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Les plumes du chemin

Carnets de confinement

20 mars 2020 - 25 avril 2020

Sourires à distance

Compostelle 2000

2

Aux amis des mots

Que ces temps de confinement n'arrêtent pas votre écriture ! Au contraire, saisissez crayon, stylo, ordinateur, laissez-vous aller à rêver. Quelques propositions comme autant de prétextes à écrire :

1- " Dans ma rue il y a... » Allez-y, pas dans la rue ! dans votre souvenir,

votre imagination. Dites-nous votre rue, le bout de la rue, ses odeurs et ses bruits... Si vous en avez envie, appuyez-vous sur le poème de Paul Eluard en PJ.

2- D'une fenêtre à l'autre : Vous êtes chez vous, installez-vous près d'une fenêtre.

Dans le fond, je ne sais pas ce qui est important, ce que l'on regarde ou ce que l'on voit ? Ce que l'on imagine... De votre fenêtre vous voyez sans doute d'autres fenêtres, une seule suffit... qui vous intrigue, vous fascine, par un détail, un volet fermé, un rideau qui tremble... Regardez-la bien, faites des hypothèses... Qui habite là ? " Fenêtre sur cour », vous connaissez ? et " Le fantôme du chapelier » de Simenon... Et vous pouvez découvrir les trente-sept " Fenêtres sur le monde » de Raymond Bozier, chacune liée à une expérience de vie. Donc, à partir de ce thème universel de la fenêtre, écrivez un texte, un drame ou peut être un rien, un instant, une attente, et si pas de fenêtre en face, vous avez le ciel fenêtre sur le monde. Donnez un titre à votre texte.

3- Jeu à partir d'un mot :

Et pas n'importe lequel... CORONAVIRUS

Donc torturez ce mot, tordez-le, tachez d'en extraire des mots (par ex : corps, virus, vie, rue, ru, ruse, navire, or, hors .....et bien d'autres encore) et composez un texte utilisant un max de mots de votre liste, associés à d'autres bien sûr. Faites-vous plaisir.

Danièle Tournié, le 20 mars 2020

3

Dans Paris

Dans Paris il y a une rue;

Dans cette rue il y a une maison;

Dans cette maison il y a un escalier;

Dans cet escalier il y a une chambre;

Dans cette chambre il y a une table;

Sur cette table il y a un tapis;

Sur ce tapis il y a une cage;

Dans cette cage il y a un nid;

Dans ce nid il y a un oeuf,

Dans cet oeuf il y a un oiseau.

L'oiseau renversa l'oeuf;

L'oeuf renversa le nid;

Le nid renversa la cage;

La cage renversa le tapis;

Le tapis renversa la table;

La table renversa la chambre;

La chambre renversa l'escalier;

L'escalier renversa la maison;

la maison renversa la rue; la rue renversa la ville de Paris.

Paul Eluard

4

DANS MA RUE

Rue d'hier et d'aujourd'hui

Dans ma rue, il y a de l'herbe qui commence à pousser dans les interstices du bitume. De l'herbe et aussi de la mousse qui partagent la voie en deux. Un filet d'eau creuse lentement une rigole de chaque côté. Quand il gèle, c'est une vraie patinoire. Dans ma rue, les trottoirs sont des buttes de terre envahies de pissenlits et de boutons d'or. Parfois, j'entends les sabots d'un cheval ou le cri des enfants en retard qui courent attraper leur car scolaire. Ma rue est en sens interdit mais des voitures et des mobylettes l'empruntent néanmoins pour gagner du temps ; elle sert de raccourci. L'hiver, elle se transforme en piste de luge lorsqu'il a neigé et les gamins du quartier s'en donnent à coeur joie. Dans ma rue, le camion poubelle ne peut pas venir car elle est trop étroite. Il y a quelques années, il grimpait en marche arrière et son bip de recul me tirait de mes rêves à cinq heures du matin ! Bien souvent je l'ai confondu avec mon réveil. Au printemps, les chats s'y aventurent et détalent la queue en l'air au moindre bruit mécanique ou à la moindre présence humaine. Dans ma rue, il y a les années qui passent sans bousculer grand-chose. Elle a

apprivoisé ses craintes siècles après siècles et désormais s'habitue aux désordres et

prend plaisir à se faire bousculer.

