[PDF] Anthropologie politique : savoirs et pouvoirs - Horizon IRD

l'objet de l'anthropologie sociale, proche de la sociologie dès la naissance de celle-ci à la fin du XIX e siècle. L'histoire de l'anthropologie avant sa ...
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l'objet de l'anthropologie sociale, proche de la sociologie dès la naissance de celle-ci à la fin du XIX e siècle. L'histoire de l'anthropologie avant sa ...
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ANTHROPOLOGIEPOLITIQUE

SAVOIRSETPOUVOIR

SuzanneCHAZAN-GILLIG

IRD

Introduction

Cet article a pour objet de traceràgrands traits lecontexte intellectueldans lequell'anthropologiepolitique s'estconstituée commeunchampautonome,pourdévelopperen second lieu le point de vue selon lequel laspécificitédel'anthropologierelève d'unmode deproductiondusavoirinséparabledupouvoirqui le constitue.

Naissancedel'anthropologiepolitique

L'anthropologiepolitiqueest unchampd'analysequis'est construitde manièreautonomedans le paysageintellectuelparticu lier de ladécenniedes années 1950-60. Ces années ont connu une effervescencedoctrinaleautourde la penséestructuralisteet marxiste tandis que seconstituaitl'écolefreudiennede Paris (EFP). Denombreux débats!eurentlieuàl'époqueet jerappelleraicelui qu'asuscitél'exposéde Yves Durouxàl'ENS(1965)sur la notion destructureà partird'unelecture des écrits de Husserl, Lacan et Merleau-Ponty.L'analysede Duroux eut un grandretentissement dans le milieuintellectuelparisien,regroupéautourdes "analystes sans divan»dont le noyau durfréquentaitlesséminaires d'Althusseret de Lacan. Au nombre de cesintellectuels,figuraient desanthropologuesdont certains seréclamaientde laphénoméno-

1Ces débatsopposantstructuralismeet marxisme avaient interrogé le

statut du sujet par rapportà laconscienceet à la science. ._111°92-5'3,2003 51

Suzanne Chazan-Gillig

logie et de Sartre (1960) dans leur méthoded'observationdes évé nements qui se produisaient dans le temps del'enquête.Ainsi, Gérard Althabe a mis au point à Madagascar une approche tout à fait originale fondée surl'apportde la phénoménologie et de la philosophie sartrienne enexpérimentantla notion de situation d'enquête qui sera le point de départd'uneréflexion épistémologi que visant à distinguer ce qui est del'ordrede la production verbale dite conscience verbaleproduite sur le lieu des enquêtes et ce qui est del'ordrede la mise en scènedepratiques et comportements. L'étudedu décalage existant entre ces deux niveauxd'analyse permettait alors de préciser le vraisujet de la recherche ainsi objec tivé. Ceux qui, comme jel'aifait, ont adopté ce typed'approchede la réalité, se sont attachés à mettre en évidence la manière dont s'édifiaitle lien social dans les circonstances del'enquêtepour, ensuite, marquer les processus de séparation ou les changements qualitatifs par lesquelss'instituaientles inégalités produites et leurs rationalisations a posteriori. On pouvait en déduire quel'objetde recherche est une illusion pratique pour se fixer des objectifs a priori de recherche, illusion à laquelle ilimportait de ne pas succomber. Dans le même ordred'idéeet à la même époque, Lucien Sebag, élève de Lévi-Strauss, publiait son ouvrage

Marxisme et

structuralisme inspiréd'unséjour sur le terrain passé chez les Guayaki et Ayoréo du Paraguay et de Bolivie. Cet ouvrage, publié peu avant sa mort en 1965,fut présenté et salué par Henri Lefebvre, alors professeur àl'universitéde Strasbourg, comme celuid'un précurseur vis-à-visd'autrestravaux en cours de publication. Parmi ces travaux, je citerai les plus connus portant sur la théorie des modes deproduction:Maurice Godelier, élève de Lévi-Strauss, Claude Meillassoux, Emmanuel Terray et Pierre-Philippe Rey, élèves de Georges Balandier.L'objectifavoué de Lucien Sebag dans ce livre quej'avaislu avant de partir sur le terrain, en 1967, était de produire une synthèse del'histoiredes sociétés déterminées parl'infrastructureéconomique, oùl'histoireindividuelle était considérée et analysée comme une forme de détermination inconsciente. Le domaine du politique naissait ainsi à travers une 52

