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125

LE PASSAGE EN NORMES COMPTABLES

INTERNATIONALES IFRS :

ETAT DES LIEUX, PRATIQUES ET ENJEUX POUR LES

ENTREPRISES MAROCAINES

Nezha BAGHAR

Enseignant-

Université Hassan 1er-Settat

nezha_baghar@yahoo.fr 126

Résumé

Excepté la loi 38/05 ayant autorisé les établissements publics à présenter leurs comptes selon

internationales au Maroc est régie par des décisions administratives sous forme de circulaires de Bank Al- Maghrib ou du CDVM. En effet, les obligations comptables des commerçants ont de la loi 09-88 à laquelle se réfère, notamment, le code marocain de commerce.

Partant de ce consta droit » comptable

marocain au rang des pratiques universellement admises, nous aspirons à travers le présent

Article de dresser un état des lieux relatif aux pratiques de ces normes et à leurs enjeux pour les

entreprises marocaines.

Mots clés

Comptabilité marocaine, IFRS, IAS, droit, principe de prudence. 127

INTRODUCTION

-guerre dans lesquelles les sociétés se limitaient à leur marché national trouvant dans les banques le financement suffisant à leur

développement, à un marché global où les échanges sont mondialisés et où les entreprises

devenues multinationales se financent auprès des marchés financiers. De même pour placer leur

partout dans le monde. Elles doivent alors étudier les informations financières des sociétés étrangères.

comptables. A la multiplicité des référentiels comptables, il faut prendre en considération leur

inadaptation aux conditions de la vie économique moderne qui se caractérise par la monde rocaine. En effet, ce

changement à grande échelle de la manière de penser et de pratiquer la comptabilité est à la fois

un luxe (application par option) et un devoir (application des IFRS par obligation). Pour contribuer au débat relatif à la problématique

IFRS dans

le contexte marocain. Nous tenterons de présenter, également, les sociétés marocai questions de recherche suivantes : -il développé ? ƒ Dans quelle mesure les sociétés marocaines tireront prof normes IFRS ? ƒ Quels sont les enjeux pour les sociétés marocaines ? 128

Notre démarche méthodologique est déductive partant du cadre général lié au modèle des IFRS

pour en chercher des implications dans notre contexte de recherche (entreprises marocaines). analyse documentaire et la synthèse de revue de littérature dans notre relative au concept de " principe de prudence ». 1. In convergence du Plan Comptable Général (PCG) français vers les normes IFRS est

incontestable. Au Maroc, plusieurs réformes sont effectuées au cours des dix dernières années

dans différents domaines. Cependant, la réforme afférente au droit comptable est à envisager.

esure elles profiteront de 1.1. Lapplication des IFRS au Maroc concerne les groupes qui présentent des comptes consolidés1.

ƒ relative aux comptes consolidés ;

ƒ Des sociétés cotées à la bourse des valeurs Casablanca ;

ƒ Des établissements de crédit.

Le tableau n°1 fait ressortir les sociétés concernées par les IFRS au Maroc 129
Tableau n° 1 : Entreprises marocaines soumises aux normes IFRS

Catégories de groupes

et de sociétés source IFRS sur option IFRS obligatoire

Date de

passage

Sociétés cotées à la

bourse des valeurs de

Casablanca

Note circulaire n°06/05

du CDVM

X 2005

Etablissements de crédit

et assimilés (cotés ou non cotés)

Circulaire BAM

Avis du GPBM

X 2008

Etablissements publics Loi 38/05 X 2006

Les sociétés marocaines

cotées sur les places européennes

Règlement CE n°

1606/2002

X 2005

Les entreprises

marocaines filiales de multinationales

Obligation de reporting ;

Indirectement Exigence

du marché financier européen ou du marché financier international sur lequel la société mère est cotée

X 2005

Etablissements publics

dans le cadre de la privatisation ou dans le cadre de financements internationaux

Exigence du marché

financier européen et du marché financier international X 2005
(Source : élaboré dans le cadre de la présente recherche) fonds par l'intermédiaire du marché financier est prévu2

préparer en se structurant et en optant pour la transparence des comptes pour être éligibles à la

3. Le développement des normes IFRS au Maroc est incontestable. Il concerne aussi bien les

sociétés cotées que les sociétés non cotées qui souhaitent aller vers une plus grande transparence

et améliorer leur gestion et leur politique de communication.

