HenriDu-tilleuxaudébutdesannées1970etàla?ndel"annéeilm"adit:"C"estbiencequevousfaitesmaispromettez-

?moid"étudierlecontrepoint».Alorsj"aiapprislesbases,rondecontreronde,etçaachangémavie.Etvousvoilàau?ldesannéesàdonnerdesconcertsdevosœuvres,notammentcetteannée2021àlaMaisonde laRadioàParis...Çam"intimidetoujoursbeaucoupd"êtreenfaced"unor-chestre,jel"aifaitsouventautrefois,maisjepréfèremecacherderrièrelepiano!C"estlàquejemesensàl"abri,dansmonélément.Jenesorspasbeaucoup,jetravaillebeaucoup,j"écristouslesjoursquoiqu"ilarrive,etjenote,jegardechaqueidée.Vousavezunlienforteta?ectifavecvotrepiano.Ilaunehistoireetilestentourédecentainesdepartitions;c"est unpeuvotreantre,votrecavernementale...Monpianoc'estmonmonde,monbouclier.Ilmepermetaussideredécouvrirsanscesselamusique,ilm"estin-dispensablepourcomposer,mêmes"ilm"estarrivéd"écriredespiècesuniquementpourcordes,etc.Maisles touchesdupiano...C"estStravinskyquidisait:"Moij"aibesoindetoucherl"ébène,l"ivoire,çamedonnedesidées».Ravel,pareil.C"estleplusbelinstrumentquisoitpours"envoler,pourcréer,pourinventer,pourrisquermême,oser.Monpiano"c"estmonautremoi»commeditChopin.Lepianom"apermisd"orchestrerquandjefai-saisdelavariété,ilnemetrompepas,ilmedonnececonfort,ceréconfort.Ilmeguided"unecertainemanière,j"aibesoindeluidanstoutcequejefais.Etvousaveztoujourslemêmepianodepuislesannées1970...C"estunpianoquej"aiachetéen1972,ilm"avaitcoûtéunefortune:12000francsdel"époque,quej"aipayéssurdeuxans!Ilavaitservipourdestournéesdechan-teurspop,dontClaudeFrançoisquisautaitsurlecou-verclepourdanser,ilyaencorelestracesdessus.Monpianoaétéilyaquelquesannéesàl"hôpital,toutl"inté-rieuraétérefait,lesmarteaux,lespédales,maissansrienchangeràlasonorité.J"aibeaudevoirfairedesma-quettesmusicalessurordinateurpourchaquescènede?lm,jen"yvaisqu"àlatoute?nduprocessusquandj"aid"abordtoutcomposéetorchestré.J"écrisd"abordaupiano,l"essencedemamusiquesefaitaupiano.Ilm"aaccompagnéàchacundemesdéménagements,àParis,Neuilly,jusqu"àl"Ile-aux-MoinesenBretagne.Là-basilétaitaudernierétage,aveclaplusbellevuesurlamer.Ensuite,ilavécuhuitansàLondresavecmoi,justeàcôté desStudiosAbbeyRoad.Et?nalement,àParisetlàilnebougeraplus.Ilatoujoursétéentouréd"étagèresdepar-titions,toutBach,toutRavel,toutSchumann,toutStra-vinsky,toutChopin,toujours.C"estunefamillequinem"a jamaisquitté.Jenesuispasungrandpianiste,jejouein-égalementletempo,maisilmedonnetellementdesatis-factionetdepossibilitésd"inventerquejenepeuxpasmefâcheraveclui.Encemomentjem"amuseàjouerlesréductionsdessixquatuorsdeMozartdédiésàHaydn.Celamepermetdedécouvrirdesdétailsquim"avaientéchappéparrapportàdesenregistrementsoùletempoétaitdi?érent,etc.Monpianomerestitue,melivre,lapartitiond"origine.C"estunconseilquevousdonneriezvolontiersauxnou-vellesgénérations,j"imagine?Tantqu"onneconnaîtpasl"ancien,onnepeutpasfairedunouveau.Regarder,étudier,lesœuvres.Jouez-les.Ob-servezcommentc"estécrit,développé.Pourcomprendrelamusique"del"intérieur».Fréquentezlamusiquetoutletemps,toutletemps.Mêmequandjedoistravaillersur un?lm,marécréation,quimepermetlare-création,c"est d"allersurmonpianoetd"ylire,pourleplaisir,desœuvrespassées.Encemoment,jerejoueLigetiparexemple.Onnecessed"apprendre,onnecessed"agran-dirsonchampd"inspiration,enécoutantlesgrandesœuvres.BachrecopiaitàlachandellelesœuvresdeVi-valdietd"autres,ilacommencécommeça,pourcom-

?prendrecommec"étaitfait.Iln"yariendepluséducatifetsurtoutdeplusinspirantquedepassersontempsàpa-pillonnerd"uneœuvreàuneautre.JemesouviensquejenetrouvaispaslespartitionsdeBartokàParis,j"allaisàGenèvepouracheterlesBartoketStravinsky.Àuneépoque,onlesachetaitetçacoûtaittrèscher.Mainte-nantilyadessitesquirecensenttouteslespartitions,al-lantdePalestrinaetRolanddeLassusjusqu"àStravinsky, Ravel,Debussy,etc.Pourquois"enpriverait-on?C"estune airedejeuxextraordinaire.C"estlàqu"onpeutapprendrepleindechoses.Enallantàlasource.Quepensez-vousdelamusiquede?lmentantqueforme?Passésles?lmsmuetsaccompagnésaupiano,lespre-mièresgrandespartitionscomposéespourlecinéma,deKorngold,Newman,etc.,n"avaientpratiquementpasdepiano,c"étaitsurtoutorchestral.Ilafalluuncertaintempspourvoirarriverlepiano,soliste,danslesmu-siquesde?lms.Lamusiquede?lmabesoindes"élever.Etpours"élever,ilfautqu"ellesoitnourrieauseindeschefs-d"œuvrepassés.Parcequ"onn"arieninventédeplussublimedepuis.Jecommencechacunedemesjour-néesavecBach.Touslesmatins,jedéchi?reaupiano.Commeuncielau-dessusdemoi,uncielmerveilleux,lu-mineux,verslequeljetendstoutelajournée.Mêmeencomposantpourdes?lms,deschansonsoudespublici-tés,avoircettebeautéau-dessusdesoipermetdetendreverslabeauté.Etjepensequelamusiquede?lmabe-soindeça.Elleabesoind"autrechosequelesnotesrépé-titivesqu"onentendtropsouventdepuisPhilipGlass.Onafaitcroireauxréalisateursquec"estcequ"illeurfallaitpourqueleursimagesnesoientpastrop"envahies»par delamusique.Moijecroisqu"unebellemusiqueélèveaussilesimages.QuandelleestbienutiliséechezHitch-cock-Herrmann,Fellini-Rota,ouLeone-Morricone,ilyaunespacequiluiestdonné.Àla?ndeLaMortauxtrousses(1959),danslagrandeséquence?nale,Hitch-cockapassélamainàHerrmann,etonl"entend,pourleplusgrandbéné?cedu?lm.FellinietLeonetravaillaientsurlesmusiquesavantlestournages.C"estcequevouspratiquezvous-même,écrirelamu-siqueavantlestournages...Surmacentainedemusiquede?lmsécrites,ilyenaaumoins70quej"aicomposéesavantlesimages,puisre-prisesetciseléesparmessoinsavec/surlesimages.Maisl"inspirationpremièrevientdecequin"estpasen-coreincarnéenimage.Moil"imagede?ctionnemefaitpasrêver,ellenem"inspirepas(davantageendocumen-taireétrangement).L"imageneproduitpasdemusique,c"estlamusiquequiproduitdesimages.Lamusiqueestdevenueunvassaldel"image,alorsquelamusiqueestunartpremierjedirais,quicontienttout.Onpeutlasen-tir,l"entendre,lalire,latoucher,etc.Alors,jeveuxbien"accompagner»un?lm,maispourcelaj"aibesoindetrouverl"inspirationprincipale,enlisantlescénarioet/ouenparlantavecleréalisateuroularéalisatrice.En-suite,jefaisuntravaildecomposition,jedéveloppe,jefaisdesvariations.Etquandle?lmarrive,jeconfrontecequej"aifaitaveclesimagesetjecisèle.Maisjetravailleaudépartpourl"espritdu?lmetnonimageparimage.VoscollaborationsavecAnthonyMinghellafonctionnent biendanscetesprit-là...Anthonyétaitlui-mêmemusicienmaisn"ajamaisem-piétésurmesprérogatives,aucontraire,àchaquefoisilmelançaitsurdescheminsnouveauxettoutesmesmu-siquespourses?lmsontétécomposéesavantlestour-nages.PourRetouràColdMountain(2003),ilyanotam-mentunsolodepianojouéparNicoleKidman.Anthonym"ad"abordparlédumilieuprotestant,luthérien,durécitetj"aicommencéàécrireunechoraletrèssimple,quetoutlemondepeutchanter.PourLeTalentueuxMrRi-pley(1999),AnthonymeditqueRipleyestunperson-nagequireculed"unpasetavanced"unautreenmême

?Partition de Gabriel Yared pour The English Patient (Anthony Minghella, 1996).