Anthropologiepolitique:savoirs etpouvoir

double interrogation - historique et économique - qui oscillera, selon les auteurs, entre le théoricisme florissant àl'époqueet l'empirisme le plus radical. Certains collègues anthropologues se sont alors rangés sous la bannière del'anthropologiehistorique, d'autres sous celle del'anthropologieéconomique mais, dans tous les cas, ces orientations se manifestaient de manière doublement critiques:à la fois vis-à-vis del'ethnologieet des autres sciences sociales productrices des catégories classiques du savoir de l'histoire et de l'économie. Je dirai que la période des années 1960-1980 a été pour l'anthropologie, celle des héritiers par la manière dont ils furent entraînés à débattre sur le terrain des disciplines majeures de la philosophied'unepart (Althusser et Sartre), de la psychologie (Lacan), del'ethnologie(Lévi-Strauss, 1947, 1962)et sur le terrain privilégié du rapport de la parole à l'écriture donc de la recherche du sens dans les disciplines des sciences sociales. Les débats des maîtres à penser que furent Lacan, Lévi-Strauss, Althusser (1965a,

1965b) et Sartre, Barthes (1953, 1957),ete. ont nourri les réflexions

des anthropologues qui ont infléchi la théorie juridique de la souveraineté en fondant leurs analyses de la légitimité du pouvoir sur l'étude des formes de la royauté ou de l'État.L'anthropologie politiques'instituaitsur le terrain des méthodes, du langage et de l'écriture- et les anthropologues! ont de plus en plus centré leurs

2Cf.Foucault(1966),Les mots et les choses.L'ethnologieoccupeselon

ainsi:"L'ethnologieinterroge la région qui rendpossibleen général unsavoirsurl'homme ...Elle traverse tout lechampde cesavoirdans unmouvementqui tend à en rejoindreleslimites ...L'ethnologiese loge àl'intérieurdu rapport singulierque la ratiooccidentaleétablitavec toutes les autrescultures ...A partirde là, ellecontournelesreprésentationsque les hommes, dans une civilisation,peuvent sedonner d'eux-mêmes»(p.389-390).Plus loin, l'auteurparle dudynamismepropre del'ethnologievis-à-vis des autres sciencessociales: "Elleanime ledomaineentierdessciencessociales... répand sesconcepts...proposesesméthodesdedéchiffrementet ses interprétations»(p. 390).

3Parmi lesouvragesles plusconnusde cetteépoqueje citerai dansl'ordre

de parution desouvrages:(1964)ClaudeMeillassoux,

Anthropologie

53

SuzanneChazan-Gillig

questionnementssur les modes deproductionde l'ÉtalC'esten

1977 queparaissentles 4 volumesd'HenryLefebvre

Lemodede

productionétatique.Ce thème majeurs'imposeracommeuncadre d'explicationglobal des sociétés africainesquelquesdix années aprèsqu'ellesaient acquis leurindépendance.Le systèmecolonial avait déjà faitl'objetd'analysescritiquesau double point de vue de sociétés ensituationdedominationéconomiqueexterneet en posi tion deconstruireles cadresnouveaux d'uneindépendanceréelle. Les notions de tiers monde (1947), desituationcoloniale,de transformationetdynamiquesociales serontdébattuesdans le séminairedeGeorgesBalandier (l955, 1966) de sorte que les revus et corrigés,problématisésdans des travaux de recherche qui seréclameront d'unempirismeradical avant de poser lescatégories explicativesde la totalité sociale. La notion deréférentprécolonial proposéeplus tard parJean-PierreDozon(1985)4 seraconsidérée commeunecatégorieconstitutivedel'édificationdu lien social et de satransformationdans lecontextecolonialetnéocolonialpar la mise enpratiquede nouveaux modesd'institutionnalisation.De la notion de situationcolonialequi avait servi decadred'objectivation dufonctionnementdes sociétés etd'évaluationdesrégimesqui se sont mis en place dans les années 1960, on est passé en 20 ans à celle deréférentprécolonial.Le champ dupolitiqueseprésentait d'uneanalyse de la vio lence -intérioriséeou non - parlaquelleselégitimetout pouvoir. Cette notion agénérédesinterrogationsnouvellesportantsur l'étudedesnationalismesémergents,fondés sur uneappropriation sociales acquises à la faveur desindépendanceset face aux nou veauxrapportsÉtat-sociétésinstruits par desgénérationsqui n'ont économique des Gouro de Côted'Ivoire;(1966) Maurice Godelier, Rationalitéetirrationalitéenéconomie;(1969) Emmanuel Terray.Le marxisme devant les sociétésprimitiveset Pierre-Philippe Rey (1971). Colonialisme,néocolonialismeet transition au capitalisme.

