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De lusage existentiel des verbes de perception

De l'usage existenti"$#."'#/"01"'#."#2"03"2,+4-#

Machteld Meulleman

1 , et Laure Sarda 2* 1

UniversitŽ de Reims Champagne-Ardenne, CIRLEP (EA 4299), 57 Rue Pierre Taittinger, 51096 Reims Cedex, France

2

Lattice Ð UMR 8094 CNRS (ENS-PSL et UniversitŽ Sorbonne Nouvelle), 1 rue Maurice Arnoux, 92120 Montrouge, France

Résumé. Cet article traite de lÕusage existentiel du verbe de perception voir. Nous montrons sous quelles

conditions ce verbe peut tre utilisŽ dans des ŽnoncŽs thŽtiques pour exprimer lÕexistence (comme dans on

ensemble de propriŽtŽs dŽfinitoires des constructions existentielles (sujet non rŽfŽrentiel, indŽfinitude de

lÕobjet, ancrage locatif). Nous mettons en Žvidence que pour satisfaire ces propriŽtŽs, les caractŽristiques

examinons dans quels contextes des commutations entre il y a et on voit sont possibles, et quel est lÕapport

spŽcifique, irrŽductible liŽ ˆ lÕusage de voir. Cette spécificité tient au fait que voir implique un actant sujet

(le voyeur) qui, mme rŽduit ˆ un indŽfini gŽnŽrique ou effacŽ dans une forme passive, persiste ˆ divers

degrŽs. Nous proposons dÕexpliquer certaines diffŽrences subtiles entre il y a et voir par cette inscription,

mme minimale, dÕun observateur en lien avec lÕassertion de lÕexistence ou de la prŽsence dÕune entitŽ.

Abstract. On the existential use of perception verbs. This article deals with the existential use of the

French verb voir ('see'). We show how this verb can be used in thetic statements to express existence (as in

on voit des trèfles à quatre feuilles (lit..Ôone sees four-leaf cloversÕ). The existential reading of voir is

conditioned by the presence of a set of defining properties of existential constructions (non-referential

subject, indefiniteness of the object, locative anchoring). We show that in order to satisfy these properties,

the transitive features of voir must be strongly weakened, especially concerning the subject. We examine in

which contexts commutations between il y a ('there is') and on voit (Ôone seesÕ) are possible, and what is

the specific, irreducible contribution of voir. This specificity is due to the fact that voir implies a subject

argument (the seer) which, even when reduced to a generic indefinite or erased in a passive form, persists

to varying degrees. We propose to explain some subtle differences between il y a and on voit by the minimal

inscription of an observer in connection with the assertion of the existence or presence of an entity.

Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir

1#;-,04.&3,+4-#

Les verbes de perception peuvent servir ˆ introduire des rŽfŽrents dans le discours, comme dans (1) et (2) :

(1) Je vois le facteur qui arrive. (Lambrecht 2000 : 49)

(2) En un coin du rŽfectoire, on voyait une pile de plus de cent bouteilles, [...]. (Brillat-Savarin, J.-A., Physiologie du

goût ou Méditations de gastronomie transcendante, 1825)

Aussi Lambrecht (1987, 1994) nÕhŽsite-t-il pas ˆ mentionner les verbes de perception parmi les constructions

prŽsentationnelles 1 les plus typiques :

At the core of all presentational constructions are semantically highly intransitive clauses

containing such verbs as avoir Ôto haveÕ, certain verbs of motion and existence, and verbs of

perception. These clauses are among the lowest in transitivity the language possesses. Their function

is not to predicate something about a referent but to simply present or ÒlocateÓ the referent in the

universe of discourse. (1987 : 226-227)

Les verbes de perception comme les constructions existentielles peuvent remplir la mme fonction dÕintroduction dÕun

rŽfŽrent nouveau dans le discours. La perception et lÕexistence entretiennent en effet des liens sŽmantiques particuliers.

