Le malentendu - Junta de Andalucía
Albert Camus, Le malentendu Pièce en trois actes (1944) 12 [13] LE MALENTENDU (1944) Acte premier Retour à la table des matières Midi La salle commune de l'auberge Elle est propre et claire Tout y est net SCÈNE PREMIÈRE LA MÈRE Il reviendra MARTHA
CAMUS, Le premier homme
3 glisse derrière le lit Le vieux domestique va le ramasser sans que les femmes le voient et se retire » Et elles attendent que les eaux de la rivière montent pour aller y jeter le corps Acte III Le lendemain, alors que Martha croit «entendre déjà la mer», et se sent renaître, le vieux domestique
Extrait de la publication
III Chroniques algériennes 1939-1958 Acte 1, Scène 1 Le Malentendu Et il me semble que vous le saviez tout à l'heure, puisque vous y avez pensé,LA
Séance 4 La satire du « bourgeois gentilhomme
(Scène 3 acte III) Résumé : Scène 5, acte II Le maître tailleur flatte M Jourdain pour obtenir ce qu’il veut de lui ; il lui dit que les « gens de qualité » (les nobles) portent des habits comme le sien III, 1 : scène de transition permettant d’introduire un nouveau personnage : Nicole III, 2 : Nicole se moque de son maître
UNE TEMPÊTE, DAIMÉ CÉSAIRE : LUTILISATION DUN THÈME
kespeare, il n'intervient qu'à l'acte III, scène 3 Pendant pratiquement trois actes, les naufragés n'ont pas su qui les tourmentait La révélation de la présence de Prospero est faite le plus tardivement possible Césaire garde la scène, mais change sa position dans la structure dramatique : elle passe au début de la pièce
Lecture analytique III 4 L Ecole des femmes
Page 1 sur 3 Lecture analytique L’École des Femmes, acte III scène 4 « Le grès surpris? » Créée en 1662, la comédie de Molière, L’École des Femmes a suscité le scandale C’est que Molière place au cœur de sa comédie une jeune « innocente » qui finit par se dévergonder car « L’amour est un grand maître »
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ACTE III : Ruy Blas L'acte se déroule dans la salle de gouvernement du palais royal Dans la première scène, on apprend qu'en six mois, Ruy Blas (qui porte toujours le nom de Don César) a fait une prodigieuse ascension politique Il est comblé de titres et est devenu premier ministre Ses succès
Opéra en actes - Opéra-Théâtre de Metz Métropole – Le
de Verdi éclate dans le long duo qui confronte le père et la courtisane à l’acte II, dont la forme suit pas à pas l’évolution psychologique et la relation qui se noue entre les deux personnages,
Victor ou création les enfants au pouvoir
représentation de la pièce de Tzara, Le Coeur à gaz, dans le cadre de La Soirée du Coeur à barbe, au Théâtre Michel (10) Victor ou les enfants au pouvoir, op cit , Acte III, scène 1, p 125
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1 www.comptoirlitteraire.com présente e malentendu (1944) pièce en trois actes dAlbert CAMUS pour laquelle on trouve un résumé la genèse de l (page 3), ction (page 5), intérêt littéraire (page 7), 7), 8), 13), la destinée de lvre (page 15).
Bonne lecture !
2Résumé
Acte I
On est dans un petit hôtel situé dans une "ville pluvieuse» dun "pays dombre», "un pays de
nuages», quelque part en Bohême. Lhôtel est tenu par une vieille femme et sa fille, Martha, qui ont
un vieux domestique qui parle "le moins possible et seulement pour l'essentiel». À sa mère, Martha
répète combien elle veut quitter cet endroit sinistre, et aller vivre au bord dune mer ensoleillée, dans
un pays où il fait continuellement beau. La mère, qui désire aussi quitter cette vie monotone et
misérable, se rend constamment complice de sa fille dans un stratagème devenu mécanique : elles
endorment dun narcotique de riches voyageurs solitaires, les dépouillent de leurs biens, pour seconstituer un pécule afin de pouvoir partir, et, finalement, elles les jettent dans la rivière.
