[PDF] Le film pour mémoire : sur H Story (Nobuhiro Suwa, 2000)



Previous PDF Next PDF







Filmographie sur le thème de la mémoire

Moisin, à St-Denis, sur lequel il avait tourné un film en 1970 La plupart étaient des émigrés portugais, pour beaucoup restés depuis en france Il leur montre des extraits du film, des photographies de l'époque et enregistre leurs souvenirs et réflexions sur ces "années de boue" Ce film est également disponible en VHS



Pragmatique et esthétique du film de mémoire L’exemple de

de la parole L'évanescence de la mémoire se traduit par l'émiet-tement narratif et un parti pris pour une manifestation discur­ sive imposante Alors que le film de fiction classique favorise un effacement de l'énonciation, le film de mémoire l'inscrit plutôt clairement La répétition est un autre aspect important du film de mémoire



UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

sortie du film L'originalité de la présente recherche repose sur la distinction des deux médiums coexistants, une division qui non seulement oriente mais enrichit la réflexion sur une dialectique de la mémoire et de l'oubli Si la matérialité filmique et la matérialité



Le film pour mémoire : sur H Story (Nobuhiro Suwa, 2000)

La visée : le projet de film du réalisateur japonais sur sa ville natale est remplacé par celui du remake, par la mise en scène de l’impossibilité de celui-ci, par une variation sur le film de Resnais, voire par une réécriture de ce dernier Ce n’est donc pas à travers son propre vécu, mais à travers sa



MÉMOIRE ET CINÉMA - Acap

Dans la dernière partie du film, munis de petites caméras, les jeunes vont questionner leurs proches pour la première fois Et il est évident que la présence de la caméra , le contexte du film, permet d’un seul coup de délier les langues



UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL

importantes avec la description de la représentation des femmes du XVIIIe siècle de Rousseau, mais que ces changements n'étaient pas l'affirmation de la libre auto construction Au contraire, le pouvoir du patriarcat sur la construction des femmes reste tout puissant Dix ans plus tard, l'affirmation est fortement corroborée



La Rafle - WordPresscom

Vers la fin des années 80, elle a en tête d'écrire un scénario sur la vie de Christophe Colomb Elle propose l'idée à son compagnon, le producteur Alain Goldman L'idée plait et elle se met à l'écrire Après avoir appris que Ridley Scott voulait faire un film sur Colomb, elle lui propose le projet Le réalisateur accepte



Mémoire de fin d’études

International ou ATD Quart Monde), la lutte contre la faim (Action Contre la Faim), association pour l'économie mondiale (Mouvements altermondialistes), ou encore la protection de la nature (Sea Shepherd Conservation Society)



MEMOIRE

Figure III 16 : Effet de la concentration initiale sur la vitesse initiale de dégradation photocatalytique de l’Orange II -----89 Figure III 17 : Tracé de 1/kap en fonction de la concentration initiale pour l’Orange II ----90

[PDF] film sur le theme du souvenir

[PDF] film mémoire effacée

[PDF] film sur les souvenirs

[PDF] film sur la mémoire collective

[PDF] lord nelson (lidl) : thé vert

[PDF] twinings of london jade

[PDF] thé lord nelson lidl

[PDF] indicateurs économiques maroc 2016

[PDF] tableau de bord des indicateurs macro-économiques 2016

[PDF] roman policier pdf gratuit

[PDF] romans policiers 2015

[PDF] roman policier agatha christie pdf

[PDF] exemple de roman policier

[PDF] auteur polar francais femme

[PDF] ebook policier pdf

Tous droits r€serv€s Cin€mas, 2011

Ce document est prot€g€ par la loi sur le droit d'auteur. L'utilisation des d'utilisation que vous pouvez consulter en ligne. l'Universit€ de Montr€al, l'Universit€ Laval et l'Universit€ du Qu€bec " Montr€al. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche.

https://www.erudit.org/fr/Document g€n€r€ le 26 mai 2023 08:45Cin€masRevue d'€tudes cin€matographiquesJournal of Film StudiesLe film pour m€moire : sur H Story (Nobuhiro Suwa, 2000)The Film for Memory: On H Story (Nobuhiro Suwa, 2000)Marie-Fran...oise Grange

Grange, M.-F. (2011). Le film pour m€moire : sur

H Story

(Nobuhiro Suwa,

2000).