??temps,ilestcommeunboiteux.J"aidonctraduitcequ"ilmedisait,quiétaittrèséloquentetinspirant,parlesys-tèmedelasyncopeenmusique.Dansletrèsbeaugéné-riqued"ouverturedu?lm,j"aiécritavecAnthonyuneber-ceusequirésumeunpeucequivaseproduire.Etlethèmemusicalprincipaldu?lmjel"aiécritavecdesgammesascendantesetdescendantes,commed"ailleurs souventdansmamusique(37°2,CamilleClaudel,etc.).J"aimebienpartird"uneformecommunepourmieuxmel"approprier.PourLePatientanglais(1996),lesdé?smusicauxn"ontpasmanqué...Onad"abordlulescénarioensembleàl"Ile-aux-Moines,Anthonym"aparlédemusiqueduProche-Orient,maisaussideBach,etdePuccini"pourlabeautédesesmélo-diesetl"élégancedesesharmonies»medisait-il.Sonproducteuravaitdéjàentêteuncompositeuraméricain,maisAnthonym"aquandmêmeditd"écrireunthème.Auboutd"unmois,j"aidéveloppéunemaquette,ill"aécouté etm"adit:"Jet"emmèneàSanFranciscopourquetujouesçadevantleproducteur».Àla?ndumorceau,leproducteurmedit:"You"rehired»("vousêtesen-gagé»).J"avaisréussiàsaisirl"espritdu?lm,sanspour-tantsavoiroùonallaitpuisqu"ilsn"avaientpasencoretourné.Ensuite,pendantlemontage,Anthonyetl"im-mensemonteurWalterMurch,quiaimaienteuxaussibeaucoupBach,pensaientutiliserl"AriadesvariationsGoldberg.Ilssesontrenduscomptequ"iln"étaitpaspos-siblederéutilisercemorceausanscessedansle?lmetquecelan"épousaitpasvraimentcequ"ilsavaiententête.C"étaitjusteuneidéeintellectuelle.Là-dessus,An-thonym"appelle(j"étaissurmonîleàtravailler)etmedit: "Écoute,ilfautqueturemplacesBach.»Jecroisqu"iln"yariendeplusdi?cileaumondequed"écrireunpréludeàtroisvoix,d"autantqu"ilfallaitquelamusiquedanseen quelquesorte,avecàl"écranJulietteBinocheaccrochéeparunecorde,contemplantdevieillespeintureséclai-réesàlatorche.PourL"Amant(1992),?lmpourlequelvousavezreçuleCésardelamusiqueoriginale,lepianoestaussitrèspré-sent,avecenplusunrecoursàlagammepentatonique(formemusicalenon-occidentalebaséesurcinqtons)...Jean-Jacques(Annaud)estunêtrespiritueletouvertàlanouveauté.J"aicomposépource?lmdesmusiquesdansl"espritdesannées1930,avecunfoxtrot,unone-step,un pasodoble,unevalse,etc.Jeluiaidit:"J"aimeraisécrireaussilethèmedu?lmavanttondépartentournage.»Etlàilmedit:"C"estunehistoiretrèssimple,entreunejeune?lleetunbeauChinois,unehistoirevouéeàl"échec.Maisc"estsimplecommeunarpège.»Unefoisdevantlepiano,jemedis:"le?lmsepasselà-basenex-Indochine,jevaisessayerunegammepentatonique»,toutenfaisantunclind"œilàChopinqueMargueriteDurasadorait.QuandJean-Jacquesestrentréetaécouté, ilm"adit:"Cettemusiquemarcherasurtouteslesscènes.»Ilacomprisquecequej"avaisécritétaitl"espritdeson?lm,mêmes"ilmefallaitensuitebiensûrréadap-terlamusiquescèneparscène.AuxÉtats-Unis,ilsnecomprennentpasqu"onveuilleécrirelamusiqued"un?lmavantdelevoir.C"estdi?ciledeleurexpliquer.

??Inversement,surCamilleClaudel(1988),vousêtesarrivé aprèsletournage...LepremiermontagedeCamilleClaudeldurait4havecdesextraitsdeBritten,Bruckner,Mahler.Maisilsm"ontdemandéd"écrirelamusique.J"étaisbouleverséparce?lmetjemedemandaiscommentégalerlesextraitsmu-sicauxutilisésdanslemontage.J"aidemandéàrevoirunedeuxièmefoisle?lmmaiscettefoissanslesmu-siques.Jesuisrentré,j"aiécrit,pourharpeetcordes,avec assezderespirationsmusicalespourcouperetmonterfacilementàl"intérieurdecespièces.J"aienregistréletoutàLondrespuis,deretourenFrance,lesthèmesseposaientsurlesscènesdu?lmdemanièrenaturelle.J"es-saiedevoirun?lmplusieursfoismaissurtoutj"essaieensuited"arrêterdelevoir.Jeveuxtravailleraveclesou-venirdel"image.J"essaiedenepas"coller».Cetteexpression:"colleràl"image»estterrible,onl"en-tendtropsouventdepuistroplongtemps,alorsqu"ilconvientene?etdefairedécollerl"imageetle?lm...C"estbiença,sinonàquoiçasertlamusique?Iln"yapas derègle,moijen"aipasde"méthode»,c"estune"ap-proche».J"aiuneapprochequicorrespondàmoncarac-tère,àcommentjesuisfait,jenesuisjustepasunhommed"images.J"aiétémembredujuryauFestivaldeCannes,orj"aiditàThierryFrémauxquejevaisrarementaucinéma,ilm"arépondu:"Justement,çanousinté-ressed"avoirtonpointdevue.»J"yaidécouvertpleindemerveilles.J"aidécouvertaussiquedesnotesécritesàchaudsurles?lmsensortantdesprojectionsdevenaientobsolètestroisjoursaprès.Carun?lmdoitvivreennous, avantd"endégagerunjugement.Demême,jeparviensà écrireunemusiquequandjesuisloindel"image.L"écrit,parcontre,meparle.Quandjelisunscénario,jepenseparfoisàdesmusiques.Monapprochec"estsurtoutes-sayerd"entrerensoi,pourtrouver.Ilyauncompositeurdecinémaquejeplaceau-dessusdesautres,aurangdesDebussy,Raveletc.,c"estBernardHerrmann.Ilaap-portéaucinémasavraienature,saconscience.Àl"épo-que,cescompositeurs-làn"avaientpaslesimagesde-vanteux,ilsallaientàunetabledemontageouàlamovolia,etlemonteur-musiqueleurdonnaitpourchaquescèneleminutage,etilspartaientavecça,avecuntimingmaispasavecdesimagesdevanteux.Ilsenavaientlesouvenir.Aujourd"huitouslescompositeursontl"imagedevanteuxet..."collent»àl"image.Àquel-quesexceptionsprès,dontcettejeunecompositrice,Hil-durGuðnadóttir,quiareçul"Oscardelamusiquel"anpassé,elleaditavoircomposésamusiqueavantle?lmetqueçachangetout!MichelSerresdisaitqu"aucuneinventionn"estnéedelaméthode...C"estvrai!Etpuis,toutlemondenepeutpasavoirlamêmeapproche.Chacundoitcréersonmodus.Demêmequelesilencecréepourmoiunecertainemusique.Onpeutdevenirsonproprecompositeurdanslesilence.Unspectateurpeutycréeraussisapropremusique.Jesuisennemidetropdemusiquedansles?lms.J"aimeraisque quandellearrive,elleaitquelquechoseàdire.Caronen-tendsouventdire:"lamusiqueestunpersonnagedu?lm»,maisunpersonnagenepeutpasrestermuet!S"il

