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Universite Claude Bernard Lyon 1
L1 de Mathematiques : Algebre
Annee 2013{2014Ensembles, applications
En guise d'introduction
Le jeu mathematique est addictif, et ce depuis tres longtemps. M^eme au sens moderne, on y joue avecsensiblement les m^emes regles depuis au moins deux mille cinq cents ans { depuis la Grece classique,
Euclide, Thales ou Pythagore. Mais les regles ont toujours ete laissees un peu dans le ou : pour s'en convaincre, on peut constater que les denitionsdu Livre I desElements d'Euclidene denissent pas grand-chose. En fait, on sait au moins depuis les travaux de David Hilbert1au tournant du XXesiecle qu'il manque
un certain nombre d'axiomes pour pouvoir faire des deductions irreprochables. Les mathematiciens de cette epoque, dont Hilbert est une gure de proue, essaient d'asseoir les mathematiques sur des baseslogiques irreprochables, qui pourraient en particulier demontrer la coherence des mathematiques (de sorte
a ^etre s^ur de pouvoir continuer a jouer). Mais la t^ache est dicile et conduit a la crise des fondements.
Produisant une variante du paradoxe du menteur
2, Bertrand Russell met en evidence vers 1901 qu'une
theorie nave des ensembles conduit a des paradoxes insurmontables. Ernst Zermelo et publie en 1908 une liste d'axiomes completee par Abraham Frankel pour donner le paradigme dans lequel sont enoncees (presque) toutes les mathematiques contemporaines.Plus tard, en 1929, Kurt Godel publie le theoreme de completude qui paracheve en quelque sorte la mise
au point des regles du jeu : il donne un sens avraiet explique en quoi les notions devraiet dedemontrable
se correspondent. C'est un grand succes. Malheureusement, en 1931, le m^eme Godel prouve le theoremed'incompletude, plus celebre que le precedent mais sans doute moins utile, qui exprime qu'a l'interieur
d'une theorie non triviale, il n'est pas possible de prouver la coherence de la theorie { c'est une autre
variation du paradoxe du menteur. Cette histoire est fascinante mais hors de nos objectifs. Dans ce chapitre, nous allons simplement voir les notations necessaires pour manipuler les ensembles et les applications (fonctions) et quelques resultats abstraits au passage.I Ensembles
1Notions de base
a) Pas de denition.Non, il n'est pas question de donner une denition de ce qu'est un en- semble. Les manipulations qui suivent correspondent a l'idee intuitive d'une collection d'objets 3.Tout repose sur la relation d'appartenance.
Si l'on a un objetxet un ensembleE, on forme une assertion noteex2E, que l'on litx appartient aE,xest un element deEouEcontientx; elle est vraie ou fausse. En termes vagues, un ensemble contient des elements4. Mieux : un ensemble est caracterise par
les elements qu'il contient. Autrement dit, deux ensembles sont egaux si et seulement s'ils ont les m^emes elements. En symboles : siEetFsont deux ensembles, on a l'equivalence :E=F()8x; x2E,x2F:1. David Hilbert, 1862-1943, mathematicien allemand que l'on retrouvera en deuxieme annee avec les espaces
hilbertiens.2. Attribuer une valeur de verite a la phrase
Cette phrase est fausse.conduit a une contradiction. Russela constate que s'il existe un ensemble de tous les ensembles, on peut alors denir l'ensembleFdes ensembles qui
ne se contiennent pas; il est impossible de repondre a la question : est-ce queFse contient?3. D'un autre c^ote, comme toutes les mathematiques s'expriment,in ne, en termes de theorie des ensembles,
on peut considerer que tout objet mathematique est un ensemble, de sorte que le motensembledevient a peu
pres synonyme desymbole, ce qui le vide de son sens.4. Le determinantdesest indeni : un ensemble peut contenir un seul element, voire aucun.