Cin€mas

21
(2-3), 171†183. https://doi.org/10.7202/1005589ar

R€sum€ de l'article

H Story

(Nobuhiro Suwa, 2000) propose, d'une part, le tournage d'un remake de

Hiroshima mon amour

(Alain Resnais, 1959) et, d'autre part, met en sc‡ne l'impossibilit€ d'une telle r€alisation. Cette tentative d'imitation, d'un film par un autre, incapable d'aboutir, d€rive alors de variations en r€€criture du film source. Le film japonais creuse une sorte d'espace interm€diaire dans lequel entrent en r€sonance l'€cho des formes, des mots, des cadres, l'€cho des €critures de deux films distincts appartenant " des €poques diff€rentes. C'est donc par la mise en perspective du film de Resnais, devenu son mod‡le et son r€f€rent, que le film de Suwa questionne sa propre contemporan€it€ ainsi que l'h€ritage re...u de l'histoire du cin€ma et, ce faisant, questionne la responsabilit€ qu'il porte face " l'Histoire.

Le film pour mŽmoire:

sur H Story(Nobuhiro Suwa, 2000)

Marie-Franoise Grange

RƒSUMƒ

H Story(Nobuhiro Suwa, 2000) propose, d"une part, le tournage d"un remakede Hiroshima mon amour(Alain Resnais, 1959) et, elle rŽalisation. Cette tentative d"imitation, d"un film par un autre, incapable d"aboutir, dŽrive alors de variations en rŽŽcriture du film source. Le film japonais creuse une sorte d"espace intermŽdiaire dans lequel entrent en rŽsonance l"Žcho des formes, des mots, des cadres, l"Žcho des Žcritures de deux films distincts appartenant ˆ des Žpoques diffŽrentes. C"est donc par la mise en perspective du de Suwa questionne sa propre contemporanŽ itŽ ainsi que l"hŽri- tage reu de l"histoire du cinŽma et, ce faisant, questionne la res- ponsabilitŽ qu"il porte face ˆ l"Histoire.

For English abstract, see end of articleC"est bien connu, les images de cinŽma se remplacent l"une

l"autre dans le dŽfilement d u film, la spŽcificitŽ du medium cinŽmatographique en a dŽcidŽ ainsi. Les images de cinŽma disparaissent, mais s"enclavent dans nos esprits et continuent de s"immiscer au fond de nos pensŽes, de nos histoires, de nos liens communautaires. C"est de c rence, dont je voudrais partir pour suivre le trajet des images cinŽmatographiques entre perte et mŽmoire, entre oubli et rŽmanence, entre effacement et empreinte, trajet d"images cinŽ- matographiques dans lequel se construit la relation ˆ notre passŽ commun, ˆ notre Histoire. Un film particulier me servira de fil conducteur pour suivre ce cheminement: H Story(Nobuhiro Suwa, 2000). Comment ce film s"Žlabore-t-il dans l"hommage, la reprise du film

Hiroshima mon amour(Alain Resnais, 19

59)? Comment glisse-

t-il du remakeˆ l"Žcriture par le biais de la rŽŽcriture? CommentCinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page171

ce film japonais construit-il (et se construit-il sur) la mŽmoire spectatorielle d"un film plus ancien? Comment active-t-il la capacitŽ du spectateur, ˆ travers la rŽsurgence d"un autre film, ˆ prendre place, ˆ faire communautŽ, ˆ faire Histoire?