??parle,onnepeutpasparlerau-dessusdeluisinononnefaitqu"embrouillerlesmessages.Donnez-luidel"espacepourqu"ilpuisseparler,s"exprimer.Touteslesmusiquesquelesspectateursretiennentsontsouventdesmu-siquespourlesquellesonadonnédel"espace.Pour37°2(1986),l"écrituremusicalevousaétéinspiréeparlesinterprètesdu?lm...Jean-Hughes(Anglade)àl"époquetravaillaitaupianoChildren"scornerdeDebussy,etc.Ilavaitçadanslesdoigts.EtBéatrice(Dalle)nesavaitpasdutoutjouer("quedalle»,elledisait!).Jesuisconfrontéàdeuxper-sonnesquidoiventjouerensembledansle?lm,ilfautdoncquejetrouveunmorceauadaptéàchacund"eux.J"aidonnélapartiegauched"accompagnementàJean-Hughesetj"aidonnéàBéatriceunemontée,unegammesimple.Etmaplusbelletrouvailleaétéla"notebleue»,ceSibémolqu"ellerépète.In?ne,quelescinéastesconnaissentlamusiqueoupas, cen"estpastantlaquestion...Certainscinéastespensentconnaîtrelamusiqueetim-posentparfoisdeschoses,çapeutêtrefrustrant.D"autresvousdonnentsimplementlesclés,vousfontetvousdonnentcon?ance.Jesuisquelqu"unquidoutebeaucoupdelui-même.Quandjecommenceàtravailler,jemedissouventquejenevaisjamaisyarriver.Mêmeaujourd"hui,à72ans,avecdesrécompensesetdumé-tier,jecontinueàdouterdemoi.RenéLalouxparexemple medonnaitcon?ance,jesentaisqu"ilétaitheureuxdemamusique.Çavouspousseàvousdépasser.Celavouspousseaussiàdéfricherdesterritoiresnouveaux.Sinononavitefaitdeseredire.Déjàpourévitercela,ilfautfaireunminimumde?lms,pouravoirletempsdeseres-sourceretseremettreencause,s"éloignerpourmieuxre-venir,prendresontemps,nepasse?eràseshabitudes.Ilvousfautpasserdutempssurun?lm.LePatientan-glais,j"aipassédixmoisdessus.Bon,cen"estpas"ren-table»,maispeuimporte!Monjardinsecretonl"entenddansmesmusiquesde?lmsetj"aimeraistoujoursinven-terdeschosesnouvellescarjen"arrêtepasd"apprendreetdevouloirexprimercettejoied"apprendre.Jeneré-écouted"ailleursjamaismesœuvrespassées,saufàl"oc-casiond"unconcertoùlàjesuisobligé(rires).Jevienstoutjusted"écrireunemusiquepourunpremier?lmavecunbudgettrèsréduit.J"aiaiméle?lmetlepersonnage,alorsj"aiditoui.Aussiparcequelecinéasten"estpasen-coreviciéparl"habitudedelamusiquede?lms.Çac"estundangerpourlesréalisateursquin"écoutentqueça.Maissivoustombezsurdescinéastessensibles,commeXavierDolanparexemple,ilscomprennent.Ilscom-prennentqu"ilfautmelaisserparleravecmavoix,plutôtqued"êtrelàpourremplacerdesidéesqu"ilsontdanslatête.Jean-ClaudeCarrièredisaitqu"onn"enseignepaslescé-nario,enest-ildemêmeaveclamusique?lmselonvous?

??Absolument,celanes"enseignepas.Onm"adéjàpro-poséd"enseigner.J"aiditoui,pourquoipas,jeveuxbienuneclassemaispasde"musiquede?lm»,plutôtde"musiquesd"aujourd"hui»;publicité,jingleradioouTV,jeuvidéo,musiquede?lm,etc.Laseulechosequ"onpeut faire,c"estporterlesgens,leséclairer.Celanes"en-seignepas,ilsu?tdesavoirécrire,orchestrer,avoirdel"imaginationetselancer.Hélas,l"accèsauxpartitionsdesgrandscompositeursdecinémaestdi?cile:EnnioMorricone,BernardHerrmann,JerryGoldsmith,AlfredNewman,JohnWilliams,HenriMancini.Ilfaudraitpour-tantlesdéchi?rerpourlesdémysti?er.Pourarrêterdeseulementadmirer,etdevenircequ"onadmire.Ilfaudrait quelesnouvellesgénérationsaientaccèsàtouscesscores-là,pourvoircommentc"estfait.QuandjelisLaMerdeDebussy,jesuisfoud"admiration,maispourcom-prendre,jeregarde,jejoue,jedécortique,jeprendsdesnotes,j"analyse,etc.Mêmechosepourlamusiquede?lm,sinonquevoulez-vousleurapprendre?Que"pourtelleimage,ilnefautpasfairetellemusique»?J"aiouvert uneacadémieen1992,quis"appelait"Pléiade».J"aior-ganiséunpetitconcoursoùsesontprésentésuneving-tainedecompositeurs.J"enaisélectionnédouze,puissix. Ilssontvenusmevoiràl"Ile-aux-Moines,etonparlaitdetout,Haydn,Bartok,etc.Ilsmemontraientcesurquoiilstravaillaient,etilm"arrivaitdeleurdire:"Làvousvouscontentezde"couvrir"lesimages».Vautmieuxfaireplusdemusiqueetaprèsl"enlever.Construisezvotremu-siquesansimages.Apprenezensuiteàfairedesvaria-tions,àchangerl"harmonie,àfairedesmouvementscontraires,descontrechants.Oui,quelamélodiede-vienneuncontrechant.C"estunpeu,osonslacomparai-son,commeêtrecuisinier:onprendd"abordpleind"in-grédients,delameilleurequalitépossible,etalorsonpeutfaireunecuisine,voiredeux,plusieursrecettes,caronatouslesingrédientsqu"ilfaut.Lesscènesd"un?lmvousproposerontdelamêmemanièredespossibilitésdi?érentes.Soyezprêtàtournerautourdevotrethème.Ilfautentirertoutlesuc.Ilyapleindegensquirépondentau?lmetauxexigencesdescinéastes,trèsbien,saufque laMusiquen"estpluslà.Lamusiquelesquitte...

Anna Paquin et Holly Hunter dans La Leçon de piano(The Piano, Jane Campion, 1993).Cinémathèque suisse

????Piano & cinéma, paire d"inséparables"AucoursduXXesiècle,lepianoaététiraillé,déformé,rendumuet,gri?é,écrasé,vidé,enterré,proscrit,pendu...etjouénormalement.Nulautreinstrumentn"aau-tantsuscitél"attentionentantqu"objetetentantquesymbole,nulautreinstru-mentn"asuscitéautantd"amouretautantdecolère.»(MargaretEllenRose)Par Alexandre Vuillaume-TylskiEnlisantLeRomandupianodeDieterHildebrandt,quifait état des évolutions techniques et sociales de cet instru-ment révolutionnaire, on ne peut s"empêcher de faire un parallèleaveccellesducinéma;avecl"émergencedupia-no,"pourlapremièrefoisuninstrumentàclavierpermet le crescendo et decrescendo, le volume du son peut croître ou décroître. L"ancienne "dynamique par degré", le tout ou rien de l"intensité, a vécu.» (Hildebrandt 1985:50) Le pianofortea en quelque sorte supplanté le clavecin auxyeux et oreilles des publics, un peu comme le cinéma a pour ainsi dire "déclassé» le cinématographe. Mais le plus beau paradoxe reste peut-être que le piano, comme le ci-néma, ont inventé le "prodige du si-lence», en toutcasl"ont"(res)susci-té»etmarquéainsiuneruptureavec leursprédécesseurs.Ilafalluene?etaux?lmslacapacité de parler et chanter pour que l"irruption du silence soit rendue possible, narrative et signi?ante. Pour Dieter Hil-debrandt,"lesondupianoenestleplusgrandprodige,le prodige qui vient immédiatement après est celui du mu-tisme. Chaque son est précédé en quelque sorte d"un complotlong,maissecretetsilencieux...».(233)Àcetitre, l"autre pont en commun constitue sans doute l"art du mouvementpropreàcesdeuxinven-tions:"Enjouantaupiano,onmobi-lise littéralement tous les leviers. Le huitième prélude de Chopin néces-site, dans la minute et demie de son exécution, huit mille mouvements; la toccata op.7 de Schumann en ré-clamequarantemilleenàpeinecinq minutes; et une œuvre titanesque comme la sonate pour le Hammerk-Mais le plus beau para-doxe reste peut-être que le piano, comme le ci-néma, ont inventé le "prodige du silence», en tout cas l"ont "(res)sus-cité» et marqué ainsi une rupture avec leurs prédécesseurs.