Viberg (2008) signale que le suŽdois, qui exprime gŽnŽralement lÕexistence par la forme passive impersonnelle de

ÔtrouverÕ det finns, utilise également certains verbes de perception sous la forme passive impersonnelle comme det syns

entre deux sous-types dÕŽnoncŽs existentiels en russe : ceux avec une copule existentielle, o lÕexistence Ç est relative ˆ È

Corresponding author : laure.sarda@ens.psl.eu

SHS Web of Conferences 13https://doi.org/10.1051/shsconf/2022138110028, 11002 (2022) Congrès Mondial de Linguistique Française - CMLF 2022

© The Authors, published by EDP Sciences. This is an open access article distributed under the terms of the Creative

CommonsAttribution License 4.0 (http://creativecommons.org/licenses/by/4.0/).

une localisation (4a), et ceux avec un verbe de perception, où lÕexistence Ç est relative au È champ perceptuel dÕun

observateur (4b). (3) a. Det finn-s ett hus bakom trŠd-en. b. Det syn-s ett hus bakom trŠd-en. (4) a. Za goroj by-l dom. b. Za goroj vidnel-sja dom.

Pfenninger (2009 : 175) montre que les verbes de perception anglais et allemands peuvent tre utilisŽs comme Žquivalents

de verbes existentiels. Ils permettent notamment dÕexprimer lÕexistence depuis le point de vue dÕun observateur :

They are used to express the way in which the existence of something is perceived; thus, something exists because it can be seen, heard, read, smelt, etc.

Certains travaux sur le franais ont Žgalement mis lÕaccent sur cette proximitŽ entre perception et existence

2 . Vogeleer

(1994) Žtudie les Ôphrases existentielles perceptuelles de narrationÕ, illustrŽe en (5) :

(5) a. On voit un homme arriver. b. Un homme arrive. 3

ˆ lÕinformation reste implicite. LÕauteure propose une description des spŽcificitŽs de (5a) basŽe sur la notion de point de

Dans notre contribution, nous cherchons ˆ dŽgager les spŽcificitŽs de lÕusage existentiel du verbe voir, par rapport ˆ celui

de il y a, indŽpendamment de la prŽsence dÕun infinitif (ou autre forme verbale), ˆ partir dÕune enqute de corpus de petite

taille ayant une valeur illustrative. La section 2 vise ˆ caractŽriser lÕusage existentiel de voir afin de dŽterminer si la lecture

conditions qui favorisent la lecture existentielle. Les propriŽtŽs du SN indŽfini, puis celles du locatif et de leur interaction

y sont examinŽes en dŽtail. Dans la section 4, nous analysons le r™le de la prŽsence dÕun observateur, induit par la

la variation graduelle de lÕinterprŽtation de voir en fonction de la rŽalisation de certaines propriŽtŽs.

2 =%&'()"#"*+',"-,+"$#."#voir #

Dans cette section, nous dŽfendons lÕidŽe dÕune proximitŽ entre lÕusage existentiel de voir et la construction existentielle

prototypique du franais en il y a. Nous prŽsentons les propriŽtŽs dŽfinitoires des ŽnoncŽs existentiels, qui sont Žgalement

mobilisŽes par lÕinterprŽtation existentielle de voir. Nous exposons comment les propriétés de theticité et d'intransitivité

caractŽristiques des constructions existentielles contraignent fortement lÕinterprŽtation existentielle de voir.

2.1 Théticité#

Depuis Jespersen (1924), de nombreuses Žtudes ont identifiŽ la nature thŽtique des constructions existentielles. Un ŽnoncŽ

thŽtique asserte dÕun bloc, un fait, un Žtat ou une situation (cf. Sasse 1987), et vŽhicule uniquement de lÕinformation

nouvelle, non prŽsupposŽe, information dite aussi rhŽmatique. On dit que le focus informationnel englobe toute la

proposition (Lambrecht & Polinsky 1997). Les ŽnoncŽs thŽtiques sont dŽfinis par opposition aux ŽnoncŽs catŽgoriques,

qui impliquent une structure bi-partite de mise en relation dÕun sujet (topique) et dÕun prŽdicat (focus).

Le verbe voir peut naturellement appara"tre dans un ŽnoncŽ catŽgorique comme en (6), o on asserte ˆ propos de Paul

(sujet topical) quÕil voit quelque chose (prŽdicat focus). Cependant, dans certaines conditions, voir peut aussi donner lieu

ˆ une interprŽtation thŽtique ou quasi-thŽtique avec une valeur existentielle proche ou comparable ˆ la construction en il

y a. La proposition en voir de (7a) prŽsente en effet des propriŽtŽs comparables ˆ sa paraphrase par il y a en (7b), elle

asserte la prŽsence dÕun crucifix quelque part : (6) Paul voit un oiseau

(7) a. Ensuite ils lÕont menŽ dans une chambre blanche, où se voyait un très grand crucifix dressé à la muraille.