H Story

Le film de Nobuhiro Suwa rend hommage au film d"Alain du film japonais que s"effectue la rŽfŽrence au film franais 1 , rŽfŽ- rence qui sera rebaptisŽe, au cours de H Story, Çremake 2

È. Le film

point de mire. Il en est en quelque sorte l"ouverture et la visŽe. L"ouverture: si la rŽfŽrence directe au film de Resnais sert de porte d"entrŽe, au sens propre du terme, ˆ H Story, l"entretien entre Nobuhiro Suwa et l"Žcrivain Machida Kou, placŽ ˆ l"intŽ- rieur du film, insiste sur la fonction de Hiroshima mon amourdans le projet de Suwa. Le rŽalisateur japonais y dŽclare en effet que le toire. Cette dŽclaration est Žtonnante, car Suwa affirme Žgalement tre nŽ ˆ Hiroshima et y avoir demeurŽ une partie de sa vie. La visŽe: le projet de film du rŽalisateur japonais sur sa ville l"impossibilitŽ de celui-ci, par une variation sur le film de Resnais, voire par une rŽŽcriture de ce dernier. Ce n"est donc pas ˆ travers son propre vŽcu, mais ˆ travers sa mŽmoire cinŽphilique que s"effectue la relation de Suwa ˆ la ville de Hiroshima et ˆ son passŽ. Ce n"est donc pas dans l"histoire personnelle du rŽalisateur, mais dans sa relation ˆ l"art cinŽmato- graphique que Hiroshima prend sens. Or cette mŽdiation du et une voie de barrage ˆ ce lieu inscrit dans le temps de l"Histoire. liser ce remake. La comŽdienne, BŽatrice Dalle, a de la difficultŽ ˆ apprendre le texte de Marguerite Duras, ˆ le dire. Elle se montre profondŽment agacŽe d"avoir ˆ redonner un texte, mot ˆ mot, d"avoir ˆ exŽcuter les mmes gestes que ceux d"Emmanuelle Riva

172CiNŽMAS, vol. 21, n

os 2-3 Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page172 dans son interprŽtation de Hiroshima mon amour. Nobuhiro Suwa exprimera ses difficultŽs, ses hŽsitations, ses doutes et, fina- d"abandonner le projet et d"en arrter le tournage. Quant ˆ HStory, le film rŽalisŽ, il prŽsentera non pas le remakemais le tournage du remake. H Storyest un film sur la fabrication d"un film qui refait un film tournŽ quarante annŽes plus t™t. La prŽsence de l"Žquipe sur le plateau, les entretiens sur le les claps, les surexpositions en fin de prise de vue: autant de marques construisant le film dans le film, la rŽalisation d"un film dans le film rŽalisŽ. La structure est d"autant plus complexe que cet embo"tement (tournage du remakedans le film rŽalisŽ) est doublŽ d"une sorte de bifidation interne. H Storypropose, bien que fortement intriquŽs l"un dans l"autre, deux arguments diŽgŽtiques:le tournage du remakedans lequel joue BŽatrice Dalle et la vie, hors plateau, de la comŽdienne ˆ Hiroshima. Ces deux arguments diŽgŽtiques s"intercalent dans le cours filmique. Aux vues prises sur le plateau se mlent la ren- contre de la comŽdienne avec l"Žcrivain M. Kou, son errance dans la ville, la dŽambulation amoureuse du couple dans la nuit de Hiroshima jusqu"ˆ la sŽparation finale, au petit matin. Deux argu- ments diŽgŽtiques dont les personnages sont interprŽtŽs par les mmes comŽdiens 3 , deux morceaux cinŽmatographiques aux imbrications narratives 4 fort ambiguës, interfŽrant sans arrt les unes avec les autres. ŽbranlŽe par le traitement en forme de work in progresscommun plus de la dualitŽ que de la dichotomie? Nous retrouvons, dans la partie hors plateau, les claps. de rushes que d"un montage final et les surexpositions ou obstruc- tions de cadre en fin de prise de vue ne manquent pas d"afficher, par le biais de ces marques Žnonciatives, la dimension d"expŽrience filmŽe, d"essai, voire de making ofdŽjˆ prŽsente dans le reste du film. La totalitŽ de H Storyest soumise ˆ des consignes de lecture parfois divergentes, jamais fermement Žtablies: incitation ˆ une