1.2. des normes IFRS par les sociétés

marocaines Quelques années après leur adoption, la question de la pertinence des normes IFRS et leur apport pour le marché financier marocain se pose.

2 Voir la vie économique du vendredi 22 mars 2013

3 D'aprğs la fédération de la PME affiliée à la CGEM, les PME marocaines constituent 95% du tissu économique

du pays. 130

Outre les limites du CGNC concernant les aspects liés aux comptes consolidés et aux opérations

aux nouvelles normes notamment :

ƒ nes aux investisseurs étrangers.

ƒ Le processus de privatisation.

ƒ Les accords de libre-

les Etats unis. réduction de la charge administrative concomitante de Maroc Telecom à la bourse de Casablanca et à la bourse de Paris

normes IFRS et justifie le coût engendré par le maintien de deux référentiels

comptables.

ƒ à travers la

comparabilité, la transparence, la pertinence et la qualité des états financiers. Ainsi, les sociétés marocaines vont tirer avantage de la convergence vers les normes IFRS. Ces

avantages découlent des facteurs liés aux normes elles même et des facteurs relatifs au contexte

international caractérisant les économies contemporaines.

1.2.1. Facteurs liés aux normes elles même

ƒ Référentiel comptable de qualité reconnue. ƒ Nécessité pour la cotation de quelques entités marocaines sur les marchés boursiers étrangers. dispositifs nécessaires. ƒ Référentiel de consolidation développé.

1.2.2. Facteurs liés au contexte international

ƒ Evolution irréversible accentuée par la convergence des normes des pays européens vers les normes IFRS. ƒ Reconnaissance des normes IFRS par les places financières internationales. 131
ƒ Recommandation de la banque mondiale pour le Maroc4

ƒ Exigence de la mondialisation.

Il en découle que le passage aux normes IFRS peut être envisagé au niveau des sociétés

marocaines pour les raisons suivantes : ƒ Améliorer la comparabilité des comptes par rapport aux concurrents. ƒ Répondre à la demande des banques et des autres tiers. 2.

En passant aux normes IFRS, on assiste à la sortie du modèle comptable ancien des actifs et des

passifs enregistrés au coût historique pour un modèle qui reflète la réalité économique de

it de la remise en cause des fondements du modèle comptable traditionnel

visant à privilégier le principe comptable de la prééminence de la substance économique sur la

forme juridique et à substituer au coût historique le concept de juste valeur

2.1. Prééminence de la substance économique sur la forme juridique

A la question " la comptabilité est- ? » ; la réponse dans le cadre du référentiel IFRS doit être négative.

Or selon les normes nationales, la comptabilité est la représentation chiffrée du patrimoine

La formule célèbre " la comptabilité est » est vérifiée et le droit se base sur la

on pour déterminer les modalités de son traitement comptable. : la comptabilité est une méthode ; elle doit refléter, les droits, obligations et avantages

économique

5

prolongement du concept de contrôle utilisé pour les comptes consolidés. Le patrimoine

4 Voir le Rapport sur le Respect des Normes et Codes (RRNC). EN Anglais, Reports on observance of Standards and Codes (ROSC), ce

2002.

5 -il emprunter la définition précise ?

132
-bail.

Une étude a été réalisée par des groupes de travail formés de comptables et de juristes. Ces

et en droit social des normes IFRS expliqués par les comptables. Parmi les constats résultant de ce travail, il ya lieu de noter : ƒ la plus forte déconnexion entre le droit et les normes comptables IFRS. Celles-ci ne économique et plus financière voir boursière c'est-à dire traduit une situation juridique devenu obsolète y égard aux besoins des marchés financiers à un bilan qui donne une image économique du patrimoine et passage ƒ : une forte autonomie des normes IFRS par lesquelles le régulateur comptable dit " oui il ya une situation juridique, elle est ce rter ».

ƒ de nouvelles définitions des éléments de bilan et du compte de résultat ; Un actif est

un avantage économique futur et un passif est un élément provenant de transactions Ainsi, le référentiel IFRS, financiarise la

comptabilité. Le principe de la prééminence de la substance économique sur la forme juridique

133

2.2. r

constatées lors des opérations de fusion. Pour éviter ces écarts, et pour avoir une vue précise de

logique du point de vue des investisseurs et lié au précédent. La norme IFRS 13, publiée en mai

2011, fournit une définition précise de cette juste valeur et des modalités de son obtention

2.2.1. Définition du concept de la juste valeur

-saxon marque une véritable révolution comptable car le triomphe

de deux principes fondamentaux de la comptabilité financière (coût historique et prudence) est

battu en brèche. La juste valeur ou " fair value » se définit selon la norme IFRS 13 comme le " prix qui serait partic ». On voit clairement que la juste valeur constitue valeur suppose un marché fonctionnant dans des conditions normales c'est-à-dire suffisamment liquide

déficient ou en raison de leurs caractéristiques propres (notamment les actifs incorporels comme

leur repose sur des modèles mathématiques.