(Pourrat, H., Le pavillon des amourettes, 1930). SHS Web of Conferences 13https://doi.org/10.1051/shsconf/2022138110028, 11002 (2022) Congrès Mondial de Linguistique Française - CMLF 2022 2

Les exemples (6) et (7) illustrent donc respectivement la lecture catŽgorique et la lecture thŽtique de lÕŽnoncŽ, contraste

qui sÕexprime Žgalement par lÕopposition entre une lecture perceptuelle et une lecture existentielle.

2.2 Propriétés communes#A#il y a ",#on voit

Sur le plan constructionnel, les usages de voir tels qu'illustrés en (7a) partagent trois propriŽtŽs dŽfinitoires des

constructions existentielles prototypiques en il y a : (8) a. elles introduisent typiquement un SN indŽfini en position postverbale, b. elles contiennent gŽnŽralement un ancrage spatial et

c. le sujet grammatical a un potentiel rŽfŽrentiel faible (ou nul, comme cÕest le cas du il expletif).

Ces propriŽtŽs conditionnent la lecture existentielle des ŽnoncŽs avec voir. CÕest sur la base de ces propriŽtŽs communes

que lÕon peut Žtablir une proximitŽ entre la construction existentielle en il y a et lÕusage existentiel de voir.

2.3 Transitivité et détransitivisation##

Comme mentionné en introduction, Lambrecht a noté (1987 : 226-227) que les ŽnoncŽs prŽsentationnels sont parmi ceux

qui ont le plus faible degrŽ de transitivitŽ. En effet, il ne sÕagit en aucun cas du transfert dÕune force, par un agent volontaire

sur un objet patient, qui serait lui-mme affectŽ par lÕaction ponctuelle et tŽlique de lÕagent, dans un mode realis et

Thompson 1980 : 252). Dans le cas des ŽnoncŽs thŽtiques, la question du nombre de participants ne peut pas se poser

dans les mmes termes puisque lÕŽnoncŽ ne repose pas sur lÕarticulation dÕun sujet et dÕun prŽdicat : de plus, si un

participant manque, ce sera plut™t le premier que le second. La caractŽrisation du sujet dans les constructions existentielles

est notoirement problŽmatique. Les analyses divergent, entre autres, selon que les langues utilisent la copule être ou avoir.

Avec être, le SN postverbal est communŽment analysŽ comme le sujet (cÕest la tradition en finnois (cf. Huumo 2003)),

alors quÕavec avoir le SN postverbal peut logiquement correspondre ˆ un objet, le sujet Žtant alors soit effacŽ (comme

dans le cas de hay en espagnol), soit explŽtif (comme dans il y a en franais). Les Žtudes dŽdiŽes aux constructions

existentielles Žvitent la controverse en nommant le rŽfŽrent introduit par la construction le Pivot, l'ancrage locatif la Coda

et le prŽdicat existentiel la copule. Creissels (2014) caractŽrise quant ˆ lui la construction existentielle comme une

Predication Locative Inverse o les constituants sont analysŽs en termes gestaltistes comme Figure et Fond. Il nÕest jamais

question de sujet et dÕobjet, ce qui est en accord avec la nature thŽtique de ces ŽnoncŽs.

(9) Il y a un cheveu dans la soupe

EXPLETIF PROFORME COPULE PIVOT CODA

COPULE FIGURE FOND

La comparaison de il y a et de on voit repose fondamentalement sur la possibilitŽ de rŽduire le schŽma actantiel de voir

un actant sujet (le voyeur/ lÕobservateur), et la lecture existentielle de lÕŽnoncŽ en voir est tributaire de lÕaffaiblissement

ou lÕeffacement des propriŽtŽs rŽfŽrentielles de cet actant par une sŽrie de moyens tels que lÕusage de pronoms indŽfinis

ˆ lecture gŽnŽrique (10-11), ou lÕusage du passif pronominal de voir comme dans lÕexemple (7a) citŽ plus haut.