173(Nobuhiro Suwa, 2000)Le film pour mŽmoire: sur H Story

Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page173 lecture documentarisante contrariŽe, mise en doute par l"inscrip- tion de consignes fictionnalisantes. B.Dalle se trompe-t-elle Çvrai- mentÈ sur le texte de Duras ou joue-t-elle ˆ se tromper 5 Comment se fait-il que la fugue de la comŽdienne hors du plateau soit filmŽe, tandis que l"Žquipe de tournage est ˆ sa recherche? On le voit, l"ambiguïtŽ est entretenue, finement tissŽe, jouant de dŽnŽ- gations successives. S"il importe peu de savoir ce qu"il en est vrai- ment, il importe, en revanche, de montrer combien cette structure aux aspects de double langage plane sur l"ensemble du film, com- repŽrables 6 , restent labiles et se dŽlitent dans le traitement tant for- mel (le work in progress) que narratif (documentaire/fiction) du film. Y a-t-il scission ou cŽsure? Y a-t-il bifidation ou articulation? Rupture ou effet mŽtrique dans lequel s"engagent dŽplacement, rŽsonance? Y a-t-il interruption ou cadence? H Storys"articule tout autour de Hiroshima mon amour, l"en- cercle et le dŽtoure. Il l"inscrit dans la cŽsure, lˆ o se scandent l"Žcriture et la rŽŽcriture. H Storytourne autour d"un autre film qui s"affirme et se dŽrobe, se pose et s"estompe, se marque et se dissipe.

Remake, variation, rŽŽcriture

La relation qu"entretient le film de Suwa avec celui de Resnais circule sur plusieurs niveaux, car si le projet est de refaire, il ne s"inscrira pourtant dans le film que sous la forme d"une Žbauche. Aucun montage des plans du remaketournŽs ne sera montrŽ. Seules quelques prises de vues s"encha"neront les unes ˆ la suite relation amoureuse entre B. Dalle et M. Kou. Pour Raphaëlle Moine (2007, p.7), la pratique du remake montre que le rapport entre un remakeet son film source est extrmement variable [...]. Certains remakesrefont plan par plan un film, d"autres exploitent en fait un scŽnario dŽjˆ filmŽ qu"ils rŽŽcrivent au prŽalable en y introduisant au moins une variante, d"autres encore reprennent de faon plus l‰che une histoire, d"autres enfin s"inspirent simplement d"une idŽe dŽjˆ filmŽe.