2.2.2. Hiérarchisation des justes valeurs

fonction des données utilisées

™ Données de niveau 1 : elles concernent les prix cotés accessibles à la date

sont pas ajustés. Un marché actif est un marché qui se caractérise par : trouver à tout moment des acheteurs et des vendeurs et un prix à la disposition du public ™ Données de niveau 2 : elles correspondent à des données observables directement ou indirectement autres que les prix côtés : ƒ Des prix cotés sur un marché actif pour des actifs et des passifs similaires 134
ƒ Des prix cotés sur un marché non actif pour des actifs et des passifs similaires ƒ Des données autres que des prix côtés telle que rendements, vitesse de remboursements anticipés, risque de crédit, taux des défauts ™ Données de niveau 3 : ce sont toutes les autres données non observables. retenues par les acteurs de marché pour fixer l compris les hypothèses sur les risques pertinentes (niveau 1, le cas échéant niveau 2non observables qui doit être minimisée.

2.2.3. Méthodes de valorisation de la juste valeur

randes approches cohérentes (découlant de la hiérarchisation des donnés) peuvent être utilisées : ƒ Approche de marché (marketapproach) : la juste valeur résulte des prix observables

et autres informations générées par les transactions réelles portant sur un actif

identique similaire ou sinon comparable

ƒ Approche revenu (incomeapproach)

valorisation pour convertir des montants futurs (flux de trésorerie, produits ou charges, bénéfice) en un montant unique actualisé. Les techniques possibles sont : actualisation, modèle financier approprié). La juste valeur traduit alors les attentes actuelles du marché quant à ces montants futurs. ƒ Approche coût ou coût de remplacement pour un actif (costapproach) montant nécessaire permettant le remplacement de la capacité de production ou de 135

2.3. Apport et limites de la juste valeur

précise : " juste valeur », il est moins évident de proposer une méthode alternative qui remplirait mieux les exigences de pertinence, de fiabilité, de compréhension indispensables pour des normes de comptabilité financière préciser ses limites.

2.3.1. Avantages de la juste valeur

Selon les partisans de la juste valeur, la comptabilisation en juste valeur permet de pallier aux

insuffisances de la comptabilisation au coût historique. Quatre qualités peuvent être liées à

: une meilleure comparabilité, une comptabilisation globale de la utralité et

2.3.2. Une meilleure comparabilité

La comparabilité des comptes est améliorée du fait de la présentation de valorisation

équivalente pour un même instrument financier quelque s investisseur, choisir est plus évident. La prise de décision est facilitée

2.3.3.

de transparence

Une transparence nouvelle est apportée et une exhaustivité de la comptabilisation de la valeur

est assurée. En effet, les produits dérivés ayant un coût initial nul doivent figurer au bilan. Il en

est de même pour les stocks

le coût historique, les acquisitions originaires sans coût identifiable ne sont pas comptabilisés

2.3.4. Une meilleure visibilité

bien est supposée égale à la valeur actuelle des flux de trésorerie que : la fonction comptable doit renseigner aussi bien sur la performance passée que sur la performance future

Le préparateur des comptes doit faire de délicates prévisions de flux de trésorerie et choisir un

compéte. 136

2.3.5. Une objectivité et une neutralité

leur est neutre dans la mesure ou elle fait référence

à des données exogènes : les valeurs de marché ou à défaut de marché actif, les valeurs de

modèle reposant sur des paramètres externes et facilement accessibles.

2.3.6. Une information fiable sur la performanc

2.4. liore la comparabilité, la pertinence, la fiabilité et la ce principe : une volatilité accrue, un effet pro cyclique massif, une vision cout-termiste.

2.4.1. Une volatilité accrue

La comptabilisation en juste valeur engendre la très forte volatilité des résultats et des fonds

le risque de comptabilité créative, formation des bulles à la hausse ou à la baisse) et qui serait

la confiance des investisseurs dans les états financiers.