1 b) Deux facons de decrire un ensemble : |en extension, c'est-a-dire par la liste exhaustive de ses elements, que l'on ecrit entre accolades; voici des exemples : l'ensem blef1;4;5gest l'ensemble dont les elements sont exactement 1, 4 et 5 et aucun autre :8x; x2 f1;4;5g ,(x= 1 oux= 4 oux= 5);
on p eutd enirB=f1g;f0;2g;f1;3g; c'est un ensemble qui contient trois elements, lesquels sont eux-m^emes des ensembles; il importe de noter que dans la notation, l'ordre des elements n'importe pas et la repetition est autorisee; ainsi, on a :f1;2g=f2;1g=f1;2;1getf1;1g=f1g; |en comprehension: on caracterise les elements d'un ensemble par une propriete; plus precisement, on se donne un ensembleEet une assertionP(x) dans laquellexest une variable parlante et qui a un sens lorsque l'on remplace cette variable par un element quelconque deE; les elementsxdeEpour lesquelsP(x) est vraie forment un ensemble que l'on note5:x2E; P(x);
voici quelques exemples : l'ensem blefx2R;1x2gest l'intervalle [1;2]; on a : N=fx2Z; n0g; an ticipantsur la suite p ourla notation R2et les couples,(x;y)2R2; x2+y2= 1 designe un cercle dansR2. c) L'ensemble vide Il existe un ensemble appeleensemble videet note;oufgqui ne contient aucun element : pour tout objetx, l'assertionx2 ;est fausse. Notons qu'il n'existe qu'un seul ensemble vide : siEest un ensemble vide, alors pour toutx, l'assertion x2Eest fausse donc on a l'equivalencex2E,x2 ;, de sorte queE=;. d) Cardinal On ne va pas donner de denition precise de la notion de cardinal (mais il en existe). On se contentera d'utiliser le mot et la notation card(E) pour designer lenombre d'elementsd'un ensembleE. En premiere approximation, c'est un entier naturel ou l'inni. Par exemple : card(;) = 0; cardf1;4;5g= 3; card(N) =1. 2Inclusion et parties
a) Inclusion Denition.SoientEetFdeux ensembles. On dit queFest inclus dansEou queEcontientF et on ecritFEsi tout element deFappartient aE, c'est-a-dire :8x; x2F)x2E:
On dit encore queFest unepartiedeE.
On voit que la relation d'inclusionest un phenomene d'implication. b) Ensemble des parties Un axiome assure que pour tout ensembleE, les ensembles inclus dansEforment un ensemble appeleensemble des partiesdeEet note generalementP(E) (ou parfois 2E). Exemple.On a :P(;) =f;g;Pf1g=;;f1g;Pf1;2g=;;f1g;f2g;f1;2g.Exercice(infaisable pour l'instant...).Pournentier naturel, on a : cardPf1;:::;ng= 2n.5. On trouve aussi les notations
x2E:P(x)etx2EjP(x); le separateur n'importe pas. 2 3Operations sur les ensembles
a) Produit cartesienEtant donnes deux objetsxety, on forme lecouple(x;y). Informellement, c'est une liste
ordonnee dont le premier element estxet le deuxiemey. Ainsi, on a : (x;y)6= (y;x) six6=y et (x;x)6= (x) (et (x;x)6=x). (C'est donc tres dierent des paires : comparer avec les egalites : fx;yg=fy;xgquels que soientxetyetfx;xg=fxg.) Plus formellement (ne pas retenir ce paragraphe), on peut denir le couple (x;y) comme l'en- semblefxg;fx;yg. Cela constitue un codage des couples en termes que l'on a deja rencontres. On peut verier que la donnee defxg;fx;ygpermet de retrouver, en les distinguant,xety. Etant donnes deux ensemblesEetF, les couples (x;y) formes par un elementxdeEet un elementydeFforment un ensemble appeleproduit cartesiendeEparFet note :EF.F EEF011(1;0)(1;1)2(2;0)(2;1)3(3;0)(3;1)Figure1 { Un exemple de produit cartesien :E=f1;2;3g,F=f0;1g