174CiNŽMAS, vol. 21, n

os 2-3 Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page174 H StoryrŽalise son projet de remakeˆ la fois dans sa tentative d"ÇimitationÈ et dans une proposition de ÇvariationÈ (p. 7). Le tournage du remakeopte pour la ressemblance du film ˆ rŽaliser avec celui de Resnais. Le texte de Duras est rŽcitŽ mot ˆ mot; les cadrages du film de Resnais y ressurgissent par intermittence, parfois avec une certaine insistance. En revanche, lorsque nous suivons B. Dalle hors plateau, le remakeprend des allures de variations plus ou moins l‰ches par rapport au film de rŽfŽrence. D"une part, acharnement ˆ refaire qui ne produira que l"Žbauche du remakeimitatif; d"autre part, reconnaissance de l"impossibi- litŽ de refaire et dŽrive d"une balade dans Hiroshima, la ville, et dans Hiroshima, le film, tout ˆ la fois variation poŽtique et cinŽ- matographique 7 reprise, de transposition, de modulation o le Hiroshima des annŽes 2000, dans lequel arrivent encore des rencontres entre un homme et une femme, devient lointain Žcho de celui des annŽes 1960, o la confusion des amours prŽsentes et passŽes perturbe l"Žquilibre mental de l"hŽroïne. aise et un Japonais; errance dans la ville; rencontre avec des musiciens 8 . La nuit ˆ Hiroshima rŽaffirme quarante ans plus tard son activitŽ incessante, les corps se font face, se rappro- chent, les regards se posent et se dŽtournent. Le dŽroulement de la balade dans le Hiroshima contemporain devient un prŽsent chargŽ d"une mŽmoire, en l"occurrence cinŽphilique. Et ce prŽ- sent est capable d"activer un trajet mŽmoriel laissŽ ˆ la charge du spectateur. Non pas simple retour du passŽ dans le prŽsent mais projectionde l"un dans l"autre - du passŽ dans le prŽsent, du prŽsent dans le passŽ -, cette projectionactivant, sous l"opŽra- tion de vision, le regard spectatoriel. En ce sens, H Storydevient rŽŽcriture, au sens derridien du terme, dans laquelle le jeu diffŽ- rantiel des figures parcourt, dans un aller et retour incessant entre couches temporelles, les effets spŽculaires qu"un film contemporain entretient, construit avec les formes cinŽmatogra-

175(Nobuhiro Suwa, 2000)Le film pour mŽmoire: sur H Story

Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page175

Retour d"images

Le but de H Storyn"est pas de substituer un film ˆ un autre, de sacraliser un film plus ancien. Son but est de proposer, au moyen de ses Çeffets miroirÈ, engendrŽs par l"esquisse d"imita- la rencontre d"un visible avec un invisible, de faire place, de faire face, ˆ une altŽritŽ, ˆ l"autre r™dant tout autour. La prŽsence enfouie, tout au fond de H Story, d"un film que l"on ne voit pas (Hiroshima mon amour), est ici mode d"ouverture ˆ l"image ou ˆ la reprŽsentation 9 , devenue sans fond. Aucun extrait du film de Resnais ne nous est prŽsentŽ. Juste cadre dans le film japonais 10 . Elles deviennent ttes de chapitre de trois sŽquences du film de Suwa. Il faut insister: ces extraits du film franais ne sont pas filmiques mais photographiques.

Leur fonction de citation

11 ainsi que le surgissement de leur noir et blanc dans un film tournŽ en couleurs soulignent l"effet dŽmarcatif de leur importation. Ainsi, la rŽfŽrence ˆ Hiroshima mon amourest accrochŽe en ligne de mire. De sa place immo- bile, en plein Žcran, elle cadence et structure le film qui la reoit. Mais de sa place immobile, en plein Žcran, elle inscrit aussi, au le film qui appara"t, mais la reproduction figŽe d"un de ses pho- togrammes: le photographique comme substitut du filmique marque la place de l"absent. Et c"est du lieu de cette absence, matŽrialisŽe dans l"arrt sur photogramme, que le film source, devenu visŽe, affirme et affiche son r™le matriciel, initiateur de rŽŽcriture, donc d"Žcriture. H Storyse donne pour mission non pas de refaire, mais de dŽ-faire, de mettre ˆ distance pour pouvoir mieux observer, mieux montrer, et ce, afin d"avoir la possibilitŽ de faire par lui- images qui l"ont nourri et mis au monde, mange et consomme Hiroshima mon amour; ainsi lui rend-il hommage. Si cet hom- mage revendique, certes, une continuitŽ et une filiation, il reconna"t lˆ, surtout, une antŽrioritŽ, une autoritŽ qu"il sait