Jean-Luc T.

Rue du confinement

Dans ma rue, les odeurs de seringa ont remplacé les odeurs de pot d'échappement. Dans ma rue, un silence inhabituel a remplacé le brouhaha de sortie de classe des élèves du collège Théophile Gautier et du lycée Saint James. Dans ma rue, même les chiens ont un air compassé. Tenus en laisse, cantonnés aux tours de pâtés de maison, nostalgiques des sorties au bois, ils rêvent du jour où ils pourront de nouveau batifoler avec leurs congénères. Dans ma rue, aucun policier depuis quatre jours n'a montré le bout de son nez... 5 Dans ma rue, il y a encore trop de monde... Pourtant tous les commerces non alimentaires sont fermés, le magasin dans lequel j'achète mes cashmeres en solde - très bon marché -, celui qui fait les photocopies et autres travaux de reprographie, la petite boutique de photos à laquelle je confie parfois des tirages, le vendeur de téléphones recyclés, le magasin de bijoux fantaisies et accessoires de mode - avec ses " boas » vintage -, mon cordonnier, mon coiffeur, la Poste... Sur les trottoirs de ma rue se pressent poussettes à bébé, caddies emplis à ras- bord, badauds qui détournent le visage quand ils en croisent d'autres, enfants désoeuvrés, ados à pied encore trop agglutinés malgré les consignes. Sur les trottoirs de ma rue, plus une trottinette ne slalome sur les pistes bitumées.

Elles, au moins, respectent le confinement !

Véronique A.

Balade dans ma rue

I.

J'habite une banlieue de San Francisco

Dans un petit village de quatorze mille habitants.

C'est un village assez riche,

Les jeunes plus riches que les vieux qui avaient acheté leurs maisons

Il y a tant d'années.

Je me promène tous les jours

Environ 6,50 kilomètres,

Trois assez grandes collines, d'autres plus petites,

Entourées d'arbres.

Bien que la route soit toujours la même,

L'expérience n'est jamais la même.

La route que je prends est pavée et à chaque côté, des maisons bien séparées. II.

Le chant des oiseaux est une merveille,

Une symphonie divine

Je me demande ce qu'ils se disent.

6 III. De temps en temps je tombe sur quelqu'un qui parle avec son chien, Prend ses ordures et les garde jusqu'à chez lui, Ou prend les ordures et laisse le sac par terre n'importe où, Ou ne fait rien, laisse le propriétaire de la maison à côté nettoyer.

Ça m'agace.

Parfois je vois un camion dont la pub:

"Too pooped to scoop?" (Trop fatigué de ramasser?) "On le fait pour vous." Quoi? Je comprends qu'il y a des gens qui promènent les chiens des autres,

Mais il y a un service qui débarrasse le caca?

Incroyable.

Ça m'agace.

Il y a des camions avec la pub:

"Pool and spa services". Ils nettoient les piscines des personnes fortunées.

Qui dans ce temps du coronavirus ont la chance

De ne pas avoir à aller aux piscines publiques, qui sont, d'ailleurs fermées. Ils ont leurs propres piscines, nettoyées par des professionnels. IV. Je constate que tout ça soutient les gens qui s'occupent d'eux, de leurs maisons, et de leurs chiens. Ce qui m'agace ce sont les propriétaires paresseux.

Il faut vivre, les uns les autres.

Judith J.

7

D'UNE FENETRE A L'AUTRE

Théâtre

J'aime être à la fenêtre. L'immeuble en face est mon théâtre. J'y devine l'énervement de la femme aux lunettes noires qui fume sur son balcon au septième en faisant des allers retours, l'apaisement du type au premier qui caresse son chat voluptueusement, la maladresse du vieux au quatrième qui tremble en arrosant ses fleurs. Je guette aussi au troisième le beau mec qui passe à poil de sa salle de bain à sa chambre et je m'interroge sur le maniaque du téléphone du

deuxième qui fait souvent des gestes obscènes. Sont-ils destinés à la fille replète et