??lavierimpose à l"instrument presque deux cent mille in-terventions.»(234)La puissance du piano et du cinéma, mécanismes-ma-chines "sur pied» qui "explosent» auprès du public au débutduXXesiècle,danslesillondesrailsdetrainetdela révolution industrielle, ont permis en réalité de faire naître des nuances nouvelles et d"exister en salles pour elle-même.Iln"estainsipassurprenantdevoirsisouvent associer le piano aux ?lms dits "muets», duo historique quicontinuederégalerfestivalsetcinémathèqueslorsde ciné-concerts, telle une paire d"inséparables. Dieter Hil-debrandt en rappelle l"importance par un chi?re emblé-matique: "Quandvers la ?n des années 1920, le cinéma parlant donne le ton, rien qu"en Allemagne, quatre-mille pianistes se retrouvent au chômage.» (369) "L"homme solitaireassisàunpianoplacéenbiaissousl"écranestun personnage tourmenté, voire pathétique. C"est une es-pèce de Don Quichotte des temps modernes: avec son vieilinstrument,ils"aventuresurleterrainvirtueld"unmé-dia qui a ses propres lois. Il lutte avec ses quatre-vingt-huit touches contre la frénésie d"un montage qui impose unrythmenouveau.»(368-369)Pour toutes ces raisons, et bien d"autres encore, les ci-néastesn"ontpasmanquéderendrecompte,trèsréguliè-rement,decettehistoired"amour,soitenintégrantlepia-nodanssesdécors(neserait-cequel"irremplaçablepiano de saloon dans les westerns!), mais aussi dans ses mu-siquesoriginales(onpenseentremilleetunexemplesàla partitiondeDaveGrusinentièrementjouéeaupianopour LaFirmedeSidneyPollacken1993)ouencoreendélivrant des portraits de pianistes ?ctifs (La Leçon de Pianode Jane Campion en 1993) ou de pianistes ayant réellement existé (Wladyslaw Szpilman dansLe Pianistede Roman Polanskien2002),maisaussiscènesetimagesdevenues célèbres; qu"on se souvienne par exemple du "As Time Goes By» de Casablanca (Michael Curtiz, 1942),dans le-quellepianooccupeuneplacecentrale,aupointd"enca-cher,ensonseinmême,lesecretsentimentaletpolitique toutentier.Si le piano droit a ?ni par devenir un meuble de salon commeunautre,le"homecinéma»aégalementétéinté-gré au cœur de nos foyers (mais en revêtant une nature somme toute pluspopulaire). Cesdeuxinventionsonten tout cas "envahi», habité, nos espaces familiers, fami-liauxcomme nosvies quotidiennes, intimes, intérieures. "Le piano et le cinéma», écrit Dieter Hildebrandt, "ce n"estpasunpartenariatc"estunparadoxe.Cetinstrument domestique bourgeois qui se risque dans une ère nou-velleettechnicisée,quisejetteàsespieds-cen"estpas seulementdelabizarreriec"estdelagrandeur.»(369)Au ?l des années, employer un solo de piano non-diégé-tique dans un ?lm est apparu pour certain(e)s cinéastes unemanièrepresquetropfacile,tropattendue,"tropcli-ché», pour "illustrer» la sentimentalité d"une scène par exemple. Victime de son union sacrée avec le cinéma, avec cette espèce d"évidence historique et organique, le piano estparfoisdoncévité,voire sacri?é, dansbien des ?lmsdits"exigeants»; on lui préfère ici silence ou bruit, là parole ou violoncelle plus feutré. "Bavard» le piano (pour reprendre la dé?nition qu"en donne un musicien dans La Répétition d"orchestrede Federico Fellini en 1978), il incarne à lui seul les possibilités d"expressivité de la musique pour l"écran. Dieter Hildebrandt quali?e à ce titre le cinéma d""épreuve initiatique» pour le piano

??qui doit "fournir à lui seul tous les éléments sensuels, physiques, tangibles que l"action qui se déroule sur l"écranestimpuissanteào?rir.»(365)L"auteurreprendici àsoncompteleproposd"ErnstBlochsurlamusiquedeci-némaquiselonlui"secharged"unefonctiontrèsparticu-lière: elle prend le relais de tous les autres sens...» puisque l"image seule "nous prive de tout ce qui - pres-sion, chaleur, parfum, bruit, immersion sensible - confère d"habitude à la vue des choses son entière réali-té.»(Bloch1974)Eninsu?lantd"embléeunecertaineunité,ouunelignede base, au cinématographe, quasiment en le "faisant mar-cher»,lepianoapeut-êtreaussidonnénaissanceàdeux créatures-clavier intrinsèquement liées au cinéma au coursduXXesiècle: la machine à écrire puisl"ordinateur. SipourFrédéricChopin,"lepianoestmondeuxièmemoi» (99),lepianoneserait-ilpasl"échomême,letremblement deterrefondamentalducinéma,"musiquedelalumière, artd"alchimiste»etlecinémasarépliquesismique?BibliographieHildebrandt,Dieter(1985).LeRomandupiano.ActesSud,2003.Bloch,Ernst(1974).ZurPhilosophiederMusik.Francfort-sur-le-main,1974.Gance,Abel(1923)."Lecinémac"estlamusiquedelalumière»,inCinéa-cinén.3.

La Leçon de piano(The Piano, Jane Campion, 1993).Cinémathèque suisse Humphrey Bogart et Dooley Wilson dans Casablanca(Michael Curtiz, 1942).Cinémathèque suisse

??Casablanca:lamélodiedusouvenirCasablanca,deMichaelCurtiz,faitpartiedes?lmsconsidéréscommed"absolusclassiquesducinémaaumêmetitrequeCitizenKaneouAutantenemportelevent.Au-delàdesoncontextehistoriqueparticulieretdesesindéniablesqualitéses-thétiques,Casablancalivreaussil"unedeshistoiresd"amourlespluspoignantesducinémahollywoodien.Cettehistoiresedéroulesurlachanson"AsTimeGoesBy»dontlesquelquespremièresnotesaupianosu?sentàplongerlesspecta-teur-trice-sdansunabîmemélancolique.Par Margaux TerradasIl est facile de passer à côté de Casablanca. On se laisse saisirparsonauradeclassiqueabsolu,demonumentdu cinéma. On est subjugué par son esthétique et l"époque qu"il représente: le smoking impeccable et la femme fa-tale, dans un sublime noir et blanc contrasté. On se perd danssonorientalismehollywoodiendepacotilleoùCasa-blanca se confond avec Tunis, Istamboul et Bangkok. On reste impressionné par son contexte historique: une équipe de tournage très européenne jouant en 1942 le scénario d"un engagement américain dans la Deuxième Guerre mondiale. Rick (Humphrey Bogart), l"américain, quitte sa neutralité de façade pour venir en aide à Laszlo (Paul Heinreid), le tchécoslovaque, et Ilsa (Ingrid Berg-man),lasuédoise,a?nqu"ilséchappentauxnazis.Toutes les facettes habilement construites du ?lm font presque oublier que Casablancaest avant tout l"une des histoiresd"amourlespluscomplexesettorturéesdel"âge d"or du cinéma hollywoodien. Torture pour nous specta-teur-rice-s, car elle nous est racontée à partir d"un mo-mentoùl"histoired"amourestdéjàsansespoir.Ellen"est plusqu"unsouvenir.AbandonnéparIlsa,RickaquittéPa-ris pour ouvrir un bar à Casablanca, sorte de purgatoire parlequelpassentlesréfugiésdelaSecondeGuerremon-dialedansleurrouteversleparadis:lesÉtats-Unis.Meur-triparcetabandon,ilafuitoutidéalpolitiqueets"estréfu-gié dans le cynisme et le tra?c de visas. Cette situation durejusqu"àcequ"unhasarddesplushollywoodiensper-metteque,detouslesbarsdelaplanète,ilafalluqu"Ilsa entre dans celui de Rick. Mais elle est accompagnée de sonmariVictorLaszlo,dissidentpolitiquedevantabsolu-ment trouver un moyen de quitter Casablanca pour les États-Unis.On aurait pu voir venir le drame classique du trio amou-reux à grand renfort de jalousie, de tristesse et d"amour déçu. Mais cette entrée dans le bar ne provoque pas de nouvelle situation catastrophique, ni de rebond dans le scénario. Elle entame, au contraire, un retour aux souve-nirs. Les sentiments que les personnages s"e?orçaient

??d"enfouirémergentavecforcedèslemomentoùIlsaentre danslebardeRick.Cesursautdusouvenirestsymbolisé parlepiano.Lorsqu"ilsétaientàParis,RicketIlsasesont aimés sur la chanson "As Time Goes By» interprétée au piano par Sam (Dooley Wilson), le pianiste employé par Rick.ÀCasablanca,dèsqu"IlsareconnaîtSam,elleluide-mande de rejouer "As Time Goes By». Les notes qui s"échappent du piano ont ce pouvoir de les transporter versunautretemps,uneautreépoque.Lepianoasouventétéutilisépoursouligneretsublimerle troubleamoureux.DansElleetlui(1957)deLéoMcCarey, lemorceauaupianojouéparlagrand-mèredeCaryGrant parvientmêmeàacterl"amournaissant.Lamiseenscène qui, jusque-là, observait à distance Déborah Kerr et Cary Grant dans leursjoutesverbales,s"investitdans lesémotionsque ressententlesper-sonnages. La caméra s"attarde sur leurséchangesderegardset,grâceà lamusique,faitressentirauxspecta-teur-rice-slesbouleversementsinté-rieursquis"opèrent.Cemomentestlepointdebasculedu ?lm: l"amour qu"ils ressentent culmine et le reste du ?lm nesuivraqueleurse?ortspourtenterdelevivre.Casablancadi?ère dans son utilisation du piano. Il n"est plus vraiment question d"amour mais de souvenir.Sur cettequestiondusouvenir,"AsTimeGoesBy»alemême pouvoirquelapetitesonatedeVinteuilqu"écouteCharles Swann dans La recherche du temps perdude Marcel Proust.SwannestdésespéréparsonamourpourOdette, sa femme, qui lui échappe. Lorsqu"il entend cette petite sonate, les quelques notes redessinent Odette telle qu"il l"aimait au début de leur relation. Les temps se colli-sionnent,lamusiqueapaiselemalheurdeSwannetrend à nouveau présent son amour pur, maintenant rongé par lajalousieetledésespoir.Elleapaise,certes,maisellene guéritpas.Ellerenforcemêmelatristesse,puisqu"aumo-mentdusouvenir,ladouleurdesapertes"ajouteaumal-heur actuel. Les mots de Proust décrivent ces quelques notesqu"ilfaittournersurlapageetnouslesrendentau-diblescommeenéchosavecnospropresamours.LeréalisateurdeCasablanca,MichaelCurtiz,nejouepas aveclesmêmesarmes,puisquecontrairementàProust,il dispose de l"image et du son pour nous faire voir et en-tendre le piano. Néanmoins, la même magie opère. L"amour disparu de RicketIlsa revitgrâce à cesquelques notes.Lamiseenscèneetlescénarios"engou?rentalors danscetteouverturemusicaleet,parletruchementdufla-shback, nous découvrons les souvenirs éclairés de leur amour parisien en rupture complète avec le noir et blanc très contrasté de l"image. C"est bien la seule fois dans l"histoire du cinéma où le Paris de 1940 semble plus chaleureux et en-soleilléqueleMaroc.Le?lmpeutse permettred"abuserdufonduaunoir. Cette facilité de mise en scène nous fait entrer entièrement dans le sou-venir, nous le fait vivre avec les per-sonnagesetnousen faitéprouver la perteaumomentoùilsetermine.Chaquefoisquele?lm nousferaréentendre"AsTimeGoesBy»,nousnoussou-viendronsdecetamourpur,desadouceuretdesaperte. D"ailleurs,Casablancanecessedefairesecollisionnerles temporalitésdel"amouretdelaperte.AumomentoùRick se retrouve seul, ivre, il demande àSam de rejouer la fa-meuse musique. Transparaît alors sur son visage la tris-tesse et la douleur que ce souvenir lui fait endurer. À ce moment, la musique et le piano ne sont que perte et désespoir jusqu"à ce qu"Ilsa entre dans la pièce. Sa sil-houettepresqueàcontre-joursedessinedanslaportedu bar. La musique symbolisant pour Rick la perte de son amourestinterrompueparl"apparitionfantomatiqued"Il-sa qui ouvre la porte à une deuxième chance, un retour dans le temps. On est à peine à la moitié du ?lm et Rick ferme déjà la porte à cette apparition renvoyant Ilsa au seulsouvenirdudouloureuxabandon.Casablancadi?ère dans son utilisation du piano. Il n"est plus vraiment question d"amour mais de souvenir.