176CiNŽMAS, vol. 21, n

os 2-3 Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page176 question qui est ici posŽe, relative ˆ l"opŽration mme de faire du cinŽma aujourd"hui, en l"occurrence en 2000 (date de rŽalisa- tion du film de Suwa), se profile la nŽcessitŽ de continuer ˆ pen- ser par l"intermŽdiaire du cinŽma. Quel sujet pour un film? Quelle reprŽsentation audiovisuelle? Quelle histoire? Mais Žga- lement dans quelle Histoire? Qu"est-ce que la bombe de Hiroshima, aujourd"hui? Qu"est-ce qu"un film d"aujourd"hui sur la bombe de Hiroshima? Que rŽali- l"histoire du cinŽma. Que faire du cinŽma et de son passŽ? HStory, il reste des plans, des fictions, des chassŽs- croisŽs d"images qui ont parcouru nos ttes et ont, quelque part, enfoui leur empreinte dans nos inconscients et peut-tre nos incons- ciences. Ce qu"il reste de Hiroshima est un film, Hiroshima mon amour, une organisation signifiante d"images et de sons, qui continue, par la force des projections, ˆ courir nos imaginaires, ˆ porter et ˆ construire nos idŽes du passŽ. Le cinŽma avec H Storyest non pas ce qui reconstitue dienne 12 , prŽsente notamment dans Histoire(s) du cinŽma (Godard, 1988-1998), semble rŽactivŽe par la rŽponse de Suwa. Que ce lien ˆ l"Histoire soit tissŽ ˆ travers la rŽfŽrence du film de Resnais laisse entendre combien la leon de Hiroshima mon amoura ŽtŽ perue: reconstituer l"ŽvŽnement historique, mettre guerre, fait prendre le risque de la spectacularisation, de Çla prŽ- senceÈ trop pleine, ǎpaisse et tautologiqueÈ (Nancy 2003, p. 68), prendre le risque de la prŽsentation qui peut entra"ner le cinŽma de la reconstitution au fond de l"ab"me 13 Hiroshima mon amourconfronte des consciences, celles des personnages de la Franaise et du Japonais, ˆ la nŽcessitŽ et ˆ l"impossibilitŽ de la mŽmoire, ˆ l"acte mme de mŽmoire dans lequel est tapi l"oubli. Faire porter le poids de l"ŽvŽnement histo- rique ˆ des personnages perdus dans les strates de leur propre vŽcu est un moyen non pas de fuir l"horreur, mais de la livrer au plus profond d"elle-mme. Et l"Histoire se construit ˆ travers la

177(Nobuhiro Suwa, 2000)Le film pour mŽmoire: sur H Story

Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page177 conscience/inconscience des hommes et des femmes qui se dŽbattent avec eux-mmes. Dans Hiroshima mon amour, la bombe atomique est devenue atomisation de la structure filmique (Ropars 1983) 14 . Le film de trale ˆ l"impossibilitŽ de reconstituer. Oui, cette reprŽsentation, habitŽe de ses spectres et de son refus de tout montrer (de se constituer en Tout), est ˆ mme de tŽmoigner. Le film, en pro- duisant l"atomisation de la construction textuelle en lieu et place de celle provoquŽe par la bombe, est en mesure d"entra"ner le choc des fulgurances mŽmorielles et des oublis catastrophiques, le glissement des couches temporelles prises entre souvenir et 15 H Storya entendu Hiroshima mon amour, a peru cette construction filmique dans laquelle un monde en filigrane passe et surgit par Žclairs et Žclats dans la rencontre momentanŽe de sons et d"images. Comme Hiroshima mon amour, le film japo- nais refuse de reproduire, de scŽnariser l"ŽvŽnement historique. film de Suwa cherche ˆ tracer son propre chemin. Par l"intermŽ- diaire de l"impossible remake-imitation, par la variation et la rŽŽcriture, il cherche un moyen de porter souterrainement ce qui fut dŽjˆ fait dans ce qui doit encore et toujours s"accomplir: tŽmoigner, regarder, prendre part. Pour produire et transmettre, il faut nŽcessairement se charger de l"expŽrience de l"autre, se charger de cette expŽrience audio - visuelle prŽcŽdente sans forcŽment la reproduire ni la sclŽroser. Quant ˆ cette expŽrience de l"Histoire et de ses modalitŽs de transmission par le biais du cinŽma et de sa propre histoire, elle devient l"enjeu central de H Story. Le film japonais trouve place, tion d"un film plus ancien et oblige ainsi son spectateur ˆ prendre, ˆ occuper et ˆ dŽterminer la sienne.

