[PDF] Fiche de lecture : La relation maître-?serviteur dans la littérature





Previous PDF Next PDF



« Ruy Blas ou le romantisme en scène » Victor Hugo (1838) Cette

On rencontre ce registre à plusieurs époques et dans des genres littéraires divers mais il a été particulièrement utilisé par les poètes romantiques du XIXème 



FICHE PROPOSEE DANS LE CADRE DES TRAAM

vocabulaire notamment les termes nécessaires à l'analyse littéraire. les registres littéraires dans Ruy Blas de Hugo ...



Hernani Ruy Blas et les complications du pathétique - Claude Millet

Il faut d'abord noter que Hugo use de tous les registres du pathétique : du Ubersfeld Annales littéraires de l'Université de Besançon / Les ...



Ruy Blas - lect analytique III-5

SUPPORT : Hugo Ruy Blas



Les Contemplations

rit) recueils poétiques



Créer des exercices interactifs de vocabulaire

LEXIQUE : les registres littéraires dans Ruy Blas de Hugo. Les termes à replacer sont : comique dramatique



Morale et politique de lamour dans Hernani

est évidemment un lieu commun littéraire. Mais à l'époque de Hugo 8 Victor Hugo



Ruy Blas

HUGO. Ruy Blas. Édition avec dossier de Sylvain Ledda littéraire et les spécificités de l'écriture romantique et du genre théâtral.





Fiche de lecture : La relation maître-?serviteur dans la littérature

Le serviteur littéraire est un type issu de cette réalité sociale. Dans Ruy Blas de Hugo on retrouve une relation maître-?serviteur très particulière.

Larelationmaître-serviteurdanslalittératureTextedeprésentationLesdomestiques(valetsservantes,nourrices,etc.)sontplacésdansl'intimitéd'unemaison,d'unefamille,d'unepersonneIlssontdestémoinsdechaqueinstantetassistentàtoutmomentleursmaîtres.Lespartiesdelamaisonquileursontréservéesnebénéficientquepeud'intimité ,car ellessontconçu esdemanière àpermettreleurinvisibi litéetleu romniprésence.Lesdomestiquessontsiintégrésàlaviequotidienne,qu'onoublieparfoisleurexistencepropre.Leserviteurlittéraireestuntypeissudecetteréalitésociale.Larelationmaître-serviteurestdoncmarquéeparlesinégalitéssocialesetl'inférioritédudomestique(VoirClind'oeilN°1).Elleaétémaintesfoisillustréedanslalittérature,etcecidepuisl'Antiquité.1.1 Larelationmaître-serviteurauthéâtre1.1.1 DanslacomédieDèsledébut,danslacomédie,nombreuxsontlesvalets(VoirClind'oeilN°2),attributsindispensablesàtoutemaisonnée.Leurprésenceestpresqueconstante,parfoisanonyme:cesontalorsdesutilités.Ainsi,ladépendance,lavariétéetl'anonymatcaractérisent-ellesaupremierabordlasituationdupersonnageduvalet.Mais,àpartirduXVII°,certainsvaletsontacquisuneréelle identitéetson tdevenusessentielsà lacomédie,aussibien dansl astructuredramaturgique(ilsconstituentleressortcomiqueprincipal)quedanslelienaveclepublic(complicité).Leurpersonnalités'affirmeetsedévoiledansleurrelationaumaître,sibienqueleduomaître-valetestdevenuindispensableàlacomédie.1.1.1.1 AvantleXVIIèmeDansl'Antiquité,"lacomédienouvelle»,duIV°auII°siècleav.J.-C.,metenscènelecouplemaître-serviteur.MénandredanslaGrèce AntiqueetPlauteetTére ncedanslaRom eAntiquefontdesvaletsetdesservantesdestypescomiques,aujeu,àl'habit,aulangageetauxfonctio nscaractéristiques.Leurstraits distinctifslesplusimportantsretenusparla traditionsontalorslaruse,legoûtdumensongeetl'artdelaparole.OnretrouveensuitecestypesdanslafarcemédiévaleetsurtoutdanslaCommediadell'arte(VoirLedossier"LeshéritiersdelaCommediadell'arte»),quiacrééArlequin,leprototypeduvaletnaïf,grossier,cupide,paresseux,gourmand,fourbe(VoirClind'oeilN°3),ruséetfinstratègedanslesintri guesamoureu ses.Larelationmaître-valetestalors devenue uneconventionduthéâtredecomédie.Levaletestuntypequiregroupetouteslesfonctionsdetouslesvaletsd'unemaison.Iln'estplusesclave.Ilestrémunéré:ilreçoitdesgages,mêmesiceux-cisontrarementperçus.Ilestlogé,nourrietblanchi.1.1.1.2 AuXVIIèmeLesvaletsde Molièreemprunte ntbeaucoup deleurstraitsauxvale tsdescomédiesantiques,maisaussiauzannidelaCommediadell'arte(Arlequin,Scapin,Pierrot,PolichinelleouTrivelin).S'ilsontprincipalementunrôlecomique,leurspoidsdramatiquediffèrentd'une

Larelationmaître-serviteurdanslalittératurecomédieàl'autre,selonl anatu redelarelationmaître-serviteur.Levaletmoliéresque entretientavecsonmaîtreunerelationdefamiliaritéetluisertdeconfident.Pourlemaître,ilestmêm eunees pècedemiroir avecquilad iscussionn'apasdec onséquenc e.Celan'empêchepasqu'ilsefaitrabroueroureçoitdescoups.Mais,cetterelationn'estpasdutoutressentiecommeunproblèmedeclassessociales.1.1.1.3 AuXVIIIèmeSouslesrègnesdeLouisXVetdeLouisXVI,labourgeoisies'épanouitdeplusenplusetlesstructuressocialestraditionnellescommencentàsemodifier.AlafinduXVIII°,lestitresdenoblessehéréditairessontlar gementcontestés:onp rendpeu àpeuconsciencequela valeurdel'individuestindépendantedelafortuneetquelapositionsocialen'estquelefruitduhasarddelanaissance.Certainesoeuvres(comédies,contesphilosophiqueouromans)mettentenavantlecouplemaître-serviteurafindefaireressortircetteréalitésociale.C'estainsiquelescomédiesduXVIII°mettentenscènedesserviteursenquêtedeliberté,afindemontrerl'évolutiondesmentalités.Larelationmaître-serviteurestalorsressentiecommeunproblèmedeclassessociales.AlorsquechezMolièrelevaletn'osepastropcritiquerouvertementsonmaître(illefaitplutôtdansdesapartésoudansdesmonologues),chezBeaumarchaisetMarivaux,ilosetenirtêteàsonmaître,lecritiqueretluifaireconnaîtresesrevendications.1.1.2 DanslatragédieclassiqueLecouplemaître-serviteurestaussiexploitédanslatragédieclassiqueoùl'ontrouvelepersonnageduconfident.Danslatragédieantique,iln'yavaitpasdeconfidents,carsurscène,lespersonnagesavaientuninterlocuteurouunauditeurpermanent:lechoeur(VoirleSaviez-vousN°1).Mais,par lasuite,le choeures trempl acéparlepersonnag educonfident,dontlaprésencesurscèneestleplussouventmuette.Celui-ciestindispensableauxpersonnagesdehautrang,qui,selonlesbienséances,nepeutpassetrouverseulsurscène.Mais,ilrecueil ledenombr eusesinf ormationsdesconversationsqu'il entende tcelles-cialimententsescommentairesetsesconseilsdanslesscènesoùilprendlaparole.Si,audébutduXVII°,lesdramaturgesmontrentunengouementtrèsfortpourlepersonnageduconfident,après1654,latendancegénéraleestdelesupprimer.AlorsqueCorneillenelemetpastoujoursenscène,sonutilisationestquasi-permanentechezRacine,qui,enprenantl'optiondeconservercerôleetd'enexploitertouteslespossibilités,vaàl'encontredesescontemporains.C'estqu'enfaitlerôleduconfidentfacilitelascèned'expositionetévitelesmonologuessouventtrèslongs.Ilp ermetderévélerles clésdel'i ntrigueenincitantlepersonnageprincipalàselivrer(mêmes'ilestdéjàaucourantdesestourments).Ilestlereprésentantdubonssensfaceauxégarementsdelapassiondesonmaître.Ainsi,sisonrôleesteffacéetpassif,a-t-ilcependantuneutilitédramatique.Silesconfidentssontdespersonnagesengénéralsansindividualité,toutdeconventionetn'intervenantpasdansl'action,ilexistedesconfidentsàfortepersonnalitéquiontunefonctiontragique(tentateuroucomplice),commeOenonedansPhèdre.1.1.3 DansledrameAuXVIII°,lepublicsepassionnepourlethéâtre,maisdélaisselatragédiequisubsisteencoreavecCrébillonpèreetVoltaire(ZaïreetMérope).Apparaîtalorsungenrenouveauquiviseà

5Larelationmaître-serviteurdanslalittératurelaremplacer:ledramebourgeois.C'estDiderotquienparlepourlapremièrefoisdansLesEntretienssurleFilsnature l.Ce théâtr e,quis esitueentrelacomé dieetlatragé die,présenteunepeintureréalistedesmilieuxbourgeois.Ilgardelepersonnageduvalet,maisabandonneceluiduconfident.S'ilseprolongeauXIX°avecAugierouDumasfils,illaisselaplaceaudrameromantique,nouveaudramedéfiniparHugo,danslafameusepréfacedeCromwell(1827),oùildéveloppe unevéri tablethéor iedel'art,prônantlemélangedu sublimeetdugrotesquequiinclutlelaidetlemal.Lesdramesromantiquesportentsouventsurledestin d'unhér osopposéàl'ordr esocial(Hernani ,RuyBlasouLorenzac cio).Ilstiennentdelatragédiep arlapeintu redes passionsetdelacomé dieparc elled escaractères.DansRuyBlasdeHugo, onretrouveune re lationmaîtr e-serviteurtrèsparticulière.1.2 LarelationmaîtreserviteurdansleromanLecouplemaître-serviteurestaussiutilisédansleromandepuissesorigines.Mais,alorsquejusqu'auXIX°,ils'agitplutôtducouplemaître-serviteur,auXIX°toutchange.Lesserviteurshommes(valets,cochers,cuisiniers,maîtresd'hôtel,etc.)nejouentplusqu'unrôletrèssecondaire(misàpartdanslesré citsd'aventures, co mmelec ouplePhileas Fogg-PassepartoutdansLeTourdumondeen80joursdeJulesverne)etn'apparaissentsouventquecommetoiledefondconnotantindirectementlarichesseetl'opulencedelamaisonbourgeoise.ParcontrelepersonnagedelaservanteacquiertunreliefetuneimportanceconsidérableauXIX°.1.2.1 DansleromanavantleXIXèmeSilepersonnageduserviteurapparaîtdansleromandepuissesorigines(romangrec,romanlatinouromanmédiéval),ilfautattendrelanaissanceduromanmoderne,etnotammentlatraditionduromancomiq ue,pour voirapparaîtrede scouplesmaître-serviteurcaractéristiques.Même,dansleromanpicaresque(VoirLesaviez-vousN°2)oùlepicarosertdemultiplesmaîtres,larelationmaître-serviteurn'estpasmiseenavant,carcenesontquedesmaîtresde rencontre.C'estav eclaRabelai s(Pantagruel,1534)etCervantès (DonQuichotte,1605-1615)quel'onrencontrelespremierscouplesmaître-serviteur.AuXVIII°,leromanconnaîtunessorconsidérableetsessujetssediversifient.Sonsuccèsentantque genrefavoris esonutilisationpo urladiffusiondesidéesphilosophique s.LesphilosophesdesLumièresnes'enpriventdoncpasetutilisentleromanpouraccomplirleurtransformationdelaphilosophie.Ilspeuventainsidissertersurdenombreuxsujets,commeceluidel'amour,d ubonheu r,delamort,etc.Mais,ceq uinousinté resseplu sparticulièrementicic'estlaréflexionmodernedeDiderotsurlacouplemaître-serviteurquel'onrencontredansJacquesleFataliste(VoirLeSaviez-vousN°3):leserviteurestphilosopheetentretientsonmaîtresursavisiondumondeetsesaventuresamoureuses.1.2.2 DansleromanduXIXèmeAuXIX°,c'e stl'âged' orduroman,qu el'onretrouve danstouslesmo uvements, duromantismeaunaturalisme.Lanouveauté,plusparticulièrementdansladeuxièmemoitiéduXIX°,estlaplacequ'yoccupelaservante.Celle-ciestuneservantenonspécialisée,plutôtunebonne-à-tout-faire,commedanslaréalité,oùelleremplaceàelleseuleladomesticiténombreuseetspécialiséedel'AncienRégime.Danscesromans,laprésencedecetypeest