4Cette notion de référent précolonial constituel'acméedelathèsede

l'auteur. 54

Anthropologiepolitique:savoirs etpouvoir

pas vécu, ni expérimenté directement la situation coloniale. L'avènementdes indépendances africaines et les interrogations sur leur devenir face aux régimes qui se sont succédé par la suite ont vu l'anthropologie politique se doterd'outils d'analysepour saisir de l'intérieurles transformations

àl'oeuvre, pour identifier le contenu

réel ou supposé de l'émancipation

àl'égarddel'ancienpouvoir

colonial. Le pouvoir tel qu'il a été analysé dans les recherches africanistes relevait dans tous les casd'uneconception juridique et

économique inséparable de la domination.

L'enseignement del'anthropologiea eu pour objet de problématiser les sujetsclassiques del'ethnologie: - Les structuresde la parenté et les formes de l'État. - Les catégories declassement:ethnique, Iignagère, de caste, de classe sociale et les modes de production qui lesspécifient:les différenciations

àl'oeuvre.

-L'étudedes représentations se fera au regard de leur mise en pratique dans les jeux cérémoniels où les rites et les mythes seront analysés comme relevant de la transformation du lien social et donc signifiés par rapport aux situationsqu'ilsreprésentent. Certains mythes fondateurs de la royauté pouvaient ainsi, quand ils étaient rapportés aux contextes locaux dans lesquels ils étaient utilisés, signifier le contraire "lepeuple»dans son acception présente. Une importance particulière sera donnée

àl'étudedes messianismes

africains qui seront compris comme des manifestations sociales, révélatricesd'unetransformation

àl'oeuvre,àla fois politique et

économique.

D'une manière générale, les concepts et les discours sur la méthode se différencieront des autres approches des sciences sociales par l'accent mis sur le contenu nécessairement subjectif de la démarche anthropologique,

àpartir de quoi il appartenait aux

chercheurs de construire une réflexion rétroactive del'expérience vécue dont les situations d'enquêtes étaient porteuses. Par cet exer cice critique permanent destiné

àmettre en relation les différents

domaines de l'activité sociale et simultanément

às'interrogersur la

méthode, l'anthropologie française a pris un tournant particulier, 55

Suzanne Chazan-Gillig

différent des modesd'approchedes anglo-saxons et souvent critique vis-à-vis de la psychologie sociale américaine. Lanotion d'observation participante et l'apportdela psychanalysei Certains concepts venus de lapsychologiecomme celui "d'analyseur»de Lourau et Lapassade seront transposés dans la situation néocoloniale pour une approche critique des opérations de développementafin de mettre en évidence le contenu symbolique caché de la domination quis'exercesur les sociétés soumises à des transformations économiques relevant de modèles externes de développement. Dans ces études, on constate que le cadre d'une même domination peut servird'autresfins que celles pour lesquelles il a été mis en place.

Delà sont nées des formes de

rapports locaux inédits décrits par la littérature anthropologique. D'autresvoiesd'analysedu politique ont été explorées par les anthropologues. Je pense aux travaux de Gérard Althabe (1969), qui transforme les événements enregistrés en coursd'enquêteen objets de pensée parl'exercicerétroactifd'unedouble critique, celle del'observationdirecte des faits observés, comme celle de l'interprétationfinale à donner aux faits afin de situer la place du chercheur étranger dansl'enquête.La notiond'observationpartici-

5Jusqu'en1968, la psychanalyse est enseignée àl'universitésous

l'étiquettede lapsychologieetl'oppositionentrepsychologiesociale et psychologiecliniquea étédétenninantedans les enjeux universitaires au moment de la fondation des chaires depsychologiegénérale à Nanterre, Paris-V, Paris-VU, Censier et avant lafonnationdes unités devaleur qui ont suivi.L'anthropologien'étaitpas directement concernée par ces jeux d'influences carelle avait une place originalequ'aucunedisciplinene lui disputait,s'étantplus ou moins spécialisée sur les questions du développementéconomique despays nouvellement indépendants.La discipline anthropologiques'estaffinnée à travers le clivage établi à l'époqueentre les recherches portant sur les pays du lointain et del'ailleurs et celles portant sur les pays développés du nord où lesquestionsde méthode pour intégrer le statut du sujet dansle discours produit étaient incontournables:l'anthropologies'estidentifiée à un modedeproductionquotesdbs_dbs13.pdfusesText_19