??Comme dans À la recherche de temps perdu, ces moments de sou-venirs tantôt nostalgiques tantôt douloureux jalonnent le ?lm au rythme du piano. "As Time Goes By»devientalorsunleitmotivobsé-dant pouvant surgir à tout moment, autant dans les moments d"espoir oùIlsaetRickpensents"êtreretrou-vésque danslesmomentsde sépa-ration comme lorsqu"Ilsa monte ?-nalement dans l"avion l"emportant aux États-Unis. D"ailleurs, la mélo-die d""As Time Goes By» n"est pas toujours diégétique. Dans le ?lm, Sam ne joue la chanson au piano que deux fois: lors de la première scène de retrouvailles, puis dans la scène où Rick est ivre. Les autres fois que nous entendons cette mu-sique, elle est extradiégétique, c"est-à-dire simplement appliquée sur la séquence comme bande originale du ?lm.Danslesecondcas,lethèmemusicalnousestentiè-rementdestinéetilcoïncideaveclesmomentsd"intimité entre Rick et Ilsa. Par la musique, le ?lm nous replonge dans les souvenirs des personnages. Par ces petites notes,ilnousmetàleurplacepourressentiraveceuxleur amourressuscité,nousglisseàl"intérieurdeleursâmes. Delamêmemanière,lesphrasesdeProustnousplongent dans les émotions des débuts heureux de Swann et Odettelorsqu"ilsentendentlasonatedeVinteuil.Casablancas"achève sur cette réplique restée célèbre: "Nous aurons toujours Paris». Le temps passe mais le souvenir, lui, reste. Cette phrase prononcée par Rick est résignée, presque sans douleur. Finalement, Rick et Ilsa atteignent ce queSwann et Odette ont manqué: la satis-faction ou le contentement du souvenir. L"amour au pré-sent n"existe pas, l"amour au futur n"existera plus, il faut se contenter du souvenir apaisé de la passion vécue. CetteimagedeRicketIlsaprononçantcesmotsenimper-méablesgrisetchapeaux,surletarmacdel"aéroport,fait partiedecesimagescultesquelecinémanouslaisse.Im-périssables,ellessegraventdansnosesprits.Lesouvenir dece?lmsurlarésignationausouvenirnousprocure?na-lementlamêmesensationqu"auxpersonnages.Nousau-ronstoujoursCasablanca.

Ingrid Bergman et Humphrey Bogart dans Casablanca(Michael Curtiz, 1942).Cinémathèque suisse

Jean Cocteau, Stravinsky jouant le Sacre du Printemps, 1923 © Comité Cocteau / 2021, ProLitteris, Zürich

Fanny Ardant au piano(© "Ettore Scola: une pensée graphique», Isthme éditions, 2008).Quand les cinéastes dessinent le piano

Andy Warhol, Progressive Piano, 1950s © The Andy Warhol Foundation for the Visual Arts, Inc. / 2021, ProLitteris, Zürich

Pierre Etaix, lavis, Marx Brothers, in programme Gala de l"Union des Artistes, 1972.Quand les cinéastes dessinent le piano

??Liszt, superstar!Sur Lisztomania, de Ken RussellLisztomania(1975),chroniquehallucinéeetkitschdel"amitiéentrelecompositeur hongroisetWagner,estl"occasiond"uneplongéedansl"œuvreduBritanniqueKenRussell,créateurexubérantetsulfureux,grandamoureuxdurocketdelamu-siqueclassique,disparuen2011.Par Julien DumoulinCrinière majestueuse, chemise entrouverte, Liszt s"avancesurscènesouslesacclamationsd"unefoulehys-tériqueetexclusivementféminine.Ilrejointlegrandpiano scintillant et plaque fougueusement les accords qui dé-chaînent un peu plus la foule. Tout en paillettes glam-rock, entre Elton John et Liberace, le virtuose joue avec une aisance déconcertante.Sonvisage espiègle et longi-ligne qui singe si bien les mimiques du Liszt historique croqué par János Jankó, c"est celui de Roger Daltrey, fon-dateur et leader du groupe The Who. Et le jeune Richard Wagner, habillé en marin, observe parmi le public cette imposante?gure.Iconoclaste,Russell?Sansdoute,mais sadémarchen"estpasgratuiteets"attardeànesaisirdes deuxartistesquelesensprofonddeleurœuvreetdeleur relation à travers un ?lm riche dont les outrances ne peuvent faire oublier l"intelligence et l"indéniable com-plexité.Les caricatures de Liszt par János Jankó.Voici,enunescène,résuméeslesdeuxamoursdeceréali-sateur baroque: le rock et la musique classique. Pour le second en particulier, Ken Russell va livrer de nombreux ?lms ou documentaires sur des compositeurs fameux: Debussy, Tchaïkovski, Mahler, Elgar, Delius, Richard Strauss,Bax,VaughanWilliamsetbiensûrLiszt.Sa carrière débute pour l"émission Monitorde la BBC. Russell y apporte ses premières audaces et bouscule les codes habituels en faisant incarner les compositeurs par desacteurs-unehérésieàl"époque-,etréhabilitedes?-gures oubliées ou jugées désuètes à l"instar de Edgar El-garouPercyGrainger.

??Son cinéma est exubérant, et puise son influence dans l"esthétiqueduromantismegothiqueauquelilconsacrera d"ailleurs un ?lm, Gothic, sur l"écriture de Frankenstein parMaryShelley.Sa?lmographie,néeduFreeCinemaet des révolutions sexuelles des années 1960, devient vite provocatrice au point de créer des scandales: The Devils(1971)seracensuréetDanceoftheSevenVeils(1970),qui dépeint Richard Strauss en nazi, se verra interdire les droits musicaux par la famille du musicien, rendant l"œuvre invisible - du moins avec sa bande-son - jus-qu"en 2019 (soit la date d"entrée du compositeur dans le domaine public). Mise en scène psychédélique, caméra fébrile,imagechargéeetsymbolique,l"œuvredeKenRus-selprendtouslesatoursducinémabaroque(s"autorisant même des accents rococos - le mauvais goût n"étant ja-maisloindanslasurenchère).DeLiszt,KenRusselldresseleportraitd"unartisteroman-tiquevolage dont les concerts et le lien qu"il établit entre son public et lui ne manquent pas d"irriter le jeune et im-pétueuxWagner.Russellsaisitaupassagel"antagonisme desdeuxhommesenfaisantdeLisztlechantred"unesu-perstar toute entière dédiée à la perfection de sa tech-nique au point de nouer des relations ambigües entre le divinetleDiable.L"idéed"unpacteavecleMalinestnour-rietoutaulongdu?lm,rapprochantlecompositeurduhé-ros de l"une de ses plus célèbres œuvres, Faust. Le concept,trèsliéàl"idéalromantiquedutemps,avaitaussi précédélaréputationdePaganini.Defait,lavirtuositéex-trême de Liszt le prédisposait à être l"objet de toutes les interrogations. Son entrée tardive dans les ordres l"éloigneunpeuplusdupaganismedeWagnerpourquile Liszthistoriqueavaituneréellea?ection.Lisztomania fait planer sur Liszt l"ombre d"unWagner né-faste qui dévoie l"héritage musical de son beau-père (il épouseraCosima,la?lledeLiszt)danssaquêtedespec-tacleabsolu.Dèsl"entréedu?lm,KenRussellopposeles sensibilitésduHongroisetdel"Allemand.Lisztestl"image de la rock-star toute entière dévouée à sa relation, à son artetàsonpublic,làoùWagner,convaincudesongénie, ambitionne la création d"un Art total révolutionnaire de-vantéleverlespeuplesgermaniques.Ilannonced"emblée la couleur et son ambition à son bienfaiteur: le piano comme"instrumentdeRévolution».Lesréférencesàl"Al-lemagne nazie sont explicites et le ?lm n"en ?nit pas de croiser les influences et les genres cinématographiques pour rendre compte de ce glissement. Wagner devient alorsune?gurevampiriquequinesecontenteplusseule-ment de soutirer de l"argent à Liszt; c"est l"œuvre de son