Ce jour-là, sest présenté un voyageur, dont on apprend, par une conversation quil a avec sa femme,
Maria, qui l'accompagne dans son voyage mais npas descendue dans lhôtel, quil sappelle Jan ;quil est le fils et le frère de ces femmes ; quil s'était exilé depuis une vingtaine d'années pour aller
faire fortune en Afrique ; que, devenu riche et ayant appris la mort de son père, il est revenu dans le
but d'aider enfin sa mère et s ; mais que, par jeu, ou plus exactement parce qu'il veut obtenirla reconnaissance de ses parentes sans avoir à leur dire qui il est, il a décidé de taire son identité, et
de laisser au hasard le soin de leur faire savoir quest revenu le fils prodigue. Il préfère aussi être seul
pour retrouver a autrefois abandonnées. Maria essaie de le convaincre quil lui faut soittout simplement révéler son identité, soit repartir avec elle dans leur pays. Mais cest en vain : il
sobstine, et elle doit sen aller.Se trouvant avec Martha, il prétend sappeler "Hasek, Karl», affirme être né en Bohème, venir
dAfrique ; il lui tend son passeport que, cependant, elle ne regarde pas. Elle lui indique quelle tient à
ce quils "gardent leurs distances», quil est "dans une maison sans ressources pour le ur», tout
en linvitant à parler de lui, ce quil ne fait pas, attendant une occasion plus propice à sa déclaration.
À la mère, il révèle toutefois quil a connu la région autrefois, laisse entendre que, après la mort de
son mari, elle aurait bien eu besoin de laide dun fils. Lhabituelle entreprise criminelle des deuxfemmes est donc retardée par le fait que Jan parvient à éveiller petit à petit l'intérêt de sa mère et sa
curiosité. Mais Martha se met constamment entre eux deux pour éviter qu'ils ne tissent des liens, et
qu'ils ne communiquent ; elle souhaite en effet en finir au plus vite.Étant seule, la mère se dit fatiguée des crimes quelle commet avec sa fille, voudrait remettre celui-ci
au lendemain. Mais Martha revient et insiste pour que cela se fasse ce soir même.Acte II
Dans sa chambre, Jan en vient à regretter davoir laissé sa femme passer une nuit seule. Marthaentre pour apporter des serviettes et de leau. Une conversation sengage, où il tente encore de
glisser des allusions sur son identité, dont cependant elle ne saisit pas le sens ; où elle lui fait part de
leur désir, à elle et sa mère, de fermer lhôtel, et de quitter lendroit ; où elle linterroge sur le "beau
pays» méditerranéen dont il vient, dont il lui parle avec lyrisme, ce qui fait quelle semble un moment
connaître un sentiment d'apaisement et de sérénité, avant de se reprendre avec violence.En effet, aussitôt après cette évocation par Jan d'un "ailleurs» paradisiaque qui lui rappelle tant sa
situation à elle qui est misérable, Martha se résout à passer à l'acte puisque, à la scène 3, elle lui
apporte du thé quil na pourtant pas demandé : il sagit de lempoisonner.À la scène 6, la mère vient voir Jan pour savoir sil a déjà bu le thé ; elle se montre de plus en plus
sensible aux propos bienveillants et respectueux quil a envers elle ; elle pense, au fond d'elle, vouloir
revenir en arrière pour éviter le crime, mais il est trop tard. Alors quil donne "des signes de fatigue», il
lui dit qu'il va quitter l'hôtel car il ne s'y sent pas à sa place, mais qu'il ne partira pas comme un hôte
indifférent.Ensuite, Martha vient constater qu"il dort», et, tandis que sa mère se plaint : "Je naime pas cette
façon de me forcer la main» ; quelle dit : "Il ne porte plus la croix de cette vie intérieure qui proscrit le
repos, la distraction, la faiblesse», Martha "fouille le veston et en tire un portefeuille dont elle compte
les billets. Elle vide toutes les poches du dormeur. Pendant cette opération, le passeport tombe et
3glisse derrière le lit. Le vieux domestique va le ramasser sans que les femmes le voient et se retire.»