2.4.2. Une gestion plus cour-termiste

La juste valeur est celle calculée à un instant t. Elle doit être dénommée " valeur instantanée ».

court- apparaître

à la découpe et non comme

combinaison complexe de ressources est une source de valeur en soi. décisions au détriment de la mobilisation pour le long terme, seul créateur de valeur.

2.4.3. Un effet pro cyclique massif

Lorsque les marchés sont à la hausse, le résultat augmente mécaniquement. Par contre, lorsque

les marchés sont à la baisse, le résultat se réduit dans les mêmes proportions quelques soient les

137
moins-values amputera le résultat. La juste valeur présente donc un effet procyclique massif, accroissant les difficultés

Il faut noter que le

référentiel IFRS repose sur la coexistence de plusieurs attributs de mesure de la valeur relevant

de deux principaux modèles : le coût et la juste valeur. Ces divers attributs de mesure sont appliqués à divers actifs et passifs : cout historique, cout historique avec amortissement et

dépréciation, valeur nette de réalisation, juste valeur moins frais de vente, juste valeur de niveau

1,2 ou 3. Dans certaines normes, le recours à la juste valeur

autorisé, voir interdit. La juste valeur reste peu présente dans les états financiers IFRS des

des capitaux propres, du pas une option exercée lors de la transition aux IFRS. Il en est autrement dans les banques et 3. plication du principe de prudence en normes marocaines avant de présenter la place qui lui revient en Europe et dans les normes IFRS

3.1. La Situation au Maroc

et pe

distribution des dividendes. Le dividende est déterminé sur la base du résultat distribuable

calculé à partir du résultat comptable. Toute distribution fictive de dividendes est sanctionnée

charges ou des provisions réelles si elles ne bénéficient pas de la déductibilité fiscale. Par contre,

elles comptabilisent les provisions dites réglementées (provisions pour investissement,

provision pour hausse des prix) même si ces provisions ne correspondent à aucune charge réelle.

nt sur celles généralement admises par le fisc.

3.2. La Situation en Europe et au Royaume uni

Depuis la décennie 1980, la différenciation entre les comptes individuels et les comptes

ives distinctes : la

4ème et la 7èmedirectives

138
par les comptes consolidés. Ce pendant le projet de modification des directives pouvant aboutir en 2014 fusionne la 4° et la

7° directive. De même, le lien étroit entre la distribution de dividendes et le résultat comptable

ne sera plus retenu. La distribution des dividendes sera liée à des règles de gouvernance

différentes.

Pour le Royaume Uni, la prudence est " considérée comme une dissimilation et une opportunité

IASB6.

3.3. La prudence dans les normes IFRS

Dans le cadre conceptuel de 1989, le principe de prudence est ainsi exprimée " la prudence est pour préparer les estimat

ou les produits ne soient pas surévaluées et que les passifs et les charges ne soient pas sous-

évalués »

Dans la révision du cadre conceptuel d FASB), le principe caractéristique qualitative de représentation fidèle. on peut citer : ƒ Dans IAS 37, les actifs éventuels ne sont pas comptabilisés ; ƒ Dans IAS 18, les ventes ne peuvent être constatées que lorsque les marchandises sont livrées ; ƒ Dans IAS 37, pour les contrats déficitaires, les pertes à terminaison doivent être constatées ; ƒ Dans IAS 16, la réévaluation des immobilisations corporelles est autorisée mais résultat global.

6 Gélard G. (Mai 2012), " Que reste t-il du principe de prudence ? Evolution historique et questionnement » Revue Française de comptabilité

n°454, pp 47-49 139

CONCLUSION

Etant donné que les normes IFRS ne sont pas destinées en premier lieu aux créanciers mais aux

investisseurs, le principe de prudence si essentiel pour les premiers est un obstacle pour les incipe de prudence et le principe du coût historique qui ont une place

importante dans les normes marocaines sont, dès lors, remis en cause. De même, la déconnexion

omie de celle-ci, peut avoir un effet sur la valeur probatoire de la comptabilité. s sociétés

dans la suite logique de la mondialisation des marchés (en particulier les marchés financiers).

le manuel et le système " Normes et outils de gestion évoluent ensemble » selon Hoffman et

Boussard.

ue des entreprises. Sa modernisation, voir sa réforme, 140

BIBLIOGRAPHIE

ƒ Baghar N. (Janvier-Février 2014), " Traitement comptable du contrat de crédit-bail chez le bailleur au Maroc e vers une approche économique »Revue et de développement n°114, pp

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ƒ Obert R. (Février 2013), "

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