??mécènequ"ilpillepourlamettreauservicedesespropres compositions. La référence est d"autant plus pertinente que le vampire hante l"expressionnisme allemand, un mouvement né pour traduire le malaise de la République deWeimar bientôt subjuguée par le régime nazi.Wagner semble régresser en une force animale sous nos yeux; mouvementssaccadés,élocutionprochedugrognement, ilrampe avantde pousser Lisztau piano. Penché sur son amidroguéeta?alésursonclavier,lemaîtredeBayreuth luiarrachesoncruci?xavantdelemordre,l"obligeantàlui jouer les thèmes qui forgeront sa propre musique. Tout, dansleportraitdresséparKenRussell,concourtàfairede Wagner un Nosferatu moderne, une présence délétère à qui iloppose une lumière lisztienne.Cette approche n"a pas pour but de faire deWagner un plagiaire de Liszt (aprèstout,lesœuvresdeLisztinspi-rées par Wagner sont elles aussi nombreuses), son vampirisme rap-pelle avant tout l"assimilation de cette musique romantique par la "machine» wagnérienne. Si les deux hommes ont en commun d"avoir défendu un idéal musical al-lemand tourné vers l"avenir par opposition à la tradition plus classique défendue par Brahms, les idéaux poli-tiques de Wagner dont sa participation au soulèvement de Dresde et sa relation adultère avec Cosima l"éloigne-ront de plus en plus de Liszt. Sa ?lle ?nira par être toute entière dévouée aux ambitions de son mari, faisantvivre lefestivaldeBayreuthbienaprèslamortdeWagner.Cosi-maseraaussidépeintesouslestraitsd"unenazieauxac-centsdedominatricesadomasochistesdansle?lmMah-ler(Ken Russell, 1974), obligeant le compositeur juif à abandonnersafoilorsd"unecérémoniepaïenneaumilieu des montagnes bavaroises. L"évocation du château de Wagnersu?tàfairefuirlesJuifsàproximité,rappelantau passagesonantisémitismenotoire.Etpourcause,la"ré-volution» wagnérienne païenne pose les bases d"une identitéquiveutfairedesAllemandlaracedesseigneurs, et Liszt devient le témoin de l"endoctrinement d"une jeu-nessedansundécortoutdroitsortid"unereprésentation de Bayreuth. À l"abbé Liszt s"opposent l"imagerie nor-dique et ses influences multiples, taclant au passage l"américanisation de la culture et la société du spectacle qu"incarne la ?gure du Wagner-super-héros instructeur avec son slip sur ses collants. Ces idéaux et leurs in-fluences éparses et décousues sont intelligemment syn-thétiséesdansla recréation grotesque d"un "monstre de Frankenstein».Siegfried-?guremythiquecentraledans l"œuvre deWagner etprénom du ?lsqu"ilaura avecCosi-ma-n"esticiqu"unemarionnetteim-bécile qui, sous les traits d"une Wal-kyrie, est animé par la "révolution» musicale d"un Wagner que Ken Rus-sellassimileiciàlamusiqueélectro-nique, dont les Allemands furent les pionniers.Mise en scène psychédé-lique, caméra fébrile, image chargée et symbo-lique, l"œuvre de Ken Russel prend tous les atours du cinéma baroque.

??L"idéal germanique mêle nazisme et imagerie dominatrice pour la conversion de Mahler sous la direction de Cosima Wagner, un an avant la réalisation de Lisztomania.

Danscetteultimeconfrontationquivoitlesdeuxhommes s"a?ronter lors d"un duel (musical) à mort, Ken Russell prouve au-delà d"une mise en scène tape-à-l"œil sa pro-fonde compréhension des influences complexes entre Wagner et Liszt, malgré un parti pris évident pour le se-cond. En dépit de la victoire de Liszt, Wagner ressuscite souslestraitsd"unHitlermort-vivant,guitare-mitraillette en main. Le ?lm bascule alors dans le registre du ?lm de zombie post-apocalyptique qui rappelle les consé-quencesfunestesdel"héritagewagnériendanslamenta-lité allemande des décennies suivantes. En symbolisant le triomphe de Liszt depuis les cieux, Lisztomania répare uneinjusticehistoriqueetréhabilitelegénieduHongrois quelaprésenceécrasantedumaîtredeBayreuthavaitré-duit à n"être, à sa mort, que le "beau-père de». À travers une imagerie helléniste, Liszt fait des femmes de sa vie desmusesdansun?nalàl"esthétiquedeclipderock-pro-gressif, symbolique, kitsch et halluciné.Il manie désor-mais une harpe, symbole peut-être de l"attrait pour une musiqueplusdépouilléequil"attiraitàla?ndesavie,aux antipodes de la grandiloquence des opéras de Wagner. Liszt triomphe, invoquant à ses côtés les trois principes quiontguidésavied"artiste:l"amour,lareligionetl"Art.C"estencesensquele?lmdeRussell,dépouillédetoute tentative vaine de reconstitution, transpose habilement uneidéedeLisztdansnossociétésmodernesettémoigne d"une connaissance profonde de cet artiste hongrois, de sesproblématiques,desoninfluenceetdesonépoque.Iln"estdoncpassianachroniqued"a?rmerqueLisztfutla première rock-star. Ses récitals - terme qu"il inventa lui-même pour quali?er ses représentations musicales - dans l"Europe romantique du XIXesiècle provoquaient d"importants mouvements de foule, autant pour l"en-tendrequepourvoircejeunehommegrand,maigreàl"air malicieuxettellementplusextravertiquelediscretetsen-sibleChopin.Une"Lisztomania»selonletermedel"écri-vain Heinrich Heine qui s"étonnait, dans un article sur la saison musicale de 1844, des émeutes provoquées par

??Des ?lms dans le ?lm qui rendent hommage à tous les genres: le burlesque de Chaplin pour l"idylle en Suisse, le ?lm d"épouvante et le ?lm post-apocalyptique.

KenRusselln"oubliepasladimensionsexuelledesonmo-dèle (et le parallèle avec son interprète): le sexe habite toutsoncinéma.QuandsortLisztomania,leréalisateura déjà épuisé les provocations. Les phallus géants qui par-sèment son ?lm, en particulier celui qui se substitue au sexedupianistecontrelequelgroupiesetadmiratricesse frottent vigoureusement dans un mouvement de ferveur presque religieuse, ne choquent plus grand monde. Il s"agit là encore d"un rappel du lien intime entre la re-cherche de reconnaissance et de puissance qu"implique le star-system. Les histoires d"amour passionnées de Liszt sont indissociables de la musique, comme en té-moigne le métronome qui rythme les ébats du composi-teur avec la comtesse Marie d"Agoult, ou encore sa re-cherchedepartenaireenpleinconcert.Passionsdoubles et di?cilement conciliables; le phallus géant précité se verraguillotinéparlanouvellemaîtresseducompositeur, la princesse Carolyne deSayn-Wittgenstein, sortant Liszt de son délire en sursaut. Ce n"est ?nalement que le cou-vercledesonpianoquis"estrefermésursesmains,mais la dimension castratrice est équivalente pour un musi-cien.Si Russell s"attarde moins à ?lmer la technique pianis-tiqueducompositeurquedansl"impressionnantconcerto pour piano de Tchaïkovski de The Music Lovers(1970), il articulesamiseenscèneautourd"uneidéeobsédantede

??cetinstrument,omniprésentcommeélémentdudécor:ri-deaux, escaliers, colonnes... Jusque dans la garde-robe del"artiste.Lisztvitlittéralementdansunclavier.Leréali-sateur saisit toute l"ambiguïté du piano, dépassant son simple statut d"accessoire pour en faire un élément à la symbolique multiple: c"est l"objet pailleté pop par excel-lence lors du concert d"ouverture de Listzomania, un lance-flammes qui transforme les épées de Wagner en serpents,uncercueilquivoitLisztetMaried"Agoultsacri-?és, ou, plus délicatement, un petit cercueil posé sur un piano noir pour marquer l"influence de la mort de la ?lle de Mahler sur ses deux dernières symphonies ainsi que sonChantdelaTerre.Lisztomania(Ken Russell, 1975).Mahler(Ken Russell, 1974).