Et elles attendent que les eaux de la rivière montent pour aller y jeter le corps.Acte III
Le lendemain, alors que Martha croit "entendre déjà la mer», et se sent renaître, le vieux domestique
lui tend le passeport quil faut détruire parce quil alerterait la police. Cette fois, le nom lui saute aux
yeux, et elle le fait lire à sa mère, qui déclare vouloir mourir, ajoutant : "Lamour dune mère pour son
fils est aujourdhui ma certitude.» Et elle se suicide. Aussi sa fille, dans une violente réaction de haine
contre sa mère, se plaint-elle dêtre oubliée, et éclate-t-elle "en cris sauvages» pour exprimer son
désespoir de navoir pas connu dautres pays que le sien, sa haine de "ce monde où nous en
sommes réduits à Dieu».Or se présente Maria qui "vient rejoindre son mari», qui, lui dit Martha avec un accent datroce défi,
"est mort». Maria veut comprendre ce qui sest passé "au nom de son amour», mot que Martha dit ne
pas comprendre. Et elle avoue le crime : "Il y a eu malentendu. Et pour peu que vous connaissiez lemonde, vous ne vous en étonnerez pas.» Maria se lamente : "Il voulait se faire reconnaître de vous,
retrouver sa maison, vous apporter le bonheur, mais il ne savait pas trouver la parole qu'il fallait. Et
pendant qu'il cherchait ses mots, on le tuait.» Martha lui apprend que sa mère sest jetée dans la
rivière. Elle annonce son propre suicide quelle commettra seule, dans sa chambre. Et elle donne à
Maria ce conseil : "Priez votre Dieu qu'il vous fasse semblable à la pierre. C'est le bonheur qu'il prend
pour lui, c'est le seul vrai bonheur. Faites comme lui, rendez-vous sourde à tous les cris.» Maria demande son aide au vieux domestique qui est entré. Mais il répond : "Non».Analyse
La genèse de lvre
En 1936, fin juillet et août, Camus fit, avec des amis et sa femme, Simone Hié, un voyage en Europe
centrale pour y juger par lui-même de la situation politique. Ils passèrent par lAllemagne et par la
Tchécoslovaquie, séjournant en particulier à Prague où il éprouva un profond sentiment de solitude et
, quil rendit dans son roman, La mort heureuse, et dans sa nouvelle, La mort dans lâme.En avril 1941, il conçut le premier projet connu du Malentendu. Il lavait intitulé Budejovice, titre
dont on peut douter quil ait pu attirer quelque public que ce soit ! Cest que Camus avait transféré
dans cette ville de Tchécoslovaquie une histoire sanglante qui sétait produite en Serbie, un fait divers
dont Ies journaux de 1935 s'étaient faits l'écho, quil avait découvert dans un article du 6 janvier 1935
publié dans L'écho d'Alger : "Belgrade, 5 janvier - La Vreme rapporte un effroyable meurtre
commis dans un petit hôtel de Bela-Tserkva par la tenancière de cet établissement et sa fille, sur la
personne de leur fils et frère, Petar Nikolaus. Celui-ci, travaillant depuis vingt ans à létranger, avait
amassé un petit capital dont il voulait rapporter une partie.»Camus reprit cette histoire dans son roman, Létranger, où Meursault raconte : "Entre ma paillasse
et la planche du lit, j'avais trouvé [] un vieux morceau de journal presque collé à l'étoffe, jauni et
transparent. Il relatait un fait divers dont le début manquait, mais qui avait dû se passer en
Tchécoslovaquie. Un homme était parti d'un village tchèque pour faire fortune. Au bout de vingt-cinq
ans, riche, il était revenu avec une femme et un enfant. Sa mère tenait un hôtel avec sa sans
son village natal. Pour les surprendre, il avait laissé sa femme et son enfant dans un autre
établissement, était allé chez sa mère qui ne l'avait pas reconnu quand il était entré. Par plaisanterie,
il avait eu l'idée de prendre une chambre. Il avait montré son argent. Dans la nuit, sa mère et
l'avaient assassiné à coups de marteau pour le voler et avaient jeté son corps dans la rivière. Le
matin, la femme était venue, avait révélé sans le savoir l'identité du voyageur. La mère s'était pendue.