souriante en collant rouge qui habite en dessous de chez moi et fait des assouplissements sur son balcon dès que le soleil se montre ? Ou à mon voisin de palier, baraqué et bronzé qui regarde comme moi à la fenêtre pour se détendre ? Un matin d'été nous avons bavardé de tout, des petits riens amusants, la conversation était douce comme le temps puis tout à coup il a cessé ce marivaudage, cessé de parler, et les yeux dans le vague il m'a raconté que son amie venait de le quitter au petit jour. " Nous nous sommes disputés au dîner à propos du travail, le ton est monté, remonté jusqu'à des griefs oubliés et brusquement elle a fait sa valise, m'a demandé de la conduire à la gare et sans un mot, elle est montée dans le train ».

Véronique C.

De ma fenêtre

De ma fenêtre, je vois le jardin de la crèche et c'est bien réjouissant de voir ces bambins gambader et cabrioler sur les jeux d'extérieur aux couleurs vives, d'entendre leurs petites voix, leurs cris réjouis aussi. En ce moment ils sont seulement quatre ou cinq avec 2 ou 3 assistantes maternelles qui aiment prendre un peu de soleil avec eux le matin. De ma fenêtre, je vois le printemps qui s'annonce, des arbres en fleurs et des bourgeons prêts à éclater pour libérer des feuilles d'un vert tendre comme il n'en existera plus l'été prochain. 8 De ma fenêtre, je vois une jeune femme très tôt le matin toujours habillée d'un sweat rose et d'un jogging noir qui fait de la corde à sauter, elle est accompagnée de son caniche blanc qui parfois profite de sa liberté et de l'inattention de sa maîtresse toute absorbée qu'elle est dans ses exercices physiques, pour aller taquiner un autre de ses congénères ou déterrer un os imaginaire au pied d'un arbre. De ma fenêtre, je vois un ciel le matin inondé de lumière, ou des nuages qui s'étirent à l'infini De ma fenêtre, je vois un chat noir, maître en son royaume, il traverse la grille d'un jardin partagé, puis d'un autre jardin, joue dans les buissons, se roule dans les allées ou va se chauffer au soleil, il est libre, je ne sais de quel appartement il vient, mais il a ses habitudes et lui seul sait ce qui lui plaît et à quelle heure. De ma fenêtre, plus loin, je vois un immeuble de bureaux, dont les lumières s'allument à un autre rythme que celui des immeubles d'habitation. Tiens, il doit y avoir une réunion importante, toute une rangée de fenêtres est allumée, ou bien le DG ce soir est inquiet, il a un dilemme à trancher, son état- major est convoqué. De ma fenêtre, j'aperçois plusieurs immeubles, je devine : ici vit une famille, là une cuisinière hors pair, là-bas ils ont la main verte, des balcons sympa pour des apéros d'été, une famille de cyclistes avec ses 3 vélos sur le balcon, des fans de Nature et Découverte avec des mobiles en bois, une qui doit aimer se prélasser au soleil avec cette chaise longue aux rayures bayadères, un bricoleur émérite qui a transformé son balcon en cabane à outils. De ma fenêtre, je sens la ville qui s'éveille ou qui s'endort, j'écoute les bruits des voitures, des enfants, des chiens, des voix anonymes qui s'apostrophent. De ma fenêtre, je vois tout et rien, je ne vois pas la solitude de la vieille dame, ou de la jeune fille en peine, l'émerveillement d'un enfant soufflant les bougies de son gâteau d'anniversaire, la colère d'une jeune maman envers son enfant qui vient de renverser tous ses jouets par terre alors que c'est l'heure du bain, le satisfecit d'un ado qui vient de finir son devoir de maths. De ma fenêtre, j'imagine la vie des autres sans lesquels je ne serais rien.

Bénédicte F.

Fenêtre ouverte

En ce moment de temps tendu, suspendu, ce temps de Coro quelque chose, un bol de thé à la main, debout sur tes deux jambes, la fenêtre ouverte, tu regardes 9 dehors et tu as besoin de regarder, de t'ouvrir à l'extérieur, confinée chez toi. Tuquotesdbs_dbs31.pdfusesText_37

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