6Larelationmaître-serviteurdanslalittératureécrasanteetdétermines ouvent ledéroulementdesévènemen ts. Laservantelittéraireentretientdesrelationstrèsambigüesetsouventconflictuellesavecl'espaceprivéauquelelleestdirectementrattachée,parfoisdepuissapremièrejeunesse.Ellen'apasdenomdefamille,apparaîtsansracinesetsansfamilleetn'apasd'autonomieaffective.Ilexisteunstatutd'inclusionetd'exclusiondelafamilleentrelaservanteetlesenfantsdelamaison.Lesgestesdelaservantedoiventapparaîtrecommelessignesdesondévouementetnonpascommelesmarquesd'unamourquineluiestpasdemandé.Inscritedanscecorpsferméqu'estlafamille,laservanteenestenmêmetempsradicalementexclue.CeladevientdeplusenplusnetdansladeuxièmemoitiéduXIX°,oùlesbonnessontlogéesdanslescomblesdesimmeuble shaussmanniens.Labourgeoisie instaureunedistanceentremaîtresetserviteursplusmarquéequ'ellenel'étaitauXVIII°.Siaudépart,laservanteestunpersonnagesecondaire,presquetransparent,elleprendsouventdel'importancetoutaulongduroman.IlenestainsidansUneViedeMaupassantetdans LaCuré edeZolaoù lepersonn agedelas ervantees tutilisépourmontrerindirectementladéchéancemoraleetphysiquedelabourgeoiseetlacapacitédupeupleàs'ensortir,às'éleversocialementengardantsespropresvaleurs.Nombreuxsontlesécrivainsquitémoignentdelaviolencedesrelationsmaître-servante,relatantlaséductiondelaservantejeuneetinnocenteparunhommeâgé,duretviolent.L'issueestpresquetoujourslamême:laservanteenceintedoitquitterlaplaceetassumerseulesconséquencesdesagrossesse.OnretrouveceschémadansUneViedeMaupassant,LesMystèresdeParisd'EugèneSueouPot-bouilledeZola.Enfin,ilyaquelquesgrandsetraresromansoùlepersonnageprincipalestuneservante:UnCoeursimpledeFlaubert,GerminieLacerteuxdesfrèresGoncourtouencoreLeJournald'unefemmedechambredeMirbeau.Deuxtypesdeservantessonticimisenscène:laservanteaugrandcoeur,fidèlejusqu'àlamort(chezFlaubert)etlaservantemonstrueusechargéedetouslesvices(chezlesGoncourtetMirbeau).Lalittératurepermetdonc,àtraverslarelationmaître-serviteurd'étudierl'évolutiondurapportdesclassesentredominantsetdominés,maîtresetdomestiques.Danscedossier,touslesserviteursdelalittératurenesontpasreprésentés.Lecorpus,établiàpartirdesouvragesproposésparlaCASDENentéléchargement,chercheàcerneruniquementcequelarelationmaître-serviteurpeutavoirdeparticulier.

7Larelationmaître-serviteurdanslalittératureExtraitsducorpusLarelati onmaître-serviteuresttoujoursunrapp ortdominan t-dominé.Nousallonsvoircommentelleévoluedanslesoeuvresdenotrecorpus,allantdelasoumissionàlarévolteduserviteur.2.1.LasoumissionduserviteurEngénéral ,lemaîtreexerceuneauto ritéinco ntestéesurlese rviteur.Celui-ciestun collaborateurobéissant.2.1.1LasoumissionanimaleIlyasoumissionanimale,lorsquelemaîtren'accordepasplusdeplaceàsonserviteurqu'àunanimald ecompagnieetq u'ilpeut utiliseruserdebrutalité.Dan slal ittérature,lesauteurss'attachentalors àdénoncerlaconditionmisérableetsoumis eduserviteur,àtraversuneanimalisationquitraduitleméprisetladéconsidérationduserviteurparlemaître.DanssaComédiehumaine,Balzac s'attacheàdécri relesdifférents clas sessocialesets''intéressedoncàcelledesserviteurs.Dansdeuxdesesromans,EugénieGrandet(1833)etLaRabouilleuse(1842)(VoirLeSaviez-vousN°4),larelationmaître-serviteurestessentielle.Balzac:EugénieGrandet(1833)DansEugénieGrandet,larelationentrelaGrandeManonetM.GandetestsurtoutfondéesurlasoumissionanimaledeManon.Danslapremièrepartieduroman,elleestcomparéeàunchienobéissantetfidèleàsonmaître,quil'aimecommeonaimeunchien.D'autrepart,sescondition sdevieressemblentàcelled'unc hien.Elleest reconnaissantedespetits cadeauxoffertsparsonmaître,mêmes'ilnes'agitquedesfruitsdestinésauxanimaux.Elleacceptegaiementl'exploitationdesonmaître,carelleesttrèsheureused'avoirtrouvéuneplace,malgrésalaideur.EllerespecteGrandet.Quantàlui,ilapourelleuneconfianceparticulière.Illuilivresessecretssanspeur.Illuifaitconfiancecommeàunchienquinesaitpasparler.Manonsesoumetàsonmaître,sansjamaislecontredire.Saloyautéetsafidélitésontexception nelles.Elleestcontentedesonsortetnecherche jamaisàchanger sasituationnisonstatut.Elledonnesansdemander.Extrait:EugénieGrandet,p12-14"LaGrandeNanonétaitpeut-êtrelaseulecréaturehumainecapabled'accepterledespotismedesonmaître.(...)Àl' âged evingt-deuxans,lapauv refille n'avait puseplacerchez personne,tantsafigure semblaitrepoussante(...).LepèreGrandetpensaitalorsàsemarier,etvoulaitdéjàmontersonménage.Ilavisacettefillerebutéedeporteenporte.Jugedelaforcecorporelleensaqualitédetonnelier,ildevinalepartiqu'onpouvaittirerd'unecréaturefemelletailléeenHercule,plantéesursespiedscommeunchênedesoixanteanssursesracines,fortedeshanches,carréedudos,ayantdesmainsdecharretieretuneprobitévigoureusecommel'étaitsonintactevertu.Nilesverruesquiornaientcevisagemartial,nileteintdebrique,nilesbrasnerveux,nileshaillonsdelaNanonn'épouvantèrentletonnelier,quisetrouvaitencoredansl'âgeoùlecoeurtressaille.Ilvêtitalors,chaussa,nourritlapauvrefille,luidonnadesgages,etl'employasanstroplarudoyer.Ensevoyantainsiaccueillie,laGran deNan onpleurasecrètement dejoie,ets'atta chasincèrementau tonnelier,qui

8Larelationmaître-serviteurdanslalittératured'ailleursl'exploitaféodalement.Nanonfaisaittout:ellefaisaitlacuisine,ellefaisaitlesbuées,elleallaitlaverlelingeàlaLoire,lerapportaitsursesépaules;elleselevaitaujour,secouchaittard;faisaitàmangeràtouslesvendangeurspendantlesrécoltes,surveillaitleshalleboteurs;défendait,commeunchienfidèle,lebiendesonmaître;enfin,pleined'uneconfianceaveugleenlui,elleobéissaitsansmurmureàsesfantaisieslesplussaugrenues.(...)LanécessitérenditcettepauvrefillesiavarequeGrandetavaitfiniparl'aimercommeonaimeunchien,etNanons'étaitlaissémettreaucouuncolliergarnidepointesdontlespiqûresnelapiquaientplus.(...)IlyavaitdansSaumurunegrandequantitédeménagesoùlesdomestiquesétaientmieuxtraités,maisoùlesmaîtresn'enrecevaientnéanmoinsaucuncontentement.Delàcetteautrephrase:"Qu'est-cequelesGrandetfontdoncàleurgrandeNanonpourqu'elleleursoitsiattachée?Ellepasseraitdanslefeupoureux!»(...)Laservantecouchaitaufonddececouloir,dansunbougeéclairéparunjourdesouffrance.Sarobustesantéluipermettaitd'habiterimpunémentcetteespècedetrou,d'oùellepouvaitentendrelemoindrebruitparlesilenceprofondquirégnaitnuitetjourdanslamaison.Elledevait,commeundoguechargédelapolice,nedormirqued'uneoreilleetsereposerenveillant.(...)D'ailleurslecoeursimple,latêteétroitedeNanonnepouvaitcontenirqu'unsentimentetuneidée.Depuistrente-cinqans,ellesevoyaittoujoursarrivantdevantlechantierdupèreGrandet,piedsnus,enhaillons,etentendaittoujoursletonnel ierluidisant:-Quevoulez -vous,mamigno nne?Etsareconnaissa nceét aittoujoursjeune.»Larelationmaître-servanteainsiétablienevariejamaisjusqu'àlamortdeGrandet.Mais,après,lestatutsocialdelaGrandeManonchange:unerenteviagèredonnéeparEugénieetunmariageheureuxlafaitpasserdedomestiqueàbourgeoise.2.1.2LaservitudecorporelleBiensouvent,laservanteestastreinteàuneservitudecorporelle.Beaumarchais:LeMariagedeFigaro(1778)Al'aubedelaRévolutionFrançaise,dansLeMariagedeFigaro,Beaumarchaisdénoncelestatutinjustedesvaletsetdesservantes.SuzannelasoubrettequidoitépouserFigaroestenproieàunchantagedelapartducomteAlmaviva.Celui-cilamenacedenepasluidonnersonaccordsiellenecèdepasàsesavances.Cedroitdecuissageaccordécommeprivilègeauxseigneursd'autrefoismontreàquelpointlesbourgeoisabusentdeleurpouvoir.Extrait:LeMariagedeFigaro,ActeI,Scène1,p.5"(...)Figaro:Ehqu'est-cequ'ilya?Bondieu!Suzanne:Ilya,monami,que,lasdecourtiserlesbeautésdesenvirons,monsieurlecomteAlmavivaveutrentrerauchâteau,maisnonpaschezsafemme;c'estsurlatienne,entends-tu,qu'ilajetésesvues,auxquellesilespèrequecelogementnenuirapas.Etc'estcequeleloyalBazile,honnêteagentdesesplaisirs,etmonnoblemaîtreàchanter,merépètechaquejour,enmedonnantleçon.Figaro:Bazile!ômonmignon!sijamaisvoléedeboisvert,appliquéesuruneéchine,adûmentredressélamoellepinièreàquelqu'un...Suzanne:Tucroyais,bongarçon!quecettedotqu'onmedonneétaitpourlesbeauxyeuxdetonmérite?Figaro:J'avaisassezfaitpourl'espérer.Suzanne:Quelesgensd'espritsontbêtes!Figaro:Onledit.Suzanne:Maisc'estqu'onneveutpaslecroire.Figaro:Onatort.Suzanne:Apprendsqu'illadestineàobtenirdemoi,secrètement,certainquartd'heure,seulàseule,qu'unanciendroitduseigneur...Tusaiss'ilétaittriste!