Lr s'était jetée dans un puits. J'ai dû lire cette histoire des milliers de fois. D'un côté, elle était
4invraisemblable. D'un autre, elle était naturelle. De toute façon, je trouvais que le voyageur l'avait un
peu mérité et qu'il ne faut jamais jouer.» (pages 113-114).Curieusement, tous ces éléments se retrouvent dans des histoires racontées dans différents pays. On
peut signaler une nouvelle québécoise écrite en 1895 par Pamphile Lemay, Sang et or (dans le
recueil Contes vrais) où Babylas et sa femme ont une petite auberge, ont eux aussi un fils uniquequi était parti un jour, espérant faire fortune, qui est revenu incognito, et est assassiné par ses
parents qui veulent lui dérober sa fortune.Camus a pu aussi connaître cette célèbre histoire criminelle de 1833, où trois aubergistes de
Peyrebeille, dans les montagnes de lArdèche, avaient été accusés d'avoir assassiné, en vingt-trois
ans, plus de cinquante voyageurs, pour les voler, avaient été condamnés et exécutés, événements
qui allaient être rappelés en 1951 dans le film dAutant-Lara, L'auberge rouge. Camus avait, à Alger, adapté une nouvelle de Gide, Le retour de lenfant prodigue qui est unevariation sur la parabole biblique du fils prodigue (voir, dans le site, GIDE André), lavait mise en
scène, et y avait tenu le rôle principal.On a aussi remarqué que le thème avait déjà été traité polonais Karol-Hubert
Rostworowski (que Camus a pu connaître parce quil avait produit, en 1917, une pièce intitulée Kajus
Cezar Kaligula) dans un drame intitulé Niespodzianka (La surprise), publié en 1929, qui sedéroule dans une famille juive de la campagne vivant dans une extrême pauvreté, et attendant le
soutien du fils aîné parti en Amérique plusieurs années auparavant ; or se présente un riche étranger
quon assassine pour lui à léducation du cadet, avant de découvrir quil est le fils aîné qui voulait surprendre ses parents sans les informer de son retour. En 1941, Camus qualifiait son e de "comédie» (il est vrai que Tchékhov appelait La mouette une comédie !), et la résumait ainsi : "une histoire de paradis perdu et pas retrouvé».En novembre 1942, le titre était devenu L'exilé, Camus, cet enfant du soleil dAlgérie, étant alors en
train de subir son propre exil en France. Il allait le rappeler dans le Prière d'insérer de lédition du
texte de sa pièce : ""Le Malentendu est certainement une pièce sombre. Elle a été écrite en 1943,
au milieu d'un pays encerclé et occupé, loin de tout ce que j'aimais. Elle porte les couleurs de l'exil.»
Par ailleurs, dans la préface de l'édition états-unienne de son théâtre (1957), il indiqua : ""Le
Malentendu a été écrit en 1941, en France occupée. Je vivais alors, à mon corps défendant, au milieu
des montagnes du centre de la France. Cette situation historique et géographique suffirait à expliquer
la sorte de claustrophobie dont je souffrais alors et qui se reflète dans cette pièce. On y respire mal,
c'est un fait. Mais nous avions tous la respiration courte en ce temps-là.»Il termina la pièce au cours de lhiver 1942-1943, donc toujours en plein milieu de la Seconde Guerre
mondiale.Il en fit la première lecture aux dominicains du couvent de Saint-Maximin où le père Bruckberger, un
des animateurs de la vie intellectuelle et spirituelle du temps, lavait un temps accueilli. Le 11 octobre 1943, annonçant à Jean Grenier, son ancien professeur, Caligula à léditeur Gallimard, il avoua sa préférence pour la seconde des deux pièces : "Jesuppose que c'est la différence d'une pièce conçue et écrite en 38 et d'une autre faite cinq ans après.
Mais j'ai beaucoup resserré mon texte autour d'un thème principal. De plus les deux techniques sont
absolument opposées et cela équilibrera le volume.» 5Lintérêt de laction
Dans la préface de l'édition états-unienne de son Théâtre, Camus indiqua que Le malentendu,
sans doute s uvre la plus sombre, montre une "situation impossible : un fils veut se faire reconnaître sans avoir à dire son nom et est tué par sa mère et ».Avec le retour de ce fils prodigue, de cet exilé qui est à la recherche dune enfance perdue, avec ce
fils qui entretient le malentendu, mais tombe dans le traquenard tendu par des criminelles qui sont sa
et sa mère, et qui est touché par une mort cruelle, on a une trame de "polar», une histoire à la
Simenon qui soumet le spectateur et le lecteur à un implacable, oppressant et efficace suspense. Dès
les premières répliques, apparaît horreur de la situation. Puis on fait face à un véritable cauchemar,
à une inéluctable descente en enfer ; on se sent pris par langoisse sourde qui émane de cette
situation désespérée ; on sy sent frôlé par la froideur de la mort qui passe. Toujours dans le texte cité
plus haut, Camus reconnut : "La noirceur de la pièce me gêne autant qu'elle a gêné le public».