(10) a. C'était un pauvre diable sans âge bien défini comme on en voit au moins un dans chaque village, haillonneux,

hirsute, lÕoeil na•f et rusŽ tout ensemble. (Simenon, G., Les vacances, 1948) b. É comme il y en au moins un dans chaque village É les gens 4

peuvent voir de beau dans la Sixtine, dans la leon dÕanatomie ou dans la musique de Wagner.

(Thibaudet, A., Réflexions sur la littérature, 1936) b. É ˆ se demander ce quÕil y a de beau dans la Sixtine, É

LÕaffaiblissement des propriŽtŽs rŽfŽrentielles de lÕactant sujet de voir est une condition nŽcessaire ˆ lÕinterprŽtation

existentielle qui prend la forme [(on) + voir + Pivot (+ Coda)] ou [Loc + se voir + Pivot]. La question se pose de savoir

si les autres propriŽtŽs sont Žgalement nŽcessaires, sÕil existe des corrŽlations entre leur rŽalisation ou leur non-rŽalisation

et une lecture plus thŽtique (et existentielle) ou plus catŽgorique (et perceptuelle) des ŽnoncŽs en voir.

3 C263+D+3+,6'#."#on voit&: le @+/4,#",#$(#F4.(#

savoir lÕintroduction dÕun SN indŽfini (le Pivot ou la Figure) et lÕancrage locatif (la Coda ou le Fond).

une recherche dÕexemples dans Frantext : 140 exemples rŽpondant au schŽma [on + voir + DŽt indŽfini] ont ŽtŽ examinŽs

et annotŽs. Ce nombre reste cependant insuffisant pour prŽsenter des donnŽes quantifiŽes. De plus, afin de comparer avec

dÕautres emplois du verbe voir, nous avons également intégré des exemples de structures un peu diffŽrentes, notamment

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avec un sujet personnel, ou avec un SN dŽfini. Aussi, notre argumentation repose-t-elle essentiellement sur un aller-retour

possibilitŽ dÕanalyser des donnŽes massives 5 , car lÕinterprŽtention existentielle que nous recherchons ne repose pas

uniquement sur un ensemble de marques formelles et il nÕest pas toujours Žvident de trancher si un exemple exprime

lÕexistence ou la perception, car ils se situent souvent dans une zone grise entre une interprŽtation thŽtique et catŽgorique.

3.1 Le socle de la compa0(+'4-#E#$"#@+/4,#

Le Pivot de la construction existentielle est le SN indŽfini dont on asserte lÕexistence ou la prŽsence dans un lieu (Bentley

et al., 2013 : 1), comme un cerf dans lÕŽnoncŽ il y a un cerf dans le jardin. Les dispositifs linguistiques permettant

d'exprimer l'existence peuvent varier à travers les langues, mais le Pivot reste le seul ŽlŽment minimalement prŽsent. En

franais, comme dans de nombreuses langues, le Pivot appara"t en position postverbale, position dŽdiŽe ˆ lÕinformation

rhŽmatique. Il existe des contraintes de dŽfinitute (Definiteness Effect) liées au rôle présentationnel de la construction

existentielle : le Pivot, dans la plupart des langues, doit dÕune part tre indŽfini, et dÕautre part tre prŽsentŽ comme

apportant de lÕinformation nouvelle dans le discours conformŽment ˆ la nature thŽtique de lÕŽnoncŽ

6

Le complŽment dÕobjet du verbe voir est le constituant Pivot de lÕŽnoncŽ ˆ valeur existentielle. Structurellement, il

occupe la mme position postverbale que le Pivot dans la construction en il y a, ce qui permet dÕŽtablir un parallŽllisme

entre les deux structures. NŽanmoins, la prŽsence dÕun SN indŽfini nÕest pas suffisante pour garantir une lecture

existentielle. Ainsi, dans lÕexemple (12), cÕest la lecture perceptuelle qui prŽvaut :

(12) Les maisons au fond de la placette Žtaient dŽjˆ obscures, mais par son c™tŽ ouvert qui donnait sur la campagne,

on voyait un pan de ciel bleu sombre, dÕune douceur de velours, et la torche qui bržlait au ras du sol, immobile

dans lÕŽloignement. (Gracq, J., La PresquÕ"le, 1970)