9Larelationmaître-serviteurdanslalittératureFigaro:Jelesaistellementque,simonsieurlecomteensemariant,n'eûtpasabolicedroithonteux,jamaisjenet'eusseépouséedanssesdomaines.Suzanne:Eh bien!s'il l'adétruit,ils 'enrep ent;e tc'est detafiancéequ'ilveu tle racheteren secretaujourd'hui.(...)»DansladeuxièmemoitiéduXIX°,l'imagedelafemmecommeêtreinférieurestencorecourante,d'autantpluss'ils'agitd'unedomestique.Laservantedoitaussiuneservitudecorporelleàsonmaître,celafaitpartiedesservices.Ainsi,ladomesticitéféminineest-ellelemilieud'origineleplusfréquentdesfilles-mères.Lafréquenceduthèmedelaservanteséduite,engrosséeetaband onnéedanslalittératureduXIX°est, àcep ropos,trèssignificative.CommeleCodeNapoléoninterditlarecherchedepaternité,lajeunefillen'aengénéralquepeudesol utions:place rsonenfantennou rricepourr etrouverunepl ace,l'éleverseule,l'abandonneroumettrefinàl'existencedesonnouveau-né.Maupassant:UneVie(1883)DansUneVie,Rosalie,labonneetsoeurdelaitdeJeanneestmiseenceinteparJulienlemarideJeanne.AlorsqueJulienpoussesonépouseàrenvoyerlapetitebonne,Jeannevatoutfairepourlagarder.Puis,elleapprendquelepèredel'enfantn'estautrequesonmari.Pourétoufferlescandaledel'engrossementdelaservanteparlemaître,sonpère,lebaron,surlesconseilsducuré,vamarierRosaliesanssonconsentementàunpaysanenluidonnantunedot.Extrait:UneVie,p.69-70"Elletremblaitcommesiellevenaitd'assisteràquelquesinistreaccident.Elles'assitdenouveaudevantsonfeu,puisdemanda:"Commentva-telle?»Julien,préoccupé,nerveux,marchaitàtraversl'appartement;etunecolèresemblaitlesoulever.Ilneréponditpointd'abord;puis,auboutdequelquessecondes,s'arrêtant:"qu'est-cequetucomptesfairedecettefille?»Ellenecomprenaitpasetregardaitsonmari:"Comment?Queveux-tudire?Jenesaispas,moi.»Etsoudainilcriacommes'ils'emportait:"Nousnepouvonspourtantpasgarderunbâtarddanslamaison.»AlorsJeannedemeuratrèsperplexe;puis,auboutd'unlongsilence:"Mais,monami,peut-êtrepourrait-onlemettreennourrice?»Ilnelalaissapasachever:"Etquiest-cequipayera?Toisansdoute?»Elleréfléchitencorelongtemps,cherchantunesolution;enfinelledit:"Maislepères'enchargera,decetenfant;et,s'ilépouseRosalie,iln'yaplusdedifficulté.»Julien,commeàboutdepatience,etfurieux,reprit:"Lepère!lepère!leconnais-tu...lepère?-Non,n'est-cepas?Ehbien,alors?»Jeanne,émue,s'animait:"Maisilnelaisserapascertainementcettefilleainsi.Ceseraitunlâche!nousdemanderonssonnom,etnousironsletrouver,lui,etilfaudrabienqu'ils'explique.»Juliens'étaitcalméetremisàmarcher:"Machère,elleneveutpasledire,lenomdel'homme;ellenetel'avouerapasplusqu'àmoi.....et,s'ilneveutpasd'elle,lui?..Nousnepouvonspourtantpasgardersousnotretoitunefillemèreavecsonbâtard,comprends-tu?»Jeanne,obstinée,répétait:"Alorsc'estunmisérable,cethomme;maisilfaudrabienquenousleconnaissions;et,alors,ilauraàfaireànous.»Julien,devenufortrouge,s'irritaitencore:"Mais...enattendant...?»Ellenesavaitquedécideretluidemanda:"Qu'est-cequetuproposes,toi?»Aussitôtilditsonavis:"Oh!moi,c'estbiensimple.Jeluidonneraisquelqueargentetjel'enverraisaudiableavecsonmioche.»Dansceroman,Maupassantnousprésentedoncuneautrealternativepourlaservante.Deplus,notonsquelecuréseplaceducôtédesmaîtres:"Quevoulez-vous?ellessonttoutescommeçadanslepays.C'estunedésolation,maisonn'ypeutrien,etilfaut bienun peu d'indulgencepou rlesfaiblessesdelanature.Ellesnesemarientjamaissansêtreenceintes,jamais,Madame.»Etilajouta,souriant

10Larelationmaître-serviteurdanslalittérature:"Ondiraitunecoutumelocale.»(...)"Voyons,Monsieurlebaron,entrenousilafaitcommetoutlemonde.Enconnaissez-vousbeaucoup,desmarisquisoientfidèles?»(p.81)2.1.3LafidélitéduserviteurDanslarelationmaître-serviteur,ilpeutyavoirunesimpledominationdumaîtresurleserviteur,dansunrespectmutuel .Onassistealors leplussouven taudévou ementduserviteur.Corneille:Cinnaoulaclémenced'Auguste(1655)Corneillen'utilisepastoujourslerôledeconfidentetlorsqu'ill'utilise,cepersonnageprendpeulaparole.Parexemple,Fulvie,laconfidented'EmiliedansCinnaestprésentedansneufscènesetneprendlaparolequedanstroisd'entreelles. Extrait:Cinnaoulaclémenced'Auguste,ActeI,Scène2,p.4-6Dansl'extraitproposé,Fulvieestinquiètepoursamaîtressedesrisquesqu'elleencoureenvoulantfaireassassinerAugusteparCinna.Aussitente-telledelaconvaincrederenonceràsesprojetsdevengeance,luiconseillantfortementdehaïrAugusteensilenceetdelaisserlepeupleserebellercontrel'empereur."ÉMILIEJel'aijuré,Fulvie,etjelejureencore,Quoiquej'aimeCinna,quoiquemoncoeurl'adore,S'ilmeveutposséder,Augustedoitpérir;Satêteestleseulprixdontilpeutm'acquérir;Jeluiprescrislaloiquemondevoirm'impose.FULVIEEllea,pourlablâmer,unetropjustecause;ParunsigranddesseinvousvousfaitesjugerDignesangdeceluiquevousvoulezvenger;MaisencoreunefoissouffrezquejevousdieQu'unesijusteardeurdevraitêtreattiédie.Auguste,chaquejour,àforcedebienfaits,Sembleassezréparerlesmauxqu'ilvousafaits;SafaveurenversvousparaîtsidéclaréeQuevousêteschezluilaplusconsidérée,EtdesescourtisanssouventlesplusheureuxVouspressentàgenouxdeluiparlerpoureux.(...)FULVIEVotreamouràceprixn'estqu'unprésentfunesteQuiporteàvotreamantsapertemanifeste.Pensezmieux,Émilie,àquoivousl'exposez,Combienàcetécueilsesontdéjàbrisés;Nevousaveuglezpointquandsamortestvisible.ÉMILIE:Ah!tusaismefrapperparoùjesuissensible!(...)»Atraverssaconversation,onpeutconstaterquelarelationentreFulvieetEmilieestunerelationdefidélitéduserviteurenverslemaître.Fulviejouelerôlehabituelduconfident.Flaubert:UnCoeursimple,inTroisContes(1830)