Mais, si on retrouve dans lvre les procédés romanesques qui sont une des formules du succès de
Camus : le détachement des personnages, la domination des passions, lême lucidité ; si elleprésente un aspect "voulu», "fabriqué», il laissa à lintrigue sa simplicité, tout en jouant de ce
procédé théâtral par lequel le dramaturge prend les spectateurs, qui sont renseignés sur la réalité des
faits, pour complices contre ses personnages qui, eux, sont s pour un dénouement funeste. On peut remarquer aussi que, Jan de son côté comme Martha de l sont des comédiens quijouent un rôle, et sont, en même temps, des spectateurs de cette prestation, les autres étant,
dans ce théâtre dans le théâtre, sous le regard passif du vieux domestique qui domine regard passif, selon la notion baroque (quon retrouve chez Shakespeare) du Theatrum mundi(grand théâtre du monde en français) qui voulait que les êtres jouent tous un rôle, consciemment ou
malgré eux, sur la grande scène du monde, et sont des pantins dont les ficelles sont tirées par le
Créateur.
Camus ne chercha pas à raffiner sur la sèche intrigue de ce huis clos assez statique qui repose tout
entière sur :-La simple situation dincompréhension que crée le malentendu ; les deux femmes qui partageaient
jadis sa vie ne reconnaissent pas Jan, mais jugent inhabituel le comportement de ce voyageur ; pour sa part, il ne comprend pas, marqué dan, le danger qui le menace,tous deux étant engagés dans un antagonisme inconciliable car se trouvent face à face deux désirs,
deux attentes : lui veut rester, développer la connaissance de ses parentes ; au contraire, elle brûle
dévasion, dinconnu et dabsolu ; quant à la mère, elle ne perçoit pas les élans du fils qui veut être
reconnu. Cette difficulté à entendre l'autre ou à se faire comprendre de lui conduit à la mort des trois
protagonistes.-Le rôle que joue le hasard : Martha ne regarde pas le passeport que son frère lui tend, et le sort en
est jeté.-Le "suspense» des hésitations de Martha (longtemps, on ne sait si elle tuera ou ne tuera pas le
voyageur auquel elle offre dailleurs plusieurs chances de se sauver, mais quil ne saisit pas) et celui
des hésitations de Jan lui-même (ses échanges doivent se limiter aux conventions imposées par une
définition de rôles erronée du fait du malentendu ; il est contraint par une relation d'hôte à aubergiste
quil essaie malgré tout de transgresser afin de se faire connaître de sa famille ; en effet, plusieurs
fois, il est sur le point de se faire reconnaître).-Les entrées et sorties de Maria qui pourrait tout dévoiler, mais agit continuellement à contretemps.
Ce sont là des éléments quon peut trouver assez vaudevillesques, qui donnent même un allure
quelque peu risible à ce qui pourrait passer pour un sombre mélodrame.Pourtant, comme la pièce se déroule dans un univers fermé, sans horizon, étouffant ; quun climat
d'étrangeté règne tout au long d'une intrigue où le spectateur, informé de la menace qui pèse sur un
fils qui n'arrive pas à sortir de l'incognito, assiste à un jeu de hasards entretenu par les valses-
hésitations de sa mère , on peut y voir un drame, sinon une tragédie, et même une 6tragédie classique avec ces caractéristiques traditionnelles, lunité daction, lunité de lieu, lunité de
temps, le respect des "bienséances» ( le spectacle de la violence est éludé), Camus layant toutefois
découpée logiquement en trois actes : 1- le retour de Jan ; 2- son assassinat ; 3- le sort des autres
personnages. La pièce peut encore être considérée comme une tragédie parce que : - On assiste à de fortes scènes :- En II, 1, cest un face à face entre Jan et Martha, où, dabord, rien ne semble encore joué,
mais où Jan fait une avance qui nest pas comprise par Martha, et lui fait un tableau de son pays de
soleil qui, pourtant, le condamne irrévocablement. -En II, 6, le dialogue entre la mère et Jan pourrait aboutir à une reconnaissance.-En III, 1, alors que les deux femmes et le vieux domestique sont allés noyer Jan ; que la mère
; que Martha est heureuse, le vieux domestique présente aux deux femmes le passeport de Jan, et, découvranelles ont de violentes réactions.-En III, 3, dans un dialogue intense, dont le dépouillement et la sobriété, la violence contenue
et les brusques élans, prêtent à lexpression didées philosophiques, Martha semploie à