Entre deux films

H Story, dans sa relation au film de Resnais, effeuille un film par un autre, une organisation audiovisuelle par une autre, une

178CiNŽMAS, vol. 21, n

os 2-3 Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page178 image par une autre. Dans ce creusement, voire cet Žvidement, se greffent non seulement une forme de reconnaissance (d"o cinŽmatographique), mais encore une ouverture ˆ la possibilitŽ de sens, de regard, d"imaginaire et de pensŽe de l"Histoire. Cela aurait pu s"engendrer autrement, par un autre biais, mais il se trouve que les choix opŽrŽs par la construction discursive de H laquelle la reprŽsentation du film japonais cherche sa lŽgitimitŽ et, plus encore, sa propre visŽe de l"art. Car le film de Resnais, en devenant, ˆ la place de Hiroshima (la ville et l"ŽvŽnement histo- rique), la rŽfŽrence de H Story, en devenant l"objet du film de Suwa, prend une part active au processus mme de reprŽsenta- tion du film japonais dŽsormais habitŽ d"une mŽmoire (de l"art, de l"histoire de l"art cinŽmatographique et de l"Histoire). Et, peut-tre, plus qu"un simple procŽdŽ d"ouverture, faudrait-il voir dans cette composition la faon dont H StorydŽporte son image sur une ligne de fuite. Ce tracŽ en continuitŽ, en ressemblance/ dissemblance, donne quelques chances ˆ l"image filmique contemporaine Çde retenir le passŽÈ, de le faire surgir par Žclairs ou d"en maintenir, par ˆ-coups, la lueur disparaissante. Walter Benjamin (2000, p. 430) Žcrivait dans un texte de 1940:
L"image vraie du passŽ passe en un Žclair. On ne peut retenir le passŽ que dans une image qui surgit pour toujours ˆ l"instant mme o elle s"offre ˆ la connaissance. [...] c"est une image irrŽcupŽrable du passŽ qui risque de s"Žvanouir avec chaque prŽ- sent qui ne s"est pas reconnu visŽ par elle. H Storyse penche sur le passŽ historique ˆ travers la mŽmoire qu"en a transmise Hiroshima mon amour. Il garde mŽmoire d"une mŽmoire filmique antŽrieure ou, plus encore que de la garder, il de fuite, filiation en retrait, structure de renvoi, dŽploiement de rŽsonances: il revient ˆ l"image de l"art cinŽmatographique de sauver le passŽ et d"affirmer, par ce cheminement, sa contempo- ranŽitŽ. Car sauver le passŽ est aussi sauver le prŽsent.