11Larelationmaître-serviteurdanslalittératureDansUnCoeursimple,Flauberttraceleportraitd'unebonneexemplaire:Félicité.Celle-ciestunepauvrefilledecampagnequiconsacretoutesavieauxautres,sansabnégation,sanssacrifice,maisavecunamourimmensedontelleestdotéeetqu'elleoffreàceuxquiontlachancedelacroiser(Théodore,Clémence,Victor,sonperroquetLoulou),ainsiqu'àDieu.Femmeàl'espritsimpleetaucoeurdévoué,elleaime,sansréserve,samaîtresse,MmeAubain,femmeacariâtre,cyniqueetégoïste,etcejusqu'àlamortdecelle-ci.Elleenduretoutet,àaucunmoment,elleneserévoltenin'éprouvedelajalousie.Toutesavie,ellerestedanslacrain ted'êtreren voyée, alorsqu'elleser tsamaîtresseavecun désintéressementinouï.Si,lorsqueelleperdsafille,Clémence,MmeAubainserapprochequelquepeudeFélicité,quivientdeperdresonneveu,Victor,celaestdecourtedurée.MmeAubainn'éprouveaucuneaffectionpourFélicité.Flaubertmontrequelesdifférencesdeclassessonttoujourstrèsfortes.Extrait:UnCoeursimple,ActeI,Scène2,p.1-2,p.15etp.17"Elleselevaitdèsl'aube,pournepasmanquerlamesse,ettravaillaitjusqu'ausoirsansinterruption;puis,ledînerétantfini, lavaisselle enordreetlaporte biencl ose,elleenfouissaitlabûchesousl escendr esets'endormaitdevantl'âtre,sonrosa ireàlamain.Person ne,dansle smarchanda ges,nemontraitplusd'entêtement.Quantàlapropreté,lepolidesescasserolesfaisaitledésespoirdesautresservantes.Économe,ellemangeaitaveclenteur,etrecueillaitdudoigtsurlatablelesmiettesdesonpain,-unpaindedouzelivres,cuitexprèspourelle,etquiduraitvingtjours.(...)Sonvisageétaitmaigreetsavoixaiguë.Àvingt-cinqans,onluiendonnaitquarante.Dèslacinquantaine,ellenemarquaplusaucunâge;-et,toujourssilencieuse,latailledroiteetlesgestesmesurés,semblaitunefemmeenbois,fonctionnantd'unemanièreautomatique.(...)Pendantdeuxnuits,Féliciténequittapaslamorte.Ellerépétaitlesmêmesprières,jetaitdel'eaubénitesurlesdraps,revenaits'asseoir,etlacontemplait.Àlafindelapremièreveille,elleremarquaquelafigureavaitjauni,leslèvresbleuirent,lenezsepinçait,lesyeuxs'enfonçaient.Ellelesbaisaplusieursfois;etn'eûtpaséprouvéunimmenseétonnementsiVirginieleseûtrouverts;pourdepareillesâmeslesurnaturelesttoutsimple.Ellefitsatoilette,l'enveloppadesonlinceul,ladescenditdanssabière,luiposaunecouronne,étalasescheveux.Ilsétaientblonds,etextraordinairesdelongueuràsonâge.Félicitéencoupaunegrossemèche,dontelleglissalamoitiédanssapoitrine,résolueànejamaiss'endessaisir.(...)Toutessespetitesaffairesoccupaientunplacarddanslachambreàdeuxlits.MmeAubainlesinspectaitlemoinssouventpossible.Unjourd'été,elleserésigna;etdespapillonss'envolèrentdel'armoire.(...)Ellesretrouvèrentunpetitchapeaudepeluche,àlongspoils,couleurmarron;maisilétaittoutmangédevermine.Félicitéleréclamapourelle-même.Leursyeuxsefixèrentl'unesurl'autre,s'emplirentdelarmes;enfinlamaîtresseouvritsesbras,laservantes'yjeta;etelless'étreignirent,satisfaisantleurdouleurdansunbaiserquileségalisait.C'étaitlapremièrefoisdeleurvie,MmeAubainn'étantpasd'unenatureexpansive.Félicitéluienfutreconnaissantecommed'unbienfait,etdésormaislachéritavecundévouementbestialetunevénérationreligieuse.»LaviedeFélicitéressembleàunlongchemindépourvudetouslesplaisirs.Ellenetrouvesarécompensequedanslamort.AlorsqueMmeAubaindéchoitsocialement.Racine:Phèdre(1677)DansPhèdre,contrairementàCorneille,Racinedonneunrôleimportant,dèsledébutdelapièce,àOenone,laco nfi dentedePhèdre.Sil'on constate l'affectiondePhèdreenversOenone,ladistancesocialeestcependantbienmarquée.Toutaulongdelapièce,Oenoneévoluedansl'ombredesamaîtresse.AnciennenourricedePhèdre,elleprendencharge,parfidélité,lesactionslesplusbassesdePhèdreetsejette,àcorpsperdu,danslescalomniesetlesinterventionsdouteuses.Soncynismeetlamauvaisefoiquil'animel'empêchedese

1

Larelationmaître-serviteurdanslalittératurerendrecomptedetoutl emalqu'ellefaitàHy ppolitee nl'accusan td'avoir séduitsamaîtresse.ElleentretientavecPhèdreunerelationfusionnelle.Ellen'aqu'unseuldésir:continueràaimerPhèdre,carelleatoujoursétépourelleunemèredesubstitution.Tropprotectrice,ellefinitparenvenimerlatragédie.Enfait,poursauversamaîtresseetsesenfants,elleendevientlemauvaisgénie.Extrait1:Phèdre,ActeI,Scène2,p.37-39"(...)PHÈDREJetel'aiprédit,maistun'aspasvoulu:Surmesjustesremordstespleursontprévalu.Jemouraiscematindigned'êtrepleurée;J'aisuivitesconseils,jemeursdéshonorée.OENONE:Vousmourez?PHÈDRE(...)Jenecrainsquelenomquejelaisseaprèsmoi.Pourmestristesenfantsquelaffreuxhéritage!LesangdeJupiterdoitenflerleurcourage;Mais,quelquejusteorgueilqu'inspireunsangsibeau,Lecrimed'unemèreestunpesantfardeau.Jetremblequ'undiscours,hélas!tropvéritable,Unjourneleurreprocheunemèrecoupable.Jetremblequ'opprimésdecepoidsodieuxL'unnil'autrejamaisn'osentleverlesyeux.OENONE(...)Mais,nemetrompezpoint,vousest-ilcherencore?Dequeloeilvoyez-vousceprinceaudacieux?PHÈDRE:Jelevoiscommeunmonstreeffroyableàmesyeux.OENONEPourquoidoncluicéderunevictoireentière?Vouslecraignez:osezl'accuserlapremièreDucrimedontilpeutvouschargeraujourd'hui.Quivousdémentira?Toutparlecontrelui:Sonépéeenvosmainsheureusementlaissée,Votretroubleprésent,votredouleurpassée,Sonpèreparvoscrisdèslongtempsprévenu,Etdéjàsonexilparvous-mêmeobtenu.PHÈDRE:Moi,quej'oseopprimeretnoircirl'innocence!OENONEMonzèlen'abesoinquedevotresilence.Tremblantecommevous,j'ensensquelquesremords.Vousmeverriezplusprompteaffrontermillemorts.Mais,puisquejevousperdssanscetristeremède,votrevieestpourmoid'unprixàquitoutcède:Jeparlerai.Thésée,aigriparmesavis,Bornerasavengeanceàl'exildesonfils:(...)PHÈDREAh!jevoisHippolyte;Danssesyeuxinsolentsjevoismaperteécrite.Faiscequetuvoudras,jem'abandonneàtoi.Dansletroubleoùjesuis,jenepuisrienpourmoi.»

1 Larelationmaître-serviteurdanslalittératureMais,parlasui te,Phèdr e,fur ieused'apprendre l'amourd'HyppolitepourA ricie,laisseéclatersafureuretchasseviolemmentOenonevenuelaréconforter.Celle-ci,meurtrie,sedonnelamortetfinitmisérablementaufonddelamer,sansreconnaissancenisépulture.2.1.4.LafaussefidélitéduserviteurLafidélitéduserviteurpeutn'êtrequ'unefaçadepouratteindreunautrebut.C'estsouventlecasdesserviteursmuetsetimpénétrables,quimontrentuneattitudeimpassibleàl'égarddesvicesdeleursmaîtresouquiparfoislespoussentmêmeàladébauche.Néanmoins,ilssontinstinctivementhostilesàleursmaîtresetfinissenttoujoursparlestrahiraumomentoùceux-cis'yattendentlemoins.Zola:LaCurée(1871)DansLaCurée,Zolametenscènecetypedeservante,avecCéleste,lafemmedechambredeRenée.Celle-ciestleprototypedecequ'onpeutappelerlaservante"traitresse».Elleapparaîtcommeunefilletrèséconome,trèshonnête,àlaquelleonneconnaîtniviceniamant.Elleassistetranquillementàl'incestedeMaximeetRenée,allantetvenant,avecsafigurecalmeetsoncoeurglacé.Touchéeparsafidélitéetsondévouement,Renéeseprendpeuàpeud'affectionpourelleetfinitparlaconsidérercommeseuleconsolationàsavieintimeratée.Extrait:LaCurée,p.219-220Mais,àcemoment-là,Célesteannoncequ'ellevaquittersamaîtresse.Renéestupéfaiteluioffrededoublersesgages,maisseheurteaurefuspoli,maisfermedesaservante."Unmatin,elleluiapprittranquillementqu'elles'enallait,qu'elleretournaitaupays.Renéeenrestatoutetremblante,commesiquelque grandmalheurluia rrivait.Ell eserécria,lapressade questions.Pourqu oil'abandonnait-elle,lorsqu'elless'entendaientsibienensemble?Etelleluioffritdedoublersesgages.Maislafemmedechambre,àtoutessesbonnesparoles,disaitnondugeste,d'unefaçonpaisibleettêtue.-Voyez-vous,madame,finit-elleparrépondre,vousm'offririeztoutl'orduPérou,quejeneresteraispasunesemainedeplus.Vousnemeconnaissezpas,allez!...Ilyahuitansquejesuisavecvous,n'est-cepas?Ehbien,dèslepremierjour,jemesuisdit:"Dèsquej'auraiamassécinqmillefrancs,jem'enretournerailà-bas;j'achèterailamaisonàLagache,etjevivraibienheureuse...»C'estunepromessequejemesuisfaite,vouscomprenez.Etj'ailescinqmillefrancsd'hier,quandvousm'avezpayémesgages.Renéeeutfroidaucoeur.EllevoyaitCélestepasserderrièreelleetMaxime,pendantqu'ilss'embrassaient,etellelavoyaitavecsonindifférence,sonparfaitdétachement,songeantàsescinqmillefrancs.Elleessayapourtantencoredelaretenir,épouvantéeduvideoùelleallaitvivre,rêvantmalgrétoutdegarderauprèsd'ellecettebêteentêtéequ'elleavaitcruedévouée,etquin'étaitqu'égoïste.L'autresouriait,branlaittoujourslatête,enmurmurant:-Non,non,cen'estpaspossible.Ceseraitmamèrequejerefuserais...J'achèteraideuxvaches.Jemonteraipeut-êtreunpetitcommercedemercerie...C'esttrèsgentilcheznous.Ah!pourça,jeveuxbienquevousveniezmevoir.C'estprèsdeCaen.Jevouslaisserail'adresse.AlorsRenéen'insistaplus.Ellepleuraàchaudeslarmes,quandellefutseule.Lelendemain,paruncapricedemalade,ellevoulutaccompagnerCélesteàlagaredel'Ouest,danssonproprecoupé.Elleluidonnaunedesescouverturesdevoyage,luifituncadeaud'argent,s'empressaautourd'ellecommeunemèredontlafilleentreprendquelquepénibleetlongvoyage.Danslecoupé,ellelaregardaitavecdesyeuxhumides.Célestecausait,disaitcombienelleétaitcontentedes'enaller.Puis,enhardie,elles'épancha,elledonnadesconseilsàsamaîtresse.