La lecture existentielle est bloquŽe par la prŽsence dÕun cadre spatial, introduit par par, qui exprime le chemin d'accès à

la chose perue. Ce procŽdŽ, identifiŽ comme compte-rendu de perception, nÕasserte pas lÕexistence de quelque chose

mais la vision de quelque chose dont le lecteur peut, par infŽrence, dŽduire lÕexistence ou la prŽsence. En tout Žtat de

cause, il y a ne peut pas commuter avec on voit dans ces contextes car il ne peut sÕaccomoder dÕun ancrage locatif en par

(dynamique ou mŽdian) qui nÕest pas le lieu o se situe lÕentitŽ dŽnotŽe par le Pivot (# par le côté ouvert de la placette, il

y a un coin de ciel bleu sombre..., # par la fentre, il y avait...). Avec voir, le lieu de l'observateur peut ne pas correspondre

au lieu de la chose perue, ce qui est impossible avec il y a, qui ne peut donc entrer dans ces contextes de compte-rendus

de perception (cf. Vogeleer 1994).

Dans dÕautres cas, on peut identifier des exemples o la lecture existentielle est possible sans toutefois exclure

Žtablir entre existence et perception : ce qui est vu existe ou est prŽsent :

(13) Ils sÕen venaient dÕun champ aux sillons argileux, o lÕon voyait une rangŽe de croix avec des kŽpis dessus,

fosses, lugubres et lÕoeil fatal, avec de la terre plein la barbe. (Benjamin, R., Gaspard, 1915)

De la mme faon, ce qui nÕest pas vu nÕexiste pas ou est absent. Dans le domaine de la nŽgation, la lecture existentielle

est plus immŽdiate lorsque la nŽgation porte directement sur lÕentitŽ, et non sur la capacitŽ ˆ voir : si on ne voit pas

dÕŽtoiles, en (14), cÕest quÕil nÕy en a pas, de la mme faon que si on ne voit pas de bonne raison, cÕest quÕil nÕy en a pas

celui des bonnes raisons.

(14) -on nÕentend rien. On ne voit pas dÕŽtoiles. (Claudel, P., La Jeune fille Violaine, 1901)

(15) Et quÕon ne voit aucune bonne raison pour que la recherche du trafic ne puisse tre faite aussi heureusement par

ces agents quand ils sont au service de lÕŽtat que lorsquÕils sont au service des compagnies. (Chardon, H., Les

Travaux publics : essai sur le fonctionnement de nos administrations, 1904)

En cherchant sÕil existe une spŽcificitŽ des Pivots associŽe ˆ une lecture existentielle de voir, nous avons observŽ que

lÕusage que voir possède en propre, par rapport à il y a, est la possibilité d'une saisie dynamique des choses perçues, liée

spŽcificitŽs observŽes consiste dans le fait que le Pivot dans lÕinterprŽtation existentielle de voir dŽsigne souvent une sŽrie

dÕentitŽs, comme saisies par un mouvement de camŽra qui balaie lÕespace. Dans lÕexemple (16), ce nÕest pas seulement

la vue qui est sollicitŽe (on voyait, on lisait) mais aussi l'ouie (on entendait).

(16) Tout était gris. En face, un marchand de chaussures en blouse verte se tenait devants un Žtalage en attendant le

client. On voyait des grappes de galoches noires au long dÕune tige de bois, des chapelets dÕespadrilles, des

chaussures montantes attachŽes par les lacets ˆ des tringles, des sandales en caoutchouc moulŽ. Sur le calicot,

on lisait : SpŽcialitŽ de Charentaises. Plus bas, vers la gare de lÕEst, on entendait le ferraillement du tramway.

(Sabatier, R., Trois sucettes à la menthe, 1972)

De faon gŽnŽrale, le Pivot introduit par voir présente un comportement particulier sur le plan du nombre. La lecture

de la transitivitŽ de Hopper & Thompson (1980), le degrŽ dÕindividuation de lÕobjet joue un r™le : le faible degrŽ

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d'individualisation de l'objet contribue au faible degré de transitivité de l'énoncé. Il n'est donc pas étonnant d'observer

un plus grand nombre de Pivots dŽnotant des entitŽs plurielles ou collectives dans les ŽnoncŽs ˆ lecture existentielle.