Lisztomania est la conclusion d"une série de biopics qui ontgagnéenaudaceetenprovocation.Ens"attardantsur lacarrièred"unpersonnageaussirichequeLiszt,KenRus-sell a pu pousser son sens de la mise en scène à son pa-roxysme etlivrer un ?lm à la croisée d"influencespop qui témoigne d"un réel sens de l"histoire. Grâce à ses por-traits,Russellarevitalisél"imagedescompositeursdivers enlesintégrantdansnotremodernitépournousfaireper-cevoirl"originalitéetlaforcedeleurœuvre.Excentriqueet outrancier, son cinéma reste traversé par un élan icono-clasteetjubilatoirecontagieux.BibliographieFlanagan,KevinM.,KenRussell:Re-ViewingEngland"sLastMannerist,2009.KenRussell:ABitofaDevil,documentairedeEleanorHorne,2012,Grande-Bretagne.

Charles Aznavour dans Tirez sur le pianiste(FrançoisTru?aut, 1960). Shirley MacLaine dans Madame Sousatzka(John Schlesinger, 1988).

??Le piano de Madame Sou-sat-zkaÀLondres,MadameSousatzka(ShirleyMacLaine),professeuredepianoexcen-trique,dontlenomseditcommecelas"écrit,s"occuped"unnouveauprotégé,Ma-nek(NavinChowdhry),unjeuneimmigréindien,quifaitpreuved"untalentin-croyable.Manekformeunlienétroitavecsonprofesseur,maisdécouvrebientôtqu"elleattenddesesélèvesqu"ilsdeviennentdisciplinésdanstouslesdomainesdelavie,etnonseulementderrièrelepiano.Alorsqu"illuttepourreleverlesdé?s,Manekdoitégalementfairefaceàsamère(ShabanaAzmi),quirivaliseavecsonprofesseurpoursesattentions.Par Elias Abou-CharafLe garçon indien vient chaque après-midi pour des cours depianochezMadameSousatzka,quinepeutpasdégui-ser l"amour dans sa voix alors qu"elle lui apprend non seulement la musique, mais aussi comment s"asseoir, commentrespirer,commenttenirsescoudesetcomment penser son talent. Derrière elle, dans l"ombre de son ap-partement londonien moisi, se trouvent les photogra-phiesd"anciensétudiantsàquionaenseignélesmêmes leçonsavantdepartirdanslemonde,oùcertainsd"entre eux sont devenus de grands pianistes alors que d"autres sontrestésdansl"ombre.Madame Sousatzka pense que le jeune Manek peut être ungrandpianiste,unvirtuose,maislespectateurdu?lm n"a aucun moyen objectif de savoir si elle est une grande professeure de grands musiciens, ou simplement une professeuredepianoaveccertainsmoyensoriginaux.Au demeurant,cen"estpasun?lmdanslequeltoutmèneau cliché du premier concert crucial, bien que cela se pro-duise. Ce n"est pas non plus un ?lm sur le succès ou l"échec, mais sur la lutte, sur la poursuite d"un idéal mû par une foi inébranlable et un talent inimitable, sans se soucier du monde qui nous entoure. C"est aussi un ?lm surlasolitudeetlabeauté,surlespassagesdelavie,sur desgensquiarriventàuncarrefouretregardentenarrière et voient clairement pour la première fois où ils en sont. Madame pense que ce garçon de seize ans peut être un grandpianisteetqu"elle-personned"autre-estcellequi leguiderasurlabonnevoieverssondestin.Madamedéploietoutel"énergied"unprofesseurpourpro-téger le garçon de toutes les pressions et tentations qui l"entourent, tout en soutenant simultanément les ruines de son propre monde. Shirley MacLaine, dans l"une des

Shirley MacLaine et Navin Chowdhry dans Madame Sousatzka(John Schlesinger, 1988).Cinémathèque suissemeilleuresperformancesdesacarrière(elleareçuunGol-denGlobeainsiqueleprixd"interprétationàlaMostrade Venise à l"occasion de ce rôle), se transforme en une femme fanée et vieillissante, non dénuée d"une grande obstination et conviction. Jadis, cette grande pianiste a elle-même échoué à ses propres débuts en concert. Sa mèrel"apousséetropvite,troptôt,etelles"este?ondrée au milieu de son premier concert et s"est enfuie de la scène. Cette humiliation est toujours présente dans ses cauchemars-le?lmnousmontrefurtivementcertainsfla-shbacks - et façonne toujours son attitude envers ses élèves. Ils ne doivent pas être autorisés à se produire en public tant qu"ils ne sont pas prêts. Malheureusement, Madame n"estguère disposée à admettre que sesélèves sont prêts, et donc tôt ou tard ils sont obligés de rompre avecelle.Leursdépartsontfaitdesacarrièreunesériede

Navin Chowdhry dans Madame Sousatzka(John Schlesinger, 1988).Cinémathèque suissechagrins,etpeuplédephotographieslesétagèresdeson appartement.Manek, son dernier élève, est joué par Navin Chowdhry alorsqu"ilétaitadolescentetqui,outresontalent,estun jeunehommeasseznormal.Ilvoyageenskateboardmal-grélesordresexplicitesdeMadamedenepasmettreses mainsendanger;ilaimejouerdupianomaisn"enestpas obsédé, et il s"intéresse vivement au mannequin, Jenny, (jouéparlemodèleTwiggy)quivitàl"étagedansl"excen-trique maison. La mère de Manekestdivorcée etlessou-tient en préparant des pâtisseries indiennes pour le dé-partement alimentaire de Harrod"s. Elle a un admirateur, mais son ?ls en est jaloux et veut faire ses débuts en concert rapidement pour pouvoir soutenir sa mère et ne plusavoir à supporter la présence d"un homme étranger. Par un concours de circonstances, il est encouragé dans

??sonambitionparunagentdemusiqueprédateurquisur-prendsonjeuetveutenpro?terimmédiatement-créant uneguerredevolontésentreMadameetsonélève.Le tout est dirigé avec maestria par JohnSchlesinger, qui place l"action dans une maison londonienne délabrée, dansunerueautrefoisdistinguéequiamaintenantétéci-blée par les agents immobiliers pour gentri?cation. Les chambressombresetmoisiesdeMadameSousatzkasont remplies de tissus riches et d"om-bresprofondes,demeublesanciens, de châles, de plantes, de longs ri-deaux et de photographies des étu-diantsquionttraversésavie.La maison appartient à Lady Emily (PeggyAshcro?),unevieilledameau caractère doux qui vit au sous-sol et coexiste paisiblement avec ses loca-taires, qui comprennent Madame, le modèleetMr.Cordle(Geo?reyBayldon),unesortedemé-decin qui travaillote encore et entretient quelques aven-tures homosexuelles secrètes et occasionnelles. L"atmo-sphèrecréedel"a?ectionpourlapetitecommunautédela maison.L"approche du rôle par Shirley MacLaine est passion-nante:ellesevieillitdélibérémentetprenddupoidspour lerôle,desortequ"ilyaitrelativementpeudeShirleyMa-cLainefamilièreàl"écran.Mêmecestracesdisparaissent rapidement dans le rôle d"une femme qui aime la mu-sique,aimeenseigner,aimesesélèvesetn"estparalysée que par son échec traumatique sur scène. Cela aurait pu l"aigrir, mais ce n"est pas le cas; elle ne tient pas ses élèves par ressentiment mais par ?erté et par peur. Elle est à la fois un monstre et une merveille. Festonnée de châles frangés et de perles cliquetantes, marchant avec unlégerentravement,sevaporisantfurieusementdepar-fum quand elle devient agitée, maquillée criardement commel"essencemêmedelagloirefanée,MacLainecap-tive l"attention à chaque tournant. Son catalogue d"ex-pressionsfacialesàluiseulestfascinant,carellesemble avoircapturétouteslesvariationspossiblesduregardflé-tri.Avecsesregardsglaciaux,sesre-gards renfrognés dominants et ses éclats de suspicion et de désappro-bation,cetteMadameSousatzkaest ene?etaussiredoutablequ"elleveut l"être.Shirley MacLaine n"avait pas tourné de ?lm depuis près de cinq ans, de-puis qu"elle avait remporté l"Oscar pour Terms of Endearment (James L. Brooks,1983),etquandlerôleduprofesseurdepianolui futproposé,sapremièrepenséeapeut-êtreétédepasser outre.Elledevaitjouer"vieille»etavoirl"airvieille,etêtre toutaussitêtueàla?ndu?lmqu"ellel"étaitaudébut.Ce voyageétait-ilnécessaire?Dans un entretien ayant eu lieu au Festival du Film deTo-rontode1988,MacLaineraconte:"Cescénarioaétésoumisàdesactricesilya15ans.BetteDavisétaitintéresséeàunmomentdonné.JepensequeKateHepburn,AnneBancro?etVanessaRedgraveontétéapprochéesaussi.Maisquelquechosearrivaittoujoursaveclesagents,oulecontrat,oul"indisponibilitédequelqu"un.C"étaitcommesiceAvec ses regards gla-ciaux, ses regards ren-frognés dominants et ses éclats de suspicion et de désapprobation, cette MadameSousatzka est en e?et aussi redou-table qu"elle veut l"être.