"désespérer» Maria en lui délivrant son dernier message ( survivre, il faut devenir comme une pierre, ne rien ressentir), et annonce son suicide. - Dans ce drame du destin, de la fatalité, lpeut être que la mort, et Jan est la victime quon sacrifie sans ménagement. -En areconnaître à temps, les meurtrières ontrejoué fanticide et le fratricide des tragédies grecques, se sont condamnées à une chute aussi
insup. -Le personnage du vieux domestique, que nimporte qui peut appeler nimporte quand, mais qui neparaît jamais que pour garder le silence ("La sonnerie fonctionne, mais lui ne parle pas» [II, 3]), ce
témoin muet et énigmatique, cette ombre sans paroles, à l'allure inquiétante et sinistre, qui est là sans
être là, qui ajoute à la tension dramatique, à la sensation de malaiente (Jan constate :"Vous avez un domestique bizarre», demande : "ll parle donc?», Martha lui indiquant : "Le moins
possi .» [I, 5]), qui assiste (voire participe indirectement) auxévénements qui conduiront au sort funeste de Jan (il est caché derrière un rideau quand Jan et Maria
arrivent au début du premier acte ; il interrompt Martha quand elle est sur le point passeport de Jan ; asse le passeport quand il tombe de la poche de Jan, et qui leremet aux deux femmes), qui est toujours à l'écoute, peut être vu comme le représentant dun Dieu
impassible et malveillant, puisque, quand Maria sollicite son aide, il a une réponse brève, nette,
définitive : "Non» (III, 4).Toujours dans la préface de l'édition états-unienne de son Théâtre, Camus parla aussi dune
"tentative pour créer une tragédie moderne», car il aurait voulu ramener le tragique sur la scène
française, bien que Giraudoux, Cocteau, Gide, Claudel, Anouilh, etc., sy étaient déjà assez
valablement essayé ! 7Lintérêt littéraire
Dans la préface de l'édition états-unienne de son Théâtre, Camus indiqua encore : "Faire parler le
langage de la tragédie à des personnages contemporains [] était [] mon propos. Rien de plusdifficile à vrai dire puisqu'il faut trouver un langage assez naturel pour être parlé par des
contemporains, et assez insolite pour rejoindre le ton tragique. Pour approcher de cet idéal, j'ai
essayé d'introduire de l'éloignement dans les caractères et de l'ambiguïté dans les dialogues. Le
spectateur devait ainsi éprouver un sentiment de familiarité en même temps que de dépaysement.
Mais je ne suis pas sûr d'avoir réussi le bon dosage. Je n'ai pas l'impression d'ailleurs que ces
explications soient bien utiles. Je juge toujours que Le Malentendu est une uvre d'accès facile à
condition qu'on en accepte le langage et qu'on veuille bien admettre que l'auteur s'y est engagé profondément. Le théâtre n'est pas un jeu, c'est là ma conviction.»On constate que les répliques sont bien vivantes, que le dialogue est riche en phrases percutantes,
en formules frappantes :-Martha demande : "Que deviendrait le monde si les condamnés se mettaient à confier au bourreau
leurs peines de ur?» (I, 7)-Elle statue : "Le crime aussi est une solitude, même si on se met à mille pour l'accomplir.» (III,3).
-Elle se révolte : "À la pensée qu'une main humaine puisse m'imposer sa chaleur avant de mourir, à
la pensée que n'importe quoi qui ressemble à la hideuse tendresse des hommes puisse me
poursuivre encore, je sens toutes les fureurs du sang remonter à mes tempes.» (III, 3).-Elle assène à Maria : "Il y a eu malentendu. Et pour peu que vous connaissiez le monde, vous ne
vous en étonnerez pas.» (III, 3).La pièce, étant aussi la tragédie du sous-entendu, se démarquant dailleurs à ce titre du reste de
uvre de Camus, car, comme nulle part ailleurs, il y traita le problème d communicabilité,
qunnonce le titre, il travailla le matériau linguistique pour lui conférer une opacité, pour exploiter, en
ironiste, les doubles sens, les quiproquos, la confusion verbale et les contretemps.Lintérêt documentaire
Camus put :
-Dune part, exprimer sa détestation des pays du Nord en faisant de la Bohème, qui est située "au
du continent» (III,1), une "terre épaisse, privée de lumière, où lon sen va nourrir des animaux
aveugles» (III, 3), un paysage de pluie, de brume et de boue, r irrespirable, à l'horizon fermé, où
des corps sans bonheur et des csans tendresse ressentent une impression d'étouffement,souhaitent accéder à la lumière car ils sont épris dune autre vie. Les meurtrières, qui nont jamais
quitté leur contrée natale, et sont aigries, ont spoir chapper à ce lieu. Martha dit à sa mère :
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