Exercice(infaisable pour l'instant).SoientEetFdeux ensembles nis. Justier l'egalite6: card(EF) = card(E)card(F). b) Reunion et intersection Denition.SoientEetFdeux ensembles. On appellereuniondeEetFet on noteE[F (lire : EunionF) l'ensemble dont les elements sont ceux qui appartiennent aEou aF:8x; x2E[F,(x2Eoux2F):
On appelleintersectiondeEetFet on noteE\F(lire :EinterF) l'ensemble dont les elements sont ceux qui appartiennent aEet aF:8x; x2E\F,(x2Eetx2F):
Proposition.SoientE,FetGtrois ensembles. On a :
(i)E[F=F[E; (ii)E\F=F\E; (iii) ( E[F)[G=E[(F[G); (iv) ( E\F)\G=E\(F\G); (v)E\(F[G) = (E\F)[(E\G); (vi)E[(F\G) = (E[F)\(E[G).Demonstration.Exercice facile qui utilise des proprietes analogues des connecteursetetou.26. Le signedu membre de gauche est le produit cartesien des deux ensembles; celui du membre de droite
est le produit des entiers. 3 c) Dierence et complementaire Denition.SoientEetFdeux ensembles. On appelledierencedeEetFet on noteEnF (lire : Eprive deF) l'ensemble dont les elements sont les elements deEqui n'appartiennent pas aF:8x; x2EnF,(x2Eetx =2F):
Proposition.SoientE,FetGtrois ensembles. On a :
(i)En(F[G) = (EnF)\(EnG); (ii)En(F\G) = (EnF)[(EnG); Demonstration.Exercice qui utilise des proprietes des connecteurset,ouetnon.2 Denition.SoitEun ensemble et soitAune partie deE. On appellecomplementaire deA dansEl'ensembleEnA. On le note parfoiscAouCEA. Mise en garde.La notion de complementaire n'a pas de sens sans un ensemble de referenceE. Par exemple, soitA=f1;2;3g. Si l'on considereAcomme une partie def0;1;2;3;4g, le complementaire deAestf0;4g. Mais si l'on considereAcomme une partie deN, son complementaire estf0;4;5;6;:::g. On peut reformuler la proposition precedente dans le cas de deux parties d'un m^eme ensemble. Proposition.SoientEun ensemble et soientAetBdeux parties deE. On a : (i) c(A[B) =cA\cB; (ii) c(A\B) =cA[cB. Remarque.Tous les connecteurs du chapitre sur la logique ont une traduction pour les ensembles. Voici la correspondance (on xe un ensembleE, deux partiesAetBdeEet ennxdansE) : logiqueensembles implicationx2A)x2BinclusionAB disjonctionx2Aoux2Breunionx2A[B conjonctionx2Aetx2Bintersectionx2A\B negation non(x2A)complementairex2EnA4Quelques cardinaux
a) Cardinal de la reunion Vu que nous n'avons pas de denition raisonnable du cardinal, nous prendrons pour acquis le fait suivant. Fait.SoientEetFdeux ensembles nis disjoints,i.e.tels queE\F=;. Alors : card(E[F) = card(E) + card(F): Proposition.SoientEetFdeux ensembles nis quelconques. Alors : card(E[F) = card(E) + card(F)card(E\F): Demonstration.SoitE0=En(E\F). On verie que l'on a :E[F=E0[FetE0\F=;. En appliquant le fait ci-dessus aE0etF, on trouve donc : card(E[F) = card(E0[F) = card(E0) + card(F): De plus, on verie les egalites :E=E0[(E\F) etE0\(E\F) =;. En appliquant le fait ci-dessus aE0etE\F, on trouve alors : card(E) = cardE0[(E\F)= card(E0) + card(E\F):La proposition resulte de ces deux egalites.2
4 EE0FE\FFigure2 { Decomposition d'une reunion en parties disjointes
b) Cardinal du produitProposition.SoientEetFdeux ensembles nis. Alors :
card(EF) = card(E)card(F): Demonstration.On procede par recurrence sur card(E). Pournentier naturel, soitHnl'as- sertion : pour tout ensembleEde cardinalnet tout ensemble niF, on a : card(EF) = ncard(F). ProuvonsH0. SoitEun ensemble de cardinal 0, c'est-a-dire queEest vide. Pour tout ensembleF, le produit; Fest vide car il n'existe aucun couple de la forme (x;y) avecx2 ;ety2F.Ainsi, on a bien : 0 = card(; F) = 0card(F).