??scriptn"attendaitquemoi,toutescesannées,a?ndemepermettredefairelatransitionversunperson-nageexcentriqueàl"âgeindéterminé,avecquiletempsn"acertainementpasétéaimable.Cen"estpasunefemmetraditionnelledepremierplan.J"aidoncdûprendreunedécisionentermesdecommentj"ap-paraîtraiàl"écran,commentjeseraisperçue.Jen"aipasfaitde?lmdepuisplusdequatreans.Mainte-nant,j"allaisjouerça.J"aidûmedétacherdespriori-tésdelavanitécosmétique.Ilétaittempsd"arrêterdeprendredespiècesquisontdesvitrinestradition-nellesdegrandesstarsdecinéma,etdemeconsacrer plutôtàdesrôlesquisoientprofondsetdangereux,maismerveilleuxaussi,desrôlesdanslesquelsvouspouvezvousmétamorphoser.Aulieudevousinquié-terdequelcachetvousallezgagner,vousvousde-mandezcommentvousallezsurprendrelesgens.Puisquejepensequejesuistouscesgensdetoutefa-çon,etpuisquejepenseavoirvécutoutescesvies,jesuissûrqu"ilyauneSousatzkalà-dedansquelquepart.C"estuneapprochecomplètementdi?érentedenosjours.»Indi?érente à son apparence, elle a?rme ne pas être dé-priméeenparaissantbeaucoupplusâgéeàl"écran:"J"aivulepersonnageàl"écran,etj"aivumonab-sence,etj"aipensé-c"estpourçaquejel"aifait,etçaamarché.Jelesaiaidésàmevieillir.C"estmoiquimarchaisautourduplateauenleurdisantdemettrelalumièreau-dessusdemoipouraccentuerlespar-tiesdemonvisagequicommencentàvieillir.Sivousvoulezlefaire,vousdevezlefairecorrectementetavec courage.Detempsentemps,enmevoyantsurun?lm,j"avaisunpincementaucœur.J"aiprisunedi-zainedekilospourlafaireparaîtrepluslourde,doncmoncorpsneseraitpasaussiflexibleetsemblableàceluid"unedanseuse,maisjel"aifaitengrandepartie avecmonattitude.J"aivieillisousmesyeux,meslèvresetmessourcils,etj"aiutiliséuneperruque.Jesavaisoùsetrouvaitlacaméraàchaqueminute.J"aiapprisàtravailleravecmonvisage,etjesavaisquesijefaisaistelleoutellegrimace,lastructureosseuseapparaîtraitetceneserapaslepersonnage,etlesgensdiraient:"VoilàShirley!"jesuisrestéeconstammentalerte!»LescénarioaétéadaptéduromandeBerniceRubenspar Ruth Prawer Jhabvala (scénariste respectée oscarisée deux fois) et le réalisateur John Schlesinger. Il prend le temps d"être précis sur l"enseignement; nous pouvons sentir à la ?n du ?lm que nous avons reçu nous-mêmes quelquesleçons.C"estunequestiondediscipline,depa-tience, d"amour de la musique. À un momentdonné, Ma-nekditàSousatzkaquelorsqu"ilmonterasurscène,ilres-sentira un petit noyau de force en lui-même, un petit noyau qu"elle lui aura donné. À part la technique, c"est tout ce qu"un enseignant puisse espérer o?rir à un étu-diant.MadameSousatzkaestun?lmextraordinairequiaimela musique et qui aime ses personnages. Le plus beau est certainement qu"il a la patience de rendre justice aux deux.

Tim Roth dans La Légende du pianiste sur l"océan(La leggenda del pianista sull"oceano, Giuseppe Tornatore, 1998).

??La musique au-delà des images, au-delà des mots...La légende du pianiste sur l"océan(Giuseppe Tornatore, 1998)"Mipiacerebbechedopolamortecitrasformassimotuttiinsuoni.Seinorigineeravamodeisuoni,miparebellopensarechetorneremoadesserlo».(E.Morricone)"J"aimeraisqu"aprèslamort,onsetransformetousensons.Siàl"originenousétionsdessons,ilmepa-raîtagréabledepenserquenousleseronsànou-veau».(E.Morricone)Par Leandra PatanéEt si je vous demandais ce qu"évoque pour vous le mot "1900»? Il s"agit du prénom singulier du protagoniste, "Novecento»,brillammentinterprétéparTimRoth.LaLé-gende du pianiste sur l"océanraconte l"histoire d"un en-fant né et abandonné sur un bateau à vapeur transatlan-tique,etadoptéparsonéquipage.L"échodesontalentde pianisteàbordrésonnepartoutdanslemonde,maisiln"a jamais quitté le bateau qui l"a vu naître. Filmé en langue anglaise par le réalisateur italien Giuseppe Tornatore, cetteœuvredonnevieaumythed"unpianistesansnatio-nalité ni papiers. Privé ainsi de toute identité, sa vie se compte plus en voyages qu"en années. Coprotagoniste à justetitredanscettetouchantehistoire,lamusiqueyjoue un rôle fondamental. La majestueuse intervention de la bandesonoreprouvequelamusiqueaunpouvoirexpres-sifquivaau-delàdesmots,au-delàdesimages.EnnioMorricone,compositeurdecettehistoiremusicale, estl"un desplusproli?quesetinfluentscompositeursde

??l"histoire du cinéma. Film après ?lm, ses auditeurs re-partentaveclaconvictionqu"ilaachevéquelquechosede spécial. Sa recherche musicale reflète un travail profond etminutieuxdanslatraductiondelapersonnalitédumet-teur en scène, ainsi que de l"histoire et du protagoniste auxquels il donne vie.Au-delà des images ou des mots, Ennio Morricone raconte une histoire parallèle captantet restituant des expressions de l"âme humaine par le biais d"additions ou de soustractions instrumentales talen-tueusement réalisées: "Ma plus grande satisfaction? Avoirécritlabandesonoredelaviedesgens.».Pour ce ?lm, la partition touche des cordes qui évoquent la solitude, la poésie etla singularité d"un interprète. En-nio Morricone a?rmait qu""il n"y a pas de grande musique sans un grand ?lm» (cf. cérémonie des Os-carsen2016);lamusiqueicisemble être le ?l rouge de cette aventure ra-contée par un "Je», narrateur incar-né par Max. Ce joueur de trompette partage avec il maestroMorricone, lui aussi joueur de trompette, le rôle complexeduconteur,racontant,res-pectivement par la parole et par la musique, un touchant monologue à deuxvoix.Parlebiaisdece?lm,onreconnaîtdanslamu-sique un système de signi?cation di?érent du langage parlé et indépendant de celui-ci. À l"inverse, la musique nedemandepasuneopérationdecodi?cationmentalede lapartdeceluiquiécoute.Ilpénètrel"âmedeceluiquise laisse à la fois toucher et émouvoir par cette dernière. Le langage du protagoniste apporte ainsi une clé de lecture inéditequiexpliquesonincapacitéàcomprendrelecode verbal. La liberté de son expression s"épanouit à travers lesnotesdupiano,cequiluipermetdeliredansl"âmedes gens qui l"entourent.Tornatorey dénote un lien avec son célèbre compositeur: "Ennio est venu deux fois sur le tournage (...) Une phrase l"avait beaucoup marqué: "Est-cequ"unvisagepeutressembleràunemusique?"Jeluiai ditquedansle?lm,lesgensvontetviennentsurlebateau et [le personnage] Novecento crée sa musique en obser-vantlesvisagesdesgens.Dansunescènejel"airenduto-talement explicite, mais si l"on pense au travail d"Ennio, onserendcomptequec"estexactementcequ"ilafaittout savie.(...)C"estuninfatigableexpérimentateur».Ce?lmseconcentresurl"acceptationdeslimitesdel"être humain, en l"occurrence d"un artiste qui n"a jamais joué pour sa carrière, mais pour son plaisir personnel et celui de son entourage, se réfugiant dans le seul moyen d"ex-pressionquiluiestaccessible:"Ilsnouslaissèrentconti-nuer pendant un long moment, ma trompette et son pia-no,pourladernièrefois,partagerce qui ne peut être exprimé par la pa-role», dit Max. Cette histoire, imagi-née par le romancier Alessandro Ba-ricco, met en lumière le thème de la pureté et du rejet des compromis de la part d"un véritable artiste - une sorte de méditation sur l"insu?-sance et l"inadéquation du langage verbal dans le sillon des théories de NietzscheetPirandello.Tornatoreaccueilleicilemotifdel"in-communicabilitéenledéclinant,nonseulemententreles personnages, mais aussi au sein de l"individu. Si Nove-cento établit la défaite de la communication verbale, celle-ci est cependant compensée par la musique pour donnerdusonàl"indicible.C"estainsiquelamusiquede-vient le paramètre par lequel le protagoniste dé?nit son identité et son essence. Le scénario construit parallèle-mentl"histoiredetousceuxquis"embarquentpourpour-suivrelerêved"unenouvellevie,pourrepartiràzéro,avec l"espoir de devenir quelqu"un. Desquotesdbs_dbs33.pdfusesText_39

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