(17) Passé Mignaval, ils prirent par Jarroux et Jarrix. Cela sentait dŽjˆ la montagne. On voyait des hangars de fagots

et dÕŽcorces, des bacs moussus faits dÕun tronc dÕarbre ; [É] (Pourrat, H., Les Vaillances, farces et aventures

de Gaspard des montagnes, 1930)

(18) La mer avait dŽjˆ dŽfait son corps. Encore quelques heures, et on sentait quÕil aurait ressemblŽ ˆ un poisson. Il

avait deux grosses mains bleues, et sur les pieds, lÕun nu, lÕautre chaussŽ, on voyait des touffes de varech. (Le

Clézio, J.-M. G., Le Procès-verbal, 1963)

visant ˆ brouiller la rŽfŽrence individuelle : le nom est souvent prŽcŽdŽ dÕun dŽterminant nominal du type une sorte de

qui tend ˆ rendre plus vague la rŽfŽrence ˆ lÕentitŽ, comme en (19) :

(19) En effet, il se passait quelque chose dÕextraordinaire chez Clodius. Devant le bois, on voyait une sorte de

breack, pareil au mien. Il Žtait arrtŽ. (Bosco, H., Le Mas Théotime, 1945)

En somme, lÕexamen des propriŽtŽs spŽcifiques du SN indŽfini introduit par voir a montrŽ :

- que cette lecture existentielle est favorisŽe quand le SN dŽnote une pluralitŽ (un pluriel, un collectif, un massif, une

sŽrie) qui contribue ˆ lÕaffaiblissement de la transitivitŽ de lÕŽnoncŽ ;

3.<#=%(-30()"#G$43(,+DH#E#$(#F4.(##

De nombreux travaux ont commenté le rapport étroit entre existence et espace. Dans le sens commun, il est naturel de

penser quÕexister, cÕest tre quelque part. Dans la langue, la construction existentielle (schŽmatisŽe en (9)) inclut un

constituant locatif (Coda) qui peut ou non tre rŽalisŽ, en lien avec lÕindŽfinitude du SN introduit (Pivot). La question est

de savoir (i) si le Pivot des ŽnoncŽs en on voit est liŽ ˆ un constituant locatif ou plus gŽnŽralement ˆ un constituant

spŽcifiant, (ii) si un tel constituant remplit la mme fonction dÕancrage rŽfŽrentiel du Pivot que dans la construction

existentielle en il y a, et (iii) si sa prŽsence est nŽcessaire pour accŽder ˆ lÕinterprŽtation existentielle de voir.

En prŽambule, nous apportons une remarque mŽthodologique supplŽmentaire relative ˆ la faon dÕidentifier la

locatif peut tre implicite mais rŽcupŽrable dans un contexte immŽdiat, ou dans un plan discursif plus large. Nous avons,

pour chaque exemple, observŽ une fentre dÕune vingtaine de mots distribuŽs dans les contextes gauche et droit de notre

de la proposition. Nous nÕavons pas de vue systŽmatique sur la prŽsence implicite dÕun locatif dans un contexte plus large.

'+!voir%

Il existe un ensemble de contraintes sur le caractère indéfini du Pivot dans la construction existentielle que nous allons

exposer. Pour donner une vision dÕensemble de la problŽmatique, nous commenons par rapporter les trois types

dÕexistentielles qui ont ŽtŽ distinguŽs dans la littŽrature (cf. entre autres, Lambrecht 2002, Beyssade 2004, Leonetti 2008) :

la construction existentielle proprement dite (true existentials) (20), la construction prŽsentationnelle ou ŽvŽnementielle

(event-reporting) (21) et les constructions ŽnumŽratives (list sentences) (22). (20) a. Il y a un frelon (près de ta tte) (cf. Charolles 2002) b. * il y a le frelon (21) a. Y a le facteur (qui arrive) (cf. Lambrecht 2000) b. ? Y a un facteur (qui arrive)

(22) Il y avait Laurel et Hardy, Sacco et Vanzetti, Burton et Taylor. Il y avait Footit et Chocolat. (Manchette J.-P.,

Journal : 1966-1974, 2008)

Le locatif dans la construction existentielle proprement dite a ŽtŽ analysŽ soit comme un adjoint du groupe verbal (voir

McNally 1992, Abbott 1993), soit comme un modifieur du SN Pivot (Leonetti 2008), cÕest-ˆ-dire comme partie

spŽcifiante du Pivot 7

. Son rôle sémantique est de fournir un domaine dÕinterprŽtation du SN Pivot. Ainsi, si on reprend

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