179(Nobuhiro Suwa, 2000)Le film pour mŽmoire: sur H Story

Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page179 Dans cette ligne de fuite se dŽtermine aussi une position Hiroshima mon amourphagocytŽ par H Storycomme par son autre - stratifie les images proposŽes. Par la mise en retrait du film franais, elle oblige le spectateur ˆ se situer vis-ˆ-vis du film japonais et, en un effet inverse et simultanŽ, par la mise en retrait du film japonais, elle oblige le spectateur ˆ se situer vis- ˆ-vis du film franais. Le non-recouvrement d"un film par un autre, le lien que chacun tisse avec son autre tend et distend l"entre-deux-films dans lequel H Storyinstalle son spectateur face ˆ la nŽcessitŽ (la possibilitŽ?) de produire un regard, une pensŽe, en l"occurrence, un regard et une pensŽe sur l"Histoire, ou, pour le dire sous un autre angle, face ˆ la nŽcessitŽ (la possi- bilitŽ?) de s"inscrire, ˆ son tour, dans un processus mŽmoriel. Dans H Story, les dialogues sont souvent couverts, embrumŽs par les bruits environnants, et l"obscuritŽ baigne de nombreuses prises de vue. Il n"est pas utile d"entendre distinctement et de comprendre parfaitement les phrases, pas utile de dŽmarquer les corps et de repŽrer les fonds, il suffit d"accrocher, sous les mots prononcŽs et les formes tracŽes, les accents et figures d"une autre histoire, dŽjˆ racontŽe, entre un homme japonais et une femme venue de France. Ne suffit-il pas, plus que d"entendre la conti- nuitŽ dialoguŽe, de percevoir dans le tremblement du noir et le murmure indistinct, le jeu d"une comŽdienne d"aujourd"hui qui refuse, accepte, refuse et accepte d"tre instrumentalisŽe au profit d"une comŽdienne plus ancienne? Le spectateur ne peut que prendre cette rŽsistance au pied de la lettre et veiller ˆ ce que l"image filmique, habitŽe de ce qui n"est pas lˆ, monte en sur- face, surgisse d"une histoire de cinŽma dans laquelle est dŽposŽe celle de notre monde.

Conclusion

En tant qu"hommage, H Storyne se pose plus frontalement la question du point de vue sur le monde, mais du point de vue sur un film qui s"est chargŽ, bien avant lui, de celui-ci. Entre l"ŽvŽne- Hiroshima mon amour, ce qui nous oblige ˆ penser le lieu ˆ partir duquel nous percevons et mesurons l"ŽvŽnement. Si Hiroshima

180CiNŽMAS, vol. 21, n

os 2-3 Cinémas 21, 2_Cinémas 21, 2 11-07-06 19:05 Page180 mon amoura refusŽ, en son temps, la reconstitution, le film japo- nais pose, entre lui et le monde, le lieu de l"autre, le lieu de la construction audiovisuelle d"un autre, obligeant son spectateur ˆ tion interfilmique, de la place - place que lui-mme se doit de dŽterminer - ˆ partir de laquelle il regarde, ce qui revient ˆ dire, ˆ prendre acte de la question de son point de vue. L"Histoire qui nous habite est images des films devenus, au fil du temps, origine et fondation du cinŽma d"aujourd"hui. Il sem- blerait, ˆ suivre H Story, que ce soit par l"intermŽdiaire des petites histoires de cinŽma et de nos mŽmoires cinŽphiliques que s"effectue la confrontation ˆ l"Histoire et ˆ son partage.

UniversitŽ de Saint-ƒtienne

NOTES

1.Le carton est formulŽ ainsi: ÇWith reference to the motion picture "Hiroshima

mon amour" produced by Argos film, directed by Alain Resnais based upon Marguerite Duras"s screenplay and dialogue published by ƒditions GallimardÈ.

2.Lors de la sŽquence de H StoryconsacrŽe ˆ l"entretien entre l"Žcrivain Machida

Kou et le rŽalisateur Nobuhiro Suwa.

du remake.

4.On pourrait considŽrer le tournage du remakecomme un film second (Metz

1991, p.93-111) et voir dans la partie consacrŽe ˆ B. Dalle hors plateau un film pre-

mier. Or une telle dŽcoupe entre les niveaux narratifs n"est pas aussi claire. La partie consacrŽe ˆ B. Dalle hors plateau est soumise, au mme titre que le tournage du remake, ˆ des marques (surexposition en fin de prise de vue, claps,etc.) inscrivant Žga- lement le film dans le film.

5.Dans un entretien pour les Cahiers du cinŽmade Nobuhiro Suwa avec Charles

quotesdbs_dbs5.pdfusesText_9