Pour l'heredite, on va avoir besoin d'utiliserH1donc il faut la prouver a part. SoitEun ensemble de cardinal 1, notonsx0l'unique element deE. SoitFun ensemble (ni). Il y a autant7de couples de la forme (x0;y) avecy2Fque d'elementsydansF. On a donc :
card(EF) = card(F) = 1card(F), ce qui prouveH1. Soitnun entier naturel, supposons queHnsoit vraie. SoitEun ensemble de cardinaln+ 1 et soitx0un element deE. On noteE0=Enfx0g, de sorte queEest la reunion disjointe defx0g et deE0. Soit alorsFun ensemble ni. On verie queEFest la reunion disjointe defx0gF et deE0F: en eet, un couple (x;y) avecx2Eety2Fappartient afx0g Fsix=x0, a E0Fsix6=x0, mais pas aux deux simultanement. D'apres la proposition precedente, on a :
n+ 1 = card(E) = cardfx0g+ card(E0) = 1 + card(E0), si bien que card(E0) =n, et : card(EF) = cardfx0g F[E0F = card fx0g F+ card(E0F) = card(F) +ncard(F); ou la derniere egalite resulte deH1et deHn. D'ou l'heredite, et l'on conclut par recurrence.2II Applications
Dans ce cours, les motsfonctionetapplicationseront utilises de facon interchangeable. La nuance que l'on peut faire est expliquee dans une remarque plus bas. 1Denition
a) Plusieurs idees de ce qu'est une fonction7. Plus formellement, on dira plus tard que l'applicationF! fx0g F,y7!(x0;y) est une bijection.
5 fx f(x)12345 012f EF f(x)xx;f(x)f(x) = 3x+ 1Figure3 { Quatre images d'une fonction : (a) comme formule (insusant); (b) commema-
chine (tres informel); (c) par un diagramme sagittal; (d) par son graphe (a) L'id eena vede fonction es tli ee acelle de formule: par exemple,y= 3x+ 1; on prend une grandeurx, on exprime une autregrandeurypar une formule qui depend dex. Cette idee est insusante : une formule ne precise pas ou vivent les variables qui la composent ni ou vit le resultat obtenu; de plus, des fonctions bien connues comme le sinus ou la racine carree ne semblent pas ^etre denies par une formule, du moins pas comparable a 3x+1. (b) La deuxi emeid eeest li ee acelle de transfor mation: une fonction fest comme une machine8 qui prend comme ingredient9xet qui renvoie un resultat10f(x) (gure 3 (b)).Ledoit
^etre un element d'un ensemble bien deni, disonsElef(x) doit ^etre un element d'un autre ensemble bien deni, disonsF. Interessant mais pas du tout formalise... (c) La troisi emeid eeest li ee acelle de corresp ondance: la mac hine,le pro cessuspr ecedent permet d'associer a un elementxdeEun elementf(x) deF. On peut representer la situation par undiagramme saggital11. On peut considerer qu'une fonction est la donnee de toutes les eches, lesquelles sont essentiellement des couples de la formex;f(x). (d) Cela conduit naturellemen t ala quatri emeid ee: le graphed'une fonction est justement l'en- semble des couplesx;f(x). Si la variablexet son imagef(x) sont reels et si l'on identie un plan muni d'un repere a l'ensembleR2des couples de reels, c'est bien la representation d'une fonction habituelle depuis le lycee. C'est cette derniere idee qui se formalise convenablement et se visualise le mieux. b) FormalisationDenition.Unefonctionouapplicationfest denie par :
un ensemble de departE; un ensemble d'arriveeF; la d onnee,p ourtout elementxdeE, d'un element appeleimage dexparfet notef(x).Legraphede la applicationfest la partie du produit cartesienEFformee des couplesx;f(x); autrement dit, un couple (x;y) deEFappartient au graphe defsi et seulement si
l'on a :y=f(x); encore autrement dit,xetant xe dansE, parmi les couples (x;y) deEF qui ont pour abscissex, un seul appartient au graphe def: c'estx;f(x).