1 Larelationmaître-serviteurdanslalittérature-Moi,madame,jen'auraispascomprislaviecommevous.Jemelesuisditbiensouvent,quandjevoustrouvaisavecM.Maxime:"Est-ilpossiblequ'onsoitsibêtepourleshommes!»Çafinittoujoursmal...Ahbien,c'estmoiquimesuistoujoursméfiée!Elleriait,elleserenversaitdanslecoinducoupé.-C'estmesécusquiauraientdansé!continua-t-elle,etaujourd'hui,jem'abîmeraislesyeuxàpleurer.Aussi,dèsquejevoyaisunhomme,jeprenaisunmancheàbalai...Jen'aijamaisosévousdiretoutça.D'ailleurs,çanemeregardaitpas.Vousétiezbienlibre,etmoijen'avaisqu'àgagnerhonnêtementmonargent.»Danscepassage,CélesteserévèlecomplètementindifférenteàRenéeetheureused'êtrelibéréed'unemaîtressedébauchée.Ellemontrecombienelleladédaigneprofondément.Beaumarchais:LeMariagedeFigaro(1778)DanslapremièrescèneduMariagedeFigaro,SuzanneprésenteàFigarosesrelationsavecsamaîtressesouslesignedelatendresse.Celaseconfirmetoutaulongdelapièce.L'acteII,quilesréunitseulespourlapremièrefoisetladiscussionquilesoccupe,témoignedeleurentièrecomplicitéetdeleuraffectionréciproque.Extrait:LeMariagedeFigaro,ActeII,Scène2,p.35-37"SUZANNE,LACOMTESSEentrentparlaporteàdroite.LaComtessesejettedansunebergère.:Fermelaporte,Suzanne,etconte-moitout,dansleplusgranddétail.Suzanne:Jen'airiencachéàmadame.LaComtesse:Quoi,Suzon,ilvoulaitteséduire?Suzanne:Ohquenon.Monseigneurn'ymetpastantdefaçonavecsaservante:ilvoulaitm'acheter.LaComtesse:Etlepetitpageétaitprésent?Suzanne:C'est-à-direcachéderrièrelegrandfauteuil.Ilvenaitmeprierdevousdemandersagrâce.(...)LaComtesse,rêvant.:Laissons...laissonscesfolies...Enfin,mapauvreSuzanne,monépouxafinipartedire?Suzanne:Quesijenevoulaispasl'entendre,ilallaitprotégerMarceline.LaComtesseselèveetsepromène,enseservantfortementdel'éventail.:Ilnem'aimeplusdutout.Suzanne:Pourquoitantdejalousie?LaComtesse:Commetouslesmaris,machère!uniquementparorgueil.Ah!jel'aitropaimé!jel'ailassédemestendresses,etfatiguédemonamour;voilàmonseultortaveclui:maisjen'entendspasquecethonnêteaveutenuise,ettuépouserasFigaro.Luiseulpeutnousyaider:viendra-t-il?Suzanne:Dèsqu'ilverrapartirlachasse.LaComtesse,seservantdel'éventail.:Ouvreunpeulacroiséesurlejardin.Ilfaitunechaleurici!...Suzanne:C'estquemadameparleetmarcheavecaction.(Ellevaouvrirlacroiséedufond.)LaComtesse,rêvantlongtemps.:Sanscetteconstanceàmefuir...leshommessontbiencoupables!Suzannecriedelafenêtre.:Ah!voilàMonseigneurquitraverseàchevallegrandpotager,suividePédrille,avecdeux,trois,quatrelévriers.LaComtesse:Nousavonsdutempsdevantnous.(Elles'assied.)Onfrappe,Suzon?Suzannecourtouvrirenchantant.:Ah,c'estmonFigaro!ah,c'estmonFigaro!»ApprenantdeSuzannelesintentionsducomte,lacomtesseaffirmesadéterminationàaiderSuzanneàépouserFigaro.Unevéritableallianceseconcluealorsentreellescontrelemarietlemaître.Et,lorsqueFigarorenonceàlastratégiedurendez-vous,lacomtesseordonneàSuzanned'agircontrelavolontédesonfuturmai,pourl'aideràsauversonproprecouple:"(...)enmecédanttaplaceaujardin,tun'yvaspas,moncoeur;tutiensparoleàtonmari;tum'aidesàramenerlemien.»(ActeIV,Scène3,p.134).Dèslors,s'établitentrelesdeuxfemmesunecomplicité,tellequeparletruchementdudéguisement,laseulesolutionquis'offreàellesestl'échangedesidentités:lafrontièreentrelamaîtresseetlaservanteestabolie;lemarquagesocialn'existeplus.Leurséchangessontparmomentsemblablesà

15Larelationmaître-serviteurdanslalittératuredeuxamies,surtoutlorsqu'elleschiffonnentensembleetjouentàdéguiserChérubinenfille.Ellessymbolisentl'ententeparfaitepossibleentrelemaîtreetleserviteur.2.2.LadépendancemutuelleIlyadépendancemutuellelorsque,danslecouplemaître-serviteur,chacunabesoindel'autre.C'estlecasentreDonJuan(VoirClind'oeilN°4)etSganarelledanslapiècedeMolière.Molière:DomJuanoulefestindePierre(1682)DansDomJuan,MolièreamisenscènelemythedeDonJuan,ceséducteurlibertinquiaimeséduire,tromperetsemoquerdesfemmesqu'ilconsidèrecommedesobjets.Deplus,ilacréélepersonnagedeSganarelle,sonvalet.ToutopposeDonJuanetSganarelle:leurrangsocial,leursvaleurs,leurspointsdevuesurlesfemmese tlareligion,leurattitu deface ausu rnaturel,etc.Deuxvisionsdum ondetotalementdifférentess'affrontentperpétuellement.Mais,ilexisteentreeuxuneformedecomplicitéetdedépendancequilesrend inséparables ,dansunsystème d'attraction-répulsion.Ilsontbesoinl'undel'autre.Sganarellesertdefaire-valoiràDonJuan,enluipermettantd'étanchersonbesoindedomination.Ilestleconfidentetletémoindesesprovocations.Ilestl'étalondesestransgressions,carilreprésentelasociétéetsesnormes.Illuisertaussidedouble.Mais,ilnecessed'imitersonmaîtreetdes'identifieràlui:enl'absencedeDonJuan,iljoueàDonJuan.Ill'admiretoutenlecondamnant.Ilaunvraiattachementpourlui.Mais,ilnepeutpasvivresansDonJuan,carnonseulementilabesoindesesgages,maisaussiiln'existequ'ens'opposantàDonJuan,sansjamaislequitter,parcequ'ilalesentimentdeparticiperàquelquechosed'exceptionnel.Enfait,Sganarelleestaimantéparunmaîtrequ'ilcondamneetDonJuanabesoind'unrepoussoirqu'ilentretientpluspoursonplaisirquepoursonservice.D'ailleurs,cedernierneselivrejamaisàuneoccupationdomestique(DonJuanàd'autresserviteurs).C'estparcequ'ilssontcomplémentairesqu'ilsnepeuventpassepasserl'undel'autre.dansl'extraitsuivant,Sganarelleseposeendonneurdeleçons.Extrait:DomJuanoulefestindePierre,ActeI,Scène2,p.8-9"(...)SGANARELLE:Moi?Jecrois,sansvousfairetort,quevousavezquelquenouvelamourentête.DONJUAN:Tulecrois?SGANARELLE:Oui.DONJUAN:Mafoi,tunetetrompespas,etjedoist'avouerqu'unautreobjetachasséElviredemapensée.SGANARELLE:Eh!monDieu!jesaismondonJuansurleboutdudoigt,etconnaisvotrecoeurpourleplusgrandcoureurdumonde;ilseplaîtàsepromenerdeliensenliens,etn'aimeguèreàdemeurerenplace.DONJUAN:Etnetrouves-tupas,dis-moi,quej'airaisond'enuserdelasorte?SGANARELLE:Eh!monsieur...DONJUAN:Quoi?Parle.SGANARELLE:Assurémentquevousavezraison,sivouslevoulez;onnepeutpasallerlàcontre.Mais,sivousnevouliezpas,ceseraitpeut-êtreuneautreaffaire.DONJUAN:Ehbien!jetedonnelalibertédeparler,etdemediretessentiments.SGANARELLE:Encecas,monsieur,jevousdiraifranchementquejen'approuvepointvotreméthode,etquejetrouvefortvilaind'aimerdetouscôtés,commevousfaites.(...)DONJUAN:Qu'as-tuàdirelà-dessus?SGANARELLE:Mafoi,j'aiàdire..,jenesaisquedire;carvoustournezleschosesd'unemanière,qu'ilsemblequevousavezraison;etcependantilestvraiquevousnel'avezpas.J'avaislesplusbellespenséesdumonde,

16Larelationmaître-serviteurdanslalittératureetvosdiscoursm'ontbrouillétoutcela.Laissezfaire;uneautrefoisjemettraimesraisonnementsparécrit,pourdisputeravecvous.DONJUAN:Tuferasbien.SGANARELLE:Mais,monsieur,celaserait-ildelapermissionquevousm'avezdonnée,sijevousdisaisquejesuistantsoitpeuscandalisédelaviequevousmenez?DONJUAN:Comment!quellevieest-cequejemène?SGANARELLE:Fortbonne.Mais,parexemple,devousvoirtouslesmoisvousmariercommevousfaites.(...)DONJUAN:Holà!maîtresot.Voussavezquejevousaiditquejen'aimepaslesfaiseursderemontrances.SGANARELLE:Jeneparlepasaussiàvous,Dieum'engarde!Voussavezcequevousfaites,vous,et,sivousêteslibertin,vousavezvosraisons;maisilyadecertainspetitsimpertinentsdanslemondequilesontsanssavoirpourquoi,quifontlesespritsforts,parcequ'ilscroientquecelaleursiedbien;etsij'avaisunmaîtrecommecela,jeluidiraisfortnettement,leregardantenface:Osez-vousbienainsivousjouerauciel,etnetremblez-vouspointdevousmoquer,commevousfaites,deschoseslesplussaintes?C'estbienàvous,petitverdeterre,petitmyrmidonquevousêtes(jeparleaumaîtrequej'aidit),c'estbienàvousàvouloirvousmêlerdetournerenrailleriecequetousleshommesrévèrent?Pensez-vousquepourêtredequalité,pouravoiruneperruqueblondeetbienfrisée,desplumesàvotrechapeau,unhabitbiendoré,etdesrubanscouleurdefeu(cen'estpasàvousquejeparle,c'estàl'autre),pensez-vous,dis-je,quevousensoyezplushabilehomme,quetoutvoussoitpermis,etqu'onn'osevousdirevosvérités?Apprenezdemoi,quisuisvotrevalet,quelecielpunittôtoutardlesimpies,qu'uneméchantevieamèneuneméchantemort,etque...(...)»Alabased'unedépendancemutuelle,ilpeutyavoirunenégociation,voireuncontrat.Larelationestalorsfondéesurlacordialité.C'estlecasdansDonQuichottedeCervantèsetdansLeBarbierdeSévilledeBeaumarchais.Cervantès:DonQuichotte(1605-1615)DansDonQuichotte,quiestuneparodiedesromansdechevalerie,Cervantèsproposeuneconceptiondelarelationmaître-valetquiestrévolutionnaireàlafinduXVI°.Eneffet,celle-ciestfondéesuruncontratétablientreDonQuichotteetSanchoPansa.Cederniernesuitl'hidalgodansseslubiesaventureusesquepourl'appâtdugain,carilluiapromisuneîle,dèsquelui-mêmeaurareçula gloire, leshonneurset lafor tunepoursesexploitschevaleresques.SanchoPansaestprésenté,dèsle débutduroman,com merude,élémentaire,debasseextraction(ancienlaboureur),imprudent,vulgaireetgoinfre.Mais,iladubonsens,uneaptitudeàréagirdefaçonefficacefaceauréel.Ilestpragmatiqueettirelemeilleurpartideschoses,idéalesounon.Ilestsensé,poséetmodérateur.Enunsens,ilprotègesonmaître,auquelilrestefidèlejusqu'àlafinduroman.LeréalismedeSanchos'opposeàl'idéalismedeDonQuichotte.Cesontdeuxpersonnagesantithétiques,quinepeuventpasexisterl'unsansl'autre.Leurspersonnalités,leursqualitésetleursdéfautss'entremêlentharmonieusement.Extrait1:DonQuichotte,p.135-136Toutaulongduroman,deuxmondess'affrontent:lemondeféodaldelafidélité,delaloyautéetduserviceduvassalausuzerainetlemondeplusmoderneduservicecontresalaire.Biensouvent,SanchoparleàsonmaîtrecommeaucunvaletneparledansaucunromandechevalerieprédécesseurduDonQuichotte.L'autoritédumaîtresurlevaletnepeuts'exercerqu'aprèsunefortenégociation,commeparexempledansl'extraitsuivantoùSanchonégociepouraccepterderecevoirles3600coupsdebâtonsensésdésenchanterDulcinée:

17Larelationmaître-serviteurdanslalittérature"Allons,monsieur,dit-il,ilfautvousdonnercontentement;l'amourquej'aipourmafemmeetmesenfantsmefaitsongeràleurprofit,bienquecesoitauxdépensdemapeau.Orçà,combienmedonnerez-vouspourchaquecoupdefouet?-Silarécompense,réponditdonQuichotte,devaitêtreégaleàlaqualitéetàlagrandeurduremède, le trésordeVeniseetles minesduP otosineseraientpasasse zriche spourterécompenser.Faistoi-mêmeleprix,etcompteàcombiencelapeutaller.-Ilya,repartitSancho,troismilletroiscentsettantdecoups,dontjem'ensuisseulementdonnécinq;queceux-làpassentpourcequiestau-delàdestroismilletroiscents,etcomptonssurlestroismilletroiscentsquirestent.Ilmefautunsoumarquépourchacun,etjen'enrabattraispasunliardpourlepape.Cesontdonctroismilletroiscentssousmarqués,quifonttroismillecinqcentsfoissixblancs,quifontseptcentcinquantepiècesdecinqsous;etlestroiscentsquejen'aipascomptésfonttroiscentssousmarqués,quifontcentcinquantefoissixblancs,quifontseptante-cinqpiècesdecinqsous;etlesseptante-cinqpiècesdecinqsous,jointesaveclesseptcentcinquante,fonthuitcentvingt-cinq,quifontjustement,attendez,deuxcent....deuxcentsix....livrescinqsous.Jeretiendraicelasurl'argentquej'aiàvous,etjem'eniraicontentcommeunroi,quoiquevéritablementbienfouetté;maisonneprendpaslescarpessansappât.-ÔmoncheramiSancho!s'écriadonQuichotte,ômonaimableSancho!Eh,quenousseronsobligés,Dulcinéeetmoi,àtechérirtoutlerestedenotrevie!Sicettepauvredameserevoitjamaisenl'étatoùelleétait,sadisgrâceauraétéheureuse,etmadéfaiteseraunglorieuxtriomphe.Regarde,monfils,quandtuveuxcommencer.»Extrait2:DonQuichotte,p.142Malgrésesrécrim inationsetsa rechercheduprofitpersonnel,Sanchone peut pasabandonnersonmaître.Ilreconnaîtl'autoritédeDonQuichottenonpascommel'autoritédumaîtreentantquevalet,maisentantquediscipledevantêtreéduqué.IlfinitpardevenirquelquechosecommelefilsspiritueldeDonQuichotte.Desoncôté,DonQuichottesecomportecommeunéducateuràl'égarddesonserviteurignorant.Emportéparlafoliedesonmaître,SanchoPansadécided'habiterlui-mêmedanslemondeidéaldelachevaleriecommeletémoignel'extraitsuivant:"Eh! qu'e st-ceque ceci,luidit -il,mon chermaître? àcetteheure quenousavonsla nouve lledudésenchantementdeMmeDulcinée,voulez-vousdemeureraulit?Nevousallezpaslaissermourir,non,toutlemondevousenprie,etiln'yarienquipresse.Cen'estpasunsigrandmalqued'avoirétévaincu,qu'ilfaillesedésespérer;etqueserait-cesitoutlemondefaisaitcommevous?lamoitiédumondeseraitbienembarrasséeàenterrerl'autre.Aprèstout,vousn'êtesniestropiénicontrefait,etvoussereztoujoursenétatdeprendrerevanche.(...)Allonsdonc,encoreunefois,laissezlàlelitetlamaladieetallons-nous-enparleschamps,jouantduflageoletetfaisantdeschansons,peut-êtretrouverons-nousennotrecheminDulcinéedésenchantée.Aprèscela,jenedonneraispasdetousleschagrinsdumondeundouble.Maissic'estquevousmouriezdedéplaisird'avoirétévaincu,jetez-enlafautesurmoi,endisantquevousêtestombéàcausequej'avaismalsangléRossinante.Etpuisn'est-cepasbienlacoutumedansvoslivresdechevaleriequeleschevaliersserenversentainsilesunslesautres?»Beaumarchais:LeBarbierdeSéville(1775)DansLeBarbier deSéville,Beaum archaisavoulusoutenirlesoppr imé s.Iladonnéunnouveaustatutaupersonnageduvalet.Eneffet,Figaro,levaletducomteAlmavivaestunhommelibreetnonunserviteur.DanslaScène2del'ActeI,onapprendqu'ilaétéautrefoisauserviceduComteetqu'ilavaitregagnésaliberté.Aprèsunpassédepicaroetd'hommesdelettres,puisquelquesdéboiresfinanciers,ilrestaurelarelationdedépendanceentreleComteAlmavivaetluienproposantàcelui-cisesservices.Larelationmaître-serviteurestdoncicifondéesuruneassociationlibrementconsentieparunvaletquiaacquislibertéetautonomie.Figaroestlibredetouteservitudeetreprésentebien,parcecôté,l'hommemoderneduXVIII°.Dèslors,lepassédeFigaron'interfèreplusavecl'intriguelorsqu'elledémarreetcelui-cisecomportealorscommelevalettraditionnel.

18Larelationmaître-serviteurdanslalittératureIci,lacomplicitéestsansillusion:ladistancedeclasseesttellequedevéritablesrelationsd'intimiténepeuventjouerentreeux.LeComteaduméprispoursonvaletetleconsidèrecommeuncoquinc apablede tout.Mais,celan'empêche pascettecomplicité defonctionnerparfaitement.Eneffet,ils'agitd'uneassociationfondéenonsuruneaffinitépersonnelle,maissurunecomplémentarité desintérêts:les intérêtsdeFi garosontfinanciers;lesintérêtsduComtesontdansl'aidequeFigaropeutluiapporterdanssonentrepriseamoureuse.Figarodevientlecollaborateurdesdesseinsdesonmaître.Ainsi,lecomteAlmavivaparticipe-t-ilactivement,enacteuràpartentière,auxrusesourdiesparFigaro.Ilseprendaujeuetmanifestedesdispositionsàlaruseetàlacomédiequisedéveloppentaufildelapièce(rôlesdusoldativreetdujeuneclerc).IlsemontredigneélèvedeFigaro,sonmaîtreentromperies.Mais,siFigaroestlemachiniste,lecomten'ariennid'unfaire-valoir,nid'uncomparse.D'autrepart,Figaroagitparamourdujeuetdel'argentsanssefaireaucuneillusionsurlatendresseducomte.Leurcomplicités'arrêteàl'alliancequ'ilsontconclue.Rapprochésprovisoirementparl'action,leserviteuretlemaîtreseretrouvent,chacunàsaplaceaudénouement.Extrait:LeBarbierdeSéville,ActeIV,Scène5,p.97-98"LECOMTE,FIGAROenveloppéd'unmanteauparaîtàlafenêtre.Figaroparleendehors.:Quelqu'uns'enfuit:entrerai-je?LeComte,endehors.:Unhomme?Figaro:Non.LeComte:C'estRosinequetafigureatroceauramiseenfuite.Figarosautedanslachambre.Mafoijelecrois...Nousvoicienfinarrivés,malgrélapluie,lafoudre,etleséclairs.LeComte,enveloppéd'unlongmanteau.:Donne-moilamain.(Ilsauteàsontour.)Ànouslavictoire.Figarojettesonmanteau.Noussommestoutpercés.Charmanttemps,pourallerenbonnefortune!Monseigneur,commenttrouvez-vouscettenuit?LeComte:Superbepourunamant.Figaro:Oui,maispourunconfident?...Etsiquelqu'unallaitnoussurprendreici?LeComte:N'es-tupasavecmoi?J'aibienuneautreinquiétude:c'estdeladétermineràquittersur-le-champlamaisondututeur.Figaro:Vousavezpourvoustroispassionstoutespuissantessurlebeausexe:l'amour,lahaine,etlacrainte.LeComteregardedansl'obscurité.Commentluiannoncerbrusquementquelenotairel'attendcheztoi,pournousunir?Elletrouveramonprojetbienhardi.Ellevamenommeraudacieux.Figaro:Siellevousnommeaudacieux,vousl'appellerezcruelle.Lesfemmesaimentbeaucoupqu'onlesappellecruelles.Ausurplus,sisonamouresttelquevousledésirez,vousluidirezquivousêtes;ellenedouteraplusdevossentiments.»Lorsquelevaletdecoméd ierevend iqueunvér itablesalair e,s'établitalorsunerelati ond'échangeéconomique.Dèslors,lerapportéconomiquefondésurcetéchangepeutêtrerenégociécommetouslescontrats,critiqué,dénoncé,trahi,etc.c'estcequivasepasserdansLeMariagedeFigaro.L'argentremplacealorslesystèmehiérarchique.Diderot:Jacqueslefatalisteetsonmaître(1765-1784)DansJacqueslefataliste,Did erotproposeaussiunn ouveautypederelationmaîtr e-serviteurpluscordiale,plushumaine,unerelationcomplémentaireoùchacundoitêtreàl'écoutedel'autreetrespe cterl'autr e,puisqu'ilsson tindis pensablesl'unàl'autre.Si

19Larelationmaître-serviteurdanslalittératureJacquesetsonmaîtres'opposentparleurscaractères,leurscomportementsetleursidées,ilsviventlesmêmesexpériences(leshistoiresdesamoursdeJacquescroisentcellesdesamoursdesonmaître )etadopten tlesmêmes attitudes.Alafoisanti thétiqu esetcomplémentaires,ilssontdansunétatdedépendancemutuelletelqueleursrôlessontinterchangeables.IlssontinséparablescommelerappelleJacquesdansl'extraitsuivant,etdansbiend'autrespassagesdel'oeuvre.Extrait:Jacqueslefatalisteetsonmaître,p.169-170"(...)Lemaître:Ehbien!Jacques,tevoilàchezDesglands,prèsdeDenise,etDeniseautoriséeparsamèreàtefaireaumoinsquatrevisitesparjour.Lacoquine!préférerunJacques!Jacques:UnJacques!unJacques,monsieur,estunhommecommeunautre.Lemaître:Jacques,tutetrompes,unJacquesn'estpointunhommecommeunautre.Jacques:C'estquelquefoismieuxqu'unautre.Lemaître:Jacques,vousvousoubliez.Reprenezl'histoiredevosamours,etsouvenez-vousquevousn'êtesetquevousneserezjamaisqu'unJacques.Jacques:Si,danslachaumièreoùnoustrouvâmeslescoquins,Jacquesn'avaitpasvaluunpeumieuxquesonmaître...Lemaître:Jacques,vousêtesuninsolent:vousabusezdemabonté.Sij'aifaitlasottisedevoustirerdevotreplace,jesauraibienvousyremettre.Jacques,prenezvotrebouteilleetvotrecoquemar,etdescendezlà-bas.Jacques:Celavousplaîtàdire,monsieur;jemetrouvebienici,etjenedescendraipaslà-bas.Lemaître:Jetedisquetudescendras.(...)Jacques:Quandonsaitquetousvosordresnesontquedesclousàsoufflet,s'ilsn'ontétératifiésparJacques;aprèsavoirsibienaccolévotrenomaumien,quel'unnevajamaissansl'autre,etquetoutlemondeditJacquesetsonmaître;toutàcoupilvousplairadelesséparer!Non,monsieur,celaneserapas.Ilestécritlà-hautquetantqueJacquesvivra,quetantquesonmaîtrevivra,etmêmeaprèsqu'ilsserontmortstousdeux,ondiraJacquesetsonmaître.Lemaître:Etjedis,Jacques,quevousdescendrez,etquevousdescendrezsur-le-champ,parcequejevousl'ordonne.Jacques:Monsieur,commandez-moitouteautrechose,sivousvoulezquejevousobéisse.(...)».Toutaulongdel'oeuvre,larelationmaître-serviteurapparaîtcommeunerelationcordiale,tantôtaffectiv e(lahiérarchieestleplussouvent effacée), tantôtpédagog ique(relationmaître-élèveréciproque),maisplusrarementconflictuelle.2.3.LarelationconflictuelleAlabasedelarelationconflictuelle,ilyatoujoursunerivalité.L'oppositionmaître-valetesttrèssouventutiliséeauthéâtre,etmêmedansleroman,commesourcedecomique,carellemetenscènel'écartdesconditionssocialescontemporainesàl'auteur.Mais,dèsqueleserviteuracquiertlescaractéristiquesd'unhéros(sonnomestalorsmentionnédansletitredelapièceouduroman:LeMariagedeFigaro,RuyBlas,Jacqueslefatalisteetsonmaître),ilserapp rochedu maître,jusqu'àdevenirsonrival,se confondreaveclu i,êtreso ncomplément,sondoublesocialouaffectif.Ildéfendalorssaproprecauseets'opposeaumaîtreaunomdesonpropreintérêt.Cetterelationconflictuelleentremaîtreetserviteurcacheleplussouventunerivalitéidentitaire.Commenousl'avonspréciséprécédemment,onnote,danslalittérature,àpartirduXVIII°,unevolontédereconnaissancesocialeetunrefusdel'asservissement.Leserviteurcherchesonémancipation.2.3.1.Larivalitéamoureuse

0Larelationmaître-serviteurdanslalittératureLarivalitéamoureuseexisteaussibienducôtédelagentmasculinequedelagentféminine.Beaumarchais:laMariagedeFigaro(1778)DansLeMariag edeFigaro,lare latione ntreFigaroetlecomte Almavivaachangé. LacomplicitéparintérêtmutuelrencontréedansLeBarbierdeSévilleacédélaplaceauconflit.Eneffet,commel'arévéléSuzanneàFigaro(Voir2.1.2.),lecomteveutexercerle"droitduseigneur».Naîtalorsunconflitdeclassequireposesurlasupérioritédumaître,maisaussisurl'abusdepouvoir.Dèslors,Figaros'appliqueàmettresonmaîtredanslasituationdeconfirmerpubliquementl'abolitiondudroitduseigneur»,droitqu'ilavaitlui-mêmeabolidansLeBarbierdeSéville,pourinterdireà,tuteurdelafuturecomtesseAlmaviva,d'enuser.Maisl'obstacledu"droitduseigneur»écarté,lecomtenerenoncepaspourautantàsondésir.Leconflitsocialsedoublealorsd'unconflitamoureux:lemaîtreetlevaletsonrivaux.Lapiècesetransformeenunvéritabledueldontlesarmesessentiellessontlaruseetlaparole.Extrait:LeMariagedeFigaro,ActeIII,Scène5,p.92-97Larivalitéamoureusesedoubleicid'unerivalitédeparole.Lecomtesetrouve,àchaquefois,enpositiond'infériorité,carFigaropossèdelasuprématiedelaparole,armeredoutablecontrelaquellelecomtenepeutpaslutter.Levaletaréponseàtoutet,surtout,ilal'artdudétour.Ilprenddeplusenplusdeliberté.Audacieux,iln'hésitepasàsemoquerducomte.Onassistetoutaulongdelapièceàdesduelsverbauxremplaçantlesduelsphysiques.C'estlecombatentrelaruseoratoiredeFigaroetlepouvoirdel'autoritéducomte,commeentémoignel'extraitsuivant."(...)LeComtesepromène.(...)Jevoudraisbiensavoirquelleaffairepeutarrêtermonsieurquandjelefaisappeler?Figaro,feignantd'assurersonhabillement.:Jem'étaissalisurcescouchesentombant;jemechangeais.LeComte:Faut-iluneheure?Figaro:Ilfautletemps.LeComte:Lesdomestiquesici...sontpluslongsàs'habillerquelesmaîtres!Figaro:C'estqu'ilsn'ontpointdevaletspourlesyaider.(...)LeComte:Quelmotifavaitlacomtesse,pourmejouerunpareiltour?Figaro:Mafoi,Monseigneur,vouslesavezmieuxquemoi.LeComte:Jelaprévienssurtout,etlacombledeprésents.Figaro:Vousluidonnez,maisvousêtesinfidèle.Sait-ongrédusuperflu,àquinousprivedunécessaire?LeComte:...Autrefoistumedisaistout.Figaro:Etmaintenantjenevouscacherien.LeComte:Combienlacomtesset'a-t-elledonnépourcettebelleassociation?Figaro:Combienmedonnâtes-vouspourlatirerdesmainsdudocteur!tenezMonseigneurn'humilionspasl'hommequinoussertbien,crainted'enfaireunmauvaisvalet.LeComte:Pourquoifaut-ilqu'ilyaittoujoursduloucheencequetusais?Figaro:C'estqu'onenvoitpartoutquandoncherchedestorts.LeComte:Uneréputationdétestable!Figaro:Etsijevauxmieuxqu'elle?ya-t-ilbeaucoupdeseigneursquipuissentendireautant?LeComte:Centfoisjet'aivumarcheràlafortune,etjamaisallerdroit.Figaro:Commentvoulez-vous?lafouleestlà:chacunveutcourir,onsepresse,onpousse,oncoudoie,onrenverse,arrivequipeut;leresteestécrasé.Aussic'estfait;pourmoij'yrenonce.(...)LeComte:AinsituespèresgagnertonprocèscontreMarceline?

1Larelationmaître-serviteurdanslalittératureFigaro:Meferiez-vousuncrimederefuserunevieillefille,quandvotreExcellencesepermetdenoussoufflertouteslesjeunes?(...)».Derrièrecetaffrontementverb al,secach eenfaitunaffrontemententrede uxclassessociales.Maissi,danscettejo uteoratoire ,c'estFigaroq uil'emporteenob tenantsavengeance,ilgardelemêmestatutsocial.Alafindelapièce,larelationentrelemaîtreetlevaletcessed'êtreconflictuelle.IlsredeviendrontcomplicesetalliésdansLaMèrecourage.Marivaux:LeJeudel'amouretduhasard(1730)DansLejeud el'amouretd uhasard ,Marivau xafaitfidespréj ugé sdeclass es:les personnagesnoblessecroientéprisd'unserviteur.Eneffet,DoranteetSilvia,deuxjeunespromisl'unàl'autreparleurspères,échangentleursrôlesavecleursserviteurs,danslebutd'ensavoirplus surleurprétendan t,sanssavoirqu 'ilsonteul amêmeidée.Li sette,lasoubrettedeSilviaacceptedeparticiperaustratagèmeetsembletoutedévouéeàlajeunefille.Mais,souscette soumissionapparente,secacheu neoppositionmaître-serviteur.Pleined'espritetayantlesensdelarépartie,Lisetten'hésitepasàdiscuterlesavisdesamaîtresse(ActeII,Scène7).Deplus,l'intrigueetledéguisementluidonneuneautonomiedontellesesertpourrivaliseravecsamaîtressesurleterraindessentiments.Lorsqu'ellecroitsoufflerDoranteàsamaîtresse,apparaîtleschémadelarivalitéentrefemmessurleterraindelacoquetterieetdelaséduction.L'amourdufauxDoranteestpourelleinespéré.Ilreprésenteuntriomphepersonnel,d'autantpluséclatantqu'ellecroitque,danslemêmetemps,samaîtressen'apusefaireaimerqued'unserviteur.Promueparledéguisementetparlasymétriedesintriguesaurangderivaldesamaîtresse,elleprendsarevanchesurSilviaetfaitpreuved'impertinence,commedanslascènesuivante.Extrait:LeJeudel'amouretduhasard,ActeII,Scène7,p.36-38"SILVIA:Jevoustrouveadmirabledenepaslerenvoyertoutd'uncoup,etdemefaireessuyerlesbrutalitésdecetanimal-là.LISETTE:Pardi!madame,jenepuispasjouerdeuxrôlesàlafois;ilfautquejeparaisseoulamaîtresseoulasuivante,quej'obéisseouquej'ordonne.SILVIA:Fortbien!mais,puisqu'iln'yestplus,écoutez-moicommevotremaîtresse:vousvoyezbienquecethomme-lànemeconvientpas.(...)SILVIA:Ilmedéplaît,vousdis-je,etvotrepeudezèleaussi.LISETTE:Donnez-vousletempsdevoircequ'ilest;voilàtoutcequ'onvousdemande.SILVIA:Jelehaisassez,sansprendredutempspourlehaïrdavantage.LISETTE:Sonvalet,quifaitl'important,nevousaurait-ilpointgâtél'espritsursoncompte?SILVIA:Hum!lasotte!Sonvaletabienaffaireici!LISETTE:C'estquejemedéfiedelui,carilestraisonneur.SILVIA:Finissezvosportraits,onn'enaquefaire;j'aisoinquecevaletmeparlepeu,et,danslepeuqu'ilm'adit,ilnem'ajamaisrienditquedetrèssage.LISETTE:Jecroisqu'ilesthommeàvousavoircontédeshistoiresmaladroites,pourfairebrillersonbelesprit.SILVIA:Mondéguisementnem'expose-t-ilpasàm'entendrediredejolieschoses?Àquienavez-vous?D'oùvientlamanied'imputeràcegarçonunerépugnanceàlaquelleiln'apointdepart?carenfinvousm'obligezàlejustifier;iln'estpasquestiondelebrouilleravecsonmaître,nid'enfaireunfourbe,pourmefaire,moi,uneimbécilequiécouteseshistoires.LISETTE:Oh!madame,dèsquevousledéfendezsurceton-là,etquecelavajusqu'àvousfâcher,jen'aiplusrienàdire.SILVIA:Dèsquejeledéfendssurceton-là?Qu'est-cequec'estqueletondontvousditescelavous-même?qu'entendez-vousparcediscours?quesepasse-tildansvotreesprit?

Larelationmaître-serviteurdanslalittératureLISETTE:Jedis,madame,quejenevousaijamaisvuecommevousêtes,etquejeneconçoisrienàvotreaigreur.Ehbien,sicevaletn'ariendit,àlabonneheure;ilnefautpasvousemporterpourlejustifier;jevouscrois,voilàquiestfini;jenem'opposepasàlabonneopinionquevousenavez,moi.SILVIA:Voyez-vouslemauvaisesprit!commeelletourneleschoses.Jemesensdansuneindignation...qui...vajusqu'auxlarmes.LISETTE:Enquoidonc,madame?quellefinesseentendez-vousàcequejedis?SILVIA:Moi,j'yentendsfinesse?moi,jevousquerellepourlui?j'aibonneopiniondelui?vousmemanquezderespectjusque-là?Bonneopinion,justeciel!bonneopinion!Quefaut-ilquejerépondeàcela?qu'est-cequecelaveutdire?àquiparlez-vous?quiestàl'abridecequim'arrive?oùensommesnous?LISETTE:Jen'ensaisrien;maisjenereviendraidelongtempsdelasurpriseoùvousmejetez.SILVIA:Elleadesfaçonsdeparlerquimemettenthorsdemoi.Retirez-vous,vousm'êtesinsupportable;laissez-moi,jeprendraid'autresmesures.»Ainsi,lacomplicité,quiexisteentreLisetteetSylviaaudébutdelapièce,est-elleenfaitunemarquedesujétion.Danslejeu,elleprendunaspecttrèsdifférent.2.3.2.LarivalitédeparoleDansl'extraitp récédent,larivalitéde paroleétaitl'adjuvantnécessaired elar ivalitéamoureuse.Mais,larivalitédepar oleseulees ttrèsf réquentedanslarelation maître-serviteur.C'esttrèssouventlecaschezMolière,notammentdansLeTartuffeetLeMaladeimaginaire,oùilmetenscènedesservantes,pleinesdebonssens,quitententdecorrigeretderameneràlaraison,parlaparole,lemaîtredemaisonquis'estengagédansuneentrepriseridiculeetquiadopte uneattituderévoltanteougrotesque.Sicelles-cis'opposentaumaître,c'estfinalementparfidélité,parcequ'ellesveulentaiderlafilledelamaisonquel'onveutmariercontresongré,ainsiquepourlebiendumaîtreoudelafamille.Molièreutiliselamécaniqueconflictuellepourétablirlecomiqueetfaireavancerl'action.Molière:LeTartuffeoul'Imposteur(1667)DansLeTartuffe,Orgon,lemaîtredemaison,veutmariersafilleMariannecontresongréàTartuffe,dévothypocrite.C'estàDorine,laservanted'OrgonqueMolièreréserveuneplacedechoixdansladistributiondelaparole.Dansl'extraitproposé,c'estellequidirigelaconversation:elleessaiederaisonnersonmaîtreet,àl'aidedesonaudaceetdesaruse,ellearriveàledéstabiliser.Pourcefaire,elleentretientsonirritationtoutenleménageant.Mais,ellen'hésitepasàdémentirouvertementsonproprepropos,àluicouperlaparole,àlecontrediredirectement,voireàdéfiersonautoritédepèreouàlequalifierde"fou».Extrait:LeTartuffeoul'Imposteur,Scène2,ActeII,p.25-27"(...)ORGON:Cessezdem'interrompre,etsongezàvoustaire,/Sansmettrevotrenezoùvousn'avezquefaire.DORINE:Jen'enparle,Monsieur,quepourvotreintérêt.(Ellel'interrompttoujoursaumomentqu'ilseretournepourparleràsafille.)ORGON:C'estprendretropdesoin;taisez-vous,s'ilvousplaît.DORINE:Sil'onnevousaimait...ORGON:Jeneveuxpasqu'onm'aime.DORINE:Etjeveuxvousaimer,Monsieur,malgrévous-même.ORGON:Ah!DORINE:Votrehonneurm'estcher,etjenepuissouffrir/Qu'auxbrocardsd'unchacunvousalliezvousoffrir

Larelationmaître-serviteurdanslalittératureORGON:Vousnevoustairezpoint?DORINE:C'estuneconscience/Quedevouslaisserfaireunetellealliance.ORGON:Tetairas-tu,serpent,dontlestraitseffrontés...?DORINE:Ah!vousêtesdévot,etvousvousemportez!ORGON:Oui,mabiles'échauffeàtoutescesfadaises,/Ettoutrésolumentjeveuxquetutetaises.DORINE:Soit.Mais,nedisantmot,jen'enpensepasmoins.ORGON:Pensesituleveux;maisappliquetessoins(Àsafille.)Ànem'enpointparler,ou...Suffit.Commesage,/J'aipesémûrementtouteschoses.DORINE,àpart.:J'enrage/Denepouvoirparler...ORGON,àDorine.:Donc,decequejedisonneferanulcas?DORINE:Dequoivousplaignez-vous?Jenevousparlepas.ORGON:Qu'est-cequetufaisdonc?DORINE:Jemeparleàmoi-même.(...)ORGON(ÀDorine.):Queneteparles-tu?DORINE:Jen'airienàmedire.ORGON:Encoreunpetitmot.DORINE:Ilnemeplaîtpas,moi.ORGON:Certes,jet'yguettais.DORINE:Quelquesotte,mafoi!ORGON:Enfin,mafille,ilfautpayerd'obéissance,/Etmontrerpourmonchoixentièredéférence.DORINE,ens'enfuyant.Jememoqueraisfortdeprendreuntelépoux.ORGON,aprèsavoirmanquédedonnerunsouffletàDorine.Vousavezlà,mafille,unepesteavecvous,Avecquisanspéchéjenesauraisplusvivre.Jemesenshorsd'étatmaintenantdepoursuivre:Sesdiscoursinsolentsm'ontmisl'espritenfeu.»Dorinedépasseicileslimitesdesonrôlesocial.Mais,siMolièreladoted'uneintelligencebruyante,quientraîneraitso nrenv oiimmédiatdansuncon textesocialréel,c'es tpourdéclencherlerire.Enfait,Dorineagiticicommeunrévélateurpourlespectateur.Sielledéfendsajeunemaîtresseetsemoquedesonpère,ellen'essaienullementderevendiquerquelquechosepourelle-même.Ellen'aspirepasàchangersaproprecondition.Molière:LeMaladeimaginaire(1673)DansLeMaladeimaginaire,MolièremetenscèneArgan,unhommeparfaitementbienportant,maisquisecroitmalade.Celui-ciestlaproiefacilededeuxmédecins:M.DiafoirusetM.Purgon.Deplus,pours'assurerdessecourscontrelamaladie,ildécidedemariersafilleAngélique,contresongré,àM.ThomasDiafoirus,lefilsdesonmédecin.C'estalorsquesaservanteToinetteval'affronterpours'opposeràcemariageridiculeetsedressercontretousceuxqui,del'extérieuroudel'intérieur,menacentdedétruirelapaixetl'équilibrefamilial.Extrait:LeMaladeimaginaire,Scène5,ActeI,p.16-20Dansl'extraitproposé,Argan,enprésencedeToinette,vientd'annonceràsafillequ'ill'apromiseenmariageàM.ThomasDiaforius.Aulieud'Angélique,c'estToinettequis'opposeàAr gan.Elleluidonn edesconseils ,luidévoil esesopinionset raisonne;elle faitunevéritablescèneàArganpourlerameneràlaraison.Soninsolenceprovoquelacolèredumaîtreetelleyprendunmalinplaisir.EnaffrontantArganpourlimitersatyrannieetsadéraison,Toinettejouelerôled'uneforcerééquilibrante.

5Larelationmaître-serviteurdanslalittératureDansRuyBlas,lehérosestlevaletdeDonSalluste,grandd'Espagneethommedepouvoir,quivientd'êtredisgraciéparlajeunereine,MariadeNeubourg.C'estunmarginal:nédanslepeuple,ilpossèdedegrandesqualitéspourréussir.Ilestdéchiréentrel'idéequ'ilsefaitdelui-mêmeetlerôlequelasociétéluiréserve.Hérosromantiquedanstoussesaspects,ilestsouventsoumisàsonémotivitéetàsasensibilité.L'amourqu'iléprouvepourlareinereflètesonconflitin terne.Quantà DonSalluste,ilméditedansl'omb reuneterri blevengeancecontrelareine.AprèsavoirsurprislesconfidencesamoureusesdeRuyBlasàsonamiZafari,aliasDonCésardeBazan,ilsedébarrassedecedernieretmonteavecapplicationtouteunemachination:ilveutdonner,toutenletenantàsamerci,sonvaletcommeamantàlareine,enlefaisantpasserpourDonCésar,auquelilressemblequelquepeu.Extrait:RuyBlas,Scène4,ActeI,p.23-27Danscettescène,DonSallustesedécouvresousunautrejour.L'hommeblessécèdelarépliqueàunêtremachiavéliqueetdémoniaquequis'assurelacomplicitéinvolontairedeRuyBlas, aveugléparsesp roprespassions.Ilapp araîtcomme unvéritable maîtreconspirateurquidéploieunefauss ebienveillan ceenversRuyBlaspourfome ntersoncomplotvengeur.Ruséetsuspicieux,ilcommenceparprocéderàquelquesvérifications,afindes'assurerqueriennerisquedecompromettresaruse.Lesvérificationsterminées,ilprocèdealorsàlamiseenscènedesonplanvengeur.Ildistribuelesrôlesetrégitlescostumes.IlfaitdeRuyBlassonsecrétaire.Parlesbilletsqu'ilvaécrireetsignerdesamain,celui-civavouer,commeFaust,savieaucultedudiable.Ilselaissemanipuleretnedevinepaslamachinationdiaboliquedesonmaître,faussementprévenantetexpertdansl'artdudoublediscoursetdujeuderôle.Sondésird'ascensionsocialedevientlejougquil'asservit."(...)DONSALLUSTE,désignantdudoigtlaporteparoùestsortiDonCésar.C'estfortbien.AllezcloreCetteporte.Quittezcethabit.RuyBlasdépouillesonsurtoutdelivréeetlejettesurunfauteuil.VousavezUnebelleécriture,ilmesemble.Écrivez.IlfaitsigneàRuyBlasdes'asseoiràlatableoùsontlesplumesetlesécritoires.RuyBlasobéit.Vousm'allquotesdbs_dbs46.pdfusesText_46

[PDF] Les registres qui sous-tendent la narration

[PDF] Les réglages d'oscilloscope

[PDF] Les règles

[PDF] les règles d'accord en français

[PDF] les règles de classe

[PDF] les règles de l'amour courtois au moyen age

[PDF] les règles de la classe ce1

[PDF] les régles de la langue française pdf

[PDF] Les règles de la tragédie classique

[PDF] les règles de politesse cycle 2

[PDF] les règles de vie ? l école

[PDF] les règles de vie de la classe

[PDF] les règles de vie de la classe ce2

[PDF] les règles des marchés

[PDF] les règles du débat en classe